vendredi 31 janvier 2014

Mory Ducros : 3000 victimes de plus du « plombier polonais »


Le conflit entre les salariés de Mory Ducros et leur repreneur semble toucher à sa fin. Les près de 3000 salariés qui seront licenciés devraient toucher 10 000 euros en moyenne. Mais beaucoup oublient de se demander pourquoi le transporteur a fait cessation de paiement.


Une cause : la concurrence déloyale

Bien sûr, certaines belles âmes n’aimeront pas cette stigmatisation de l’étranger, mais il faut quand même regarder la réalité du transport routier en face. Si Mory Ducros est au bord de la faillite aujourd’hui, c’est pour une seule et unique raison : la concurrence déloyale des personnes venues d’Europe de l’Est ou du Sud, dont les salaires sont nettement plus bas qu’en France. Pour rappel, le SMIC roumain est environ dix fois plus bas que le SMIC français… Et on le voit sur nos routes, qui accueillent une proportion grandissante de transporteurs espagnols, portuguais, polonais, roumains…

D’ailleurs, dans le transport routier la part de marché internationale (pour tous les transports d’un pays à la France ou inversement) des transporteurs français est passée de 46 à 17% de 1999 à 2010. Pire, le cabotage (les entreprises étrangères qui, après un transport international, en profitent pour faire une mission en France sur le trajet du retour) a déjà pris 3,6% du marché intérieur. Le syndicat de la profession estime qu’un tiers de ses 350 000 salariés sont aujourd’hui menacés, comme le montre malheureusement bien la crise de Mory Ducros, qui ne sera par conséquent pas le dernier.

Le PS et l’UMP sont responsables

La crise de l'euro est-elle derrière nous ?

Conférence de Jean-Jacques Rosa à l'université de Montpellier, animée par Gilles Ardinat


La crise de l'Euro est-elle derrière nous? par GArdinat


J'en profite pour rappeler ma synthèse de son dernier livre sur l'euro :

 

L’économiste libéral fait partie de ceux qui avaient combattu la création de l’euro dans les années 1990. L’histoire lui ayant donné raison, il propose une analyse des dysfonctionnements de l’euro et de sa sortie.


Une Zone Monétaire non Optimale


jeudi 30 janvier 2014

C’est l’histoire d’un bonus de 2,5 milliards de dollars





Les rapaces du capitalisme

Cette histoire mérite d’être connue par le plus grand nombre tant elle illustre bien les dérives du capitalisme actionnarial. Paradoxalement, c’est The Economist qui me l’a fait découvrir. En novembre 2008, Anheuser-Busch fusionne avec InBev. Le montant important de la dette du groupe pousse le conseil d’administration à donner des stock-options à 40 dirigeants du groupe s’ils parviennent à faire passer le niveau d’endettement du groupe sous un certain niveau. Les dirigeants coupent dépenses et dividendes, émettent des actions et vendent pour 9,4 milliards d’actifs. ABI atteint ses objectifs en 2011.

C’est ce qui déclenche les 2,5 milliards de dollars de stock-options pour les dirigeants (la moitié pouvant être touchée en janvier 2014, le reste en 2019). Problème, les ventes d’actifs pour atteindre les objectifs n’étaient que provisoires. En effet, il apparaît qu’ABI a vendu l’entreprise coréenne, Oriental Brewery en 2009 à KKR, un fonds d’investissement, pour 1,8 milliards de dollars. Mais cette vente était accompagnée d’une option de rachat qu’ABI a actionnée, rachetant Oriental Brewery pour 4 milliards à KKR ! 50% des actifs vendus alors l’étaient avec une telle option, ce qui pose un gros problème moral.

Cette morale que les néolibéraux ignorent

mercredi 29 janvier 2014

Turquie : l’oubli de François Hollande





Un grand pays… qui n’a rien à faire dans l’UE

Nos relations avec Ankara ont été singulièrement compliquées par l’ouverture d’un processus de négociation pour intégrer l’Union Européenne. Cette mauvaise comédie dure malheureusement depuis 15 ans ! Jacques Chirac avait reconnu la candidature de la Turquie en 1999. Mais il avait aussi accepté une réforme de la constitution en 2005, imposant un référendum. Nicolas Sarkozy a toujours eu une attitude ambiguë. Il a soutenu la réforme constitutionnelle de 2005 et refusé un chapitre des négociations en 2007. Mais il a aussi fait sauter le verrou du référendum en 2008 et a surtout permis l’ouverture de 11 chapitres de négociation sous son mandat, y compris celui qu’il avait bloqué en 2007 !

Les socialistes ont toujours été assez favorables à l’entrée de la Turquie, malgré l’opposition de 83% des Français. Un nouveau chapitre de négociation a été ouvert en novembre. Mais il est totalement délirant de continuer à avancer dans ces négociations alors même que nous avons tous les jours devant nos yeux la démonstration que l’Union Européenne ne fonctionne pas et que l’arrivée de ce pays de plus de 70 millions d’habitants ne ferait que complexifier plus encore la situation. Aujourd’hui, il y a surtout urgence à faire une pause dans le processus d’élargissement. Certes, François Hollande promet un référendum, mais dans ce domaine, les promesses ne semblent engager que ceux qui les entendent.

Quand la commission ouvre nos frontières à la Turquie

La critique philosophique de la théorie du genre de Dany-Robert Dufour


Billet invité : notes de lecture de « LE DIVIN MARCHE » de Dany-Robert Dufour (Denoël, 2007).



Le Divin Marché, la révolution culturelle libérale  est un ouvrage philosophique majeur pour comprendre comment les théories libérales-libertaires se sont muées en idéologies à vision totalisante, si ce n’est totalitaire. D-R. Dufour y montre ainsi comment, bien loin d'être sortis de la religion, nous sommes tombés sous l'emprise d'une nouvelle religion conquérante, le Marché, fonctionnant sur un principe simple, mais redoutablement efficace, mis au jour par Bernard de Mandeville (La Fable des abeilles) en 1704 : "les vices privés font la vertu publique". Ce miracle étant permis par l'intervention d'une Providence divine (cf. la fameuse "main invisible" postulée par Adam Smith), on se trouve donc dans une mystique quasi-religieuse pour laquelle D-R. Dufour tente de rendre explicites les dix commandements implicites de cette nouvelle religion, beaucoup moins interdictrice qu'incitatrice (c’est à la toute sa force) - ce qui produit de puissants effets de désymbolisation, comme l'atteste le troisième commandement : "Ne pensez pas, dépensez !".

mardi 28 janvier 2014

Chômage, croissance, déficits : la triple faillite de François Hollande


Pendant sa campagne présidentielle, François Hollande s’était fixé des objectifs en matière économique : relancer la croissance, ramener les déficits à 3% du PIB et inverser la courbe du chômage. La publication des chiffres du chômage de décembre montre qu’il a échoué sur tous les tableaux.



Un Munich social

Michel Sapin a donné le ton dimanche en parlant de « stabilisation » du chômage et non d’inversion de la courbe, devant l’évidence que l’objectif d’inversion de la courbe, défendu envers et contre tout par François Hollande, ne serait pas atteint. Le recours aux contrats aidés et la traditionnelle augmentation des radiations ont permis, en effet, de ralentir la croissance du nombre de chômeurs depuis quelques mois. Mais en décembre, le nombre de chômeurs de catégorie A a progressé de 8 200 personnes, à 3,563 millions et celui des catégories A, B et C de 19 800 personnes, à 5,194 millions.

La baisse du chômage est-elle seulement la priorité du gouvernement ? Certes, il y a les contrats d’avenir et les contrats de génération, ainsi que la baisse du coût du travail, avec le CICE et le pacte de responsabilité, mais ces actions sont à la marge et mal conçues. Les deux contrats n’ont pas un grand succès et peinent à atteindre leurs objectifs. Le CICE est une usine à gaz qui ne profite pas spécialement aux entreprises qui en ont vraiment besoin et dont les effets sont dérisoires par rapport aux mouvements monétaires. Gérard Filoche pose aussi de bonnes questions sur la portée du nouveau pacte.

Un problème de priorités

L'agriculture au péril du libéralisme


Billet invité, inaugurant le passage du blog en mode collectif
La Politique Agricole Commune -PAC- a été mise en place dans les années 1960 pour répondre aux objectifs fixés par le traité de Rome : accroître la productivité de l’agriculture ; assurer un niveau de vie équitable à la population agricole ; stabiliser les marchés ; garantir la sécurité des approvisionnements ; assurer des prix raisonnables aux consommateurs. Ces objectifs ont été repris tels quels en 2007 dans le traité de Lisbonne, bien que l'Union Européenne les ait abandonnés quinze ans auparavant pour ouvrir le marché européen sur le marché mondial et favoriser l'inclusion de l'agriculture dans une économie marchande globalisée.

A l'origine, un des instruments principaux de la PAC consistait en prélèvements aux frontières destinés, non pas à fermer le marché européen, mais à compenser les différences de coût de revient avec des pays où les contraintes techniques, sociales et environnementales sont bien inférieures à celles imposées aux agriculteurs européens.
En 1992, suite à l'accord de Marrakech créant l'Organisation Mondiale du Commerce -OMC-, ces prélèvements ont été supprimés. Pour compenser la baisse des prix, l'UE a mis en place un dispositif d'aides directes assis sur les surfaces consacrées par l'agriculteur aux principales productions, notamment céréalières.

lundi 27 janvier 2014

Bâle 3 : Il faut reprendre le contrôle sur les normes bancaires !


Malheureusement, l’information n’a pas fait la une des grands médias. C’est The Economist qui en a fait un sujet majeur il y a une semaine : dans la petite cuisine de Bâle 3, les normes bancaires ont été assouplies, au point de laisser les banques européennes dangereusement sous-capitalisées.



Un relâchement de la régulation

Ce qui est en jeu est assez technique. Les règles Bâle 2 imposaient théoriquement aux banques d’avoir 8 euros de capital pour 100 euros d’actif. Mais ces règles dépendaient du risque des actifs, à savoir que pour les meilleurs actifs (parfois, en fonction de leur notation), il suffisait d’avoir seulement 20% de ce capital, soit 1,6% de couverture !!! Quand on sait ce qu’il est advenu de certains titres notés AAA… Depuis la crise, le comité Bâle met au point de nouvelles règles, dites Bâle 3. Dans un précédent papier, j’avais déjà indiqué que les lobbys financiers oeuvraient dans l’ombre pour les assouplir.

Il était prévu que les banques soient contraintes d’avoir 3% de capital par rapport à leur actif. Mais alors que trois quarts des banques étasuniennes respectent déjà cette règle, du fait d’une pression plus importante des régulateurs outre-Atlantique, approximativement le même pourcentage ne les respecte pas en Europe. Comme le rapporte The Economist, certains actifs ne seront pas pris en compte et certains dérivés pourront se compenser entre eux. Résultat, la plupart des banques européennes passeraient les tests avec ces règles et n’auront pas à lever les 70 milliards d’euros dont elles avaient besoin.

Ce que cela dit des normes bancaires

dimanche 26 janvier 2014

Marine Le Pen bute sous le plafond de verre


Il y a quelques mois, porté par le succès à une cantonale partielle et de bons sondages, rien ne semblait pouvoir arrêter le parti de la famille Le Pen. Mais encore une fois, la dynamique semble s’être cassée, démontrant qu’il semble bien y avoir un plafond de verre infranchissable pour le FN.



Sous le nouveau FN, l’ancien

Courant octobre, la publication d’un sondage plaçant le Front National en tête des intentions de vote pour les élections européennes, à 24%, agit comme un choc. Pourtant, avec un peu de recul, les observateurs de la vie politique devraient se souvenir que Marine Le Pen avait également atteint de tels scores à l’automne 2011 pour l’élection présidentielle, avant de faire 17,9%. Depuis, tous les sondeurs confirment une nette baisse de la cote du parti et de sa présidente : elle a perdu entre 4 et 8 points de popularité selon tous les instituts de sondages depuis septembre / octobre. Que s’est-il passé ?


Le FN : une impasse politique

samedi 25 janvier 2014

Cette bulle qui gonfle en Chine


Ce serait un sacré symbole de l’évolution de la mondialisation que la prochaine crise financière parte de Chine, après les subprimes aux Etats-Unis. Le signe de l’avènement de l’Empire du milieu mais aussi de sa plus grande intégration à l’économie mondiale. Une perspective malheureusement crédible.



La bulle n’est pas dans l’immobilier

Contrairement à une croyance répandue, il n’y a pas forcément une bulle de l’immobilier en Chine. Certes, les prix progressent fortement, mais il ne faut pas oublier que le PIB nominal (croissance + inflation) monte encore de 10%, et que les salaires suivent, ce qui remet en perspective l’augmentation de 8,7% des prix de l’immobilier rapporté par l’indice trimestriel des prix immobiliers de The Economist. D’ailleurs, selon la bible des élites néolibérales, si les prix y seraient surévalués de 7% par rapport aux loyers, en revanche, ils seraient sous-évalués de 37% par rapport aux revenus.

Il semble en effet que les revenus progressent encore plus vite que les prix de l’immobilier (en hausse de 23% depuis 2008), même si cela n’exclut pas des zones de plus grande tension, dans les grandes villes particulièrement. Il faut dire que le gouvernement chinois a adopté une politique très interventionniste pour éviter une bulle comparable à celle des subprimes. Dès que les prix s’emballent, Pékin met en place des contraintes plus dures pour les prêts immobiliers (augmentation du dépôt initial) ou cherche à décourager la spéculation en taxant les résidences secondaires par exemple.

L’emballement du secteur financier

vendredi 24 janvier 2014

Le français, pris en tenaille entre les langues régionales et l’anglais


Mercredi a débuté à l’Assemblée Nationale l’examen du texte destiné à permettre la ratification de la charte européenne des langues régionales. Une initiative de plus contre la nation, avec l’alliance traditionnelle entre l’Union Européenne et les régions. Un projet auquel il faut absolument s’opposer.



L’Europe et les régions alliées, contre la nation

Pas besoin d’être un complotiste paranoïaque pour mettre en parallèle les initiatives du gouvernement pour promouvoir l’usage de la langue anglaise à l’université ou à la maternelle et sa promotion des langues régionales. Tout se passe comme si, pour certaines personnes, dans le futur vers lequel il faudrait tendre, l’anglais remplacerait en partie le français dans les métropoles ouvertes sur l’international, comme Paris – direction déjà prise aujourd’hui – et si les anciennes langues régionales, qui étaient tombées en désuétude, seraient à nouveau les langues d’échange dans le reste du territoire.

C’est à croire en effet qu’une certaine élite (qui vient plutôt de la gauche, du fait de son internationalisme et de son hostilité innée vis-à-vis de la nation), le français pourrait être une option pour nos compatriotes qui vivraient alors sur un territoire dont l’unité nationale et républicaine aurait été dépecée par l’Europe et les régions. Bien sûr, les textes en cause sembleront anecdotiques par rapport à cette vision d’un futur anti-national, mais il faut bien admettre qu’ils s’inscrivent dans une tendance de long terme dont l’issue pourrait bien être la mise à mort de l’idée nationale par l’europe des régions.

Mobilisation générale

jeudi 23 janvier 2014

Y-a-t-il encore un économiste sérieux favorable à l’euro ?


Certains partisans de cet édifice artificiel et baroque qu’est l’euro osent encore soutenir qu’il n’y aurait pas d’économiste sérieux qui y serait opposé. Mais outre 9 prix Nobel d’économie, toujours plus d’économistes le critiquent, au point que l’on peut se demander s’il a encore des soutiens sérieux ?



Le refus du cap eurolibéral

Bruno Moschetto, secrétaire national aux questions économiques au MRC, et professeur de sciences économiques à HEC, a publié une tribune dans Marianne, intitulée « Pourquoi un changement de politique s’imposer à Hollande ». Il n’est pas inintéressant de la relire après la conférence de presse de François Hollande pour deux raisons. D’une part, cela permet de constater à quel point la majorité actuelle prend une direction totalement opposée à celle que juge nécessaire Bruno Moschetto, dans la lignée du jugement, très critique sur le fond, émis par Jean-Pierre Chevènement.

L’argumentaire de Bruno Moschetto est clair. Il dénonce le manque de flexibilité de cette construction monétaire, particulièrement évident dans cette crise. Il dénonce également le fait que la monnaie unique contribue à augmenter les différences entre les différences nations, au lieu de les homogénéiser. Pour lui, il n’est pas juste que l’Allemagne concentre à ce point la production industrielle. Il fait un parallèle entre la situation actuelle et celle de la France en 1958, vis-à-vis de l’Algérie et il appelle à un démontage de la monnaie unique et sa transformation en monnaie commune.

L’Allemagne de plus en plus hostile

mercredi 22 janvier 2014

L’Etat solde PSA à Dongfeng


Beaucoup se réjouissent de l’accord entre PSA, l’Etat et Dongfeng, qui devrait fournir les 3 milliards d’euros dont le groupe automobile a besoin. Mais quand on prend un peu de recul, on se rend compte que la France laisse faire un accord qui est une aubaine assez injuste pour la Chine.



Le beurre et l’argent du beurre pour la Chine

Ici, il faut rappeller comment la Chine a fait pour construire son industrie automobile. Dans les années 1990, elle a mis en place des droits de douanes d’environ 100% sur les véhicules importés, imposant aux grands constructeurs de construire une usine sur place en partenariat avec une entreprise chinoise (Dongfeng faisant partie des heureux élus), qui pourrait ainsi apprendre à fabriquer des voitures et bénéficier de transferts technologiques. Ce faisant, la Chine réplique le modèle de développement asiatique, initié par le Japon, puis suivi par la Corée, entre protectionnisme et dirigisme étatique.

Ce faisant, la France et la Chine luttent de manière totalement déloyale, comme l’illustre l’écart entre nos exportations vers la Chine (15 milliards) et nos importations (41 milliards). L’Empire du milieu accumule de l’argent en protégeant son marché intérieur et en bénéficiant de l’ouverture du marché des autres. Pire, Dongfeng, qui est une entreprise publique, s’est enrichie grâce aux partenariats imposés par l’Etat chinois aux constructeurs étrangers, le tout sans fabriquer le moindre véhicule seul. Et quand on sait que la Chine est championne de la copie et la contrefaçon industrielles…

La trahison du gouvernement

mardi 21 janvier 2014

Les très faibles rendements de l’austérité


La semaine dernière, Bercy a annoncé une nouvelle révision à la hausse du déficit pour l’année 2013 : 75 milliards d’euros, au lieu des 72 prévus… en novembre, et 61,5 au budget initial ! Un nouvel indice démontrant que la politique suivie par le PS (mais aussi l’UMP avant) est un échec.



Un déficit 2013 bien plus haut que prévu

Jacques Sapir avait prévenu le gouvernement à l’automne 2012 et il faut bien constater que ses prévisions étaient particulièrement bien vues. Il annonçait que la cure d’austérité allait casser la croissance en 2013 et que cela conduirait à des révisions à la hausse du déficit, au-delà de 3,5% du PIB. Il faut rappeler ici que le déficit public a atteint 87 milliards en 2012. Initialement lié par la promesse de le descendre à 3% du PIB, le gouvernement avait mis en place un plan d’austérité de 30 milliards, pour le réduire à 61,5 milliards en 2013, escomptant une augmentation des recettes de plus de 14 milliards.

Las, les recettes fiscales ont progressé d’à peine 1,5 milliards car ce qui a été gagné sur l’augmentation des impôts a été perdu par l’affaiblissement économique. Résultat, le déficit baisse seulement de 12 milliards, de 87 à 75 milliards. En clair, le rendement du plan d’austérité a été à peine de 40%. En 2013, quand l’Etat économise 10 milliards, le déficit ne baisse que de 4 milliards car il en perd 6 de recettes dans le processus, du fait de la réduction de la croissance. Le gouvernement a tenu les dépenses, qui ont progressé de 1,3 milliards, soit 0,4%, moins que l’inflation, ou que les 4,7 milliards prévus.

Persistance dans l’erreur

lundi 20 janvier 2014

Grèce : entre présidence de l’UE et sortie de l’euro


Cette année sera une année particulière à Athènes. D’une manière assez paradoxale, le pays occupe la présidence de l’Union Européenne. Certes, il a atteint ses objectifs financiers, mais il pourrait bien avoir besoin d’un nouveau plan et surtout, la perspective d’un conflit politique a fortement augmenté.



Un contexte économique compliqué

Jean Quatremer peut bien se réjouir de l’évolution de la situation en Europe (fermant les yeux sur la situation sociale dramatique des pays « aidés » ou sur le fait que le montant des créances douteuses en Espagne ne cesse de progresser, à 13,1%), la situation est moins stable que les euro béats ne veulent bien l’admettre, malgré le calme des marchés. Car le fait que la Grèce ait maintenant un excédent primaire de son budget (avant paiement des intérêts) veut aussi dire qu’une sortie de l’euro devient encore plus facile pour le pays, qui n’aurait pas besoin de plan d’austérité en cas de défaut sur sa dette.

Du coup, cela rend aussi le bras de fer entre les autorités grecques et la troïka plus équilibré, pour qui voudrait vraiment créer un rapport de force. Or, il y aura sans doute besoin d’une nouvelle aide pour le pays, comme même le ministre allemand des finances l’a reconnu. En effet, les banques grecques ont déjà bénéficié 40 milliards sur les 50 dont dispose le fond de soutien du pays. Mais le montant colossal des créances douteuses (24% fin 2012 !) pourrait nécessiter de nouveaux fonds et il n’est pas évident que le Fonds Héllénique de Stabilité Financière soit suffisant…

Vers une crise politique ?

dimanche 19 janvier 2014

De l’affaire Dieudonné, de la liberté d’expression et de la censure


Le flot de l’actualité a (heureusement) fini par reléguer les spectacles de Dieudonné au second plan. Sans doute le bon moment pour se poser des questions sur le tourbillon politico-judiciaire qui a interdit plusieurs représentations du polémiste, contraint d’ajuster son spectacle.



Le retour de la censure ?

C’est la question qui peut en effet se poser au sujet de l’interdiction du spectacle de Dieudonné. Comme le soulignent de nombreux opposants au polémiste, comme Edwy Plenel, Maître Eolas ou Daniel Salvatore Schiffer sur Marianne, il ne fallait sans doute pas interdire les représentations, même si elles contenaient des remarques ouvertement antisémites. Ces dernières devaient être sanctionnées par la justice, selon les lois de la République, qui ont déjà sévi plusieurs fois à l’égard du récidiviste Dieudonné. Comme je l’avais souligné dans mon premier papier sur le sujet, la circulaire du ministre de l’intérieur ressemble beaucoup à une loi d’exception, qui rappelle clairement les temps de la censure.

Daniel Salvatore Schiffer démonte l’argumentation du ministre en soulignant qu’il n’y avait pas vraiment de danger pour l’ordre public. Et à partir de ce moment là, si on se base sur le respect de la dignité humaine, il est tout de même inquiétant de constater que le gouvernement fait pression sur la justice (malmenant la séparation des pouvoirs) pour interdire a priori à un polémiste de prononcer des paroles qui ne respectent pas la dignité humaine. Il s’agit d’un précédent délicat car on voit bien la mauvaise pente que cela peut faire prendre, à savoir une véritable censure. C’est une chose de sanctionner des propos qui contreviennent à la loi, c’en est une autre d’empêcher de les prononcer a priori.

Une manœuvre politicienne

samedi 18 janvier 2014

Les scandaleuses négociations du traité transatlantique


Les négociations commerciales sont un angle mort majeur de nos démocraties. C’est bien ce que montrent les négociations sur le traité transatlantique entre les Etats-Unis et l’UE, qui sont maintenues dans un secret suspect et dont ce qui nous parvient est extrêmement inquiétant.




Une remise en cause de la démocratie

Je vous recommande vivement de lire le papier de Lori M. Wallach, dans le Monde Diplomatique, qui révèle les enjeux de l’Accord de Partenariat Transatlantique (APT). Il révèle un aspect peu connu des négociations en cours. L’ATP serait un successeur de l’AMI (Accord Multilatéral sur les Investissements), négocié de 1995 à 1998, auquel j’avais consacré un long papier dans un journal étudiant il y a 16 ans… L’ATP pourrait en effet mettre en place un cadre juridique où les multinationales seraient placées sur le même plan que les Etats et où elles pourraient porter plainte contre eux dans des tribunaux spécialement créés, dont on peut craindre qu’ils ne leur soient pas très défavorables (aux multinationales).

En 1998, le scandale déclenché par la révélation du contenu de l’AMI avait fait capoter les négociations. Il est donc capital de faire connaître ce qui se passe et notamment l’article du Monde Diplomatique qui révèle que l’accord stipule que les pays devront assurer « la mise en conformité de leurs lois, de leurs règlements et de leurs procédures » avec les dispositions du traité. Et si les Etats ne s’y conforment pas, les entreprises pourraient alors les poursuivre si une législation rogne sur leurs « futurs profits espérés » ! Tout ceci rejoint complètement la réflexion de Jacques Sapir sur cette progression du droit qui finit par asphyxier la démocratie et le libre-arbitre des gouvernements et donc des peuples.

Le Monde diplomatique évoque le cas d’une société européenne qui a utilisé certaines dispositions de l’OMC pour engager des poursuites contre l’augmentation du salaire minimum en Egypte, et une autre, étasunienne, contre la limitation des émissions toxiques au Pérou, par l’ALENA ! Le volume d’affaires traité par ces tribunaux spéciaux a été multiplié par 10 depuis 2000. L’article évoque de nombreuses démandes de l’industrie étasunienne : la fin de la mention de la présence d’OGM en Europe, une plus grande latitude dans l’usage des données informatiques privées, mais aussi le refus de toute restriction aux mouvements de capitaux, comme le petit projet de Taxe Tobin étudié en Europe.

La résistance doit s’organiser !

vendredi 17 janvier 2014

Fusion des régions : ce n’est pas la solution !


C’est un des ballons d’essai lancé par François Hollande lors de sa conférence de presse de la rentrée. Mais il est assez illusoire de vouloir faire des économies en fusionnant quelques régions et départements. Il faut envisager des réformes bien plus radicales que cette resucée du rapport Balladur de 2009.



Et vogue la galère territoriale…

Contrairement aux préjugés, notre Etat central n’est pas si dépensier. De nombreuses études montrent au contraire que l’Etat n’a pas tant de fonctionnaires que cela, pas si bien payés que cela, dans de nombreux domaines. J’ai détaillé le cas de l’éducation nationale récemment, mais on pourrait également parler des forces de police ou même de l’administration du budget, en manque criant de personnel pour lutter contre la désertion fiscale par exemple. En revanche, il semble que nous dépensions davantage que la moyenne pour notre système de protection sociale et pour nos collectivités territoriales, même s’il faut reconnaître que l’Etat leur a transféré des compétences, rendant les comparaisons difficiles.



En fait, nous sommes passés de 1,2 à 1,75 millions de postes de 1998 à 2010, près de 50% de hausse ! Pire, malgré l’envolée de l’effectif de l’intercommunalité (de 50 à 170 mille personnes en 12 ans), les effectifs des communes sont passés de 1 à 1,2 millions. Non seulement l’intercommunalité semble venir en addition et ne permettre aucune synergie, mais la complexité de la gestion induite pourrait même provoquer une augmentation des effectifs dans les communes ! Le Huffington Post rapporte une étude qui affirme qui les fusions de région ne changeront pas grand chose. Logique étant donné que les effectifs régionaux ne représentent que 5% du total des collectivités locales !

Pour une solution radicale

jeudi 16 janvier 2014

L’Europe bloque l’information sur notre alimentation


Il y a un an, l’Europe découvrait de manière effarée la présence de viande de cheval dans des lasagnes au bœuf. Comme le rapporte RTL, François Hollande avait alors promis un étiquetage précisant l’origine des viandes. Las, ceci se heurte aux règles byzantines de l’Union Européenne.



Blocage sur l’information alimentaire

Dans sa chronique On n’est pas dupes sur RTL, Anne Le Hénaff expliquait lundi que le gouvernement essaie d’avancer sur l’étiquetage de l’origine des produits dans les plats cuisinés puisqu’il a inclus cette mesure dans le projet de loi sur la consommation. Mais ce projet est soumis à l’accord des autorités européennes, rien ne pouvant être fait à l’échelle franco-française puisque cela serait une entrave à la libre-circulation des biens. Or, les velléités d’il y a un an semblent s’être avoir été dissoutes par l’action des lobbys industriels, qui affirment que cela induirait un surcoût de 15 à 50%.

Comme le rapporte le Monde, dans un papier à la tonalité très critique à l’encontre de l’Union Européenne, le commissaire en charge du dossier a publié un rapport mi-décembre qui évoque trois scénarii possibles. Cela va d’un simple volontariat à une obligation de mention UE / non UE ou une obligation de mention du pays d’origine. Le rapport accrédite un surcoût allant jusqu’à 50%, ce qui semble totalement délirant, RTL avançant au plus 5%. Selon le Monde, l’UFC-Que Choisir indique que les produits des marques qui ont mis en place cette mention d’origine n’ont pas subi de hausse de prix notable.

Ce que cela nous dit de l’UE

mercredi 15 janvier 2014

François Hollande : le choc eurolibéral





Le néocon, c’est lui ?

Les néoconservateurs, tels qu’on les définit aux Etats-Unis, ont plusieurs caractéristiques : une volonté de réduire les dépenses publiques et les impôts, un interventionnisme extérieur et une remise en cause d’une partie des libertés publiques. Au final, contrairement aux allégations absurdes du Point, c’est plutôt François Hollande qui se rapproche de cette définition. A ce titre, la conférence de presse d’hier était spectaculaire sur le plan économique : promesse de réduire la dépense publique de 50 milliards de 2015 à 2017, celle de réduire les charges des entreprises des cotisations familiales (30 milliards), le choc de simplification, la volonté de réduire les déficits et d’améliorer la compétitivité.

Bref, à part peut-être quand Lionel Jospin baissait les impôts et privatisait à tout va en affirmant que l’Etat ne pouvait pas tout sur Vilvorde, jamais le PS n’a sans doute autant assumé ses idées eurolibérales. Non seulement il renie Marx, mais il renie même Keynes en assumant ouvertement une politique de l’offre, qui créerait in fine de la demande, dans un raisonnement purement libéral économiquement. Et nous avons eu droit au couplet traditionnel sur l’Europe, à savoir qu’il en faut plus, mais qu’il faut quand même un peu la changer et que sans l’Europe, ce serait une catastrophe. Pourtant, plus l’intégration avance, plus cela va mal et la zone euro est la région qui va le plus mal au monde depuis 2010.

Un cap (politicien) pour 2017

mardi 14 janvier 2014

Déficit commercial : symptôme de l’échec économique du gouvernement





Un constat ravageur

Certes, le déficit commercial du pays devrait légèrement dépasser 60 milliards d’euros en 2013, soit environ 10 milliards de moins qu’en 2011. Mais ce n’est pas à ce rythme que notre pays aura une balance équilibrée en 2017, contrairement aux promesses du candidat socialiste. Pire, les derniers mois semblent indiquer une nouvelle détérioration, avec une baisse préoccupante des exportations, au plus bas depuis deux ans. Le déficit est passé de 4,8 à 5,7 milliards d’euros en un mois, quand la situation s’améliore en Allemagne et en Espagne, comme le rapporte cet article du Point, bien documenté.



Nicolas Sarkozy avait essayé d’attribuer à l’augmentation de la facture énergétique la responsabilité de la dégradation du solde commercial. Il faut dire qu’avec une facture pétrolière de plus de 60 milliards d’euros pour un déficit de 70, l’exercie était facile. Cependant, comme son opposant l’avait noté, la France avait réussi à afficher un excédent, malgré un solde énergétique négatif (certes moins qu’en 2011). Le problème, c’est la détérioration continue de notre solde des échanges de bien, résumée par un graphique du Monde, qui montre que nous perdons du terrain dans le milieu et le bas de gamme.

Deux raisons : l’euro et le libre-échange