dimanche 30 décembre 2012

Mutuelles : les dérives de la privatisation de la santé


Le Sénat vient de publier un rapport qui critique très sévèrement les pratiques des mutuelles étudiantes. Une nouvelle pierre qui amène à nouveau à se poser des questions sur les dérives d’un secteur qui apparaît de plus en plus comme une rente qu’il faudrait davantage remettre en cause.

Les mutuelles étudiantes en accusation

Le 18 décembre, le Sénat a publié un long rapport qui dénonce des dérives en série, après un dossier d’UFC-Que Choisir dont le chargé de mission affirme que « tous les éléments sont sur la table avec notre rapport et celui du Sénat. Maintenant, il va falloir choisir entre réenterrer le sujet des mutuelles étudiantes pour dix ans, ou enfin s’en saisir ». Le rapport se demande même s’il ne faut pas envisager la suppression pure et simple des mutuelles étudiantes.

En effet, les dérives sont très nombreuses. Tout d’abord, la concurrence entre les deux principaux réseaux entrainent des coûts très importants puisque leurs frais de gestion, 13,7% des ressources, sont nettement plus élevés que ceux de l’assurance-maladie. A minima, une fusion des organismes permettrait d’assainir la situation, à moins même de l’intégrer dans le dispositif national. Le rapport pointe également de gros retards de remboursement et une accessibilité très mauvaise et disparate.

En outre, la chasse aux assurés entrainent des abus avec le recurtement d’étudiants, déjà couverts par les mutuelles de leurs parents, mal renseignés, qui souscrivent à une assurance complémentaire parfaitement inutile. Enfin, le Monde pointe les liens parfois troubles entre les mutuelles et les syndicats étudiants, qu’elles peuvent financer. Il souligne que l’UNEF « truste ainsi l’ensemble des postes d’administrateurs délégués, rémunérés entre 1000 et 1400 euros ».

Les rentes de la privatisation de la Sécu

Cet exemple démontre à nouveau toutes les limites de la privatisation de la Sécurité Sociale. En effet, quand on retire au secteur public la gestion du service public, on introduit une concurrence qui tend à augmenter le coût pour l’usager. En effet, elle impose des dépenses commerciales plus importantes. En outre, dans de tels domaines, la concurrence est rarement parfaite du fait à la fois d’une certaine opacité et d’une capacité des organismes à monter les prix au-delà du raisonnable.

Suivant l’analyse de Joseph Stiglitz dans son dernier livre, on constate également que les organismes parviennent de manière habile à obtenir des réglementations qui leur sont extrêmement favorables. C’est aussi le cas des mutuelles de santé, qui bénéficient du déremboursement des soins pour augmenter leur chiffre d’affaires (environ 40 milliards d’euros aujourd’hui) et ont tout intérêt à maintenir les politiques dans le sens pris depuis des années, par la droite comme la gauche.

Du coup, il devient extrêmement troublant de constater qu’alors que la ministre de la santé, Marisol Tourraine, semble très appréciée par les mutuelles, qu’elle comprend, et auxquelles elle veut confier plus d’influence pour les soins optiques et dentaires. En effet, l’un des premiers gestes de la ministre a été de reporter l’obligation de communication des montants des frais de gestion des mutuelles, prévue initialement en 2013, à 2014, sans que l’on en comprenne bien l’intérêt.

Bref, l’abandon de la santé par l’Etat pose d’innombrables problèmes à nouveau exposés par ce rapport du Sénat sur les mutuelles étudiantes. La concurrence mise en place est une fausse concurrence et une vraie rente pour les organismes qui se substituent à l’Etat, à grand coût pour les usagers.

20 commentaires:

  1. Focus intéressant, comme toujours, sur une situation de rente, dont on entend parler qu'en de très rares occasions, notamment lors de scandales financiers.

    Par ailleurs, on aimerait que le pouvoir politique se saisisse de la question des inégalités, qui sont de plus en plus nombreuses aux Etats Unis comme en France, mais nous n'avons pas "notre Stiglitz" pour les expliquer, les dénoncer. Nous avons Alain Minc, Elie Cohen et quelques autres et, dans les médias, de grands experts comme Jean-Michel Apathie et François Lenglet.

    De quoi envisager l'avenir avec sérénité pour les privilégiés.

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    1. Il y a quand même Laurent Pinsolle !

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    2. Laurent Pinsolle, qui n'intervient pas dans les médias nationaux, pas plus que ne peut le faire NDA. Il n'est que de voir comment NDA a été reçu et traité par Denisot sur Canal +.

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    3. NDA a collé un magnifique bourre pif (moral) a Denisot et Aplati et récemment NDA a Ce soir ou jamais avec le nauséeux Attali ; Laurent Pinsolle sur Frace 24 ; bien sur qu'il n'est pas reçu comme las carpettes mais cela change

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  2. "nous n'avons pas "notre Stiglitz" pour les expliquer, les dénoncer. Nous avons Alain Minc, Elie Cohen et quelques autres(...)"

    ... Qui s'enpressent si on les y oblige, à dénoncer les rentes de situation... évidement pas celles qui bénéficient à "leur" classe sociale !

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    1. Et pour ce qui concerne Minc, l'homme qui parle à l'oreille des patrons, des rentes qui bénéficient à celles et à ceux qui le rémunèrent. Pourtant, on ne peut vraiment pas dire que les analyses et les individus de cet histrion soient à la hauteur de sa réputation.

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  3. Tout à fait d'accord ..
    exemple remboursement monture de lunette (a peu près identique pour les verres)
    60 % du montant de base ... celui-ci est de 2€80 !
    Si madame Tourraine veut donner plus d importance aux mutuelles je ne sais pas cela veut dire ?

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  4. " En effet, quand on retire au secteur public la gestion du service public, on introduit une concurrence qui tend à augmenter le coût pour l’usager. "

    - Ce qui relève du service public n'est pas définissable, tout dépend de sa propre vision de l'Etat et de son idéologie. Les communistes diront que tout relève du service public, les libéraux l'inverse.

    - Mais surtout, il me parait faux de dire que le coût augmente pour l'usager lorsqu'on privatise. La concurrence fait baisser les prix. Ce qui les fait augmenter c'est la faible concurrence, voir la fausse concurrence (un problème qui touche pas mal de secteur en France malheureusement, on l'a vu avec les abonnements mobiles par exemple). Et il faut être honnête aussi, souvent les prix augmentent quand ça rentre dans le privé tout simplement parce que le prix remonte a son vrai niveau de marché (en partant du principe qu'il y a une vrai concurrence bien sûr), souvent l'Etat fournit des tarifs artificiellement bas, à perte, financés par la dette.

    Donc, 2 options : nationaliser ou faire en sorte qu'il y ait une vrai concurrence, de nouveaux acteurs et de meilleurs contrôles qualité et juridique.

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    1. Dire qu'il y a une vrai concurrence c'est oublier le facteur humain c'est d’ailleurs l'erreur que font tous les économistes qui rêvent tous d'une utopie , la concurrence n'est pas naturelle ce qui l'est ce sont les alliances qui justement détruisent la concurrence

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    2. Pas du tout, l'alliance fait partie de la concurrence. C'est l'alliance entre les 3/4 des acteurs du marché voir sa totalité qui annule la concurrence. Partant de là, moins il y a d'acteurs sur le marché plus les alliances portent un risque de fausser voir annuler la concurrence.

      La concurrence est tout ce qu'il y a de plus naturelle. Les alliances aussi. Rien d'utopique dans la concurrence, c'est bien souvent la réglementation étatique qui aboutit a un nombre trop peu élevé d'acteurs sur le marché. Il devrait avoir une fonction d'arbitre du droit pour maintenir la concurrence et permettre a de nouveaux acteurs d'émerger plutôt que de limiter le nombre d'acteurs et être laxiste sur les alliances anti-conccurence comme il le fait souvent. Orane, SFR et Bouygues ont été condamné je ne sais combien de fois pour s'être entendu sur des prix, les sanctions ont été ridicule et il a fallu attendre lontemps pour qu'un nouveau acteur soit autorisé (Free) et fasse baisser les prix.

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    3. encore une fois vous vous situez dans la théorie en oubliant le facteur humain si ce que vous dites fonctionnait cela se saurait ; je suis plutôt du coté de Jacques Bainville qui déclare que rien n'a jamais fonctionné correctement sinon nous serions en Utopie qui est le pire du pire de la dictature

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  5. Excellent article, qui fait suite à celui réalisé il y a environ 1 mois.

    Ce qui rend assez pessimiste sur la résolution de ces problèmes, ce sont les « liens » un peu trop forts liant le PS et les mutuelles. Souvenez-vous du scandale de la MNEF touchant DSK à la fin des années 90. Mais il était loin d’être le seul : Le Guen, Cambadelis, Desir, Dray … nombreux sont ceux qui sont fortement suspectés d’avoir mis la main dans le pot de confiture. Je ne parle pas de l’UNEF, toujours présente dans les bons coups.

    Les intérêts personnels sont trop importants (et anciens)pour remettre en cause ce système à la faveur de tous. Alors comme d'habitude, nous payerons encore un peu plus pour encore un peu moins.

    Cordialement.

    Eric

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  6. Laurent,

    à partir des mutuelles étudiantes, vous abordez de nombreux points qui pourraient être étendus aux mutuelles en général et même aux compagnies d'assurance.
    Les charges structurelles de fonctionnement sont excessives. La Santé, domaine que j'estime régalien pour des raisons humanitaires, tend avec sa privatisation à outrance à créer une médecine à plusieurs vitesses déterminées selon la capacité économique du patient (j'aurais même de plus en plus tendance à choisir le mot client).
    Le lobby des assureurs auprès de nos élus est puissant.
    Le niveau des remboursements sur des soins de première nécessité tels que les soins dentaires et optiques sont honteusement bas.
    Laurent GUIBERT.

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    1. est ce que le prix des lunettes et des prothèses n'est pas honteusement haut vu autrement ?

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  7. @ Anonyme

    Sur les inégalités, Thomas Piketty et Camille Landais ont produit une grosse littérature souvent reprise. On peut également citer les travaux de Jacques Sapir sur l’évolution du salaire médian vs salaire moyen. Jacques Généreux en parlent également dans ses livres.

    Les choses bougent, mais lentement…

    Marisol Touraine souhaite donner une part plus importante aux mutuelles dans la gestion de la Sécurité Sociale alors qu’elles ne sont même pas transparentes sur leurs frais de gestion. On se moque du monde.

    @ Patrice

    Merci. D’accord aussi sur la concurrence, qui n’est toujours vertueuse.

    @ Flo Pat

    D’accord sur le fait que la définition des services publics est en partie politique (même si on peut définir des conditions précises pour déterminer les monopoles naturels, qui doivent relever du service public à mon sens).

    Sur la privatisation des services publics (j’ai précisé services publics à cette fin), elle ne fait pas baisser les prix, mais les faits monter dans un grand nombre de cas :
    - éducation supérieure
    - électricité parce qu’il y a peu d’économie sur la production et la distribution et que cela augmenter les frais de commercialisation et les marges…
    - santé (cas de la concurrence MNEF / SMEREP)
    - autoroutes, parkings publics
    - renseignements téléphoniques….

    Après, dans d’autres secteurs, elle peut faire baisser les prix quand il y a une vraie concurrence (cf téléphonie mobile après l’arrivée de Free).

    @ Eric

    On peut en effet douter que cela change…

    @ Laurent Guibert

    Bien d’accord sur les mutuelles. Après, il faut que j’étoffe ma connaissance de ces dossiers. Il semble clairement y avoir des disfonctionnements sur les soins dentaires et optiques.

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    1. En téléphonie il est extrêmement difficile de savoir les produit et service étant sur des niches différentes sans parler des couvertures qui dans certaines zones restreignent le choix

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  8. Il me semble bien avoir lu que les Etats Unis dépensent plus en pourcentage du PIB pour les dépenses de santé que la France, alors qu'il n'y a quasiment pas de sécurité sociale chez eux. Doit-on en conclure que les assurances privées coutent plus cher au final qu'une bonne vieille sécu ?
    Personnellement, je me méfie comme la peste du mercantilisme dans le domaine de la santé, vu les dérives de ces dernières années ( scandale du médiator, par exemple). Est-ce que la santé publique est soluble dans le commerce ? On peut en douter fortement.

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  9. @ Patrice,

    Ce qui est intéressant, c'est que l'arrivée de Free a fait drastiquement baisser les prix, ce qui peut laisser penser qu'il y avait une oligopole de fait des trois acteurs historiques (fort probablement sans comportement délictuel car une oligopole peut fonctionner sans entente).

    @ Sylvène

    Très juste. C'est le scandale que dénonçait Krugman dans "L'Amérique que nous voulons". Les Etats-Unis dépensent plus de 50% qu'en France (plus de 18% du PIB pour la santé), sans couvrir 50 millions de personnes et avec des résultats extrêmement mauvais, ce qui est la preuve que la libéralisation n'est pas forcément une panacée pour certains secteurs et cela est logique :
    - en introduisant de la compétition, cela rend nécessaire une explosion des dépenses de commercialisation / communication (cf passage du 12 aux ... 118, cf marché de l'énergie...)
    - les acteurs privés ont des exigences de rentabilité qui ne sont pas les mêmes que les services publics.

    Un simple exemple sur le marché du médicament : les laboratoires pharmaceutiques consacrent plus d'argent aux dépenses de commercialisation qu'aux dépenses de recherche ou qu'à la production et ont des rentabilités très élevés.

    Après, il est bien évident que le privé a tendance à être plus efficace, mais il ne faut pas oublier que les gains de productivité dans certaines industries / services sont plus limités, notamment dans ce qu'on appelle les monopoles naturels à forte intensité capitalistique (SNCF, énergie...) et là, les gains d'efficacité risquent d'être bien moins importants que les surcoûts générés...

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  10. exact l' intérêt commun suffit

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  11. Il vous suffit en île de France de demander à un seul agent de la SMER d'île de france c'est à dire à un agent de la smerep de vous présenter son bulletin de paie et il ne vous montrera que son bulletin de paie d'une union de la MNEF dissoute dénommée UMGP (Union mutualiste générale de prévoyance) qui a détourné les habilitations et les fonds de la SEM (Société Etudiant mutualiste)qui n'est pas la Mutuelles des étudiants étrangers mais la Mutuelle, l'union qui fédére toutes les SMER au niveau national en métropole.
    Commencez par lire l'article R211-9 du code de la sécurité sociale pour connaitre les plus grands responsables que sont les CPAM dont toutes les fausses mutuelles sont les mandataires.
    Coridalement

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