mercredi 24 avril 2013

Fillon, le Monde, Barroso, FMI : les apprentis sorciers de l’austérité


Il y a trois ans, le débat faisait rage sur les politiques d’austérité en Europe. Trois ans après, il est tranché tant leur résultat est aussi détestable socialement qu’inefficace économiquement. Si certains ont admis s’être trompés, d’autres persistent dans l’erreur, comme François Fillon ou le Monde.

Les chevaliers de l’apocalypse



Alors que même le FMI a reconnu son erreur, certains persistent, encore et toujours. François Fillon, qui disait être à la tête d’un état en faillite avec un déficit de 2,7% du PIB et une dette de 64% du PIB, vient de s’illustrer dans une interview aux Echos. Comme s’il avait vécu en isolation complète depuis trois ans, il propose le même cocktail austéritaire qui a été mis en place en Grèce, au Portugal ou en Espagne, et qui ne provoque que dépression, misère et suicides.

L’ancien collaborateur de Nicolas Sarkozy propose une hausse de la TVA pour baisser le coût du travail de 5 à 6% et un passage aux 39 heures payées 35, un vrai choc de compétitivité. Il propose également de reprendre le non remplacement d’un fonctionnaire sur deux, de repousser l’âge de la retraite à 65 ans, en développant la capitalisation et une baisse des prix pour les professions réglementées. Bref, un cocktail austéritaire qui ne manquerait pas de plonger notre pays dans la dépression.

François Fillon sait-il que le coût horaire du travail est de seulement 3,7 euros en Bulgarie, contre 34 euros en France. Bref, non seulement l’augmentation du temps de travail provoquerait une flambée du chômage dans une crise de la demande, mais en plus, elle sera illusoire face à des pays dont le coût du travail n’est que 10 ou 20% du nôtre. Le non-remplacement d’un professeur sur deux est proprement suicidaire sachant que nous avons le taux d’encadrement le plus bas de l’OCDE dans le primaire. Enfin, toutes les limites de la capitalisation ont été mises en lumière en 2009…

Le Monde contre les économistes

Les leçons des trois dernières années ne semblent pas influencer le quotidien du soir, qui affirme dans un éditorial effarant « Objectif équilibre 2017 : la France doit tenir son cap ». Le déficit budgétaire 2012, à 4,8% est jugé considérable. Transmis à Washington (8,5% selon l’OCDE), Londres (6,6%) et Tokyo (9,9%)… Pire, le journal dénonce ceux qui « invoquent l’excessive rigueur qui n’aurait pas porté ses fruits en Europe du Sud » puis parle de « l’excessive rigueur qui ajouterait à la crise ». Il faudrait tout de même expliquer ce qui leur permet d’employer le conditionnel.

Pourtant, les preuves s’accumulent. Le FMI avait admis avoir largement mesestimé l’effet du multiplicateur budgétaire, à savoir l’impact que la baisse des déficits a sur la croissance. Récemment, des universitaires ont remis en question l’étude qui affirmait qu’une dette publique supérieure à 90% du PIB pénalisait la croissance. Même le président de la Commission de Bruxelles a admis que « tout en pensant que cette politique (d’assainissement budgétaire) est fondamentalement juste, je pense qu’elle a atteint ses limites » et que « tout ce que nous avons fait n’était pas juste ».

En clair, la ligne défendue par Paul Krugman et Joseph Stiglitz, les deux « prix Nobel d’économie » a gagné, dans les faits, et dans la théorie. Il est malheureux que nous n’ayons pas été davantage entendus, car Jacques Sapir, Nicolas Dupont-Aignan ou votre serviteur l’annonçions il y a trois ans. Pire, le relâchement des objectifs risque de ne rien changer sur le fond car il s’agit simplement de reconnaître qu’ils étaient impossibles à tenir. L’austérité sera à peine moins dure.

Quel paradoxe ! Un à un, les tenants des politiques austéritaires finissent par admettre leurs erreurs, mais nos dirigeants ne parviennent pas à faire leur révolution copernicienne. La morsure de l’austérité, si elle sera un peu moins violente dans les années à venir, n’en resterant pas moins sanglante…

15 commentaires:

  1. On pourrait rappeler aussi l'intervention récente de Louis Gallois, signalant que « l'addition des politiques d'austérité conduit dans le mur » (http://www.lemonde.fr/economie/article/2013/04/21/gallois-souligne-l-impact-sur-la-croissance-des-politiques-d-austerite-en-europe_3163662_3234.html).

    YPB

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  2. Sur le même sujet :

    Voilà ce qu’il en coûte d’écouter religieusement des marchés financiers qui, loin d’avoir été des messagers, se sont bornés tout le long à envoyer de mauvais signaux. Signaux très mal interprétés par des dirigeants européens totalement ignorants en matière financière et qui se sont embarqués le cœur léger dans une croisade contre les déficits publics.

    http://www.gestionsuisse.com/2013/cest-la-panique-de-nos-politiques-qui-donne-lausterite/

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  3. Les enfants grecs souffrent de malnutrition. A ceux là, la Troïka aura-t-elle le culot de leur dire qu'ils ont vêcu au dessus de leurs moyens ? Sont-ils donc tous aveugles pour ne pas voir que l'austérité a mis la Grèce à genoux, socialement ET économiquement ?

    http://www.agoravox.fr/tribune-libre/article/entre-faim-et-pauvrete-l-ombre-est-134698

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  4. Et voici encore quelques idiots utiles de services:

    http://www.lemonde.fr/idees/article/2013/04/23/pour-un-choc-de-verite-au-sein-du-ps-a-gauche-et-pour-la-france_3164833_3232.html

    Du PS...

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  5. Berlin: il serait «mauvais de changer de politique» en Europe

    Le porte-parole de la chancelière allemand Angela Merkel a asséné mercredi qu’il serait «mauvais de changer de politique» pour résoudre la crise qui secoue depuis trois ans la zone euro, réaffirmant la nécessité de redresser les finances publiques et réformer.La politique menée jusqu’alors, de réduction drastique des déficits doublée de réformes structurelles dans les pays concernés, «a déjà ramené une certaine dose de confiance», a affirmé lors d’un point de presse du gouvernement Steffen Seibert. «Il serait mauvaise de changer de politique, en plein milieu de la crise», a-t-il ajouté.Celle-ci est «un chemin très difficile» pour certains pays, a dit M. Kotthaus mercredi, mais «c’est le chemin pour lequel s’est décidé l’Europe» et il est «porté par un large consensus», a-t-il ajouté.Berlin a aussi renvoyé la balle à Bruxelles, qui doit notamment «concrétiser» l’utilisation de 6 milliards d’euros de fonds destinés à lutter contre le chômage des jeunes qui gangrène beaucoup de pays du Sud. Cet argent «doit maintenant être dirigé vers des projets concrets, nous attendons avec impatience les propositions de la Commission», a dit M. Seibert.

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  6. Mercredi 24 avril 2013 :

    A propos de la zone euro, Olivier Berruyer écrit :

    Je rappelle mon analyse : les contraintes nécessaires au maintien d’une monnaie unique sur une large zone sont très lourdes. Aucune zone n’est jamais véritablement optimale, mais une monnaie tient dans un pays car les écarts sont limités, et la volonté populaire de rester ensemble permet des transferts plus ou moins importants de personnes et d’argent.

    La Zone Euro est bien trop hétérogène, et surtout aucune volonté réelle de faire les efforts de transferts financiers entre pays n’existe, raison pour laquelle la quasi-totalité des unions monétaires passées ont échoué.

    L’euro disparaîtra donc probablement ; et comme personne n’a le courage de reconnaître que, bâti avec les meilleures intentions du monde, c’est néanmoins une regrettable erreur technique, péché d’orgueil, sa dissolution sera assez brutale.

    Espérons qu’elle sera assez bien contrôlée, et que d’autres propositions de coopérations européennes se feront alors jour, mais raisonnables, et non bâties sur une lubie "d’États-Unis d’Europe", joli rêve mais bien loin des attentes réelles des peuples.

    Dans ces temps troublés, conserver certains acquis, et construire un tout petit peu plus (en particulier sur le plan social et démocratique) serait déjà un très grand succès… À trop vouloir, à tout jouer à quitte ou double, on finira par tout perdre…

    Olivier Berruyer.

    http://www.les-crises.fr/miscellanees-2013-04-24/

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  7. Il va falloir trancher à un moment ou à un autre : Enrico Letta, chargé de former le nouveau gouvernement italien, vient de déclarer que les politiques d'austérité ne pouvaient plus suffire en Europe (http://www.lemonde.fr/europe/article/2013/04/24/italie-le-premier-ministre-pressenti-convoque-a-la-presidence_3165497_3214.html). Pendant ce temps-là, la France est muette dans le concert européen, ce qui frappe les observateurs étrangers (http://uk.reuters.com/article/2013/04/24/uk-france-eu-insight-idUKBRE93N0A820130424). On ne veut tout simplement pas regarder en face que l'UE n'est plus le cadre dans lequel nous pouvons défendre notre intérêt national.

    YPB

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    1. Vu sur le site de Beppe Grillo : chaque minute il y a une entreprise qui ferme en Italie, ce qui fait 1440 fermetures d’entreprises par jour :

      http://www.beppegrillo.it/2013/04/o_si_aiutano_le.html#commenti

      Il parait que le nouveau premier ministre est un homme compétent. Il y a vraiment utilité à l’être car ce qu’il faut ce sont des miracles surtout si on va maintenir l'Italie dans l'euro en cohabitation avec Mme Merkel:

      http://tempsreel.nouvelobs.com/monde/20130424.OBS6862/italie-enrico-letta-une-replique-de-mario-monti-en-mieux.html

      Saul

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  8. Le coût horaire du travail est de 3,70 euros en Bulgarie, mais il est de 31,80 euros par mois au Bangladesh. Autrement dit, il y a encore de la marge pour les multinationales, le MEDEF et les exploiteurs en tout genre. Après cela, il ne restera plus que le bénévolat.

    Pour ce qui concerne la révolution copernicienne des socio libéraux français, il faudra repasser plus tard. La seule chose qu'ils soient capables de faire, c'est de tenir un double discours en nous servant des boniments sur un ton solennel à l'image de leur chef. Idem pour les autres dirigeants européens conservateurs.

    La réaction de rejet de l'Europe et de la monnaie unique de l'un ou de l'autre des pays n'interviendra que quand la situation sera rééllement devenue insupportable, ce qui explique que les eurocrates font tout pour ne pas atteindre le point de rupture en se contorsionnant, quitte à renier leurs saintes règles.

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  9. Fillon a raison.

    Vous êtes malhonnête, vous mixez le terme "austérité" à toutes les sauces. L'austérité pour moi c'est baisser la dépenses publique + augmenter les impôts. Ce n'est pas ce que propose Fillon, il propose de baisser la dépense publique (tout en réformant structurellement) + baisser les charges et impôts pour relancer non pas par la dépense publique mais par la croissance privée.

    La France doit baisser sa dépense publique, la dépense publique tue. Il faut revenir absolument a un niveau où notre pays n'aura plus besoin d'emprunter pour payer les emprunts d'avant. Oui ça va faire mal pendant un temps... mais si c'est accompagné de baisse massive de la fiscalité, de réformes compétitive, alors il y a la lumière au bout du tunnel.

    La France ne meurt pas du libéralisme, elle meurt au contraire d'un Etat structurellement socialiste et du keynesianisme outrancié depuis 40 ans.

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    1. Qualifier une dépense de publique et une croissance de privé ou lycée de versailles n'a aucun sens

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    2. Oui, il y aurait des mesures de « bonnes gestion » à prendre comme celles que préconisent aussi l’économiste Christian Saint-Etienne.

      http://www.christiansaint-etienne.eu/blog/index.php?post/2013/03/28/La-France-au-bord-de-limplosion-%3A-que-faire

      Cela dit je ne crois pas que ces mesures suffiraient à sortir la France de l’ornière car aussi bien les hommes politiques comme Fillon que les économistes favorables à l’euro sous-estiment la difficulté pour les pays en crise de la zone euro d’aller d’une situation de crise vers une situation normale dans le contexte institutionnel actuel de la zone euro, dans leur contexte de désindustrialisation et de surendettement. Ce contexte fait que quoi qu’ils fassent ces pays ne peuvent plus stopper la progression de leur endettement en raison du niveau élevé de celui-ci, de taux d’intérêt long terme supérieurs au taux de croissance et des faillites d’entreprises:

      http://cib.natixis.com/flushdoc.aspx?id=68663

      Pour la France sa participation à l’euro a accru un travers qui était déjà présent à un degré moindre, à savoir l’augmentation excessive de la dépense publique et de l’endettement pour compenser la perte de compétitivité due à la perte de la maîtrise du taux de change de la monnaie. In fine pour tous ces pays en crise de l’euro zone (France, Espagne, Italie, Grèce, Portugal, etc.) il finira par y avoir une sortie de l’euro et un défaut sur leurs dettes extérieures à moins que l’Allemagne accepte un fédéralisme très coûteux pour elle :

      http://russeurope.hypotheses.org/1158

      Ça va être le bordel qu’il faudra essayer de gérer au mieux et il faudrait s’y préparer dès à présent.

      Saul

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  10. Espagne: plus de six millions de chômeurs, seuil historique de 27,16%:

    http://www.liberation.fr/monde/2013/04/25/espagne-plus-de-six-millions-de-chomeurs-seuil-historique-de-2716_898854

    Comme la Grèce, l’Espagne devient un cas d’école d’un pays s’entête à mettre en œuvre des mesures d’austérité dans un contexte où elles ne peuvent pas marcher.

    Saul

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  11. Jeudi 25 avril 2013 :

    Le chômage en Espagne a encore progressé au premier trimestre 2013, atteignant le nouveau seuil historique de 27,16%, avec plus de six millions de sans-emploi, alors que le pays reste plongé dans la récession.

    A la fin mars, l'Espagne, quatrième économie de la zone euro soumise à un effort de rigueur sans précédent, comptait 6 202 700 chômeurs, soit 237 400 personnes de plus qu'au trimestre précédent, selon les chiffres publiés jeudi par l'Institut national de la statistique.

    Parmi les pays de l'Union européenne, le taux de chômage en Espagne se situe juste derrière celui de la Grèce, le plus fort de la région, qui atteignait 27,2% en janvier.

    Dette européenne : Pimco réduit ses positions sur l'Italie et l'Espagne.

    Pimco, premier gestionnaire obligataire au monde, réduit ses positions sur les dettes espagnole et italienne, sans préciser le montant de ce changement, a indiqué mercredi au Wall Street Journal son directeur de la gestion des portefeuilles européens Andrew Balls.

    Cette action intervient alors que les dettes espagnole et italienne bénéficient d'une forte détente de leur taux d'emprunt depuis plusieurs jours. Ces taux, qui évoluent en sens inverse des prix, se situent désormais à leurs niveaux de 2010.

    Cet engouement pour des pays longtemps jugés fragiles résulte de la mise à disposition de liquidités par les grandes banques centrales, occultant pour le moment les problèmes économiques et budgétaires en zone euro, explique M. Balls au Wall Street Journal.

    http://www.lesechos.fr/entreprises-secteurs/finance-marches/actu/afp-00516879-dette-europeenne-pimco-reduit-ses-positions-sur-l-italie-et-l-espagne-561543.php

    Andrew Balls n'est pas sensible à "la mise à disposition de liquidités" par la Banque Centrale Européenne.

    Pourtant, la BCE fait de l'alchimie.

    Depuis cinq ans, la BCE reçoit dans ses livres des centaines de milliards d'euros d'actifs pourris, en provenance des banques privées françaises, des banques privées espagnoles, des banques privées italiennes, etc.

    En échange, la BCE fournit des centaines de milliards d'euros à toutes ces banques privées, par l'intermédiaire de la Banque de France, de la Banque d'Espagne, de la Banque d'Italie, etc.

    En clair : depuis cinq ans, la BCE reçoit de la merde en provenance d'Europe du sud, et elle transforme la merde en euros.

    Mais ça, Andrew Balls ne peut pas le dire, car c'est un homme poli, courtois.

    A la place, Andrew Balls dit : "Cet engouement pour des pays longtemps jugés fragiles résulte de la mise à disposition de liquidités par les grandes banques centrales, occultant pour le moment les problèmes économiques et budgétaires en zone euro."

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  12. @ YPB

    Merci pour l’info. Je l’avais raté. Il me tarde de voir ce qui se passera en Italie.

    @ Olaf

    Les preuves s’accumulent

    @ Sylvène

    Merci pour cette triste information.

    @ Anonyme

    L’Allemagne veut juste retrouver sa caution…

    @ BA

    Merci pour cet extrait du très recommandable blog d’Olivier Berruyer.

    @ Saul

    Merci pour les liens. Bien sûr, il y a des choses à améliorer. Terrible l’Espagne.

    @ Anonyme

    Très juste

    @ Jean P

    La solution de Fillon, c’est une politique de l’offre en pleine crise de la demande, qui ne va faire que baisser plus encore la demande et donc aggraver la crise d’autant plus qu’elle est simultanée dans toute l’Europe.

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