dimanche 25 décembre 2011

Politique économique : les aberrations des années 1990 (archive)


Article publié dans Agora en octobre 1996. J’en profite pour vous signaler à nouveau ce texte « Pour un démontage concerté de l’euro », publié dans le Monde daté du 24 décembre et que je co-signe avec Gérard Lafay, Jacques Sapir, Jean-Luc Gréau, Alain Cotta, Jean-Pierre Gérard, Claude Rochet ou Philippe Murer.

La gauche, qui en assume la responsabilité jusqu’en 1993 ne semble plus trouver d’arguments justifiant la politique qu’elle avait suivie. A droite, les plus libéraux ont tourné casaque et la critiquent violemment. Quand aux gaullistes, ils y ont toujours été opposés. Récit d’un gâchis économique.

En 1990, la conjugaison de deux phénomènes économiques a entraîné la récession dont nous ne sommes pas encore sortis. Aux Etats-Unis, les taux d’intérêts avaient beaucoup augmenté pour contenir une inflation croissante (que la hausse des prix du pétrole suite à la guerre du Golfe pouvait empirer). Les ménages américains, surendettés, mettent un frein à leur consommation et cherchent à se désendetter. Cette baisse de la consommation provoque une forte récession aux Etats-Unis.

Dans le même temps, l’Allemagne réunifiée du chancelier Kohl décide d’appliquer la parité entre les marks Est et Ouest. Ceci provoque un fort (mais court) boom économique, mais qui, comportant des pressions inflationnistes importantes (alimentées par les transferts colossaux Ouest / Est), pousse la Buba à monter ses taux.

La France fait alors le choix, politique, de monter très fortement ses taux pour tenir coûte que coûte la parité fran-mark à court terme. Mais, si l’Allemagne, comme les Etats-Unis, en avaient besoin pour contenir leurs inflations, le choix de nos dirigeants n’avait aucune raison économique valable. Le ralentissement de l’activité, la faiblesse de notre inflation et le niveau de notre chômage plaidaient pour un mouvement inverse. Nos dirigeants ont choisi la parité franc-mark contre la croissance, les investissements et l’emploi. Plus problématique, nous ne sommes pas encore sortis de cette récession, voulue et provoquée par nos gouvernants.

On a voulu justifier ce choix au nom de la solidarité franco-allemande. Mais, a-t-on simplement agi selon les intérêts de notre voisin. J’en doute. Premièrement, une appréciation momentanée du mark face au franc (en cas de politique monétaire à l’américaine) aurait mis un frein plus rapide à l’inflation allemande, permettant un assouplissement de la politique monétaire de la Buba. Deuxièmement, faire faire à notre pays de la récession ne pouvait en aucun cas aider l’économie allemande, dont nous sommes le premier client. Quand à l’idée européenne, les citoyens risque d’en retirer que sa construction est synonyme de récession…

Si, dès 1991, voire 1992, une politique de taux réels zéro avait été appliquée, la situation sociale de la France aurait été autrement meilleure. Nos déficits auraient pu être contenus, voir réduits grâce à la croissance. L’exemple américain montre la grande efficacité d’une politique monétaire vigoureuse (avec un déficit budgétaire réduit de plus de 60%).

Bien sûr, le franc aurait commencé par se déprécier, mais la divergence économique entre une France en croissance et une Allemagne en récession n’aurait pu manquer de faire remonter le cours de notre devis. Mais il ne sert à rien de pleurer les opportunités perdues, mieux vaut essayer d’en tirer des leçons pour l’avenir.

10 commentaires:

  1. Je me réfère à l'article du Monde

    On a du mal avec cette "abrogation" de la loi Giscard de 1973, qui a été abrogée depuis fort longtemps et remplacée par l'article 104 de Maastricht.. et retranscrite en droit national dans le code monétaire et bancaire
    Mais bon article dans l'ensemble, bien que je préférerais une solution de parités fixes immédiates mais révisable au sein d'un euro commun et non tel que présenté en // 5) Les taux de change nominaux des monnaies nationales resteront fixés, durant cette même période, selon les parités décidées d'un commun accord. Ensuite, ils feront l'objet d'un flottement concerté sur le marché, à l'intérieur d'une marge de fluctuation de + 10 %. Un nouveau système monétaire européen pourrait alors être étudié afin de stabiliser les taux de change réels.// car comment laisser flotter si ce n'est en laissant la libre circulation des monnaies nationales avec tous les risques d'attaques spéculatives?

    Bon bout d'an
    A-J

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  2. Concernant l'article du Monde : Je n'ai rien à redire sur le fond mais je me demande à qui s'adressent ces recommandations techniques. A ces gouvernements qui n''en veulent à aucun prix ?
    Pour mettre tout ceci en perspective, je n'imagine pas que ces gouvernements incapables de gérer la moindre bourrasque monétaire, empêtrés dans leurs traités inapplicables, leur banque centrale indépendante, formatés dans une pensée économique déconnectée de tout réalisme, manipulés par des intérêts de classe inavouables - ces gouvernements enfin réussissent à défaire leur créature dans l'ordre et la sérénité, en se mettant d'accord sur des parités monétaires, des mécanismes de change et une re-réglementation bancaire....
    Bref je ne comprends que ce texte puisse avoir une vertu pédagogique (?) mais s'il s'agit d'une feuille de route vous nagez dans un rêve de Noël...

    J'avais lu avec la même réserve votre fiction sur la victoire de Charles Delacroix... là aussi vous aviez omis les centaines de milliers de manifestants des beaux quartiers contre le retour au nationalisme, les paniques financières provoquées pour étouffer dans l’œuf l'expérience, le blocage de nos "chers partenaires" - bref le chaos prévisible dans ce qui tiendra nécessairement plus d'une révolution que d'un transfert de pouvoir somme toute tranquille...

    Joyeux Noël à tous quand même !

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  3. Je viens de lire les commentaires sur le site du Monde à propos de l'article « Pour un démontage concerté de l’euro » que vous avez co-signé. Consternant ! Vu les réactions minables, nous ne sommes pas prêt de faire évoluer les mentalités sur ce sujet ! Le bourrage de crâne néo-libéral a bien fait effet...

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  4. Moi aussi j'ai été consterné par le nombre de ces reactions sur le Monde.fr malgré toutes les évidences que l'actualité nous met chaque jour sous le nez. C'est inquietant.
    Comment faire pour être enfin pris au serieux ? Combien de fermetures d'usines, combien d'augmentation de la misère faudra il pour qu'ils comprennent ?

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  5. Il faut faire attention aux commentaires d'article de journaux ; contrairement aux blogs ou les commentateurs essaient d'interagir ; ceux ci sont plutôt le fait d'opposants a l'article celui qui est d'accord a moins tendance a prendre la plume virtuelle

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  6. Mais relativisons quand nous lisons les réflexions nous nous apercevons que c'est toujours la même bande des prix nobels d'economie du cafe du commerce au nez rouge (PNECCNR)

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  7. @ Patrice,

    Très juste. En général, les opposants à un papier ont plus souvent tendance à s'exprimer que ceux qui sont d'accord.

    @ TeoNeo

    Cela ne me pose pas de problème : le lectorat du Monde restera sans doute celui qui sera le plus rétif à cette évolution. Mais ce journal reste la référence pour publier de tels papiers, donc il est très positif qu'ils aient accepté de le passer.

    @ J Halpern

    Bien sûr, je ne crois pas que le PS ou l'UMP arriveraient à gérer une telle situation, mais il est important de montrer que des ces idées sont portées par des gens sérieux et qu'une feuille de route existe. Il faudrait d'autres dirigeants au pouvoir mais l'incapacité de nos dirigeants à gérer la crise de la zone euro provoquera in fine un renversement politique.

    Pour le roman de la fin de l'euro, j'ai bien précisé dans le titre qu'il s'agissait d'un roman...

    Pas sûr sur la mobilisation des opposants à un retour au franc. Ce ne sont pas les gens qui manifestent le plus et je crois qu'au moment où cela se décidera, le pourrissement sera tel qu'une majorité se dégagera pour en sortir.

    La sortie de la monnaie unique sera politique, forcément.

    @ A-J

    Je pense qu'il n'est pas inutile de faire remonter à 1973 la fin de notre indépendance monétaire. Ce n'est pas l'Europe qui nous l'a imposé, c'est la France qui y a renoncée.

    A titre personnel, je partage tes commentaires sur les parités monétaires.

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  8. "je crois qu'au moment où cela se décidera, le pourrissement sera tel qu'une majorité se dégagera pour en sortir"
    Vous avez tout à fait raison sur ce point, ce n'est que faute d'un principe politique fédérateur que cette majorité nous fait encore défaut aujourd'hui. Mais je maintiens le fond de mon commentaire : en face de nous, nous n'avons pas seulement des politiciens dogmatiques mais des intérêts puissants avec de vastes réseaux d'influence. Ces gens conserveront des moyens immenses de déstabilisation contre un gouvernement libre. Mieux vaut anticiper le problème...

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  9. @ J Halpern

    Votre point est juste. Je suis peut-être trop optimiste, mais je crois que comme en 1958, quand le régime actuel sera balayé, il sera groggy. En outre, il ne faut pas oublier qu'une partie des élites est parfaitement capable de retourner sa veste quand la majorité changera. Enfin, il faut relativiser son influence comme l'a bien montré 2005.

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    1. Bonjour Laurent,
      Je suis étonné que pratiquement toutes les pages qui avaient repris l'article "Pour un démontage concerté de l’euro" ne contiennent plus rien ou n'existe plus ...

      Sur le site pour un libre-échange, le nom de Jacques Sapir a été retiré et la page du Monde a disparu ...

      Y aurait-il eu un nettoyage ? des pressions ? des discordances entre les 12 signataires dont vous faisiez partie ?

      Merci pour les éventuelles précisions.

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