mardi 30 décembre 2014

En Grèce, la démocratie reprend ses droits





De l’impasse à l’issue de secours

Alors que certains affirment que le gouvernement essayait d’acheter l’élection de son candidat, le bon sens semble avoir prévalu. L’ancien commissaire européen n’a pas réussi à réunir les 180 suffrages nécessaires pour être élu. Quel beau symbole que celui de l’échec de ce gouvernement aux ordres de la commission de ne pas réussir à faire élire un ancien commissaire à la présidence d’un pays martyrisé par ses dirigeants qui suivent les recommendations de cette maudite commission. Du coup, c’est le peuple grec qui va trancher cette impasse lors d’une élection législative anticipée le 25 janvier. Aujourd’hui, les sondages pronostiquent la victoire de Syriza sur Nouvelle Démocratie, contrairement à 2012.

La campagne bat son plein, avec notamment la question des alliances pour dégager une majorité. Il semble que Syriza puisse d’allier avec le DIMAR, mais on parle aussi d’un rapprochement avec l’ANEL, un petit parti de droite hostile aux plans de la troïka. Les jours de la coalition théoriquement contre-nature entre le PASOK et Nouvelle Démocratie pourraient être comptés et une véritable alternance démocratique pourrait avoir lieu dans quelques semaines. On peut seulement regretter que Syriza n’aille pas plus loin dans sa critique de la monnaie unique et que son président affirme sa volonté d’y rester, même si le reste de son programme va plutôt dans le bon sens. C’est que la situation est complexe.

Les marchés votent contre Syriza

Le choix de Syriza peut sembler une évidence, d’autant plus que les marchés votent pour la continuité. Le PIB du pays a baissé de 25%, le pouvoir d’achat plus encore et un quart de la population est au chômage. Nous avons assisté à une vraie destruction du pays. Pire, le niveau d’endettement est à un niveau record, malgré déjà deux restructurations. Dès lors, le peuple grec devrait choisir l’alternance. Mais comme en 2012, où Nouvelle Démocratie l’avait emporté d’un cheveu, une telle issue n’est malheureusement pas certaine. D’ailleurs, le Premier ministre joue à fond l’option de « moi ou le chaos » pour pousser les électeurs à voter pour le statut quo en cherchant principalement à faire peur.

Et le problème est qu’il n’est pas certain que les grecs renvoient le PASOK et Nouvelle Démocratie au rebus malgré des années d’échec. En effet, si l’Europe est aujourd’hui synonyme de torture et d’asservissement, cela n’a pas toujours été le cas. Les Grecs peuvent craindre d’aller à l’épreuve de force proposée par Syriza avec une UE longtemps synonyme de progrès et d’aide, surtout face à une Turquie bien plus grande. Même si l’Europe les torture, les Grecs peuvent préférer rester dans son giron plutôt que de tenter l’aventure seuls. C’est sans doute ce qui explique cette hésitation et ce blocage, d’autant plus que l’économie s’est redressée quelque peu en 2014, retrouvant un petit peu de croissance.

Théoriquement, le choix des Grecs semble évident : il faut renvoyer l’équipe au pouvoir actuelle et voter pour l’alternance, et donc Syriza. Espérons que la campagne de désinformation du pouvoir en place et que les peurs irrationnelles permettront d’arriver à un autre résultat qu’en 2012.

26 commentaires:

  1. Le point de vue des dirigeants de Syriza a été récemment bien résumé dans un entretien du Guardian avec John Milios, l'un des responsables de leur programme économique : http://www.theguardian.com/world/2014/dec/23/syriza-john-milios-greece-eurozone

    Le souci premier de Syriza est de ne fournir aucun argument au terrorisme intellectuel de leurs adversaires, en Grèce ou en Europe, en brandissant de manière imprudente la menace d'une sortie unilatérale de l'euro. Mais ils entendent à terme monnayer cette concession en obtenant que l'Europe accepte leurs propositions sur la dette (voir l'étude récente dont Milios est un des co-auteurs : http://www.levyinstitute.org/files/download.php?file=wp_819.pdf&pubid=2155). Leur calcul consiste à estimer que les dirigeants européens préfèreront faire des concessions plutôt que de pousser la Grèce à une sortie de l'euro ou d'encourager d'autres électorats nationaux à voter pour des formations antiaustéritaires.

    YPB

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  2. Merkel est coincée, soit l'Europe accepte de restructurer la dette grecque et ça va coûter aux français et allemands avec renforcement d'AfD, soit les propositions de Syriza sont refusées. Dans ce cas Tsipras ravale son chapeau ou il sort la Grèce de l'Euro, moyennant quoi AfD sera aussi renforcée dans ce cas.

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  3. Bonjour à tous

    Le problème de fonds est valable pour la Grèce et aussi pour la France;
    on sait qu'il est matériellement impossible de payer les dettes, alors on fait une politique d'austérité sans fin comme le préconise Valls en Espagne où on tranche le "noeud gordien" on fait un défaut partiel et définitif sur une partie de la dette.
    C'est ce qui se passe dans le privé pour une entreprise en redressement judiciaire. Pourquoi serait-ce plus choquant d'un état?
    Je ne vois pas pourquoi on devrait rembourser les goldmann sachs et institutions semblables.
    Par ailleurs les taux d'intérêts pour la Grèce étaient des taux d'usure provoqués par la spéculation sur la dette grecque.
    Qu'en pense Laurent sur le défaut partiel?

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    1. "il est matériellement impossible de payer les dettes"
      C'est inexact. Dans le cas de la France, une croissance et une inflation suffisantes réduiraient automatiquement le poids de la dette, comme c'est le cas aux Etats-Unis. Par ailleurs, il reste toujours possible de faire refinancer la dette par la Banque Centrale, pourvu qu'on en ait la volonté politique.
      Le défaut en revanche est une très mauvaise solution, car il crée une situation de conflit sans fin avec les créanciers tout en spoliant l'épargne. Et surtout il n'est absolument pas nécessaire dans le cas de la France.

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  4. Merci Laurent pour ce billet.
    @si vient de publier un article intéressant reprenant les positions de Syriza dans la presse, qui résume assez bien les enjeux et difficultés auxquels seront confrontés les Grecs.

    Sauf les mouvements sociaux et émeutes. Syriza, s'ils sont élus, va marcher sur des oeufs.


    Olivier

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  5. J. Halpern30 décembre 2014 19:17

    Dans le cas français, le défaut n'est effectivement pas nécessaire si une autre politique est menée. La France conserve malgré tout des fondamentaux pas si mauvais.

    Dans le cas de la Grèce, je serais plus réservé, ses fondamentaux ne me paraissent pas lui permettre d'éviter un défaut.

    Tout se joue en Grèce si les élections offrent une ouverture alternative, Tsipras a une chance sur deux, pas plus. Si ensuite, il s'incline devant Merkel, comme Renzi et Hollande, alors c'est reparti pour 2 ans de pourrissement. La situation repose sur les épaules de Tsipras en cas de victoire électorale. Sera t il prêt à assumer un conflit frontal avec Merkel, là est la question. Pour le moment, tous les politicards européens se sont débinés...

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  6. Le parti de la gauche radicale grecque espère calmer la panique autour de sa possible arrivée au pouvoir.
    Depuis son premier discours révolutionnaire, en quittant le Parti communiste pour la coalition de gauche, Alexis Tsipras a évolué. Le temps où il portait jeans et t-shirts est révolu: le dirigeant de Syriza se présente désormais toujours en costume et chemise impeccables. S'il a appelé son fils Ernesto en l'honneur du Che, et si la photo de Fidel Castro trône dans son bureau, le quadra veut s'ériger en chef de l'exécutif, à un mois des législatives anticipées. Sous le feu des critiques, cette coalition de la gauche radicale, devenue parti politique, a établi un programme et prévoit de mettre un terme à la tutelle budgétaire de la Grèce, en renégociant le plan de sauvetage. Cela passe par l'effacement de la plus grande partie de la dette du pays, soit 175 % du PIB, «pour être enfin viable», explique Alexis Tsipras, avant d'ajouter «après tout, l'Allemagne l'a fait en 1953, alors pourquoi pas la Grèce en 2014?».
    « Pour le reste de la dette, son parti anti-austérité veut la mise en place d'une clause pour servir la croissance et non pas l'excédent budgétaire. Enfin, Syriza demanderait un accord sur un «New Deal européen», avec des investissements publics venant de la Banque européenne d'investissement, avec la possibilité d'acheter directement des obligations à la Banque centrale européenne. Nombre d'analystes n'arrivent pas à déterminer si l'application de ces mesures se fera avec des contreparties ou de manière unilatérale. Mais ce programme laisse la place à une certaine volonté de dialogue avec les institutions européennes, tout en restant dans la zone euro et dans l'UE, ce qui n'était pas explicite jusqu'à présent. »
    Les voix dissidentes qui ne voulaient pas de l'euro se font plus discrètes mais il faut voir, une fois au pouvoir, comment ça se passera.» «Il y a eu des évolutions dans la rhétorique du parti, mais ce ne sont que des paroles, affirme Panagiotis Ioakimidis, professeur de politique européenne à l'université d'Athènes. Les voix dissidentes qui ne voulaient pas de l'euro se font plus discrètes mais il faut voir, une fois au pouvoir, comment ça se passera». À l'heure où les politiques antirigueur sont de plus en plus populaires, Tsipras gagne du terrain. «Mais il propose des mesures d'aide sociale importantes, ce qui représente 13,5 milliards, or les caisses sont presque vides. Quant à sa volonté de réduire la dette, ce serait certes idéal, mais elle est détenue à 85 % par des institutions et partenaires européens, alors croyez-vous que le peuple français acceptera de payer la dette grecque sans être remboursé?» s'interroge le professeur, persuadé qu'une fois au pouvoir Syriza devra se plier aux normes européennes ».

    L’article complet ici :

    http://www.lefigaro.fr/international/2014/12/30/01003-20141230ARTFIG00321-grece-syriza-veut-se-forger-un-profil-europeen.php#xtor=AL-201

    Je me demanda qui va devoir manger son chapeau « Syrisa » ou l’Allemagne et la troïka. Ce qui est certain c’est l’une des deux parties va devoir manger son chapeau pour que la Grèce reste dans l’euro. Ce professeur de politique européenne à l'université d'Athènes pense que c’est Syrisa qui le mangera pour « se plier aux normes européennes».

    Saul

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  7. Saul

    Je pense que Tsipras avalera son chapeau, comme tous les politiciens le font, effrayés par une confrontation frontale à l'Allemagne de la CDU, qui est pourtant le seule issue préférable.

    La lutte des places a remplacé la lutte des classes.

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  8. Et si la Grèce se rappelait que la tradition orthodoxe la rapproche d'un grand pays qui ne verrait peut-être pas d'un mauvais œil l'UE tanguer. Je sais pas quelle forme ça peut prendre mais le symbole grotesque que constituerait le berceau de la démocratie aidé par l'"horrible" Russie après avoir été ravagé par nos belles "valeurs européennes".

    Rien qu'à imaginer les têtes de nos chers commissaires-députés-dirigeants-maîtres, c'est un régal.

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  9. Un économiste allemand Hans-Werner Sinn, Président de l’IFO, l’institut de conjoncture de Munich, préfèrerait voir la Grèce sortir de l’euro.

    Au lieu d'aider la Grèce avec ne nouvelles injections de capitaux, le pays ferait mieux de quitter l'euro, selon le chef d'Ifo Werner de Hans Sinn. Seulement comme ça la Grèce, à long terme, sera de nouveau compétitive.

    L'économiste Werner de Hans Sinn voit dans départ de la Grèce de l’euro une alternative à une autre complaisance financière des prêteurs internationaux. "D’autres réductions de dettes devront sans cesse être accordées, sauf si on expulse le pays de l'euro en lui permettant d'être compétitif de nouveau par une dévaluation", disait le président d'Ifo de l'institut pour la recherche économique…

    http://www.focus.de/finanzen/news/wieder-wettbewerbsfaehig-ifo-chef-sinn-raet-griechenland-zum-euro-austritt_id_4375681.html

    Le budget allemand supporterait sans trop de difficulté une perte de 29 milliards d’euros due à la sortie de la Grèce de l’euro avec défaut sur la dette, par contre 29 milliards d'euros pour la France, on a calculé que c’était à peu près la somme (voir le lien ci-dessous) dans la situation calamiteuse où se trouve le pays aujourd’hui, ça va être dur, puisqu’en haut lieu ils veulent conserver l’euro à tout prix.

    http://www.latribune.fr/actualites/economie/union-europeenne/20141220trib8353bb775/pourquoi-la-crise-grecque-est-loin-d-etre-achevee.html

    Saul

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  10. Ambrose Evans-Pritchard :

    « Greece's finance minister warns ECB could “strangle the Greek economy in a split second” if it cuts off life-support for banks”:

    “Le ministre des Finances de la Grèce met en garde: la BCE pourrait "étrangler l'économie grecque en une fraction de seconde" si elle coupe le soutien pour les banques ».

    http://www.telegraph.co.uk/finance/economics/11316726/Greece-comes-back-to-haunt-eurozone-as-anti-Troika-rebels-scent-power.html

    Ça fait partie de la problématique connue de la sortie de l’euro : Elle doit être mise en œuvre très rapidement pour avoir une banque centrale nationale immédiatement opérationnelle car dès que la BCE coupe le soutien aux banques grecques, la Grèce doit soit se soumettre aux conditions qui seront faites par la troïka, soit sortir de l’euro en urgence. Il vaudrait mieux avoir préparé la sortie si c’est cette solution qui est choisie car ça ne s’improvise pas au dernier moment après une éventuelle décision de la BCE que celle-ci a déjà prise pour Chypre en 2013 :

    http://www.lemonde.fr/economie/article/2013/03/21/la-bce-menace-d-etrangler-chypre_1851779_3234.html

    Saul


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  11. @ YPB

    Je suis bien d’accord avec cette analyse

    @ Anonyme

    Bien vu, cela peut accélérer le démontage de la monnaie unique

    @ André

    Bien d’accord. A l’heure actuelle, un défaut partiel / une restructuration est la seule solution pour la Grèce. Mais il faut noter que si le pays reprenait sa monnaie, alors, par la monétisation, il ne serait pas forcément nécessaire de faire défaut, ou, a minima, cela permettrait un défaut plus limité, ce qui peut être considéré comme plus souhaitable pour limiter l’ampleur d’une nouvelle crise qui fera encore du mal à la population.

    Après, bien d’accord sur le fait que les investisseurs méritent sans doute une décote

    @ J Halpern

    Bien d’accord

    @ Olivier

    Il faut que je regarde. Merci pour l’info

    @ Anonyme

    J’ose espérer que Tsipras n’est pas du même métal que Hollande et Renzi. Il ne tient pas du tout le même discours, ce qui me semble lui imposer un minimum de consistance.

    @ Saul

    Encore merci pour toutes ces informations. Mes colonnes vous sont ouvertes si vous souhaitez faire des papiers. J’ai l’impression que Tsipras s’est trop avancé pour vraiment reculer et qu’il s’est bien dans une assez bonne position pour faire plier l’UE, d’autant plus qu’il a un excédent primaire.

    @ Bip

    Bien vu

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  12. Les chiffres qui viennent de Grèce sont à prendre avec des pincettes. Voir ce qu'en dit notamment l'économiste australien William Mitchell : http://bilbo.economicoutlook.net/blog/?p=29517.

    Mitchell doit publier dans les mois qui viennent, en anglais et en italien, un livre sur la crise de l'euro analysée d'un point de vue néochartaliste.

    YPB

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  13. "cette maudite commission": que c'est bien dit! Merci pour cette explication claire de la situation grecque. Mais il faut bien être conscient qu'il n'y a pas de solution viable dans le cadre de la monnaie unique, ni pour la Grèce, ni pour aucun autre pays, même à terme pour l'Allemagne.

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  14. Il est évidemment très difficile d'imaginer ce qui va se passer. Par contre il est possible de situer le "théâtre grec:
    http://www.lacrisedesannees2010.com/2014/12/test-du-modele-du-monde-tel-qu-il-est-le-protectorat-grec.html

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