vendredi 28 décembre 2012

Quand Sapir et le FMI se rejoignent pour critiquer le gouvernement


Il n’est pas fréquent que Jacques Sapir et le FMI soient d’accord. Mais quand ils le sont pour dénoncer la politique menée par le gouvernement socialiste, cela confirme clairement qu’il pratique bien « la méthode Coué » pour sa politique économique, décidemment calamiteuse.

Croissance en berne

Cela fait des mois que Jacques Sapir critique les hypothèses de croissance prises par le gouvernement et qu’il avertit qu’il sera impossible de tenir tant les objectifs de croissance (0.8%) que les objectifs de déficit (3% du PIB), à moins de mettre en place des plans d’austérité qui nous plongeraient dans la dépression. De manière étonnante, le FMI vient d’apporter de l’eau à son moulin et recommande au gouvernement de revoir à la baisse ses ambitions de baisse des déficits.

Et il faut dire que ce double objectif semble très improbable. En effet, il semble totalement illusoire de prévoir une accélération de la croissance en 2013. Tout va pousser, au contraire, à un ralentissement de l’activité : la plupart de nos voisins seront en récession, la hausse du chômage pénalise la consommation, l’immobilier s’effondre depuis quelques mois (les mises en chantier baissent de plus de 20%) et l’ajustement budgétaire de 30 milliards va, lui aussi, largement peser sur la croissance.

Bref, éviter la récession serait déjà une belle réussite, même si on peut espérer du mieux dans la croissance aux Etats-Unis (du fait de l’immobilier, si les républicains et les démocrates s’entendent pour repousser le plafond de la dette) et en Chine (où les signes de reprise économique se multiplient). Le problème est que la France ne profitera pas de cette reprise du fait de l’euro cher et du niveau du coût du travail qui condamne la plupart des implantations industrielles dans l’hexagone.

Faut-il respecter les 3% de déficit ?

Jacques Sapir pronostique depuis longtemps que le gouvernement ne tiendra pas ses objectifs de déficits budgétaires et pronostique plutôt un niveau de 3,8% pour l’an prochain. Le FMI évoque 3,5% du PIB du fait d’un niveau plus faible de croissance. Le FMI vient tout juste de recommander au gouvernement français de renégocier ses objectifs de réduction des déficits pour une trajectoire moins rapide et éviter un nouveau plan d’austérité. Même la commission semble ouverte à une telle idée.

Même le gouvernement conservateur de David Cameron vient d’annoncer qu’il repousse ses objectifs de réduction des déficits, refusant de nouvelles coupes dans les budgets. Du coup, le discours des faucons socialistes (Moscovici, Rabaud, Berger) devient surréaliste. Alors que des symboles du néolibéralisme adoptent une attitude pragmatique à l’égard de la gestion de leurs finances publiques, les « socialistes » français font encore des 3% leur nouvelle ligne Maginot.

Il est probable que devant le contexte (et les 34 000 chômeurs de plus de novembre), le gouvernement devrait finir par accepter un déficit légèrement supérieur. Mais il est incroyable qu’il soit le dernier à reconnaître l’évidence. Le discours global devient inaudible entre éléments dignes des tea party sur la dépense publique, la dette, la mondialisation ou la gestion de la monnaie avec quelques symboles de gauche (hausse ciblée de la fiscalité, aides accrues).

Avec le PS, on a le pire des deux mondes avec une crispation des entrepreneurs sans avoir la moindre remise en cause le cadre de cette mondialisation qui, elle, fait disparaître les emplois des classes populaires et moyennes. Ce faisant, il persiste dans une impasse de 30 ans.

13 commentaires:

  1. Solde financier de l'Etat (Déficit) = Solde financier des Entreprises + Solde financier des Ménages + solde extérieur

    Si on n'arrive pas à faire évoluer positivement les soldes à droite de l'égalité, la seule solution (intelligente) que nous ayons pour équilibrer le solde de l'Etat est une monétisation, ce qui évitera de devoir réduire les soldes des entreprises ou/et le solde des ménages par des taxes ou impôts ayant des effets négatifs sur l'investissement et la consommation. Vouloir continuer à réduire les soldes de lEtat (réduire les déficits) est suicidaire.

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  2. Bonjour à Tous,

    @ A-J H.

    Merci pour votre explication. Quelques questions de béotien :

    1) compte-tenu du commentaire que vous faites de la formule, faudrait-il ajouter un terme à droite, du type "Monétisation" ?
    2) qu'entend-on par "solde extérieur" qui ne soit lié ni aux "Entreprises", ni aux "Ménages" ?
    3) ces soldes sont-ils considérés du point de vue uniquement fiscal, ou bien plus largement ?
    4) Un corollaire de votre argumentation est la mutation ou sortie de l'€. Sous-entendez-vous aussi du "100% Monnaie" pour la monétisation ?

    Merci par avance.
    Bonnes fêtes à Tous,
    Cordialement.
    Stéphane.

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  3. Plusieurs autres questions se posent:
    1- Que coûte la délocalisation des personnes physiques du territoire ? ( appelé aussi exil fiscal ou expatriation).
    Au bas mot, on estime à 5000 le nombre d'exilés fiscaux en 2012 ( au lieu de 780 en 2010 soit une augmentation de 600% )
    2- Que coûte les mesures prises par le gouvernement Ayrault au niveau de la fiscalité ? ( avec la fameuse tranche de 75%,l'alignement de la taxation du capital et des revenus, l'alourdissement de l'ISF ) ?
    3- Dans un tel contexte, l'Euro pourra t il subsister ?

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  4. Je pique la vedette à AJH
    1) Non, la monétisation n'aurait pas a être "rajoutée" à cette égalité comptable, qui en est, d'une certaine façon, l'expression statique "ex-post".

    2) solde extérieur = exportation - importations (au sens large, y compris opérations financières)

    3)Ces soldes ne sont pas du tout restrictifs.
    Il s'agit de l'ensemble des revenus et de l'ensemble des dépenses/investissement, pour le secteur public comme pour le secteur privé.

    C'est assez bien expliqué ici par Gabriel Galand :
    http://www.chomage-et-monnaie.org/2012/05/fiche-n%C2%B016-les-soldes-financiers-des-secteurs/

    Oui ici de manière plus dévellopée (exposé macro) :
    http://www.bayard-macroeconomie.com/

    4) Comme ça s'adresse plus particulièrement a A-J H, je lui laisse la parole.

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  5. Au sujet de l'exil fiscal, j'ai envie de donner une réplique fort simple :
    "l'épargne est inutile à l'économie"...
    (voir nuisible, toujours d'après Jean Bayard)

    Voir ce qu'en dit un dangereux communiste comme Lordon :
    http://blog.mondediplo.net/2012-03-16-A-75-les-riches-partiront

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  6. Merci Raphael, parfaitement répondu ;-) mais pas tout à fait d'accord avec "l'épargne est inutile à l'économie" si on veut bien considérer que l'épargne c'est l'investissement (ne confondons pas épargne qui est "recyclée" et thésaurisation). Ceci dit, si le système permets aux entreprises d'emprunter pour investir non pas aux épargnants mais aux banques (création monétaire au bénéfice des entreprises et non de la consommation) l'affirmation est vraie puisque l'épargne n'existant plus, tout serait consommé, boostant la machine (je ne parle pas des effets écologiques)...

    Voici les données des soldes pour 2011 ...

    Soldes financiers nets (endettement ou surplus)=> actifs financiers moins passifs financiers en milliards d'euros:

    Institutions sans but lucratif : 73,6 - 24,5 = 49,1
    Ménages : 3962,1 – 1312,4 = 2649,7
    APu : 921,7 – 2177,8 = -1256,1
    Sociétés financières: 12285,5 – 11937,9 = 347,6
    Sociétés non financières : 4724,4 – 6837,9 = - 2613,5
    Total, économie nationale : 21967,3 – 22290,5 = - 323,2

    (le négatif de 323,2 est le solde extérieur, c'est-à-dire principalement les cumuls des balances commerciales)

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  7. Pas du tout d'accord le FMI et J Sapir ne se rejoignent pas celui ci fait une critique d’économiste a juste titre tandis que le FMI la commission ou Cameron commencent a péter de trouille devant les risques de troubles graves qui menacent leur petit confort pour que l'oligarchie se maintienne les dettes a perpète sont excellentes et c'est bien le sens du foutage de gueule FMiste

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  8. AJH :
    "si on veut bien considérer que l'épargne c'est l'investissement (ne confondons pas épargne qui est "recyclée" et thésaurisation"

    Justement, l'analyse de Jean Bayard, dont j'ai donné le lien plus haut, ne va pas tout a fait dans ce sens, et elle me parait digne d'être étudiée.

    << L'investissement est d'autant plus fort que le niveau de l'épargne est élevé, et inversement, comme le montrent les statistiques.

    La fameuse égalité de l'épargne et de l'investissement, que l'on doit à Keynes, est une égalité comptable qui apparaît une fois le mouvement artificiellement stoppé. L'erreur est justement de lui donner une interprétation statique, alors que l'on a affaire à deux masses en mouvement perpétuel que tout oppose mais que rien ne peut séparer. C'est de cette opposition que naît l'allure de marche de l'activité nationale >>

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  9. @Raphael
    La comptabilité est toujours un "stop" à un moment donné .. seule la comptabilité analytique permet d'aller plus loin.

    J'ai souvent débattu avec Jean Bayard mais j'avoue n'avoir pas encore compris où il voulait en venir ni même son idée de "parkings monétaires" ; sans doute ne suis je pas assez calé en compta.

    Je reste avec l'idée que l'épargne des uns permets l'investissement des autres, le complément (#50%) étant issu du financement direct des entreprises par création monétaire, mais sans oublier que l'épargne est elle même nécessairement issue d'une création monétaire bancaire antérieure (sans connaitre l'origine de la reconnaissance de dette ayant permis la création monétaire). Alors bien sur il me semble que dans un système Lordon où les entreprises n'auraient aucun soucis de se financer par les banques (crédit socialisé), il n'y aurait effectivement plus *besoin* d'épargne. Mais les hommes ont de toute façon bien besoin de cette épargne (ou d'actifs, ou de thésaurisation) pour s'assurer (se rassurer) face à l'avenir.

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  10. Je trouve que Plihon a très bien expliqué tout celà dans les "triangles" de la circulation de la monnaie.
    http://postjorion.wordpress.com/2010/10/26/132-la-theorie-quantitative-de-la-monnaie/

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  11. Ce qui intéresse les néolibéraux c'est de baisser les impôts et ils se rendent compte après coup que "la regle d'or" empêche d'utiliser les coupes sombres pour baisser les impôts. Le FMI avait bien été obligé d'admettre que l’austérité fait baisser la croissance. Mais pour être encore moins lucide que le FMI le gouvernement fait fort.

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  12. @AJH
    Navré, mais il y a une erreur de signe :
    (S-I) + (T-G) = (X-M), le solde financier privé (Saving - Investment) plus le solde publique (Taxe - Government spending) est égal au solde extérieur (eXport - iMport).
    Un excédent privé implique donc un déficit publique ou un excédent commercial (exemple : l'Allemagne aujourd'hui). Au contraire un déficit privé implique un excédent publique ou un déficit commercial (exemple : les USA en pleine bulle des subprimes).
    Et attention, ces implications sont logiques et non causales : si à un moment donné dans le temps on constate ceci alors on peut en déduire cela sans avoir besoin d'aller vérifier, mais le lien de cause à effet peut aller dans n'importe quel sens.

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  13. @Anonyme
    Je suis tout à fait d'accord avec vous et avec cette formule (dans laquelle il faudrait d'ailleurs introduire la monétisation directe de la BC si elle était possible), mais je ne vois pas où j'aurais fait une erreur de signe. Je ne suis peut être pas assez réveillé, merci de me préciser.

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