jeudi 27 décembre 2012

The Economist, missionnaire borné du libre-échange


Il faut le lire pour le croire. Dans son numéro spécial de Noël, l’hebdomadaire de référence des élites mondialisées fait une ode au libre-échange dénuée de toute distance critique. Une nouvelle preuve de l’approche théologique d’une partie des élites sur les questions économiques.

Délivrez-nous du mal (protectionniste)

Pour The Economist, le remède au manque de croissance des pays développés est simple : « nous offrons trois moyens d’améliorer la confiance et d’accélérer la croissance pour ce qui sera autrement une année plutôt rude (…) Les trois impliquent une libéralisation du commerce ». Les trois opportunités sont le traité trans-pacifique, l’accord de libre-échange entre l’Europe et les Etats-Unis et enfin la libéralisation des services au sein de l’Union Européenne.

La bible néolibérale évoque des études qui concluent toutes à un apport positif de cette libéralisation. Le traité pacifique apporterait 1 point au PIB de la zone. L’accord de libre-échange européo-étasunien apporterait 0.4 point au PIB des premiers et 1 point aux seconds. Enfin, la libéralisation des services au sein de l’UE pourrait produire 2,5 points de PIB supplémentaires. Bref, avec The Economist, l’économie c’est simple, la libéralisation résout tous les problèmes.

Contradictions et idéologie

Certes, The Economist a été fondé en 1843 pour s’opposer au corn laws protectionnistes mais un tel manque de nuance est tout de même stupéfiant de la part d’un journal qui sait également prendre des distances avec la libéralisation quand celle-ci ne marche pas (dans la finance ou l’éducation supérieure par exemple). Ici, il ne pose pas la question du lien entre la baisse de la croissance des pays européens et leur très grande ouverture au commerce international.

En effet, l’industrie européenne s’est totalement effondrée devant la levée de toutes les barrières au commerce avec les autres pays, ce qui est malheureusement bien logique étant donnés les immenses écarts de salaires qui existent. Il est bien évident que davantage de libéralisation ne fera qu’accroître le malaise économique des pays dits développés en accélérant plus encore le phénomène de délocalisations, qui touche aujourd’hui de plus en plus les services.

En fait, contrairement à Paul Krugman et Joseph Stiglitz, qui ont mis de l’eau dans leur vin libre-échangiste, The Economist n’utilise plus sa raison sur la question du libre-échange. Il se fait le moine-soldat des élites mondialisées, son lectorat, qui, lui, en profite, au détriment d’une immense majorité de la population des pays dits développés. Ce faisant, il défend la religion de la libéralisation à outrance, qui nous a pourtant mené au désastre il y a quatre ans.

Malgré tout, ce papier vaut d’être lu, car il démontre l’attitude bornée des défenseurs les plus acharnés de la cause néolibérale. Mais le pire est qu’aujourd’hui, les principaux inspirateurs de la politique économique du Parti Socialiste (Mosovici, Berger et Rabaud) y souscrivent sans le moindre recul.

8 commentaires:

  1. Je me disais, le marché transatlantique ne peut qu'être favorable à l'Europe vu que nous sommes déjà ouvert à tout le monde et que les USA non (?). Ce n'est surement pas aussi simple, je ne connais pas les détails et a première vu je me méfie avec ces histoire de libre-échange, mais si nous on est déjà ouvert et que eux non, il me semble que s'il s'ouvre pour nous ça ne peut être que bénéfique (?) Si tu pouvais nous en dire plus sur ce traite ce traité transatlantique Laurent.

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  2. Naturellement les américains continuent dans leur doxa néolibérale et comptent bien nous entrainer encore plus loin et naturellement l'Europe va aller encore plus loin dans ce sens.
    Détruisons vite cette Europe dégénérée qui nous mène à la faillite à grande allure, débarassons-nous de l'Euro qui nous ruine et laissons-le aux Allemands ainsi nous pourrons recommencer à leur vendre nos produits qui redeviendront compétitifs comme notre main d'oeuvre recommencera à être attractive et ainsi on pourra relocaliser les millions d'emplois perdus par la faute des fous furieux (de droite et de gauche) qui nous ont mis dans ce pétrin. Que 2013 nous fasse sortir de ce cauchemar!!!

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    1. Ce sera plutot après 2013 ou cette année la les Français vont commencer a comprendre du moins j'espère mais le chemin me semble t'il sera encore long n'oublions pas les 30 ans de bourrage de crane

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  3. Bien sûr , l'excès de libre-échange est néfaste pour notre économie à cause des écarts salariaux très élevés ( même au sein de l'Europe comme entre la France et la Roumanie) mais en France une part impotante de la production est tournée vers l'exportation et la mise en place de droits de douane mêmes ciblés auraient pour effet immédiat d'entraîner du chômage dans ces secteurs, frappés par des mesures de rétorsions.
    Arthur

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    1. @ Arthur,

      Votre objection peut paraitre assez étrange. Un pays dont la balance commerciale est aussi déficitaire que la France est au contraire en bonne position pour négocier et imposer des mesures protectionnistes ciblées. Les puissances structurellement exportatrices ayant infiniment plus à perdre à toute surenchère seraient en la matière contraintes à une grande mesure. Rappelons que l'objectif raisonnable à obtenir du protectionnisme est l'équilibre des échanges, non l'extinction du commerce international.

      Emmanuel B

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  4. @Arthur et Emmanuel
    Dans l'esprit de la Charte de la Havane il faudrait simplement s'imposer et imposer un équilibre des échanges avec chacun (balance commerciale et balance des transferts équilibrée)

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  5. D'accord avec A-J Holbecq et Emmanuel mais malgré tout , un nouveau problème se pose et non des moindres : celui de l'inflation et du pouvoir d'achat : les ménages les plus modestes subiraient une perte importante de pouvoir d'achat avec de tels droits de douane. Quels seraient d'ailleurs leur montant? NDA parle toujours de protectionnisme intelligent sans jamais avancer de chiffre concernant le montant des droits.
    Arthur

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  6. @ Flo Pat

    Pas sûr, si c’est mal négocié, l’UE va baisser plus encore ses maigres protections douanières restantes de manière unilatérale, alors que les Etats-Unis pourraient les baisser globalement mais de manière différenciée (faible baisse pour les produits qui ont besoin de protection, forte baisse pour ceux qui n’en ont pas besoin). Après, je n’ai pas étudié le détail de ce traité pour l’instant.

    @ Anonyme

    J’ai peur que 2013 soit un horizon de temps bien trop court.

    @ Arthur

    Très juste sur la Roumanie. En revanche, la réponse d’Emmanuel est très juste. Un pays qui a un fort déficit commercial peut prendre des mesures protectionnistes sans grand danger (à part avec les pays avec lesquels il a un fort excédent).

    L’impact serait modéré. Aujourd’hui, les importations hors zone euro de la France représentent 10% du PIB. Une hausse de 20% du prix ajouterait deux points à l’inflation théoriquement (à supposer que les importateurs ne joueraient pas sur leur marge). Ensuite, il faut ajouter l’Europe de l’Est, mais cela représente quelques points de plus seulement. Deux solutions :
    - tout d’abord, le protectionnisme et le retour de la monnaie nationale permettent à nouveau une progression des salaires réels, alors qu’aujourd’hui, ils sont bloqués
    - ensuite, sa mise en place pourrait correspondre à une grande réforme fiscale de basculement du financement de la protection sociale qui pourrait permettre une hausse des salaires nets

    Sur le taux global, il n’a pas beaucoup de sens car il faut prendre en compte aussi la baisse du nouveau franc par rapport au dollar et aux monnaies asiatiques. En outre, il faudrait sans doute largement différencier les taux en fonction des secteurs dont on souhaiterait rappatrier la production

    @ Emmanuel & A-J

    Bien d’accord. Il vaut viser l’équilibre des soldes commerciaux. Keynes, encore une fois, avait raison.

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