mardi 10 avril 2012

Morad El Hattab anticipe la prochaine crise


Dans « La vérité sur la crise », Morad El Hattab nous avait offert une somme résumant les aspects de la crise, parlant des excès de la finance, revenant sur l’histoire des crises, et décrivant l’impasse de l’Europe. Dans « Kriz », il revient sur les développements des deux dernières années.

Une crise dont nous ne sommes pas sortis

Si nous sommes sortis du gros de la première phase de la crise, fin 2008, début 2009, Morad El Hattab et Philippe Jumel expliquent bien que nous sommes sur une phase intermédiaire, qui nous mènera inexorablement à une nouvelle phase. Ils citent l’ancien PDG de Citigroup pour qui « si vous restez assis devant une bulle que vous voyez trop risquée, vos clients sont furieux du manque à gagner et s’en vont », une autre version des esprits animaux de Keynes.

Ils démontent l’argument selon lequel nos traverserions une crise des dettes souveraines. Si cela vaut pour la Grèce, ils soulignent la responsabilité des marchés qui lui prêtaient de manière laxiste. Ils rappellent que cela n’est pas le cas pour l’Espagne à l’origine et que l’Italie avait déjà l’excédent primaire le plus élevé d’Europe et que ses ménages sont « des fourmis peu endettées ». Pour eux, « cette crise provient des grandes déréglementations des années 1980 ».

Ils expliquent très clairement le rôle des ratios prudentiels et des agences de notation, soulignant que les 8% théoriques de fonds propres variaient en réalité entre 1,6 et 12% en fonction de la note de l’actif concerné. Avant la crise, un actif grec ne nécessitait ainsi que 1,6% de fond propre selon les normes bancaires internationales… Ils évoquent l’étude de la Banque d’Angleterre de David Miles, pour qui il faudrait passer entre16 et 20%, soit les chiffres d’il y a un siècle !

Ils soulignent justement le rôle des innovations financières dans la crise, et notamment les CDS, dont ils dénoncent le caractère auto réalisateur, le tout dans un système ayant consacré l’aléa moral de la finance, qui dispose d’une garantie implicite des Etats. Pour eux, les bulles sont consubstantielles à la libéralisation de l’économie, comme l’a démontré Clément Juglar. Et malheureusement, tous les ingrédients de la prochaine crise sont déjà réunis.

Les auteurs voient plusieurs solutions pour la sortie de la crise : le retour aux monnaies nationales, la séparation des banques entre dépôt / crédit et affaires, le strict contrôle du shadow banking et de l’effet de levier, l’interdiction des LBO (qui permettent aux fonds de faire financer par l’entreprise qu’ils rachètent le coût du rachat), l’interdiction des CDS et le contrôle très strict des dérivés. Ils en appellent à un « protectionnisme financier » pour se protéger.

L’Europe dans une impasse

Les auteurs ont le courage de défendre des idées minoritaires. Pour eux, « il est tout à fait compréhensible que les Allemands exigent les verrous institutionnels ». Ils affirment également que les investisseurs « ont pour mandat de fuir les risques, tous les risques, c’est à dire, par exemple, les Etats de l’Europe du Sud ou les banques européennes ». Ils incriminent donc le château de carte économique et financier européen plutôt que le comportement des marchés.

Ils détaillent également l’incroyable bulle financière et immobilière irlandaise, la pyramide de dette (près de 300% du PIB pour tous les acteurs), les incroyables garanties apportées par l’Etat (trois fois le PIB !), l’engagement de la BCE à hauteur de 110% du PIB du pays. Ils sont le signe d’un système financier hypertrophié, dont les actifs ont représenté dix fois le PIB, attiré par le faible taux d’imposition et parvenant à attirer 7% des hedge funds mondiaux !

Les auteurs ont une lecture lumineuse de la crise de la zone euro. Pour eux, les pays du Sud en sont là, « parce qu’ils ne peuvent plus emprunter dans leur monnaie nationale », comme les pays asiatiques il y a 15 ans. Cela explique la meilleure situation de la Grande-Bretagne, qui emprunte nettement moins cher que la France malgré un  déficit largement supérieur, grâce à la monétisation menée par la Banque Centrale du pays (275 milliards de livres, 15% du PIB).

Leur critique des mécanismes européens est sévère : pour eux, le FESF est « une sorte de CDO, innovation financière des sorciers de Wall Street ». Ils soulignent que l’Allemagne dicte son agenda à l’Europe mais fait passer la pilule en laissant présenter ses idées comme franco-allemandes. Ils soulignent la différence de comportement entre la Fed, pragmatique et soucieuse de l’économie réelle et la BCE, dogmatique et indifférente à l’égard de l’économie productive.

Plus accessible que son précédent ouvrage, ce nouveau livre de Morad El Hattab est une excellente synthèse de la crise actuelle que je vous recommande. A noter qu’elle vient d’un économiste qui nous avait averti en 2008 que tout allait exploser….

Source : « Kriz, d’une crise à l’autre », Morad El Hattab et Philippe Jumel, éditions Léo Scheer

11 commentaires:

  1. Encore un produit exotique :

    http://blogs.mediapart.fr/blog/stephanie-marthely-allard/090412/nicolas-sarkozy-et-lamf-preparent-un-attentat-financier-p

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. MAIS NON, ce mec c'est juste un couillon qui plutôt que se branler devant youporn.com a été le faire à la TV en écrivant en bouquin approximatif. A l'heure qu'il est il doit être en train de se faire sucer en thaïlande, puisque là bas, tu vis très bien pour 7 euros par jour et qu'une call girl, c'est 2 euros. Comme il a vendu 5000 bouquin a 2 heurs de droits d'auteur, 10 KE, il peut y rester 3 ans. Mais ça il ne va pas en parler.

      Supprimer
  2. Fragilisations des systèmes financiers (industriels et de la recherche), risque de chaos social : La démonstration est tout à fait remarquable, et leurs propositions ont au moins le mérite d'exister. Mais, aussi, nous voilà prévenus !

    RépondreSupprimer
  3. Bref, Morad El Hattab vote Marine Le Pen! Euh pardon, Dupont-Aignan! J'ai lu "La vérité sur la crise", qui est effectivement remarquable, notamment en ce qu'il souligne le rôle dans la crise de la divergence entre les intérêts des actionnaires et ceux des managers. Je vais me jeter sur ce nouveau livre anti-pensée unique.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Arthur Antunes Coimbra10 avril 2012 à 20:47

      Il vote Marine, comme les jeunes !

      http://elections.lefigaro.fr/presidentielle-2012/2012/04/10/01039-20120410ARTFIG00399-marine-le-pen-en-tete-des-intentions-de-vote-des-jeunes.php

      Marine 2012 !

      NDA fera un excellent 1er Ministre !

      Supprimer
  4. "Ils soulignent que l’Allemagne dicte son agenda à l’Europe mais fait passer la pilule en laissant présenter ses idées comme franco-allemandes." : bientôt, plus personne ne pourra dicter son agenda en Europe...

    RépondreSupprimer
  5. Laurent Pinsolle
    "Ils soulignent que l’Allemagne dicte son agenda à l’Europe mais fait passer la pilule en laissant présenter ses idées comme franco-allemandes"

    Quelle originalité, ça fait depuis l'élections de monti que j'entend cela, d'ailleurs si sarko est battu monti et prêt à prendre la rélève, la France s'enfoncera dans un socialisme mou et elle n'aura plus aucune voix au niveau européen, je me demande d'ailleurs quand vous allez faire disparaître la photo du che qui vient de faire croire aux français qu'hollande va rénegocier l'europe et donner une nouvelle impulsion. Vous allez devoir le faire tôt ou tard après avoir fait disparaître la photo de villepin, vous avez même changé le nome de votre blog...

    RépondreSupprimer
  6. 14 avril 1912 : le Titanic percute un iceberg.

    Cent ans plus tard, presque jour pour jour, mardi 10 avril 2012 : le Titanic « ZONE EURO » percute plusieurs icebergs.

    Taux des obligations italiennes à 10 ans :
    19 mars : 4,84 %.
    20 mars : 4,90 %.
    21 mars : 5,00 %.
    26 mars : 5,03 %.
    27 mars : 5,12 %.
    30 mars : 5,12 %.
    3 avril : 5,16 %.
    4 avril : 5,37 %.
    5 avril : 5,45 %.
    10 avril : 5,68 %.

    Taux des obligations espagnoles à 10 ans :
    5 mars : 4,97 %.
    9 mars : 5,00 %.
    12 mars : 5,06 %.
    13 mars : 5,13 %.
    14 mars : 5,17 %.
    15 mars : 5,18 %.
    16 mars : 5,20 %.
    20 mars : 5,23 %.
    28 mars : 5,33 %.
    30 mars : 5,35 %.
    3 avril : 5,45 %.
    4 avril : 5,69 %.
    5 avril : 5,75 %.
    10 avril : 5,98 %.

    Le Titanic « ZONE EURO » prend l'eau de toutes parts.

    http://www.youtube.com/watch?v=Vxz8p3QdD3Q

    RépondreSupprimer
  7. @ Fiorino

    Le Che restera en photo car c'est à Séguin et lui que je dois ma construction intellectuelle. Villepin, c'était finalement un court moment dans ma vie politique, quelques mois d'enthousiasme pour une personne dont je n'avais pas bien compris les convictions profondes. Quelques mois sur plus de 20 ans d'engagement, c'était logique de le supprimer, même si c'est pour lui que je me suis remis à la politique. Chevènement, cela fait 20 ans que je suis d'accord avec lui sur le fond (même si je diverge le plus souvent sur la stratégie...)

    Sur l'Allemagne, c'est ce que j'ai toujours dit sur ce blog. De toutes les façons, c'est assez simple en lisant la presse. Une semaine avant un traité, on voyait les divergences franco-allemandes et après le traité, dans 90% des cas, les positions allemandes l'emportaient. En même temps, c'est logique, c'est eux que les créanciers croient et le rapport de force est en leur faveur.

    @ Arthur et Joséphine

    Vous êtes un peu fatiguant les trolls frontistes ! Il y a peu de chances que M. El Hattab fasse un tel choix.

    Il faudrait qu'elle sache parler économie pour attirer les économistes.

    #STOPLEPEN

    @ Olaf

    Merci pour le llien

    RépondreSupprimer
  8. @Laurent

    De toute façon aucun des déséquilibres fondamentaux de l'économie mondiale n'ont été résolus. La croissance américaine fait repartir des déficits extérieurs et creusent mécaniquement les dettes qui déclencheront la prochaine crise. On a une économie mondiale qui fonctionne en Stop And Go avec des purges régulières permettant à l'Oncle Sam de relancer la machine en pillant l'épargne étrangère grâce à la planche à billet universelle du dollars. Mais nous savons tous les deux que ce truc qui marche depuis 1971 le fait de moins en moins bien. On est à un moment de l'histoire ou les nations doivent cesser d'attendre des exportations qu'elles relancent seules leur croissance comme on le fait en Europe depuis 1945. Les USA ne peuvent plus être le seul moteur keynésien de la planète, ils sont trop petits pour ça.

    Au fait rien avoir avec ton texte, mais en ce moment je commente sur mon blog les programmes des partis "alternatifs". Je viens de le faire pour le très décevant programme du PG. Je dois dire que si celui de DLR est beaucoup plus cohérent, il n'est pas très ambitieux à mon sens. J'espère en faire une critique dans la semaine.

    RépondreSupprimer
  9. @ Yann

    Complètement d'accord sur ton constat. Il faut absolument remettre des frontières aux mouvements de capitaux. C'est ce qui permettrait de retirer en partir le privilège du dollar aux Etats-Unis.

    Petite précision sur le programme de DLR, voici le chiffrage :

    http://www.debout-la-republique.fr/article/nda-presente-ses-mesures-chocs-pour-relocaliser-un-million-d-emplois

    Il me tarde de lire tout cela.

    Salutations républicaines.

    RépondreSupprimer