dimanche 11 novembre 2012

Jacques Sapir chiffre le coût de la sortie de l’euro


C’est un nouveau papier essentiel que Jacques Sapir vient de faire sur la monnaie unique européenne. Il y étudie de manière précise non seulement le coût de la sortie de l’euro mais aussi (aspect souvent oublié par les défenseurs de cette tour de Babel monétaire), le coût du maintien. Saignant.

Le coût de la sortie n’est pas énorme

Tout d’abord, il souligne que l’expérience de l’ex-URSS montre que « le coût technique de l’introduction d’une nouvelle monnaie est de 300 à 700 millions d’euros, selon la taille du pays », soit 0,07% du montant des prêts accordées par la BCE aux banques. Pour lui, il n’y aurait pas d’impact sur les dettes publiques dans le cadre d’une dissolution car « toutes les dettes, qu’elles soient publiques ou privées, sont instantanément re-dénominées en monnaie nationale. Telle est la règle de droit internationale ». En outre, Jonathan Tepper rappelle que 85% de la dette français reste de droit français.

Bien sûr, le prix des importations augmentera, mais c’est justement le moyen de rééquilibrer son commerce. Les dévaluations britannique, suédoise et islandaise ont permis de relancer leurs économies… Bien sûr, l’Allemagne exporterait moins, mais elle avait supporté les dévaluations de1993 et la baisse du prix de ses importations apporterait du pouvoir d’achat à sa population. L’argument de la désorganisation des relations commerciales entre les pays de la zone euro est risible : nous arrivions bien à commercer ensemble avant l’euro et nous parvenons toujours à le faire avec des pays qui n’ont pas la même monnaie.

Enfin, il est bien évident qu’une sortie de la monnaie unique aurait des conséquences sur les banques. Néanmoins, pour Jacques Sapir, le coût serait de seulement 35 à 50 milliards d’euros pour l’ensemble de la zone euro (hors restructuration des dettes souveraines), un chiffre très limité par rapport aux montants actuellement engagés pour essayer de faire marcher le machin monétaire européen. Il faut noter que les banques, anticipant cette éventualité, s’y préparent, ce qui limiterait les problèmes…

Le coût du maintien de l’euro

Bref, Sapir tord le cou à l’idée, trop répandue, que la sortie de la monnaie unique provoquerait les sept plaies d’Egypte, un effondrement du pouvoir d’achat, du chômage, un défaut sur les dettes, une faillite du système bancaire… ce qui arrive aujourd’hui aux pays qui essaient d’y rester. Pire, toute l’histoire économique démontre le contraire, comme l’a rappelé l’économiste anglais Jonathan Tepper, dans une étude de la fin d’une soixante d’unions monétaires dans le siècle précédent. Mais nous avons davantage droit à des évangélisations qu’à des des discours rationnels.

Mieux, Sapir chiffre également le coût du maintien dans l’euro. Outre la participation de la France au FESF et au MES (qui nous engage jusqu’à 160 milliards d’euros), il a calculé le coût annuel provoqué par cette expérience monétaire hasardeuse, qui pénalise notre croissance et a fait exploser le chômage. Pour lui, il se chiffre aujourd’hui à 48 milliards d’euros par an (2,4% du PIB) – hors pertes (prévisibles) du FESF - soit près du double du coût de la sortie (non récurrent).

Ce faisant, l’économiste se fâche en soulignant que « conserver l’euro signifie plonger pour au moins 10 ans, et très probablement plus, les pays du sud de la Zone euro dans une dépression structurelle (…) Il faut être fou pour croire que les situations de ce genre puissent perdurer sans engendrer de graves troubles politiques et sociaux ». Il craint le « retour à des régimes dictatoriaux » et « des situations de guerres civiles » et qualifie l’entêtement actuel de « folie enfantine ».

Il conclut en appellant les dirigeants européens à « choisir la voie du courage, celle de reconnaître une erreur avant qu’il ne soit trop tard (…) abandonner l’utopie de la monnaie unique pour sauver la construction européenne ». On ne saurait mieux dire.

13 commentaires:

  1. Un très bon papier. Merci.

    Mais bon... Jacques Sapir reste un marginal dans le milieu économique. Il est très mal considéré, pas prit au sérieux. La plus part des "experts" et des politiciens sont en opposition complète avec l'idée d'une sortie de l'Euro. Pour eux le machin est devenu sacré.
    Ils plaident pour toujours plus de "fédéralisation" (déstructuration des Etats-Nations, dérégulation, atteinte à la démocratie).
    Cette éventualité de la sortie de l'Euro et de la révision de l'Union européenne est pour eux un roman de science-fiction/horreur.

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    1. Tous les économistes hétérodoxes sont minoritaires face à la cohorte des économistes bien pensants stipendiés par entre autres des banques jusqu'au jour où le système craquera et il deviendra un des économistes en vue dont les analyses seront reconnues comme prémonitoires et tout le monde le sollicitera ou plutôt il sera enfin écouté et entendu parce qu'actuellement ses analyses sont sur le bureau de l'Elysée mais ils ne veulent pas par paresse et conformisme ne pas mettre en pratique les solutions qu'il préconise.

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    2. (1) http://www.youtube.com/watch?v=P8DABcveB64

      Monsieur, lorsque François Lenglet reprend le service économique de France 2, lui qui de formation est...un littéraire ; et que sans doute assez culotté pour le job, en direct est capable de dire que "les Etat-unis ne pratiquent pas la planche à billet" (1) alors même que le dollar a perdu 97% de sa valeur depuis 1913, vous comprendrez fort mieux que cet cohorte d'économistes télé (dont aucun n'a corrigé son assertion mensongère) est à mettre à la poubelle, et ne doit plus être pris comme référence.

      un truc génial à lire : LE BETISIER DE LA CRISE :
      http://www.lesmotsontunsens.com/le-betisier-de-la-crise-perles-economistes-previsions-economie-4165

      ça fait longtemps qu'ils sont tombés du piédestal !

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  2. Il conclut en appelant les dirigeants européens à « choisir la voie du courage, celle de reconnaître une erreur avant qu’il ne soit trop tard (…) abandonner l’utopie de la monnaie unique pour sauver la construction européenne »

    La construction européenne n'est elle pas aussi une utopie (l'europe dite des nations n'a rien a voir avec une construction européenne) je suis maintenant persuadé qu'il n'y a que deux possibilités une europe fédérale réelle c'est a dire disparition des nations , monnaie unique etc ; ou pas d'europe le reste est compromis sans aucunes chances de fonctionner sur le long terme

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    1. Je suis pas tout à fait d'accord.

      Pour moi il est clair : il faut détruire l'UE. Vraiment. Que plus rien ne reste.

      Par contre je pense qu'une Europe est possible, une seule : une Europe symbolique, sans aucun pouvoirs, ni institutions supranationales, ni projet de lois communes ni uniformisation, rien. Juste un label, "une communauté européenne" : un bâtiment où tous les projets fait en commun entre 2 ou plusieurs pays européens sont signés. Une CE qui permet de signifier symboliquement que nous sommes le continent européens, que nous sommes dans une paix durable et que donc lorsque nous faisons des projets ensemble nous le faisons avec le tampon européen en haut et bas de page. Ça revient à aucune Europe réelle si je puis dire, ça peut contenter tout le monde, c'est ça la seule Europe possible, légitime, l'Europe des Patries.

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    2. Nos concitoyens d'Amerique d'Oceanie de l'ocean Indien ou du Pacifique n'en ont rien a foutre de l'europe ; nous avons la chance d’être la seconde puissance maritime avec la Russie et l'avenir de la planète va se jouer dans l’océan alors encore une fois montrons la voie laissons cette europe poussiéreuse qui nous étouffe et ses magouilles politico-financieres notre nation a besoin de grand dessein pour être tous ensemble ; alors nous virons de bord et partons pour l'aventure nos ancêtre seront fier de nous

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  3. La voie suivie actuelle c'est une Europe avec des pays en défaut budgétaire mis sous tutelle technocratique. C'est pratique, pas besoin d'élections. Ils n'ont pas respecté les critères, alors paf ! La tutelle. Ce qui pend au nez de la France aussi...

    Il y a un problème de monnaie mais aussi de dettes, sont elles remboursables, sont elles légitimes ?

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  4. Laurent,
    dans le prolongement de votre billet et puisque vous tenez à indiquer les ouvrages qui vous ont guidé, je vous recommande vivement celui de J.C. Werrebrouck, Les banques centrales, indépendance ou soumission ? Un formidable enjeu de société, paru le mois précédent aux éditions Yves Michel (que votre complice A.J Holbecq a l'air de bien connaître...).
    L'auteur y aborde conjointement les thèmes de la dette, de la monnaie et des banques centrales, en opposant deux modes fondamentaux de gestion de la dette qu'il appelle mode hiérarchique par circuit du Trésor, et mode marché. Cela permet d'embrasser dans une grande fresque historique voire anthropologique les points essentiels et actuels que vous ne cessez d'évoquer dans votre blog. Je l'ai pour ma part trouvé passionnant et fondamental. A mon avis (et sans trop vous presser...) il figurera sûrement dans la prochaine liste des ouvrages résumés que vous actualiserez dans quelque temps.
    Francis Commarrieu.

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  5. Pendant ce temps les élites techno-européennes ont d'autres plans : Voir l'article de La Tribune sur Mario Draghi :

    http://www.latribune.fr/actualites/economie/union-europeenne/20121028trib000727565/draghi-les-pays-devront-transferer-une-partie-de-leur-souverainete.html

    La phrase à retenir :
    "Plusieurs gouvernements n'ont pas encore compris qu'ils ont perdu leur souveraineté nationale il y a longtemps."

    C'est édifiant.

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    1. Les gouvernement l'ont bien compris ils sont complices il faut éviter de prendre ceux qui les composent pour des imbéciles

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  6. @ RomainC

    Sapir n’est pas si marginal que cela (appel à démonter l’euro signé par une dizaine de personnes dans le Monde en décembre dernier). D’accord sur le reste mais la réalité finira par s’imposer.

    Merci pour l’info pour l’entretien.

    @ Patrice

    Pas d’accord, on peut faire une Europe des nations, des coopérations où la souveraineté reste entièrement dans les mains des Etats, sans bureaucratie bruxelloise.

    @ Olaf

    C’est juste.

    @ Francis

    Merci. Vous avez raison, il faut que je lise le livre de JC Werrebrouck.

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    1. oui mais pourquoi se limiter a l'Europe et pas au monde et appeler cela la mondialisation ; L'Europe des Nation était une figure de style du General de Gaulle qui n'en avait rien a foutre des cabris sautilleurs

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  7. Lundi 12 novembre 2012 :

    L'Equateur veut rapatrier son or : Quito a demandé que l'or soit ramené sur le territoire équatorien.

    http://www.zerohedge.com/news/2012-10-31/it-begins-ecuador-demands-repatriation-one-third-its-gold-holdings

    La Roumanie veut rapatrier son or : 93,4 tonnes d'or roumain sont stockées en Russie.

    https://wealthcycles.com/blog/2012/10/23/romania-wants-return-of-934-tons-as-gold-repatriation-ratchets-up

    Et l’Allemagne aussi rapatrie son or …

    Ça semble être l’opération à la mode en ce moment. Une sorte d’effet domino qui pousse les pays du monde, les uns après les autres, à rapatrier leur or afin de le garder précieusement sur leurs propres territoires.

    Après la France, le Venezuela et la Suisse, c’est au tour de l’Allemagne de réclamer son or à la FED. Sous la pression populaire et politique interne très médiatisée, la Bundesbank a décidé de rapatrier, depuis les sous-sols de la réserve fédérale américaine, un total de 150 tonnes de son or, et ce sur une durée de trois années, afin d’en évaluer la teneur et l’authenticité.

    La Bundesbank a surtout « cédé » sous cette pression, puisque la banque centrale allemande refusait initialement d’effectuer un audit qui représenterait, selon elle, une grande première dans l’historique de rapports de confiance établis avec son homologue américain.

    Il est en effet à noter que jamais aucun contrôle n’avait été fait, ni par la Bundesbank elle-même, ni par l’intermédiaire d’autres organismes mandatés dans ce but. La Bundesbank s’est toujours simplement contentée des rapports écrits que lui fournissait régulièrement la FED.

    Ce temps est désormais révolu. Il y a quelques semaines, la Cour des Comptes allemande avait publié un rapport exigeant un audit en bonne et due forme sur les quantités réelles d’or allemand confiées à la FED. Depuis, la question a fait ravage dans l’opinion tant publique que politique en Allemagne. Et à juste titre, d’ailleurs.

    Rappelons en effet que la banque centrale allemande arrive deuxième (après la FED) dans le classement des réserves d’or mondiales, avec plus de 3 400 tonnes.

    En ces temps de crise et d’incertitude, il s’agit là d’un beau pactole de valeur refuge qui mérite que les allemands se passionnent autant dans leur besoin de le protéger.

    http://www.gold.fr/news/2012/11/09/et-lallemagne-aussi-rapatrie-son-or/9792/

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