dimanche 28 octobre 2012

Hollande sous tutelle européenne


Entre l’Europe et le peuple, le PS a toujours choisi l’Europe, quelles qu’en soient les conséquences en terme de chômage notamment, comme en 1983 ou au début des années 1990. Le cru 2012 ne déroge pas à la règle, contrairement aux espoirs d’Emmanuel Todd, comme l’analyse bien Yohann Duval.



De la démondialisation à la marinière

Il y a un peu plus d’un an, Montebourg s’était fait l’avocat du protectionnisme, reprenant Sapir et Todd en défendant la démondialisation. Mais depuis, le soufflet est retombé, brutalement. En juillet, le ministre faisait encore mine de pouvoir faire reculer PSA sur la fermeture de l’usine d’Aulnay. La rentrée a sonné le glas des espoirs des ouvriers : il n’a pas hésité à faire un 180° en demandant aux syndicats d’être responsables ! NDA a bien raison de lui demander de se réveiller !

Récemment, il s’en est pris aux importations de voitures coréennes, qui taillent des croupières aux véhicules fabriqués en France. Il s’est attiré une réplique cinglante du commissaire européen au commerce, Karel De Gucht, dans une interview au Figaro, pour qui « son raisonnement ne tient pas la route (…) Je n’ai pas l’impression que M. Montebourg s’intéresse vraiment au long terme ». Le commissaire évoque l’accord de libre-échange avec la Corée en oubliant que le marché automobile coréen est vérouillé. Et l’excédent commercial de 300 milliards est totalement imaginaire.

Edgar, sur le blog La lettre volée, évoque aussi le cas de la fermeture de l’usine Electrolux pour souligner que les délocalisations ont souvent lieu au sein de l’Union Européenne, et notamment dans les pays de l’Est, où les salaires sont beaucoup plus bas… Mais ce n’est pas tout, le land de Basse-Saxe, actionnaire à 20% de Volkswagen, pourrait saisir la Commission pour remettre en cause la récente aide de l’Etat à PSA. Enfin, l’Europe menace l’exception culturelle qui protège notre cinéma, comme je l’avais évoqué au printemps, au nom d’un dogmatisme néolibéral effrayant.

La camisole budgétaire, c’est maintenant !

Malheureusement, la tutelle européenne sur les questions commerciales n’est pas nouvelle. En revanche, la mainmise de Bruxelles sur notre budget se resserre. De manière plus anecdotique, mais significative, la Commission a sommé la France d’aligner la TVA sur les livres numériques de 7 à 19,6% dans un délai d’un mois, démontrant à nouveau le pouvoir de l’Europe sur les questions fiscales. Et cela est encore renforcé par la triple camisole budgétaire mise en place récemment.

En effet, avec le TSCG, le gouvernement a accepté encore plus d’ingérence de la part des technocrates de Bruxelles. Cela s’est illustré par la venue de Viviane Reding au Parlement pour la préparation du projet de la loi de finance 2013. On ne comprend pas bien ce que le commissaire à la Justice faisait ici, surtout après sa passe d’arme lamentable sur les roms. Cela a donné l’occasion à Coralie Delaume de faire un excellent papier, « Budget 2013 : V comme Viviane Reding ».

Mais le pire est que de nouveaux projets sont dans les cartons de l’UE ! Angela Merkel verrait d’un bon œil une tutelle encore plus stricte, avec « de réels droits d’intervention dans les budgets nationaux », où un commissaire européen aurait un droit de veto sur les budgets des pays ! Et ce n’est pas tout, François Hollande a évoqué une participation rétroactive des fonds européens au sauvetage du système bancaire irlandais. Bref, Dublin nous fait une concurrence fiscale déloyale et il faudrait en plus mettre à nouveau la main à la poche pour les aider. On nage en plein délire !

L’agenda fédéraliste avance à grands pas depuis quelques mois. Mais ce faisant, cela démontre également que le gouvernement n’a plus véritablement de prise sur les décisions, qui se prennent de plus en plus à Bruxelles. Cela laisse les campagnes de communication en marinière…

11 commentaires:

  1. A ce train, les campagnes vont finir en slip, avec l'hiver qui vient, ce n'est pas très encourageant.

    Ceci dit la France a, il me semble, plutôt une balance commerciale globale positive avec la Corée.

    Néanmoins, le blocage des importations automobiles par la Corée relève de l'OMC et de son organe de règlement des différends.

    http://www.wto.org/french/tratop_f/dispu_f/dispu_f.htm

    Qu'attend donc Montebourg pour y toquer à la porte ?

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  2. Bien d'accord avec vous, sauf sur la petite phrase sur Todd, il a toujours dit que Hollande ferait au début une politique néoliberale mondialiste bon teint. Son pari, c'est que dans 1 ans ou 2 quand on sera vraiment dans le mur de la crise Hollande et certains au PS pourrait avoir une révélation devant l’évidence de l’échec et changer de politique (il appelle ça 1983 à l'envers, ça demande du coup d'arriver à 1983!) On verra si il a raison, mais dire qu'il a tord dès maintenant n'est pas logique et espérons qu'il a vu juste parce que sinon ça va chauffer d'ici 2017...

    red2

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  3. Il est légitime de se demander quels intérêts sert ce Monsieur Hollande. Il faudra rendre compte, devant le peuple français. Il semble que ces messieurs aient tourné la page France, pour autre chose.

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  4. Tout le problème de l'UE dans l'affaire du Commissaire/Montebourg ! Le commissaire pense "Europe" alors que nous nous devons penser "France". Ca n'a pas de sens de privilégier un continent en entier si on fonctionne encore des sur des Etats-Nations, ça revient a condamner la France au profit d'un calcul à l'échelle du continent, l'histoire de l'UE... Le carcan qui empêche de aire de la politique dans l’intérêt national, au final il n'y a que les banquiers et multinationales qui y trouvent leurs comptes.

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  5. "Mais depuis, le soufflet est retombé, brutalement."

    Amusant !!! C'est plutôt le soufflé Montebourg qui est retombé. Mais s'il s'agit du soufflet qu'il a pris en pleine tête, c'est vrai aussi (ce qui permet de dégonfler ledit soufflé).

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  6. Une question importante, Laurent : même si je suis d'accord avec vos constats sur l'euro et les problèmes liés aux politiques commerciales de l'UE, comment expliquer par exemple que d'autres pays de la zone euro aient une meilleure balance commerciale que la nôtre ? Et je ne parle pas de l'Allemagne, dont vous avez déjà parlé, mais prenez l'Italie ou l'Espagne : dans le numéro du jeudi 4 octobre du "Point" que j'ai lu, un dossier consacré à la politique française répercutait des statistiques officielles de l'OCDE montraient que, sur la période janvier-septembre, en comptant les marchandises et les services, l'Italie et l'Espagne étaient excédentaires dans leur commerce extérieur. Et comme je lis la presse suisse régulièrement, j'ai vu, dans le même ordre d'idées, que l'Espagne ne cessait de réduire substantiellement son déficit commercial sur les deux dernières années. Pourquoi n'y arrivons-nous pas ?

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  7. Je vois mal comment nous pourrions éviter à court ou moyen terme un clash sur la question des prérogatives respectives des gouvernements et de Bruxelles, compte-tenu des raidissements respectifs qui sont de plus sensibles. Il y a peu d’exemples à ma connaissance, si l’on considère les propos de Karel De Gucht sur Montebourg, qu’un ministre ait été contredit avec autant de force et d’acrimonie par un commissaire européen. Cette crispation est symptomatique : le camp européiste/fédéraliste s’agace et se fige sur ses positions, dans la perspective d’un passage en force dont il sent de plus en plus la nécessité face aux réticences qui se font jour un peu partout.

    Je suis par exemple frappé par la multiplication récente des signes venus de Grande-Bretagne. Le New York Times vient d’y consacrer un important article (http://www.nytimes.com/2012/10/28/world/europe/european-union-exit-concerns-grow-for-britain.html). Le Secrétaire au Foreign office, Wiliam Hague, a notamment insisté récemment à Berlin sur le fait que les désillusions relatives à l’Europe n’avaient jamais été aussi fortes parmi les Britanniques. Il a souligné le déficit démocratique de la construction actuelle, du fait du contournement systématique des parlements nationaux, et mis en cause le bien-fondé du projet consistant à renforcer encore le processus d’intégration et la centralisation, lorsque plus de flexibilité et des degrés variés d’intégration, prenant en compte la diversité des réalités nationales, seraient nécessaires (http://www.huffingtonpost.co.uk/2012/10/23/william-hague-european-union_n_2004202.html).

    Par-delà évidemment les spécificités du contexte politique britannique actuel (il faut bien, face au séparatisme écossais, laisser entendre qu'être britannique a encore aujourd'hui un sens…), l’idée que la force du projet européen repose sur la dynamique des coopérations volontaires entre entités souveraines, dans un ensemble à géométrie variable, davantage que sur la rigidité d’institutions centralisatrices et de règles communes contraignantes, semble gagner du terrain.

    YPB

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  8. @ Olaf

    Sauf que l’Europe ouvre ses marchés à la Corée alors que la réciproque n’est pas vraie, 20 ans après le Japon. C’est pitoyable. Les pays asiatiques ne s’embarassent pas de l’OMC…

    @ Red2

    C’est juste. J’en avais rendu compte récemment. Mais je n’y crois pas du tout

    @ Jaurès

    Il ne sert pas des intérêts, il est bloqué dans une idéologie.

    @ Florent

    D’autant plus que ce continent est trop divers pour y adopter des solutions uniques…

    @ Claribelle

    Merci !

    @ Anonyme

    L’Espagne et l’Italie ont une balance courante équivalente à la France selon The Economist (entre 2 et 2,5% du PIB de déficit), mais en amélioration notable. Cela s’explique tout simplement par la récession économique, plus forte que chez nous, qui, en faisant baisser la demande intérieure, contribue à limiter les importations, plus qu’en France, où la demande continue à progresser.

    @ YPB

    Très juste. Mais il est incroyable que le gouvernement accepte ce soufflet sans broncher…

    Je crois en effet que nous approchons du point de basculement en faveur de ces idées.

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    1. "L’Espagne et l’Italie ont une balance courante équivalente à la France selon The Economist (entre 2 et 2,5% du PIB de déficit), mais en amélioration notable. Cela s’explique tout simplement par la récession économique, plus forte que chez nous, qui, en faisant baisser la demande intérieure, contribue à limiter les importations, plus qu’en France, où la demande continue à progresser."

      C'est partiellement vrai : certes, la demande recule fortement dans ces deux pays, mais quand on s'intéresse aux détails de la balance commerciale espagnole et italienne, on remarque qu'il y a aussi une progression sensible des exportations, notamment dans le cas espagnol.

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  9. @LP,

    Les idéologies mises en actes sont neutres sur le plan des faits ?

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  10. @ Jaurès

    Ce que je voulais dire, c'est que je ne pense pas qu'il mène une telle politique consciemment pour défendre des intérêts particuliers, mais plutôt parce qu'il ne pense pas pouvoir faire autrement...

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