vendredi 22 août 2014

La double illusion de la dévaluation de l’euro


Comme me l’a signalé un commentateur du blog, quelle suprise de lire sur le site de Debout la République une tribune de Dominique Jamet, « Déflation : dévaluer l’euro ou en sortir ». Changement de ligne du mouvement ? Maladresse estivale ? Petit retour sur sur l’idée de la dévaluation de l’euro.



Une illusion économique

Dans cette tribune, Dominique Jamet écrit : « Le chef de l’Etat et le Premier Ministre ont le devoir d’obtenir une franche dévaluation de l’euro face au dollar. A défaut, pour éviter le piège mortel de la déflation qui se refermerait fatalement sur elle, la France serait dans l’obligation de sortir d’urgence de la zone euro ». Il évoque la meilleure santé de ceux qui ont poussé le cours de leur monnaie à la baisse, comme Washington et Londres. Mais comme l’a bien noté Saul, en 2012, sur 66,9 milliards d’euros de déficit commercial, 41,9 milliards viennent de la zone euro, imperméables à toute dévaluation de l’euro. Et une bonne partie du reste du déficit vient des importations d’hydrocarbures, dont le prix augmenterait en cas de dévaluation de l’euro. Bref, le cours de l’euro seul est loin d’expliquer tous nos problèmes. En outre, il ne serait pas évident de pousser à la baisse la monnaie d’une zone économique qui dégage un fort excédent commercial (au contraire des Etats-Unis et de la Grande-Bretagne).


Une illusion politique

Ce faisant, ce discours est une double faute politique. D’abord, il laisse penser qu’il serait possible de faire pression pour faire baisser la valeur de l’euro, comme Nicolas Sarkozy le laissait entendre en 2006-2007, puis à nouveau avant l’élection de 2012, est totalement illusoire. Les statuts actuels de la BCE ne permettent pas la moindre pression et poussent au contraire à des politiques de monnaie chère et déflationniste. Pire, toute la construction de l’euro est un cercle vicieux puisque la langueur économique de la zone euro limite les importations, gonfle les excédents et pousse donc l’euro à la hausse, pénalisant la croissance. En outre, l’Allemagne a intérêt à avoir un euro cher et comme elle est le créditeur de dernier ressort, c’est sa ligne qui s’impose. Bref, évoquer une dévaluation, c’est agiter un mirage.

La deuxième faute politique, c’est le manque de clarté de la ligne politique. Alors que DLR avait pris position pour un démontage sans condition et unilatéral de la monnaie unique, il est curieux de sembler faire un pas en arrière pour prendre une position intermédiaire, qui a été celle du MRC de Jean-Pierre Chevènement alors même qu’il semble aujourd’hui se faire plus radical. La monnaie unique, qu’elle soit chère ou non, est un cancer pour les pays européens qui l’ont adopté. Certes, ce cancer peut être légèrement adouci si l’euro est moins cher, mais cela ne changera pas l’issue fatale. L’idée même d’uniformisation des pays européens doit être combattue sans faille et ne doit pas sembler pouvoir être soldée pour un mirage. Le combat contre la monnaie unique est fondamental et il ne faut pas reculer sur le sujet.

Maladresse estivale ? Volonté de tenir un discours plus compatible avec celui de l’UMP ? Difficile de savoir ce qu’il y a derrière de cette tribune. Mais l’idée de la dévaluation de l’euro, n’est ni crédible, ni suffisante. En aucun cas elle ne doit se substituer au retour à des monnaies nationales.

14 commentaires:

  1. Un euro moins cher aggraverait l'hétérogénéité de la zone euro en creusant les écarts d'inflation, car l'impact d'une dévaluation sur l'inflation ne serait pas le même pour chaque pays. En effet, le % du commerce extérieur dans la zone euro et la dépendance à l'énergie sont très différents d'un pays à l'autre.

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  2. Maladresse ou changement de cap ?
    Ca devient de + en + inquiétant

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  3. "sur 66,9 milliards d’euros de déficit commercial, 41,9 milliards viennent de la zone euro, imperméables à toute dévaluation de l’euro."

    Faux, comme l'a démontré Werrebrouck...

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  4. "Faux, comme l'a démontré Werrebrouck..."
    On peut avoir un lien ?
    Merci

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  5. http://www.lacrisedesannees2010.com/article-affirmations-erronees-sur-le-taux-de-change-pascal-lamy-nicole-bricq-etc-123551924.html

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  6. L'essence, c'est 70% de Taxes, dc STOP au mensonge

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  7. Comme je l'ai deja ecrit ici, je suis convaincu que l'ambition secrete de NDA est d'apparaitre comme un recours lorsqu'il sera necessaire de faire travailler ensemble le FN et l'UMP. Il s'applique donc à positionner son parti sur une synthese ideologique des deux familles politiques.

    On a pu croire un moment qu'il prenne le meilleur des deux mondes en alliant le programme economique souverainiste, protectionniste, étatique et à couleur sociale du FN avec la ligne sociétale plus "douce" d'une UMP moins autoritaire, moins repressive et plus respectueuse de la diversité.

    Mais NDA effectue en réalité la synthese inverse, dans le sillage intellectuel d'un Patrick Buisson : le programme economique de DLR se rapproche petit à petit de celui de l'UMP en devenant moins souverainiste, plus euro-compatible et pro-patronat, tandis que la ligne societale flirte de plus en plus avec celle du FN par la multiplication des rhetoriques identitaires ou securitaires.

    Pour les sensibilités issues de la gauche républicaine, il s'agit donc du "pire des deux mondes" et je prends les paris que les chevenementistes égarés vont se mettre à lorgner de plus en plus soit du coté de Jean-Luc Mélenchon, qui semble pour sa part dans une phase d'auto-critique assez empreinte de lucidité, soit de Francois Asselineau, qui a ses defauts mais dont on ne peut pas critiquer l'inconstance.

    Talisker.

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  8. Aujourd’hui est si proche d’hier. L’histoire n’est peut-être bien qu’un éternel recommencement.

    Ainsi en est-il du « Septemberprogramm (Plan de septembre), un plan établi par le chancelier allemand Theobald von Bethmann Hollweg le 9 septembre 1914, cinq semaines après le début de la guerre. (Certains écrivent même que c’était un des buts de la guerre de 14). Le plan de septembre était un programme expansionniste en Europe qui visait à mettre en place une Mitteleuropa sous domination politique et économique allemande. Ce programme a connu une réalisation partielle à la suite de la révolution russe de novembre 1917 et la paix de Brest-Litovsk qui en découla mais les reculs de l'armée allemande et de ses alliés, la situation insurrectionnelle et l'armistice de novembre 1918 en sonnèrent définitivement le glas (source Wikipédia).»

    L’Union européenne a réalisé ce que plusieurs conflits armés n’avaient pu réussir sans que les Allemands aient eu à le demander. Un grand bravo aux dirigeants français pour leur vision politique et surtout pour leur courage et leur détermination.

    Demos

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  9. Révélation Mediapart:

    "Le journal libéral L'OPINION est financé principalement par Bernard Arnault et la famille Bettencourt (11 millions des 16 de fonds propres). Le reste des actionnaires est composé essentiellement de grandes fortunes."

    Par ailleurs, Mediapart rappelle que Les Echos sont aussi une propriété de Bernard Arnault.

    Et devinez qui sont les voix de l'économie sur France Inter?

    Dominique Tseu, rédacteur en chef des Echos, qui tient sa chronique dans la Matinale de la semaine.

    Nicolas Beytout, rédacteur en chef de l'Opinion, qui nous livre son catéchisme libéral dans la matinale du week-end.

    Malgré que les deux soient à vrai dire plutôt des intervenants médiocres, n'y a-t-il pas là matière à douter du slogan de FI, "La voix est libre".

    Où alors faut-il entendre celà de façon subliminal, libre dans le sens acquise au libéralisme, vous savez celui qui ne profite qu'à ceux que la fortune rend libres...et puissants.

    Dégueulasse, vivement qu'on rétablisse l'impartialité de l'information publique!

    Sus aux oligarques, la France n'a pas besoin d'eux pour tourner. Au contraire. Le vrai problème de notre peuple, ce sont eux.

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    1. Question à l'époque du règne du novlangue : qui sont ceux qui, aujourd'hui, sont conservateurs et réactionnaires ?

      Demos

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  10. 30 août 1954 – 30 août 2014 : il y a 60 ans, les députés souverainistes remportaient une victoire historique !

    En 1954, la ratification du projet de Communauté Européenne de Défense (la CED) va donner lieu à un débat historique à l’Assemblée nationale et dans toute la France.

    - Les Français qui étaient pour la CED, les cédistes, étaient les partisans d’une Europe supranationale. Ils étaient fédéralistes. Comme d’habitude, ils étaient les socialistes non-jacobins, les radicaux, les démocrate-chrétiens et la droite non-gaulliste.

    - Les Français qui étaient contre la CED, les anticédistes, étaient les partisans d’une Europe des Etats, d’une Europe des nations, d’une Europe des peuples. Ils étaient souverainistes. Comme d’habitude, ils regroupaient de Gaulle et les gaullistes, les communistes et les socialistes jacobins.

    « Ici encore, le PCF et de Gaulle sont au cœur du dispositif de cette « résistance » contre tous les « vichystes » potentiels. Les communistes sont à l’aise pour détailler la perfidie de Washington et défendre la mémoire des victimes du nazisme : l’armée européenne, disent-ils, sera un repaire de SS mal blanchis et une succursale du Pentagone. C’est de toutes leurs forces qu’ils se jettent dans la bataille, faisant donner leurs organisations satellites, sentant confusément que ce retour aux sources de l’honneur national les délivre de l’opprobre du « parti de l’étranger » et les réinsère dans le jeu politique. De Gaulle, véhémentement relayé par Michel Debré et Jacques Soustelle, rode tous les thèmes qu’il pourra imposer sous la Vème République, contre les pro-européens apatrides enivrés de volapük, contre l’abaissement français dans un camp atlantique dont seule l’OTAN, et non la pauvre CED, soude une efficacité conforme aux intérêts américains. » (Jean-Pierre Rioux, Nouvelle histoire de la France contemporaine, tome 16, Seuil Points Histoire, p.23)

    A l’intérieur même du parti socialiste (SFIO), les socialistes anticédistes et les socialistes cédistes se déchirent.

    « Sa majorité cédiste, ardemment proeuropéenne, conduite par Mollet, Jaquet, Pineau et Defferre, doit ferrailler pied à pied au fil des congrès et des réunions du Comité directeur, brandir avec un succès mitigé le vieil épouvantail de l’expansionnisme soviétique, sanctionner et convaincre à la fois, face à une minorité de gauche décidée, conduite par Daniel Mayer, Moch, Savary, Lejeune, Lacoste, Pivert et Verdier, tous hommes clés du parti clandestin. Rude bataille, à l’issue de laquelle Guy Mollet conserve la maîtrise de l’appareil du parti mais ne peut empêcher la cassure du groupe parlementaire et une vive inquiétude des militants. » (p.24)

    Les cinq autres pays européens engagés dans la CED sont l’Allemagne de l’Ouest, l’Italie, la Belgique, les Pays-Bas et le Luxembourg. Ces cinq pays ne comprennent pas que la procédure de ratification parlementaire s’éternise en France. Ils ne comprennent pas que les députés français tardent à ratifier la CED. Finalement, après un long débat qui divise la France en deux camps, une majorité de députés choisit le souverainisme. Le 30 août 1954, une majorité de députés vote contre la CED. A l’Assemblée nationale, les députés souverainistes célèbrent leur victoire en chantant La Marseillaise !

    « Tous les arguments épuisés, la France mise au ban des Six, l’exécutif se dérobant, il n’y eut pas de débat parlementaire. Les 29 et 30 août 1954, dans une atmosphère survoltée, la Marseillaise des vainqueurs couvrant la stupeur des cédistes, l’Assemblée par 319 voix contre 264 adopte une question préalable qui clôt médiocrement le débat sans discussion. La CED est morte. Une majorité de 40 voix favorable en février 1952, une majorité de 55 voix en sens contraire en août 1954 : cette symétrie des faibles écarts montre l’âpreté de la querelle et la fixité des attitudes, laisse soupçonner qu’elle laissera des traces durables. La division des socialistes, avec 53 voix pour et 50 voix contre, a joué un rôle déterminant. » (p.55)

    Bon anniversaire, la Victoire !

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  11. Le caractère déflationniste de l’euro est multiple. Il vient de l’impossibité de monétiser la dette publique, au contraire des autres banques centrales

    Toujours la même erreur...toutes les banques centrales (des pays qui appartiennent au régime de changes flottants) ont l'interdiction de monétiser directement, toutes ont le droit (et le font) sur les marchés secondaires, au final c'est quiff quiff, mais bon c'est partout pareil et pas uniquement en europe...

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  12. Je suis content de lire LP mettre fin à la lubie de la dévaluation de l'euro. Ce problème secondaire nous détourne d'un débat sur la pertinence de l'euro lui même et le périmètre geographique optimal d'une monnaie.

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  13. @ Moi

    Juste

    @ EB

    Cela sera un petit plus…

    @ Talisker

    Je ne pense pas quand même qu’il fasse cela

    @ Saul

    Merci pour ces rappels

    @ Jauresist

    Pas inintéressant

    @ BA

    Merci pour ce rappel

    @ TeoNeo

    Merci

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