mardi 27 décembre 2011

Quel système monétaire pour demain ?

La présidence française du G20 devait être l’occasion de réfléchir à l’organisation du système monétaire international. Comme presque toujours avec Nicolas Sarkozy, les annonces n’ont pas été suivies des faits. Il s’agit pourtant d’une question totalement essentielle.

Petit rappel historique

Dans « la théorie de la banque libre », George Séglin affirme que « Carl Menger a montré que la monnaie, loin d’avoir été inventée ou instituée par une loi, est apparue comme le résultat spontané… d’efforts individuels et particuliers des différents membres de la société ». Ce sera le seul point d’accord avec ce théoricien de l’anarchie monétaire. Car, comme l’avait montré A-J Holbecq dans son livre, le système monétaire doit beaucoup au hasard et aux circonstances.

Aux Etats-Unis, ce sont les banques privées qui ont fini par constituer la Fed, pour faire face aux crises récurrentes que provoquait un système sans prêteur de dernier ressort. En Allemagne, l’indépendance de la Bundesbank a été institutionnalisée suite à des épisodes d’hyperinflation. Comme l’explique Jacques Sapir, le système de Bretton Woods est la conséquence de la domination économique des Etats-Unis tout comme la fin de l’étalon-or, qui ne leur était plus profitable.

Un débat paradoxalement sous terrain

Il est assez étonnant que le débat économique ne se développe pas davantage sur les questions monétaires, même si ces questions sont complexes. En effet, le système monétaire actuel pose d’immenses problèmes. La position privilégiée du dollar permet aux Etats-Unis d’avoir à la fois un fort déficit extérieur et un fort déficit budgétaire sans même réellement se soucier de leur note. La perte de leur AAA cet été n’a provoqué aucune tension sur leurs taux.

Bien sûr, beaucoup annoncent la fin de ce privilège. Mais cela se dit depuis plus de vingt ans... La Chine a un intérêt à financer les déficits extérieurs étasuniens pour qu’ils continuent à importer leur production. Plus globalement, la création monétaire débridée des institutions financières privées dans les années 2000 a mené le monde à une crise financière gravissime dont nous ne sommes pas encore sortis. Bref, il est urgent de réfléchir à la construction d’un nouveau système monétaire.

Des alternatives existent

La crise financière a provoqué une intense réflexion de nombreux économistes, davantage centrée sur les questions financières. Cela permet aujourd’hui d’avoir de nombreuses idées pour réformer la finance. Mais les questions monétaires sont moins souvent traitées. Frédéric Lordon a fait des propositions avec son « système socialisé du crédit ». André-Jacques Holbecq contribue largement à la réflexion sur le sujet avec ses analyses sur la privatisation de la création monétaire.

Sur son blog, vous trouverez également la présentation du « 100% monnaie », une idée promue par Maurice Allais et développée par Christian Gomez. Mais il n’est pas inintéressant de confronter ces propositions aux idées des libéraux les plus radicaux, avec la théorie de la banque libre, où les banques privées proposeraient des monnaies concurrentes, sans banque centrale. Elle a été développée par Pascal Salin et George Séglin dans « La théorie de la banque libre ».

La réforme du système monétaire international doit bien être une priorité des années à venir. Après avoir raté une première occasion il y a trois ans, la prochaine forte aggravation de la crise sera une nouvelle occasion pour y parvenir, à condition d’être prêt.


Ce papier sera complété par quatre autres papiers, deux sur la banque libre, mercredi et jeudi, puis deux autres sur le 100% monnaie.

13 commentaires:

  1. Bonjour Laurent,

    En fait l'indépendance de la Buba est le "produit non intentionnel" des circonstances historiques.
    Fin 1945 deux modèles de Banque Centrale s'affrontent, le britannique (interventionniste...) et l'américain (plus fédéraliste). Le projet américain va s'affirmer en 46 et 47 dans l'institution qui sera après 1950 la Bundesbank. Or cette institution est antérieure à la création d'un gouvernement allemand. Elle ne répond, de fait, qu'aux autorités d'occupation, qui exercent sur elles une tutelle très légère. Quand la RFA est crée en 1949 cette "banque des lander" est de fait "indépendante".
    C'est à partir de cet épisode que se construit toute la théorie de l'indépendance de la Buba.

    Amitiés

    jacques Sapir

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  2. Laurent

    Il me semble que vouloir d'entrée de jeu réformer le système monétaire "international" est bien ambitieux et sera très difficile sinon impossible à réaliser. Ne pourrait-on pas plus modestement commencer par réformer le notre, localement ?
    Si l'on décide de réfléchir au 100 % money, cela peut très bien se faire à l'échelle d'un pays comme la France. Nos amis Anglais ont montré l'exemple puisqu'un parlementaire a déposé un projet de loi dans ce sens :
    http://revolution-monetaire.blogspot.com/2011/10/la-reforme-100-proposee-au-parlement.html

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  3. Bonjour à tous

    Je ne vais pas refaire ici l'apologie du "100% monnaie" mais je voudrais juste rappeler deux conséquences primordiales (intéressantes dans l'état actuel de nos finances publiques et de la dette publique).

    L'important de cette réforme serait l’attribution annuelle à l’État (sous forme de recettes), c’est-à-dire à la collectivité, de 70 à 80 milliards de gains provenant de la création monétaire:

    1) au travers de l’affectation de la création monétaire aux ressources de l’État, comme une recette budgétaire qui peut être estimé à 40 milliards d’euros par an (environ 80% de l’IRPP)

    2) au travers de la neutralisation instantanée ("gel") de 1000 à 1200 milliard d’euros de la dette publique française équivalent de la quantité de ce que les agents non bancaires voudront considérer comme véritable monnaie, permettant d’éviter une dépense annuelle d’intérêts - ou une augmentation de la dette pour y faire face - de 30 à 40 milliards d’euros par an.
    Précision cependant: cette neutralisation est "one shot" ; elle ne fonctionne qu'une fois.

    Il faut bien intégrer que la quantité de monnaie ne varie pas au moment du passage du système actuel à réserves fractionnaires à celui du système à réserves pleines (100% monnaie). Pour les années suivantes Allais proposait une injection régulière de 4 à 5% de la masse monétaire de l'année précédente, d'une manière systématique, sans tenir compte des variations de la croissance de l'activité afin de ne pas risquer d'amplifier les variations économiques.

    Dans le « 100% monnaie» l’État récupèrerait les gains de la création monétaire mais pas le contrôle. Celui-ci serait confié à la Banque Centrale agissant sous un mandat impératif protégé par la Constitution, mais plusieurs types de décision et de contrôle citoyen sont envisageables, en commençant par le parlementaire. Il y a certainement une réflexion importante à effectuer concernant l'utilisation (investissements de transition énergétiques ?) et le contrôle annuel de cette manne.

    L'exemple vaut pour la France mais il est extrapolable à tous pays...

    AJH

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  4. Bonjour Jacques

    Merci pour ces précisions que j'ignorais.

    @ RST

    Merci pour l'information, que j'ignorais également. Tu anticipes sur ce que je dis dans mon 5ème papier (100% monnaie, cadre national)... Mais ma conclusion est totalement alignée avec ce que tu écris.

    @ A-J H

    Je développe plus largement le 100% monnaie dans deux papiers qui seront publiés vendredi et samedi.

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  5. Les seuls systèmes monétaires respectueux des trois libertés économiques sont les systèmes monétaires à Dividende Universel.

    http://www.creationmonetaire.info/2011/03/collection-de-perles-certifiees.html

    A partir de là penser la monnaie sans penser comment l'homme y prend part, en ne pensant qu'à des entités conceptuelles qui ne sont pas l'homme lui même, c'est être parfaitement hors sujet.

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  6. Cette question du revenu universel est effectivement très intéressante elle ne se qualifie pas de droite ou de gauche et reviens périodiquement ; peu être est elle trop simple .
    Tout comme la Conférence de Citoyens excellent outil démocratique qui a disparut dans les limbes

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  7. Autant dans l'état actuel je suis plutôt opposé au RU (dont une bonne partie augmenterait sans doute la balance des transactions courantes), autant je pense que NDA pourrait reprendre la proposition de DDV d'un "Revenu Minimum de Dignité".

    @ Stéphane Laborde: entre la solution où chaque citoyen émet la monnaie à son bon vouloir et celle où la collectivité émets chaque année (dans le cadre du 100% monnaie) une quantité régulée, mais au bénéfice de la collectivité, mon choix est vite fait.
    Qui plus est, ce n'est pas la monnaie qui est importante, mais le produit du travail (c'est à dire les "richesses réelles" que la monnaie - "richesse symbolique" - permettra à chacun de disposer: on ne peut distribuer ce qui n'est pas produit)
    Mais nous sommes au moins d'accord sur le fait qu'il faut retirer à la caste des banquiers les bénéfices de la création monétaire: 1000 Md€ de M1 à 5%, c'est un transfert injustifié de 50 Md€ par an à leur bénéfice.

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  8. oui cette question n'est pas très claire si nous lisons Bruno Lemaire
    http://www.contre-feux.com/economie/le-revenu-minimum-de-dignite.php
    pour DDV cela s’appliquerait au citoyens sans revenu ?
    J'aimerai également avoir des avis sur la Conférence de Citoyens ou Conférence de consensus Danoises ; NDA voulant beaucoup utiliser le referendum ces conférences étant un outil démocratique plus léger
    http://www.debatpublic.fr/notions_generales/autres_experiences.html

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  9. @ Stéphane,

    Est-ce que vous auriez un lien vers un article qui présente votre théorie ? Ce n'était pas présent dans celui que vous indiquez. Je ne comprends pas du tout votre commentaire.

    @ Patrice

    J'avoue ne pas avoir d'avis définitif sur la question. Le problème du RU aujourd'hui, c'est qu'il y a 5 millions de chômeurs, soit 15% de la population active. Je ne suis pas persuadé que cela soit tenable dans un tel contexte. Après, il faut voir la différence avec le RSA également. Vous auriez des papiers intéressants sur le sujet.

    Je vais lire votre lien vers ces conférences, même si a priori, je pense que le référendum est le meilleur outil démocratique.

    @ A-J

    Demain, j'attaque le "100% monnaie". A priori, je suis d'accord avec toi, cela me semble bizarre que chaque individu puisse créer de la monnaie. Je pense qu'il doit y avoir une centralisation.

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  10. il y a ces deux sites particulièrement intéressant sur le sujet du RU :http://www.revenudexistence.org/index.htm
    et celui ci qui a un outil de simulation appelé MAUF
    http://www.allocationuniverselle.com/index.htm

    mais tout cela s'inscrit dans des choix de société pour l'avenir c'est a dire promotion du mutualisme et des coopératives ; démarche de qualité (promotion de la qualitatif face au quantitatif ) de la production locale etc . Tout cela mis ensemble est être un peu utopiste mais ce que nous savons c'est que le monde actuel est malade alors pourquoi ne pas essayer autre chose

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  11. Je souhaiterai juste réagir rapidement au commentaire d'AJ Holbecq.

    A mon avis, vous vous trompez complètement quant aux deux points que vous citez. Si vous retirez 80 milliards d'euros de résultat aux banques, il y a fort à parier que le système s'effondrerait, à moins que les banques ne répercutent cela sur les clients. D'où sort votre quarante milliards d'ailleurs (Je croyais que c'était 80)?

    Sur le 2, je fais appel au bon sens. Des tours de passe-passe comptable, ça existe et ça peut parfois se révéler efficace. Maintenant, prétendre être capable d'effacer d'un coup de baguette magique 1.200 milliards d'euros, ce n'est pas sérieux et il n'y a pas besoin de se plonger dans l'argumentation des défenseurs, aussi talentueux soient-ils, de cette thèse à l'évidence absurde.

    Permettez-moi de signaler que Christian Gomez ou AJ Holbecq, s'ils se réclamment de Maurice Allais, ne sont pas forcément légitimes à le faire comme l'a fait remarquer Jean Peyrelevade sur son blog

    Bonne fête à tous,

    Tythan

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  12. @ Tythan

    Il y a l'explication des 40 et 80 milliards dans les commentaires d'AJ H.

    Concernant l'impact sur les clients, c'est pourquoi j'en parle dans mon introduction et j'en reparlerai demain dans mon second papier.

    Je t'invite à lire les papiers avant de juger. Je crois que de nombreuses déclarations de Maurice Allais indiquent que Christian Gomez est dans sa droite lignée. Jean Peyrelevade ne me semble pas la bonne personne pour interpréter sa pensée : c'est un peu comme quand des membres du PS prétendent interpréter la pensée du Général de Gaulle.

    Laurent

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  13. Complément inséré le 4 mai 2011 à l'article http://postjorion.wordpress.com/2010/02/22/67-christian-gomez-100-money/

    PRÉCISIONS DE CHRISTIAN GOMEZ

    Sur la substitution dette publique/dette privée

    1) Lors de la mise en place de la réforme, les banques ont bien besoin de se procurer de la monnaie de base pour satisfaire à leurs nouvelles obligations de réserves (100%). Donc la Banque Centrale prête aux banques cette somme qui est donc égale aux nouvelles réserves obligatoires des banques ( prêt = monnaie de base requise = M )

    2) Quand les banques vont rembourser ce prêt à la Banque Centrale, il va y avoir nécessairement une destruction de monnaie de base et donc, si rien est fait, une destruction de monnaie (c’est ce qu’il faut éviter), puisque dans le nouveau système M (masse monétaire) = monnaie de base

    3) Pour recréer cette monnaie de base détruite par le remboursement du prêt aux banques, afin d’éviter une baisse de la masse monétaire qui ne pourrait avoir que des effets défavorables, la Banque Centrale doit donc regonfler son bilan en prêtant à nouveau ou en achetant des actifs sur le marché , ces actifs pouvant être la dette publique existante: donc en faisant cela, pour maintenir la monnaie de base à son niveau initial, la BC va donc substituer au prêt fait aux banques un prêt fait à la puissance publique (en devenant le créancier de l’État, suite au rachat de la DETTE EXISTANTE).

    CELA NE MARCHE QU’UNE FOIS…

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