jeudi 31 mai 2012

La faillite de l’euro (3/4) : l’impasse fédérale


Aujourd’hui, face à l’impasse dans laquelle se trouve la zone euro, il est de bon ton de dire que la seule solution est une plus grande intégration. Même The Economist le soutient. Pourtant, un examen de cette voie en révèle l’impasse totale, autant économique que politique.

Un problème de balance de paiements

Devant la difficulté des pays en déficits à financer leurs dettes, on évoque l’augmentation des moyens du MES ou la mise en place d’euros obligations. Pourtant, presque tout le monde oublie qu’il y aurait un moyen très simple de financer les déficits, à savoir la monétisation partielle des dettes publiques par la Banque Centrale (la Grande-Bretagne le fait à hauteur de 5% du PIB depuis trois ans), mais cela imposerait de revenir sur l’indépendance de la BCE, vache sacrée en Allemagne.

Qui plus est, on voit bien que tous les plans européens mis en place ne marchent pas. S’ils fournissent des liquidités aux pays « aidés », ils y accentuent la crise économique au lieu de la résoudre. Les coupes sombres dans les dépenses publiques affaiblissent des économies déjà anémiées par des déficits extérieurs importants. Du coup, la récession induite balaye une bonne partie des efforts réalisés, en imposant des coupes qui accentuent le cercle vicieux, comme en Grèce.

En fait, ce sont les créanciers qui sont les bénéficiaires de ces plans, qui leur garantissent (à part en Grèce) le remboursement de créances sur lesquelles les Etats auraient fait défaut sans ces aides. Problème, si ces plans règlent les problèmes de trésorerie des Etats, ils ne règlent en aucun cas leurs problèmes de capacité productive. Ce dont la Grèce et l’Espagne ont besoin aujourd’hui, c’est de rééquilibrer leur commerce extérieur et de produire davantage pour réduire le chômage.

Or, si les baisses de salaire devraient à terme améliorer la compétitivité de ces pays, elles provoquent dans un premier temps un effondrement économique et social. Comme l’a souligné Patrick Artus, il serait beaucoup plus simple de dévaluer. Mais cela imposerait à ces pays de sortir de la monnaie unique, ce que les dirigeants européens souhaitent éviter tant ils ont investi de capital politique dans son soutien. La Grèce irait bien mieux aujourd’hui si elle avait quitté l’euro en 2010.

Un coût astronomique

Pourtant, l’énormité des sommes en jeu devrait faire réfléchir. Les dirigeants européens ont utilisé pas moins de 400 milliards d’euros pour maintenir la Grèce dans l’euro (deux fois son PIB !), entre le FESF et les aides de la BCE. Et cette débauche de moyens n’a rien réglé, ne faisant qu’augmenter la facture d’une sortie ultérieure. Pire, aujourd’hui, des pays bien plus importants sont au bord de l’asphyxie. La débauche d’argent semble aggraver les problèmes plus que les résoudre.

On peut comprendre alors que les Allemands refusent absolument les euros obligations (par 79% contre 14%). Le système imaginé par l’institut Bruegel revenait à demander à Berlin une caution solidaire de 4000 milliards d’euros, soit 150% du PIB du pays. Soit dit en passant, pour la France, cela représenterait 200% de notre PIB. On s’étonne de la facilité de certains dirigeants à accepter des engagements encore plus astronomiques que ceux donnés pour le MES !

Qui plus est, l’exemple de la Tchécoslovaquie invite à beaucoup de prudence. En effet, quand la République Tchèque et la Slovaquie se sont séparées, les deux nouveaux Etats pensaient conserver la même monnaie. Mais très rapidement, ils ont constaté qu’ils avaient besoin d’une politique monétaire différente car sept décennies d’histoire commune n’avait pas fait de ce petit Etat une Zone Monétaire Optimale. Alors, cela semble totalement illusoire à l’échelle de la zone euro.

Si une évolution de type fédéral peut repousser l’échéance de la fin de l’euro, en revanche, elle ne résoud rien aux véritables problèmes de l’Europe. Pire, comme on le voit en Grèce, elle augmente le montant des créances, créé une organisation absolument ingérable et ne résoud aucun des déséquilibres.

14 commentaires:

  1. D'autres possibilités :

    - Une monnaie commune plutôt qu’une monnaie unique

    http://www.atlantico.fr/decryptage/euro-crise-krash-eurogroupe-economie-europeenne-142316.html


    - Pour continuer d’utiliser l’euro, le gouvernement du Monténégro ne peut pas compter sur sa banque centrale, ni sur une éventuelle aide en provenance des institutions européennes; il doit faire en sorte de maintenir les flux de touristes et de capitaux dans le pays, donc de maintenir des prix et des salaires compétitifs par rapport aux autres destinations touristiques comparables. Moyennant cette discipline, rien ni personne ne peut empêcher ce pays d’utiliser l’euro comme devise nationale.

    http://www.liberation.fr/politiques/2012/05/28/et-si-la-grece-choisissait-l-option-montenegro_821891

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  2. Jeudi 31 mai 2012 :

    L'agence d'évaluation financière Fitch a annoncé jeudi avoir abaissé la note de huit régions espagnoles, dont celle de Madrid, et envisage de les dégrader encore, en raison de leurs déficits budgétaires structurels.

    Les autres régions concernées sont la Castille-La Manche, la Catalogne, les Asturies, l'Andalousie, le Pays Basque, les Canaries et la Cantabrie, alors que l'Espagne vit un moment de tension extrême sur les marchés et que le gouvernement doit publier vendredi les comptes des régions pour le premier trimestre.

    (©AFP / 31 mai 2012 13h30)

    La zone euro doit agir si elle veut éviter la "désintégration" (Olli Rehn).

    "La zone euro n'a pas le choix et doit prendre des mesures sous peine de risquer la désintégration, qui mènerait à la dépression", a averti jeudi le commissaire européen aux Affaires économiques, Olli Rehn.

    M. Rehn, qui s'exprimait devant le Brussels Economic Forum, a plaidé pour faire le nécessaire afin d'empêcher la contagion de la crise financière, "si nous voulons éviter une désintégration de la zone euro et si nous voulons qu'elle survive".

    Il a estimé qu'il fallait agir sur trois fronts: "d'abord rester sur la voie de la consolidation budgétaire, deuxièmement mettre en oeuvre des réformes structurelles, troisièmement soutenir les investissements publics et privés pour alimenter le moteur de la croissance".

    En l'absence d'action, une "désintégration de la zone euro mènerait à une dépression terrible en Europe et dans le monde", a-t-il averti.

    M. Rehn a en revanche estimé que les euro-obligations n'étaient pas une solution aux problèmes actuels de la zone euro. "Nous ne parviendrons pas à surmonter nos problèmes en nous focalisant sur l'émission de dette", a-t-il jugé.

    La Commission est pourtant la première institution à avoir défendu l'introduction d'euro-obligations, des titres mutualisant la dette dans la zone euro, auxquelles la France est favorable, mais l'Allemagne y est opposée.

    Une des porte-parole de la Commission a cependant indiqué la semaine dernière que si leur introduction était "possible", ce serait à une date "pas spécifiée".

    (AWP / 31.05.2012 11h15)

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  3. Ce système de solidarité inter-étatique impose une forte inter-dépendance entre des peuples qui n'ont pas les mêmes références morales, culturelles et historiques. Et les échanges acerbes entre la Grèce et l'Allemagne, ou les remarques imbéciles de madame Lagarde devraient y faire réfléchir, cette inter-dépendance génère des incompréhensions et ces incompréhension sont sources de haines entre les Etats. L'euro a été construit pour rapprocher les Etats, en le transformant en divinité tutélaire autour de laquelle se regroupent diverses sectes différentes, on en fait un instrument du conflit et de la division. L'exemple yougoslave devrait rester dans nos mémoires.

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  4. C'est pourquoi maintenant a DLR nous devons être clairement pour la sortie de l'Euro ET de l'ue ( l'otan est un autre problème mais nous devons également sortir de cette organisation criminelle); dans les esprits la bataille de l'euro est gagné c'est mort (même si dans la réalité le processus peut être long de fait par rapport a 2/3 ans le retournement est considérable )nous devons gagner la bataille de la sortie de l'ue nous savons que le temps politique s'il n'est pas révolutionnaire est long

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  5. @ Patrice Lamy

    Pas d'accord sur la sortie de l'UE. Nuos sommes contre cette Europe et pas contre toute construction européenne et cela est mal compris.

    @ Léonard

    Très juste

    @ BA

    Merci

    @ Olaf

    Je suis bien d'accord

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    1. Oui mais je distingue bien l'ue (qui est une construction folle de type yougoslave ou urss ) de l'Europe si c'est une confédération de Nation pourquoi pas bien que d'autre option existent et il faut en discuter j'ai le sentiment que ces constructions ne vont pas dans le sens de l'histoire actuelle qui est celui de la diversité pour faire bobo et essayer de peser de l’intérieur est illusoire ; j'ai bien écouté NDA aux dernières universités de rentrée je pense être sur la même ligne donc il faut bien sortir de l'ue avant tout pour reconstruire ; quoi a voir !

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  6. Je poste ici ce commentaire car relatif au clivage qui oppose les fédéralistes et souverainistes.
    Un soutien de DLR a répondu justement sur Marianne2 à l'article publié à propos du dernier essai de Jean-François Kahn "La catastrophe du 6 mai 2012" où notre JFK national prédit l'arrivée prochaine du FN aux responsabilités en France tel un Paco Rabanne annonçant la chute de la station Mir sur Paris (voir commentaire N°31 par Hervé Legal) :
    http://www.marianne2.fr/Pour-JFK-Marine-Le-Pen-a-deja-gagne-Sauf-si_a219178.html?com

    Autrement dit une question ouverte à JFK sur l'opportunité de se rallier enfin à NDA ... suivant sa propre logique :-)

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  7. Legal a raison ; mais MLP avec ce gouvernement et ce président qui de plus en plus parait aussi dingo et a mille lieu des préoccupations des Français peut effectivement ramasser la mise ; d'ailleurs le fn pousse a ce que le ps soit majoritaire a l'assemblé de façon a ce qu'il ait tous les pouvoir c'est a dire le piege ac

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  8. @ Patrice

    Je crois que le FN est toujours sous un plafond de verre extrêmement solide. A peine 3,5 points de plus en 2012 par rapport à 1988 malgré une immense dégradation économique...

    Et 1,3 points de moins que le total JMLP+BM en 2002.

    Je crois qu'après 5 ans de potion social-libérale, la France s'orientera soit vers la gauche radicale soit vers les gaullistes.

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    1. oui je l'espère vers le Gaullisme ; mais en 5 ans tout peut arriver surtout une aggravation du chômage avec de moins en moins de garde fou et je ne crois pas a la gauche radicale qui est un congloméra de petits partis dont les votants vont rapidement se sentir floués par melanchon

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    2. L'arrivée du FN aux responsabilités me paraît réellement impossible en tant que parti leader, mais elle est tout à fait envisageable dans quelque temps dans le cadre d'une coalition de droite. Aujoud'hui, rien ne peut être sérieusement prédit, si ce n'est que la politique européenne dogmatique, absurde et égoïste menée par nos dirigeants va nous mener à une crise plus grave et que les cartes seront redistribuées. Qui peut dire ce que feront les électeurs si la conjoncture continue et que le guvernement actuel échoue ?

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    3. il y a quel que chose qui m’inquiète sur i-tele NDA fait tout un discours sur la droite et l'ump ce n'est pas la première fois il y a a DLR des gens qui viennent de divers horizons ; qu'est ce que cela veut dire ?

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  9. "L'arrivée du FN aux responsabilités [...] est tout à fait envisageable dans quelque temps dans le cadre d'une coalition de droite"

    Je le crains également, car le discours anti-immigré permet potentiellement de fédérer FN et droite de l'UMP dans une perspective néolibérale. Pour le FdG c'est un peu différent car même dans un gouvernement de "gauche plurielle" ils seraient réduits au rôle de potiches...

    @ patrice lamy
    Je suppose que NDA fait le pari de fractures dans l'UMP... c'est bien possible qu'elles aient lieu, mais pour le moment DLR n'a pas atteint la masse critique pour les attirer...

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    1. oui et c'est un pari dangereux certains vont voir ailleurs

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