mercredi 31 juillet 2013

Avis de reprise illusoire pour 2014


Le 14 juillet, François Hollande s’est attiré beaucoup d’ironies en proclamant la sortie de crise. C’est que si techniquement, la France devrait bien sortir de la récession, comme je l’annonçais il y a 6 mois, il ne s’agira que d’une timide éclaircie dont l’immense majorité de la population ne le ressentira pas.



La croissance, c’est maintenant ?

La prévision économique est un sport délicat, mais il y a six mois, j’avais publié un papier qui pronostiquait « une reprise en 2014 (certes) aussi faible qu’illusoire pour la grande majorité de la population » et que « si l’année 2013 a toutes les chances d’être une nouvelle année de crise, cela est moins évident pour 2014. En effet, un certain nombre de facteurs semblent indiquer que nos économies pourraient légèrement repartir », ce qui avait été confirmé en mars par la publication d’indicateurs positifs, malgré la poursuite de la récession au premier trimestre, et probablement au second pour la zone euro.

Je crois qu’il est essentiel d’avoir un regard équilibré sur la situation, sous peine de perdre de la crédibilité en faisant des prévisions trop catastrophistes. A ce titre, le bulletin du GEAB devient chaque jour plus ridicule : ils annoncent pour les trois à six mois à venir une crise encore plus forte que celle de 2008 chaque trimestre depuis le printemps 2009. Bien sûr, un jour, ils auront sans doute raison, mais à force d’avoir crier au loup… Pour ma part, je persiste à croire que la zone euro va sortir de la récession en 2014 et probablement dès le second semestre 2013, pour les mêmes raisons qu’il y a 6 mois.

Les indicateurs avancés de sentiment économique confirment en effet les anticipation d’il y a six mois. Il y a trois raisons pour cela. Tout d’abord, les économies européennes ont tellement souffert que le rebond sera en partie mécanique (après 6 ans de baisse, en 2014, le marché automobile devrait au moins être stable). Ensuite, devant l’échec patent des politiques d’austérité, la vitesse de réduction des déficits sera un peu moins grande, ce qui donnera un peu d’air aux économies. Enfin, malgré des performances décevantes, la croissance pourrait repartir dans les pays émergents.

Une croissance aussi maigre qu’illusoire

mardi 30 juillet 2013

Monsanto, huile de palme : la mobilisation contre l’agro-business progresse


On en a trop peu parlé, mais le 25 mai, dans toute l’Europe, des milliers de personnes ont manifesté contre Monsanto et la commercialisation des OGM dans une mobilisation inédite contre les agissements d’une multinationale. Et le 2 juin, France 5 diffusait un reportage très instructif sur l’huile de palme.



Les scandales de l’huile de palme

Le reportage de France 5 était édifiant à plusieurs titres. Il rappelait les conséquences de l’exploitation des palmiers sur la forêt équatoriale, montrant bien également que ce sont essentiellement les multinationales qui profitent de son exploitation, et non les paysans, parfois réduits à une condition proche de l’esclavage au nom du progrès économique. Le reportage dénonçait également l’utilisation de pesticides Syngenta extrêmement dangereux pour la santé et dont la multinationale fait pourtant une promotion cynique, la population pensant s’en protéger avec du lait concentré Nestlé…

Problème, les industriels peuvent camoufler aujourd’hui l’utilisation d’huile de palme sous le nom générique d’huile végétale ou matière grasse végétale. Pourquoi l’Europe ou nos gouvernants n’imposent-ils pas d’indiquer s’il s’agit d’huile de palme ou non ? Les consommateurs ne devraient-ils pas pouvoir choisir de consommer tel ou tel produit en toute transparence ? Il est difficile de ne pas voir dans cette possibilité offerte par le législateur le lobbying des grandes entreprises…

Le reportage évoque le label RSPO, créé par les industriels (et auquel Syngenta et… le WWF sont associés) qui garantirait une exploitation responsable de l’huile de palme, assurant respect des forêts et des paysans. Malheureusement, il est difficile de vérifier sur place ce qu’il en est en réalité puisque les exploitations RSPO ne peuvent pas être visitées. Les journalistes ont réussi à le faire en caméra cachée et pas grand chose ne semble distinguer l’huile de palme « responsable » de l’huile de palme ordinaire, dont le principal bénéfice est d’être la matière grasse la moins chère du marché.

Des politiques aux abonnés absents ou du mauvais côté

lundi 29 juillet 2013

Spéculation, profits : le casino bancaire continue !


Il y a bientôt cinq ans, on nous annonçait une moralisation du capitalisme. Même les libéraux dénonçaient les abus du système bancaire. Mais aujourd’hui, quand on voit les profits records des banques étasuniennes ou l’amplification des pratiques spéculatives, on constate que presque rien n’a changé.



L’anarchie bancaire continue

La lecture de l’actualité financière est effarante : on se croirait revenus en 2007 ! Les banques étasuniennes affichent des profits records, les particuliers ont accès aux pratiques spéculatives les plus toxiques, et le Luxembourg adopte un dumping législatif pour attirer les capitaux. Comme le rapporte ce papier d’Atlantico, le duché européen s’adapte aux nouvelles règles européens qui permettent de commercialiser ses produits dans toute l’UE. Le Luxembourg contourne les règles de transparence avec son nouveau statut de société en commandite simple, qui protège l’identité de ses dirigeants…

Outre-Atlantique, les banques ont annoncé des profits records : JP Morgan, +31% ; Citibank, +42% ; Bank of America, +63% ; Morgan Stanley, +74% ; Goldman Sachs, +101% ! En un petit trimestre, ces cinq banques ont amassé la bagatelle de près de 12 milliards de dollars de profits ! L’examen plus détaillé des comptes de résultat indique que les résultats nets représentent entre 10 et 20% du chiffre d’affaire, pas vraiment le signe qu’il s’agit d’une industrie très compétitive (demandez aux constructeurs automobiles qui se battent pour quelques pourcents) mais plus d’une oligarchie qui vit d’une rente.

Pour parachever ce sinistre tableau, le Monde a publié un dossier excellent et effarant sur les produits dérivés que les banques vendent désormais à leurs clients. Où l’on apprend que tout le monde peut désormais avoir accès aux produits créés par cette finance folle et inconsciente. En clair, alors que les précédents produits ne permettaient qu’un effet de levier de 50, les CFD (Contracts For Differences) permettent un effet de levier de 400 : avec un capital de 100 euros, on peut parier sur 40 000 euros ! Et il n’est même pas forcément nécessaire de posséder les titres !

Ils n’ont vraiment rien appris !

dimanche 28 juillet 2013

Le Front National s’est il dédiabolisé ?


Atlantico : Dans une interview accordée au Point.fr, Jean-Marie Le Pen  revient sur les incidents de Brétigny et de Trappes. Selon lui, l'essentiel de la dédiabolisation du FN tient au fait que les gens se disent : "Le Pen avait raison alors qu'on nous a dit que c'était un fasciste, un extrémiste." Partagez-vous en partie son analyse ?

Pas du tout. La question de la dédiabolisation du FN est traitée de manière souvent un peu trop rapide, et, de manière plus étonnante, avec une grande complaisance pour l’histoire qu’essaie de vendre la famille Le Pen, y compris dans les médias de gauche. Certes, on constate que dans les élections partielles de la dernière année, le parti lepéniste a réussi des scores très importants au second tour qui indiquent a priori un affaiblissement du front républicain qui assurait auparavant un report des voix massif sur le candidat qui affrontait le candidat frontiste. Néanmoins, il ne s’agit pour l’instant que de quelques élections partielles et l’examen des tendances nationales ne permet absolument pas d’accréditer la dédiabolisation :
-        le baromètre du Monde sur l’adhésion des Français aux idées du Front National, qui existe depuis 1984, a atteint un pic de 32% en janvier 2013, mais ce score avait déjà été atteint en 1991 et approché en 1996 et en 2002. L’adhésion des Français aux idées du FN est revenu à son étiage le plus haut mais n’a pas réussi à le dépasser
-        lors de l’élection présidentielle de 2012, Marine Le Pen a atteint le score de 17,9%, soit moins que le score cumulé de son père et de Bruno Mégret en 2002 (16,9 + 2,3 = 19,2%). Aux élections législatives de 2012, le Front National a fait moins qu’en 1997
-        les sondages pour les élections européennes donnent le Front National entre 18 et 21%, à peine mieux qu’à l’élection présidentielle, et surtout, moins que le score qu’ils donnaient à Marine Le Pen à l’automne 2011, qu’ils voyaient entre 22 et 24%
Si j’insiste sur ces trois faits, c’est que le contexte actuel est pourtant extraordinairement porteur pour le FN. La France a traversé deux récessions en cinq ans, le taux de chômage est au plus haut, le pouvoir d’achat n’a jamais autant baissé, les impôts montent à un niveau inédit, d’innombrables affaires (Cahuzac, Tapie…etc) font la une des médias, les tensions dans notre société sont très fortes après le débat sur le mariage. En outre, les deux grands partis de gouvernement ont énormément déçu depuis un an (le PS au gouvernement, l’UMP avec son élection interne). Si le FN était un parti comme les autres, dans de telles circonstances, il devrait être au-delà de 30%.
Il y a encore un blocage, qui s’illustre par le fait que seulement 25% des Français pensent que le FN ferait mieux que le PS et l’UMP et 72% pensent le contraire, score très éclairant dans un tel contexte et alors que les deux grands partis sont très largement déconsidérés.
La chose qui a changé depuis un an, en revanche, c’est justement que l’image qu’ont les Français du PS et de l’UMP s’est détériorée au point que dans un second tour, en présence du FN, le réflexe du front républicain s’est fortement affaibli, mais je ne pense pas du tout qu’il y ait une dédiabolisation. L’image du FN ne s’est pas vraiment améliorée, c’est l’image du PS et de l’UMP qui s’est fortement dégradée (et encore, pas au point de permettre au FN de casser son plafond de verre).
Atlantico : Jean-Marie Le Pen a-t-il raison de penser que les Français ne croient plus à l’étiquette de fasciste qui lui est collée ?

samedi 27 juillet 2013

Patrick Artus révèle le défaut à venir d’une partie des Etats de la zone euro


C’est un secret de polichinelle. Mais quand on constate l’envolée du niveau de la dette publique de la plupart des Etats de la zone euro, il devient chaque jour plus évident qu’un défaut au moins partiel est inévitable, comme l’explique Patrick Artus, même si d’autres options existent.



Vers un défaut des dettes souveraines

Le directeur de la recherche économique de Natixis est un économiste important. En effet, il est à la frontière des économistes bien-pensants et des économistes alternatifs. S’il défend toujours la monnaie unique, il ne cesse d’en souligner toutes les carences. S’il reste partisan du libre-échange, il n’hésite pas à pointer tous les risques que fait peser la mondialisation sur nos sociétés. Et il apporte suffisamment d’eau au moulin des analyses des économistes alternatifs pour être repris par Jacques Sapir et d’autres, notamment au travers de ses publications Flash pour Natixis, une mine d’informations.

Dans un entretien accordé à la Tribune, il dit être « persuadé qu’un défaut est inévitable pour les pays les plus vulnérables de la zone euro. Cela ne signifie pas un défaut violent où l’on décide du jour au lendemain de ne rien rembourser. Cela peut consister en une restructuration par un échange de titres à un taux plus bas ou avec une maturité plus longue. Ce qui correspond de plus en plus à l’analyse qui est faite par le FMI et les Allemands ». Pour lui, « aucun des pays en difficulté ne pourra raisonnablement atteindre un excédent primaire, c’est-à-dire l’excédent budgétaire hors coût des intérêts ».

Il souligne que pour l’instant, nous ne sommes pas prêts car les pertes que cela infligerait au secteur bancaire imposeraient une recapitalisation. Il rappelle que le FMI a affirmé que le cas de la Grèce montre qu’il vaut mieux « faire défaut au lieu de laisser la situation se dégrader ». Il pointe les risques à Chypre, au Portugal, en Irlande et rappelle que la situation actuelle fait fuir les jeunes, qui n’assument plus alors la dette qui reste. Il dénonce les politiques de suppression des dépenses publiques et d’augmentations des impôts qui n’aboutissent qu’à tuer le potentiel de croissance.

Une situation intenable

vendredi 26 juillet 2013

Ce modèle que l’Allemagne n’est pas


La crise de la zone euro a fait de l’Allemagne le modèle à suivre pour certains. Comme le souligne souvent Jacques Sapir sur son blog, il s’agit d’un mirage dangereux car non seulement le « modèle allemand » n’est pas réplicable à l’échelle du continent, mais il n’est même pas souhaitable dans l’absolu.



Un « modèle » non réplicable

Alors que la zone euro pourrait sortir de la récession ce trimestre et enregistré une légère (et illusoire) croissance l’an prochain, on entend des discours absolument hallucinants. La seule issue pour les pays en difficulté serait de trouver la croissance par l’augmentation des exportations. C’est notamment ce qui est avancé pour l’Espagne ou la Grèce. Car cela est au cœur de la réussite allemande puisque le pays affiche un solide excédent des échanges courants de près de 200 milliards d’euros, soit la bagatelle de 6,4% du PIB pour 2013 (plus de trois fois le niveau de la Chine !).

Mais ce que les économistes myopes ne comprennent pas, c’est que les excédents des uns sont les déficits des autres, et que si un pays parvient à baser sa croissance sur les exportations, alors, d’autres doivent accepter des déficits équivalents… Il faut savoir que la moitié de la croissance de l’Allemagne depuis 10 ans vient de son solde commercial. Mais il n’est pas difficile de comprendre qu’un tel modèle n’est pas réplicable à l’échelle du continent. Tous les pays de la zone euro ne pourront pas être en excédent commercial en même temps, surtout avec la concurrence des pays émergents.

Dès lors, les stratégies de sortie de crise par les exportations sont illusoires. Bien sûr, les pays qui seront les plus radicaux pourront gagner temporairement des parts de marché, mais cela est absurde. Non seulement, cela réduit la demande européenne, et donc la croissance et l’emploi, mais en plus, cela ne conduit qu’à déplacer les chômeurs des pays les plus compétitifs vers ceux qui le sont moins, tout en augmentant leur nombre global, du fait de la baisse de la demande. Et cela nous mène à une course mortifère au moins disant social, une guerre économique de tous contre tous.

Un modèle qui n’est même pas souhaitable


jeudi 25 juillet 2013

Grèce, Portugal : la victoire temporaire des austéritaires





L’austérité, majoritaire à Lisbonne et Athènes

Vu d’ici, il est incroyable, pour ne pas dire autre chose, que les gouvernements grec et portugais tiennent toujours dans le contexte actuel. La récession continue, le taux de chômage dépasse 27% en Grèce et 18% au Portugal, pourtant, rien n’y fait : ni la censure du plan d’austérité par la Cour Constitutionnelle ni la démission de deux ministres majeurs du gouvernement à Lisbonne, ni la fermeture de l’audiovisuel public ou les départs de la majorité du DIMAR à Athènes n’ont fait tomber les gouvernements euro-libéralo-austéritaires dans les deux capitales du Sud de l’Europe.

Ce lundi, malgré une fronde grandissante dans ses rangs, le premier ministre portugais a exclu de changer de cap, sachant que le président de la République avait indiqué qu’il ne convoquerait pas les élections législatives anticipées que demande la gauche. Il a également affirmé que « nombreux sont ceux qui disent que l’austérité est excessive, mais elle est celle que nous imposent les circonstances ». Cependant, le niveau de dette du pays atteint 127,2% du PIB, un chiffre qui rend très aléatoire la sortie du pays des plans européens et pourrait rendre nécessaire un second plan.

En Grèce, malgré la défection du DIMAR, le gouvernement continue à appliquer les potions amères et absurdes de la troïka. Comme le rapporte ce papier du Figaro, un sondage indique que pas moins de 60% de la population serait favorable au licenciement de fonctionnaires (et même 47% des électeurs de Syriza) du fait d’enquêtes qui mettent en avant certains abus et créent le sentiment que les membres de la fonction publique sont des priviliégiés dans cette crise. Cependant, l’endettement du pays atteint encore 160% du PIB, malgré l’effacement de 107 milliards d’euros de dette…

Entre résignation et peur

mercredi 24 juillet 2013

Ce que le Big Mac dit de la monnaie unique





Une méthodologie sans cesse affinée

A l’origine, The Economist avait choisi le prix du Big Mac de Mac Donald’s car il s’agit d’un produit que l’on retrouve presque partout dans le monde. En outre, la large composition de son coût (matières premières agricoles, mais aussi salaires ou immobilier) donne une bonne indication sur le niveau des prix dans un pays. Ainsi, quand un Big Mac est moins cher dans un pays que dans un autre, on peut en déduire que le cours de la monnaie est théoriquement sous-évalué. Selon cette méthode, l’euro serait surévalué de 2% par rapport au dollar et le yen sous-évalué de 30% et le wuan de 43%.

En 2011, pour les 25 ans de la publication, partant du principe que le niveau des salaires était plus bas dans les pays en voie de développement et étant donné la forte corrélation entre le niveau des prix et le niveau du PIB, The Economist a ajouté un indice ajusté, qui donne une image un peu différente. Selon cet indice, l’euro serait surévalué de 10,5% par rapport au dollar. En revanche, le wuan ne serait plus que sous-évalué de 6% par rapport au dollar et le yen de 28%. Par rapport à son niveau de développement, le Brésil serait le pays le plus cher. Dans l’absolu, c’est la Norvège, de plus de 60% !

Sur son site, l’hebdomadaire met à disposition des graphiques interactifs et permet même de télécharger l’ensemble des données depuis 2000. Un geste particulièrement appréciable. L’innovation de ce milieu d’année vient de la publication des indices par pays de la zone euro (alors qu’il y avait avant un seul chiffre pour l’ensemble de la zone, qui recouvrait des situations très différentes). On constate en effet que si l’euro est surévalué de 15% en Finlande (pour les deux indices), il est en revanche sous-évalué de 27% en Grèce en valeur nominale et de 9% si l’on prend en compte le PIB du pays.

Une situation européenne explosive

mardi 23 juillet 2013

Crise ou pas crise, les inégalités augmentent


Il y a quelque chose de profondément choquant aujourd’hui. En période de croissance, seuls les plus riches en profitent. Et en période de récession, les pauvres trinquent quand les plus riches continuent à s’enrichir, comme le montre l’augmentation de 25% de la fortune des 500 plus riches Français.



Champagne en haut de la pyramide

Il y a quelques semaines, le CAC40 passait le cap des 4 000 points, un niveau inconnu depuis près de deux ans. Le Dow Jones enchaîne les records, au-delà de 15 000 points. Quel contraste avec la crise actuelle, la persistance d’un fort taux de chômage et l’entrée en récession de la France début 2013, sachant que la zone euro devrait d’enregistrer son 7ème trimestre consécutif de baisse de son PIB ! Jamais l’écart n’a semblé aussi grand entre le haut et le bas de l’échelle.

Il y a quelques temps, un chiffre avait symbolisé cette explosion des inégalités : 93% de la croissance des revenus en 2010 était allée à 1% des individus aux Etats-Unis. Et, dans certains secteurs économiques, la conjoncture s’est retournée. C’est ainsi que les 3252 traders et hauts gradés de BNP Paribas ont enregistré une croissance de 17% de leur rémunération, de 284 à 332 mille euros par an en moyenne, avec un bonus en hausse de 14%. On reste songeur devant ces chiffres sachant que les banques européennes doivent leur survie aux 1000 milliards de crédits accordés par la BCE.

Comme je l’avais souligné il y a quelques jours, d’autres études confirment cette stupéfiante évolution. Aux Etats-Unis, le patrimoine des 7% les plus riches a progressé de 28% de 2009 à 2011, quand celui du reste de la population a diminué de 4% ! En France, l’INSEE a révélé qu’en 2010, les revenus des 5% plus riches ont progressé de 1,3% quand ceux des 30% les plus pauvres ont baissé de 1,3 à 1,6%. Bref, le mouvement de hausse des inégalités ne semble avoir aucune limite. Depuis, l’OCDE a apporté de nouvelles données confirmant cette évolution dans notre pays.

Une société injuste et instable

lundi 22 juillet 2013

Quand le modèle asiatique contredit le consensus de Washington


C’est un article passionnant de The Economist sur le livre de Joe Studwell « Comment l’Asie fonctionne : réussite et échec dans la région la plus dynamique du monde » qui l’affirme : le modèle de développement économique des pays asiatiques contredit la plupart des préceptes néolibéraux.



Le secret du développement économique asiatique

Joe Studwell s’oppose fermement aux dix politiques économiques que John Williamson, un économiste britannique avait rassemblées en 1989 avec le concours du FMI, de la Banque Mondiale et de quelques pays d’Amérique Latine pour former le « consensus de Washington », résumé par le tryptique « stabiliser, privatiser, libéraliser ». Après de longues études et de nombreux écrits sur la région, cet économiste, qui a travaillé pour The Economist, propose une recette bien différente : « réforme agraire ; industrie qui exporte et est soutenue par l’Etat et une répression financière ».

L’hebdomadaire néolibéral ne donne son satisfecit qu’au premier point, même s’il explique les trois. La réforme agraire consiste à expulser les grands propriétaires terriens pour partager les terrains en petites fermes, avec le soutien financier et méthodologique de l’Etat. Le faible niveau de productivité donne du travail à la population, comme cela s’est passé dans les années 1950 à Taiwan et en Corée du Sud. Puis, l’Etat couve les industries naissantes, en les protégeant de la concurrence extérieure, mais en les poussant à exporter pour repérer les meilleurs et les perdants.

Pour Joe Studwell, le dernier ingrédient du succès est un système financier modeste et peu développé, où les épargnants, parqués par les contrôles de capitaux, fournissent une épargne à bon marché pour les banques qui l’utilisent pour financer les entreprises industrielles. Pour l’auteur, cette recette n’est pas nouvelle et remonte même au Japon de l’empereur Meji, à la fin du 19ème siècle. Malgré le désaccord avec son analyse, The Economist reconnaît que le livre est « frappant et éclairant » et regorge d’anecdotes qui démontrent la grande connaissance de la région par l’auteur.

Les dangers de l’anarchie commerciale et financière


dimanche 21 juillet 2013

Le football, illustration extrême du néolibéralisme


Le transfert d’Edinson Cavani au PSG pour la bagatelle de 64 millions d’euros est le 4ème transfert le plus cher de l’histoire du football. Une nouvelle illustration des dérives du football business dont on voit tous les jours davantage qu’il n’est que le cirque de l’anarchie néolibérale globalisée.



L’argent pour seule règle

Bien sûr, le football peut être un très beau sport et l’on peut encore vibrer devant les exploits de telle ou telle équipe ou de tel ou tel joueur, mais le spectacle qu’il donne depuis trop longtemps est de plus en plus cynique. En effet, que penser des plus grands joueurs, devenus des mercenaires payés jusqu’à un million d’euros par mois (plus de 600 SMICs), prêts à se vendre à n’importe quel milliardaire désireux de les recruter ? Que penser de la compétition devenue totalement inégale avec des clubs qui bénéficient du mécénat plus ou moins intéressé d’un oligarque russe ou d’un émir ?



Il n’est pas inutile de rappeler ici qu’en 2012-2013, le budget moyen des clubs de la ligue tournait autour de 50 millions d’euros, variant entre 19 et 60 millions du moins fortuné au 6ème. L’Olympique de Marseille, sur la dernière marche du podium, affichait un budget de 110 millions, contre 145 pour Lyon, second et très loin derrière le PSG version quatari, à 300 millions. Pire, cette année, le budget est annoncé en hausse de 100 millions (l’équivalent du budget total du 4ème club de la ligue 1…), à 400 millions. Seuls Barcelone et le Real de Madrid affichent encore un budget supérieur en Europe.



Naturellement, ces chiffres n’ont aucun sens économique, du moins au démarrage. Les pertes réalisées par les plus grands clubs sont totalement abyssales (232 millions pour Manchester City en 2010-2011). Mais, au bout d’un certain temps, certains clubs européens peuvent arriver à l’équilibre. Mais le plus souvent, de généreux mécènes règlent la note, sauf quand, comme en Espagne, ce n’est pas tout simplement par un recours délirant à l’endettement que les clubs de football financent leurs dépenses somptuaires (15 milliards de dettes brutes et 1,6 milliards de pertes en 2010 en Europe).

Un mauvais exemple pour la jeunesse

samedi 20 juillet 2013

Choc de simplification : un petit pas dans la bonne direction


Mercredi, le Premier Ministre a annoncé un train de mesures de simplification de l’Etat, conformément aux souhaits formés par le président de la République en mai. Pour beaucoup, des mesures de bon sens et bienvenues, même s’il faudrait sans doute aller beaucoup plus loin.



Un petit choc de simplification

Même quand on est dans l’opposition, je crois qu’il faut savoir reconnaître quand un gouvernement va dans la bonne direction. Et pour le coup, sur ce sujet, c’est le cas. Il est étonnant que ce soient des socialistes qui s’en chargent après dix années de pouvoir de la droite (même si elle n’avait pas rien fait sur le sujet, on ne peut pas dire que la France soit plus simple aujourd’hui qu’en 2007). En regardant le verre à moitié plein, on se dira que le gouvernement sait écouter. En regardant le verre à moitié vide, on pourra toujours dire que ce n’est pas assez ou qu’il vaudrait mieux réglementer la finance

Le projet comporte plusieurs chapitres. Le premier est une simplification de la vie des citoyens avec une extension de la durée de la carte d’identité et une dématérialisation de nombreuses procédures (carte grise, solde du permis, tickets restaurants) mais aussi le principe que le silence de l’administration vaut accord, un renversement bienvenu. Les entreprises ne sont pas oubliées avec pas moins d’une centaine de mesures pour simplifier leur création, leurs déclarations de TVA ou sociales, les obligations de publication des comptes. Les frais d’immatriculation seront baissés de 50%.

Le projet présenté comporte également des mesures d’économie pour des administrations publiques avec des fusions ou des réorganisations destinées à éviter les doublons ou limiter les aides des collectivités locales aux entreprises. Enfin, il y a plusieurs mesures destinées à faire 3 milliards d’économies : il s’agira pour moitié d’économies (baisse du quotient familial, apprentissage) et pour l’autre moitié, d’une chasse aux niches fiscales. Sont visées des subventions pour le gazole, une petite niche de l’immobilier ou les exonérations de charges sociales des entreprises outre-mer.

Un besoin de plus de simplification

vendredi 19 juillet 2013

Un gouvernement à la solde des banques





Et 25 milliards de plus !

Ce nouveau projet est proprement hallucinant : pour améliorer leurs ratios financiers, les banques ont obtenus un transfert de 25 milliards d’euros de liquidités en provenance du livret A, du LDD et du LEP. Pire, le lobby bancaire, jamais satisfait, et qui en demandait deux fois plus, se dit frustré par un texte qu’il juge « très en deça des enjeux », comme le rapporte le Monde. Il faut dire que l’Etat a eu l’audace de demander quelques comptes aux banques contre cet argent, chose qu’elles n’aiment pas faire, comme le rapporte Henri Emmanueili, président de la Commission de Surveillance.

Ce qui est incroyable, c’est que personne ne fait le parallèle avec le dérisoire plan d’investissement du gouvernement. En effet, alors qu’il accorde 25 milliards aux banques, en une seule fois, il n’a accordé que 12 milliards sur 10 ans, soit 1,2 milliard par an (0,06% du PIB, 0,3% des investissements annuels), 20 fois moins pour les investissements que pour les banques ! Pourtant, cet argent aurait pu être utilisé pour le plan d’investissements. Naturellement, Bercy explique que cela « permettra de faire face à la reprise attendue de l’économie. Les banques auront des obligations d’emplois des fonds ».

L’ami de la finance

Mais quel crédit accordé à François Hollande et Pierre Moscovici. Juste après avoir fait de la finance son ennemi, le candidat s’en était allé à Londres pour rassurer le monde bancaire et bien indiquer qu’il n’y avait « pas de crainte à avoir » ! Et c’est bien ce que l’on constate depuis qu’il est arrivé au pouvoir. Certes, après quelques péripéties, la taxe à 75% sera partiellement mise en place, mais ce sera juste pour deux ans, et sans doute avec des possibilités d’y échapper. En outre, sur l’ensemble des dossiers bancaires et financiers, le gouvernement suit docilement le lobby bancaire.

La loi de réforme bancaire est bien une loi d’ami plus que d’ennemi. Devant la commission parlementaire des finances, le président de la Société Générale a admis que le projet n’aurait d’impact que sur moins d’1% de son activité. Le projet de séparation des banques en deux, héritier du Glass-Steagall Act de Franklin Roosevelt, est un lointain souvenir, ce que Nicolas Dupont-Aignan avait dénoncé en décembre dernier. Et dernièrement, Pierre Moscovici a jugé « excessif » le timide projet de taxe sur les transactions financières de la Commission Européenne, guère hostile aux banques.

Le tonneau des Danaïdes

jeudi 18 juillet 2013

Quel est le coût de l’immigration ?


Certaines belles âmes de gauche dénoncent des arrières-pensées xénophobes et disent que l’immigration serait le seul moyen de financer nos retraites. L’extrême-droite avance des chiffres extravagants. Petit point sur les études réalisées sur ce sujet, à l’occasion de la sortie de celle de l’OCDE.



Trois études de référence

L’OCDE vient en effet de publier une étude qui estime le coût net de l’immigration sur la période 2007-2009. Comme le rapporte Le Monde, en moyenne, le solde est positif. Mais alors que le quotidien a un biais que ne devrait pas avoir un journal de référence, les conclusions de l’étude sont moins positives puisque selon la méthodologie choisie, le bilan est plutôt positif ou légèrement négatif, comme le rapporte de manière plus impartiale The Economist, pourtant pas moins favorable à la liberté de circulation des personnes. Selon les deux méthodes, le bilan est négatif de 10 milliards en France.



Cette publication fait suite au dossier de l’Express fin 2012, qui avait déclenché une belle polémique. La une provocatrice contrastait avec les résultats de l’étude de Xavier Chojnicki, qui avait remis à jour les résultats d’une précédente étude réalisée pour le ministère des affaires sociales en 2010 où il affirmait qu’en 2005, les immigrés coûtaient 48 milliards, mais en rapportaient 60, soit une contribution nette de 12 milliards, en prenant en compte le fait que les immigrés touchent davantage d’aides sociales. Fin 2012, dans le dossier de l’Express, il révisait son jugement avec un solde net de 4 milliards.



Dans un entretien pour l’Express, il revenait sur les différences avec l’étude de Jean-Paul Gourévitch. Ce dernier lui avait répondu dans un entretien dans le Cri du Contribuable et notait que les échanges lui avaient permis de corriger ses estimations, qui sont aujourd’hui d’un solde négatif de 9 milliards pour l’immigration régulière et irrégulière, auquel il ajoute plus de 8 milliards d’investissements à la rentabilité nulle. Mais ce qui est intéressant de constater, c’est que l’écart entre les deux, qui était de 38 milliards en 2010 a été plus que divisé par deux, l’OCDE penchant dans le sens du second.

Les délires de l’extrême-droite

mercredi 17 juillet 2013

Quand les économistes critiquent l’euro et le libre-échange


Même si en France, critiquer la monnaie unique ou le libre-échange reste relativement tabou, le débat progresse paradoxalement dans les sphères intellectuelles anglo-saxonnes. De nouveaux exemples avec les papiers de Krugman, Stiglitz et de deux professeurs étasuniens.



Quand Krugman accable (encore) l’euro

Déjà, dans son dernier livre, le « prix Nobel d’économie » 2008, avait sévèrement critiqué la monnaie unique qu’il avait jugé responsable de la crise que nous traversons. Dans un nouveau papier de son blog, il souligne à quel point la Grande-Bretagne a eu raison de ne pas se joindre à l’aventure de l’euro. Il souligne que la crise de la zone euro a fait prendre conscience de « l’importance cruciale d’avoir sa propre banque centrale comme prêteur de dernier ressort pour les dettes publiques » et que « la dévaluation interne (…) est vraiment difficile par rapport à seulement dévaluer sa monnaie ».

L’économiste se fait plus saignant : « parler aux partisans de l’euro et ils ne peuvent pas envisager, même de manière hypothétique, la notion que la monnaie unique était une mauvaise idée », puis il s’étonne que « malgré des preuves écrasantes que l’euro était une idée encore pire que ce que l’on pensait il y a dix ans, des pays, notamment la Pologne, envisage encore de la rejoindre ». Ces commentaires vont dans le sens d’un papier de The Economist qui rapporte les travaux de deux universitaires étasuniens, qui font un parallèle entre la monnaie unique et l’étalon or.

Ils soulignent que les pays de la zone euro n’ont pas seulement renoncé à conduire leur propre politique monétaire, mais aussi à leur stabilité financière. Ils font un parallèle avec la situation de l’entre-deux-guerres, quand la Grande-Bretagne avait rejoint l’étalon or avec une livre surévaluée, conduisant à une politique déflationniste. Ils rappellent que cette parité avait provoqué une bulle spéculative. Enfin, ils évoquent le risque que font peser les taux de change fixes et la liberté de circulation des capitaux sur la démocratie, faisant un parallèle avec le chemin de l’Allemagne vers le nazisme.

Stilglitz s’éloigne (lui aussi) du libre-échange