vendredi 12 décembre 2014

Chômage, taux d’intérêt : deux records qui en disent long


La semaine dernière, deux records ont été battus. Le taux de chômage, après une nouvelle forte hausse en octobre, a atteint un nouveau sommet, avec plus de 3,7 millions de demandeurs d’emplois sans activité et plus de 5,4 sur une définition plus large. En même temps, les taux sont passés sous les 1%.



Le travail toujours plus rare, le capital toujours moins cher

Elle est décidemment très loin l’inversion de la courbe du chômage, qui devait arriver en 2013. En octobre 2014, la France compte 27 300 demandeurs d’emplois de catégorie A en plus, soit un total himalayesque de 3,7 millions de personnes, nouveau record. Pire encore, si on compte les catégories A, B et C, on atteint le triste chiffre de 5,46 millions de personnes ! Nos dirigeants laissent depuis des décennies des millions de Français sans emploi avec toutes les conséquences que cela peut avoir pour eux et leur famille. Philippe Séguin avait bien raison de parler de « Munich social » mais le plus triste est qu’il n’y a pas eu de véritable réaction alors qu’il tenait ces propos il y a plus de 20 ans !

Et parallèlement, jamais les taux longs n’ont été aussi bas puisque l’Etat a emprunté à moins de 1% sur 10 ans, poussant les taux d’emprunt à un niveau historiquement bas, y compris pour les entreprises et les ménages, évitant sans doute un ajustement plus sévère des prix de l’immobilier, et permettant aux entreprises d’emprunter pour payer leurs dividendes ou racheter leurs actions dans ce monde fou du laisser-faire n’importe quoi. Soit dit en passant, le niveau des taux démontre la vacuité des alarmes lancées par les austéritaires. Si la situation de nos finances publiques était si dramatique, les marchés ne prêteraient sans doute pas à des taux aussi dérisoires à la France… CQFD

Le sens de ces records

Il est d’ailleurs paradoxal que les médias n’aient pas davantage fait le parallèle entre ces deux informations, qui ne sont peut-être pas si étrangères. Car quel meilleur symbole de la victoire actuelle du capital sur le travail que ce double record ! L’aggravation du chômage de masse continue à affaiblir les travailleurs, de plus en plus contraints à accepter un recul de leur traitement sous la menace des délocalisations dans des pays où les salaires sont dix fois plus bas. Au pire, ceux qui n’auront plus d’emploi pourront emprunter à un taux un peu plus bas, quand ils auront accès au crédit, ce qui n’est pas gagné.

Et parallèlement, l’effondrement des taux longs bénéficie paradoxalement aux détenteurs du capital car ce dernier vient à ceux qui en ont déjà, qui peuvent toujours plus emprunter, ce qui explique en partie la résistance des prix de l’immobilier parisien malgré la crise. Et cela permet aux multinationales toutes les pratiques détestables de ce capitalisme actionnarial et inhumain qui doit toujours générer plus de cash et qui n’hésite pas à s’endetter pour donner plus aux actionnaires, que ce soit sous la forme de dividendes ou de rachat d’action. Pourquoi croyez-vous que le Dow Jones approche 18 000 points ?

Ce faisant ces deux records illustrent les profonds déséquilibres de notre système économique qui tombe dans deux excès inverses forcément destructeurs. Mais si le capital a gagné la bataille actuel, l’Amérique du Sud démontre que ce genre de victoire est souvent temporaire

15 commentaires:

  1. C'est intéressant de voir reprise cette idée, que l’effondrement des taux longs bénéficie essentiellement aux plus riches, idée que jusqu'ici je n'avais vue que dans des blogs libertariens américains comme celui de Mike Shedlock, ou celui de Charles Hugh Smith. Mais ça commence à venir en France, j'ai même vu Alain Madelin traiter de "socialisme" la politique des banques centrales (socialisme pour les riches bien entendu). L'idée selon laquelle nous souffririons de "libéralisme" est en effet grotesque. L'économie dirigée par les banques centrales s'apparente beaucoup plus au Gosplan de l'ex URSS. Ce genre de socialisme sert uniquement à préserver le statu quo, c'est à dire le maintien de la hiérarchie sociale, donc la défense des intérèts des fameux 1%.



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    1. Une société comme celle actuelle n'a évidemment rien de libérale, il s'agit d'oligarchie et de connivence des 1% ayant monopolisé l'argent, le pouvoir politique, législatif et économique, qui retombent toujours sur leurs pattes et font payer l'addition de leurs conneries aux autres

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  2. si besoin est de montrer cette oligarchie de connivence ... cet excellent reportage de FRANCE 3 sur l'affaire AREVA qui en dit long

    https://www.youtube.com/watch?feature=player_embedded&v=TYvtm5RhEeo

    Très étonnant de voir ceci sur le service public ... lueur d'espoir : tout n'est pas pourri, il y a encore des journalistes dans notre pays.

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    1. La corruption des marchés publics :

      http://www.europe1.fr/societe/corruption-le-calvaire-d-un-lanceur-d-alerte-2312555

      http://www.charliehebdo.fr/news/mafia-btp-lorraine-812.html

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  3. "l’effondrement des taux longs bénéficie paradoxalement aux détenteurs du capital car ce dernier vient à ceux qui en ont déjà, qui peuvent toujours plus emprunter"

    Je comprends pas ce passage.

    Je comprends qu'on prête plus à ceux qui ont un capital (mais ça dépend pas des taux) et donc que des taux bas leur permettent de s'endetter pour moins cher.
    Mais d'un autre côté ça leur rapporte moins de prêter leur capital.

    Si les taux sont bas, la rémunération du capital est basse. Et donc ceux qui ont du capital n'ont que peu d'intérêt à le prêter plutôt que de simplement le conserver.

    Ceux qui profitent de taux bas, ce sont ceux qui sont endettés et qui doivent refinancer leurs dettes (banques, entreprises, ménages, Etats) afin de réduire le coût de ce refinancement, non?

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    1. Ils peuvent aller en bourse ou dans l'immobilier, une action ou la valeur d'un immeuble qui montent ça peut rapporter plus que de prêter.

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    2. Les taux bas permettent le développement de nouvelles bulles spéculatives, donc l'enrichissement de ceux qui y investissent, qui seront à leur tour protégés par les banques centrales, qui feront tout pour éviter que les dites bulles explosent et protègeront donc les capitaux investis

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    3. D'accord mais je pense que c'est plutôt la déflation qui est le meilleur allié de court-moyen terme des détenteurs de patrimoines financiers. Parce qu'investir aujourd'hui en bourse ou dans l'immobilier est risqué.
      L'immobilier a commencé à corriger et la bourse va bien finir par le faire aussi malgré les banques centrales.

      Si on réfléchit à la situation antérieure qui permettait de rémunérer le capital à des taux avantageux grâce aux bons du trésor (alors sans risque), je suis pas sûr que ce soit pire.

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    4. ... je suis pas sûr qu'avoir un bon rendement sans risque grâce aux bons du trésor soit pire qu'un très bon rendement qui peut s'écrouler et entamer le capital à tout moment.

      (pas sûr que j'avais écrit était clair)

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  4. Vendredi 12 décembre 2014 :

    ALERTE - Fitch abaisse la note de la France à AA en raison du dérapage budgétaire.

    http://www.romandie.com/news/ALERTE--Fitch-abaisse-la-note-de-la-France-a-AA-en-raison-du/545688.rom

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  5. @ Toutatis

    Merci. Bien vu.

    @ Bip

    Ce que je veux dire, c’est que ceux qui empruntent sont plutôt les personnes aisées (qui peuvent acheter leur logement ou des résidences secondaires), pas les moins riches, qui n’ont pas les moyens de le faire, malgré la baisse des taux. Bien sûr, la rémunération baisse, mais pas dans tous les domaines : il suffit de voir le taux de rentabilité des entreprises, qui est au plus haut.

    @ Anonyme

    Bien vu

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    1. Alors je suis pas tout à fait d'accord. Je suis d'accord pour les taux de rentabilité des entreprises mais pas sur l'immobilier.

      Si les taux bas permettent de freiner la baisse des prix de l'immobilier alors ceux qui en profitent sont :
      - les vendeurs qui ne rachètent pas derrière car ils vendent plus cher que ce qu'ils devraient (ce sont typiquement les baby boomers qui louent un appartement à l'heure de la retraite)

      - ceux qui se sont endettés au sommet de la bulle préalablement à la baisse des taux : si l'immobilier avait corrigé et que les taux s'étaient maintenus, leur emprunt leur coûterait plus cher et ils seraient en negative equity.


      Par contre ceux qui achètent en empruntant profitent en effet de taux bas mais doivent payer plus cher que si les prix de l'immobilier avaient plus fortement corrigés.


      A mon avis, la politique de taux bas vise et profite principalement aux entités très endettés : banques, secteurs privés industriels et ménages. Les États en profitent mais c'est loin d'être ceux qui en ont le plus besoin.

      Après que les gros patrimoines financiers en profitent c'est sûr. Mais ils profiteraient aussi de taux élevés.
      Le seul facteur qu'ils craignent, c'est l'inflation. Malheureusement l'inflation est partie pour longtemps si on continue comme ça (libre-échange, euro, boulets démographiques comme Allemagne, Italie).

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  6. Le sentiment d'appartenance.

    Lundi 1er décembre 2014, l'institut de sondage IPSOS publie un sondage explosif sur le sentiment d'appartenance.

    Question posée par IPSOS :

    « Avez-vous le sentiment d'être avant tout :

    français : 49 % des personnes interrogées
    citoyen du monde : 22 % des personnes interrogées
    habitant de votre région : 15 % des personnes interrogées
    européen : 14 % des personnes interrogées »

    Vous avez bien lu : le sentiment d'être européen arrive en toute dernière position, avec seulement 14 % des personnes interrogées !

    Ce sondage montre que, 57 ans après la signature du traité de Rome, la construction européenne a complètement dégoûté les citoyens français. Il montre que le XXIe siècle verra la mort de l'Union européenne, et le retour aux indépendances nationales dans chacune des 28 nations de l'UE.

    En Europe, le XXIe siècle verra le retour des Etats-nations libres et souverains.

    L'idée européenne est une idée morte.

    http://www.ipsos.fr/decrypter-societe/2014-12-01-vivre-ensemble-entre-unite-et-diversites

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  7. Encore une de ces multiples aberrations secrétées par le libre-échange généralisé :

    http://www.20minutes.fr/economie/1499503-20141211-coquilles-saint-jacques-bretonnes-font-aller-retour-france-chine#xtor=RSS-176

    Ivan

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  8. @ Bip

    Mais du coup, cela profite plus à ceux qui peuvent emprunter et donc davantage les plus riches.

    @ BA

    Etude intéressante. Merci.

    @ Ivan

    Merci pour le lien. J’avais entendu

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