François
Hollande avait promis de bloquer les prix de l’essence pendant la campagne
présidentielle. Jean-Marc Ayrault vient de s’asseoir sur cette promesse en
proposant une baisse « modeste et
provisoire » des taxes sur l’essence. L’occasion de décrypter la
fiscalité pétrolière.
Les
ménages, dindons de la farce pétrolière
Selon
les statistiques du Comité Professionnel Du Pétrole, en 2010, la France a
consommé 10,9 milliards de litres de sans plomb, 39,7 de litres de gazole, 15,3
de litres de fioul domestique, et 7,3 de litres de kérosène. Mais leur
fiscalité est très variable. Quand un litre de sans plomb rapporte près d’un
euro de taxes diverses (60% du prix), le chiffre tombe à un peu plus de 60
centimes pour le gazole et un peu plus de 20 centimes pour le fioul domestique.
Le kérosène, lui, n’est pas taxé.
Mais outre
l’exemption du kérosène, il ne faut pas oublier que d’innombrables activités
sont exonérées de taxes, comme les taxis, les transports publics, le transport
routier de marchandise et l’agriculture. En fait, sur les plus de 70 milliards
de litres consommés en France, environ une vingtaine seulement subissent une
forte fiscalité (au moins proche de 50%) : ce sont uniquement les
carburants utilisés par les ménages pour leurs déplacements avec leur
automobile et rien d’autre !
Dans
l’absolu, on peut questionner une compensation par l’Etat de l’augmentation du
prix de l’essence. En effet, cela ne pousse pas à réduire la consommation et
donc entretient la hausse des prix. Mais dans un contexte comme aujourd’hui, où
le pouvoir d’achat est en baisse et où il est difficile pour les ménages de
baisser leur consommation (il est souvent difficile de déménager, de changer de
voiture, ou de passer aux transports collectifs), une réaction publique est impérative.
Une
aberration écologique
Ce n’est pas
en exonérant plus de la moitié de notre consommation de taxes que l’on va avoir
un impact sur la consommation ! Pire, l’exemption du kérosène est
totalement illégitime car le CO2 produit en altitude serait beaucoup plus nocif
pour l’environnement (outre le fait qu’elle soit injuste). La TIPP (une prémice
de taxe carbone) est d’ors et déjà un véritable gruyère fiscal grignoté par de
si nombreuses exemptions qu’elles rendent illusoire tout effet dissuasif sur la
consommation globale.
Pour une
fiscalité plus juste
Sur le
principe, en période de croissance, il est logique d’augmenter la fiscalité sur
les produits pétroliers. Mais comme nous sommes en crise, il serait bon de
baisser d’au moins 10 centimes le prix de l’essence pour soulager les ménages
piégés par la hausse des prix. Et cela n’est pas très compliqué. Après tout,
taxer à 50 centimes le litre de kérosène rapporterait la bagatelle de 3,6
milliards d’euros, permettant de réduire de près de 8 centimes le prix du
gasoil et de l’essence !
Plus
globalement, il faut faire converger la fiscalité et faire primer l’intérêt
général sur les intérêts particuliers. Certes, il faudra sans doute faire cela
sur quelques années pour lisser les effets. En outre, si la France adopte une
fiscalité très différente de nos voisins (sur le kérosène et le gasoil), il
faudra, soit convaincre nos partenaires de faire de même, doit trouver des
mécanismes compensatoires pour éviter de pousser l’activité hors de France
(pour les compagnies aériennes notamment).
En tout cas,
le débat actuel a le mérite de faire apparaître que la fiscalité pétrolière
actuelle est totalement injuste et que les ménages sont les dindons de cette
farce. Alors qu’il y a tant de moyens de financer une baisse du prix de
l’essence, la réaction du gouvernement n’en est que plus dérisoire.
Contrairement à ce que j’ai annoncé sur
Twitter, j’ai décalé à demain le début la publication de mon compte-rendu du
prochain livre de Paul Krugman car je n’étais pas encore totalement satisfait de
mes papiers.
Pour une fois je ne suis pas tout à fait d'accord avec votre conclusion.
RépondreSupprimerMême s'il est incompréhensible que certaines activités polluantes ne soient pas taxées il ne faut pas oublier qu'au final c'est toujours le consommateur qui paiera les taxes.
Taxer l'agriculture ? Au final le prix des produits alimentaires augmenterons.
Taxer les transports publics au même taux que l'essence ? Au final cela incitera à prendre leur voiture et donc à polluer d'avantage.
Est-il normal que les taxis parisiens ne payent pas de taxes alors que le réseau de transports en commun est dense ? Au contraire, il n'est pas forcément choquant que les taxis en province (où il n'y a pas de réseau de transports en commun) soient favorisés. Cela permettra peut être d'éviter que les gens achètent une voiture individuelle.
De la même façon pour le prix de l'essence, est-il normal que les stations parisiennes soient taxées de la même façon qu'une station en grande banlieue ou en province ?
Je pense qu'il faut revoir le système, pas pour faire converger les taxes mais pour taxer les activités les plus polluantes quand il n'existe pas d'alternative.
la bourse du matif à chicago donnent du pouvoir d'achat aux cultivateurs; comment se débarrasser de cet intrument qui joue avec la faim dans le monde.
RépondreSupprimerAndré JACQUES SD de Moselle
@ Anonyme
RépondreSupprimerJe suis d'accord pour l'agriculture. Mais cela doit s'accompagner d'une politique de soutien global à la filière en restaurant les prix minimums que la réforme de la PAC a supprimé, ce qui permettrait aux agriculteurs de vivre de leur travail.
Je trouve qu'il est absurde d'avoir de telles différences de fiscalité sur les produits dérivés du pétrole. Ce gruyère fiscal limite l'effet sur la consommation et je crois que c'est profondément anti-républicain. Ce sont les lobbys qui font notre fiscalité.
Après pour certaines catégories, cela ne veut pas dire qu'il ne faut pas mettre en place des mesures d'accompagnement pour éviter de les pénaliser lourdement.
@ André
Très juste. Il faut interdire la spéculation sur les MP.
Bonjour Mr Pinsolle
SupprimerVous dites qu'il faut interdire la spéculation sur les matières premières. Que sur les MP ?!
Si je peux adhérer à l'idée générale de votre chronique ci-dessus, je la considère essentiellement "évangéliste".
Vous ne pouvez ignorer que c'est tout le système qui doit être reconsidérer, et non pas le seul fiscal. Les puissants réseaux et cercles qui font notre République, l'Europe, le Monde, n'ont pas l'intention de s'en laisser conter et encore moins dépouiller.
Il serait malvenu de l'occulter ou l'ignorer, et d'en tenir compte permet de mieux comprendre le sens de telle ou telle autre nomination à un poste clé.
La malaise est général et le gouffre si profond qu'il est devenu insondable.
@ Arsenic
SupprimerPas uniquement sur les MP bien sûr cf le papier consacré à la réforme de la finance :
http://www.gaullistelibre.com/2012/06/18-propositions-concretes-pour-reguler.html
Evangéliste ? Je ne saisis pas bien. Pas d'accord sur la suite du commentaire. A supposer que ce soient véritablement ces cercles qui fassent la politique (ce que je ne crois pas), de toutes les façons, le système actuel (que je crois principalement informel, et fruit du hasard) est tellement dans une impasse qu'il vaut mieux se contenter de la démontrer. S'encombrer d'une telle dénonciation, c'est se battre sur deux fronts. Je crois qu'il est beaucoup plus efficace d'en choisir un pour pouvoir enfin changer les choses.
La France produit 20000 barils de brut par jour et des société comme toreador s’intéresse de près a l'huile de schiste du bassin parisien ( bien sur problème d'extraction par fracturation ou vapeur ) qui nous assurerait une cinquantaine d'année de consommation actuelle ( mais a voir ) .
RépondreSupprimerSur la taxation je suis partagé ; ou nous décidons de nous passer de pétrole a terme et nous taxons fort tous les produit pétrolier de façon a ce que les produits de remplacement soient mis en œuvre rapidement ( c'est plutôt mon choix car dans le sens de l'histoire et volontariste ) ou c'est le laisser faire et advienne que pourra .
Quand aux promesses de Hollade ce n'est même pas la peine d'en parler
Et ne pas oublier l'essence a une TIPP plus forte que le gasoil sans aucune raison valable. D'ailleurs le bon sens voudrait que le gasoil, enfin reconnue cancérogène, soit plus taxé que l'essence, surtout qu'il est également plus énergétique au litre. De plus, on produit trop d'essence et pas assez de diésel...
RépondreSupprimerMais bon, les constructeurs autos français ont choisit le diésel...
@ Patrice,
RépondreSupprimerAssez naturellement, je fais le même choix que vous pour la taxation.
Il y a en effet l'option des huiles de schistes, à condition de les exploiter de manière propre.
@ Alain34
Très juste. Cela est totalement injuste. Un autre exemple de la fiscalité à géométrie variable sur le pétrole. Merci de l'avoir rappelé.
N'y a-t-il que moi qui s'inquiète de l'impact qu'aurait une éventuelle taxation du kérosène sur le budget carburant - colossal, près du tiers des coûts opérationnels totaux - notamment de notre compagnie aérienne "nationale", Air France ?
RépondreSupprimerQuand il est un secret de polichinelle que tant d'autres compagnies en particulier du Golfe (Emirates, Etihad, Qatar Airways,etc...), profitent de la manne pétrolière de leurs émirats respectifs à des prix sacrifiés, et taillent des croupières aux compagnies européennes surtout sur les trajets long-courriers, les plus profitables pour ces dernières.
On voudrait les achever, elles qui sont déjà au prise de difficultés difficilement surmontables, que l'on ne s'y prendrait pas autrement.
@ Julien
RépondreSupprimerTrès juste. Il ne s'agit pas de tirer dans le pied d'Air France (c'est ce que je voulais dire en parlant de mécanismes compensatoires pour éviter de pousser l'activité hors de France). Soit nous parvenons à convaincre nos partenaires européens de faire de même (ce qui est possible), soit nous mettons en place des taxes compensatoires, des quotas ou tout autre mesure pour éviter que notre compagnie nationale n'en pâtisse.
En liminaire, il est rien moins que prouvé que les émissions de CO2 d'origine humaine aient une quelconque influence sur le climat, et quand bien même ce serait le cas l'effet des très onéreuses mesures françaises pour limiter ces émissions est tellement infinitésimal (voire contre-productif comme dans le cas des éoliennes) que c'en est un aberration.
RépondreSupprimer@Alain34: il est tout à fait logique de moins taxer le gasoil: le rendement d'un diesel est meilleur que celui d'un moteur à essence, donc toutes choses égales par ailleurs un diesel consomme moins d'une matière première jusqu'ici importée.
Et effectivement, depuis peu, les réserves de pétrole et de gaz prouvées en France, de schiste et dans le golfe du Lion, nous donneraient à ce jour une quarantaine d'années d'autonomie.
Il s'agit d'un changement de donne absolument majeur pour la France, la meilleure nouvelle de ces cinquante dernières années, et il est proprement stupéfiant que les réactions médiatiques oscillent entre l'hostilité et l'indifférence.
L'exploitation de ces ressources, particulièrement dans le contexte actuel, devrait être LA priorité nationale!
Nous sommes redevenu un pays riche en ressources naturelles! c'est une nouvelle extraordinaire!