vendredi 18 septembre 2015

La nouvelle attaque effarante contre les notes




Quand c’est flou, il y a un loup

Bien sûr, nous avons eu droit à toute la traditionnelle complainte sur la dureté des notes de 0 à 20, leur caractère stigmatisant pour les élèves les moins bien notés… Même s’il ne faut pas ignorer une éventuelle souffrance des enfants, il faut bien reconnaître que le grand relâchement de la notation depuis plus de 20 ans (illustré par la grande braderie du baccalauréat, où la proportion de mentions très bien a été multipliée par 10 en 25 ans, au point d’en trouver plus aujourd’hui qu’on ne trouvait de mentions bien il y 25 ans), ne semble pas avoir amélioré le bien être des élèves, et encore moins le niveau, qui semble évoluer en sens inverse de la dureté de la notation. Il est tout de même effarant de continuer à tenir un tel discours après un tel assouplissement des notes, qui n’a pourtant rien produit de bon.

En outre, on ne voit pas en quoi cette nouvelle échelle serait moins stigmatisante, au contraire même. Ceux qui seront en bas de l’échelle ne seront pas mieux parce qu’ils auront 1 ou 2 sur 5 plutôt que 7 ou 8 sur 20 ! Au contraire même, le manque de nuance d’une notation avec une échelle bien plus restreinte pourrait bien rendre les notes encore plus dures. Alors que des progrès ou des reculs minimes sont perceptibles avec une échelle sur 20, encourageant et alertant rapidement un élève, une notation sur 5 risque soit de camoufler les évolutions limitées ou alors de leur donner une importance bien supérieure à celle qu’elles ont en réalité. En fait, loin d’être moins traumatisante, en divisant par 4 la nuance, on rend le jugement encore plus tranchant. C’est comme si les élèves pouvaient seulement avoir 4, 8, 12, 16 ou 20.

Une société schizophrène

Mais outre le manque de mesure que représente une telle proposition, se pose également la question de la philosophie qui porte ces idées, ce pédagogisme totalement centré autour des élèves, ces êtres autour desquelles tout devrait être organisé, auxquels il faudrait toujours passer plus, à qui on laisse toujours faire davantage, tout en leur demandant toujours moins, que ce soit au niveau des programmes ou de la notation. Bien sûr, l’enfance doit être préservée, mais c’est aussi un moment d’apprentissage et finalement, en se comportant de la sorte, on renonce en partie à transmettre, à apprendre, et donc à guider pour le reste de leur vie des enfants dont un nombre grandissant pourrait finir par devenir de petits monstres comme on commence même à le craindre dans la Suède pédagogiste.

En outre, en voulant toujours être moins dur avec les enfants, ne risque-t-on pas de ne pas leur transmettre le goût de l’effort, du travail bien fait, outre le fait de ne pas leur apprendre qui ils sont et d’où ils viennent ? Pire, n’y-a-t-il pas quelque chose de profondément schyzophrène dans le grand écart de plus en plus grand entre une enfance où l’on demande toujours de moins en moins et une vie adulte, où, a contrario, la société demande toujours de plus en plus, de compétitivité, de flexibilité, d’acceptation d’une dégradation des droits sociaux, comme dans l’usine Smart du groupe Mercedes ? D’ailleurs, pour un quart des jeunes, leur premier contact avec le monde adulte est le chômage. Un cuir fragile, toujours préservé de la moindre contrariété, n’est-il pas une forme de cruauté bien plus sournoise et dure ?


Alors que notre école échoue à transmettre les bases, il est absolument effarant que le gouvernement ne comprenne pas que la proposition d’une réforme du système de notation, outre le fait d’être totalement hors sujet, est sans doute une idée qui aggraverait la situation.

21 commentaires:

  1. En effet. Sur ce sujet comme dans d'autres, on a une évolution du débat public où les "classes bavardes" finissent par être dans leur petit monde, très différent du monde réel.

    Un monde fait d'idées qui leur semblent des évidences, et qui leur inspirent des politiques faisant consensus dans la sphère politique (mais nulle part ailleurs) puis martelées par les médias (et leurs journalistes modèle uniforme, et pas bien malins).

    Par exemple la trop grande dureté du système scolaire, les quotas pour lutter contre de prétendues injustices, la fin nécessaire du nucléaire civil, la fin nécessaire de l'Etat au profit de l'UE, la France souffrant de blocages à faire sauter pour libérer les énergies, etc etc.

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  2. D'habitude les pédagogistes sont plus inventifs quand ils veulent éffacer leurs crimes , il faut voir ça comme un acte déséspéré tant c'est tellement gros.

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  3. Cette évolution ne peut qu'accélérer le développement de l'enseignement privé, et pas seulement celui qu'on connait le plus, l'enseignement catholique, mais de filières hors contrat à prix élevé réservées de ce fait à la fraction la plus riche de la population.
    C'est probablement pourquoi on laisse tranquille la bande d'abrutis qui gère l'éducation nationale.

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  4. Hors sujet, excusez-moi mais je crois que c'est vraiment important.

    Lassé par le JT d'A2, son ordre du jour toujours plus gnan-gnan ( n'importe quoi pourvu que les sujets qui pourraient avoir une importance quelconque passent à l'arrière-plan ) et la dame à l'immuable sourire immuablement figé, aujourd'hui j'ai essayé le JT d'Arte. Grand bien m'en a pris.


    La semaine prochaine doit avoir lieu un Conseil Européen pour décider des quotas d'accueil de migrants qui seront imposés aux "Etats membres" que leurs citoyens le veuillent ou pas. D'après tous les traités européens une telle décision doit être prise à l'unanimité.


    Et là, surprise, au moins pour moi. Sans plus dissimuler son véritable statut madame Angela Merkel, Führer du nouveau IVe Reich, a prévenu : si les résultats du vote ne lui conviennent pas, "on passera au vote à la majorité" et puis c'est tout. On passera d'ailleurs au vote unique si nécessaire. Voilà. La robuste gretchen s'assied sur les traités européens, sans chichis et sans coussin.


    Des réactions ? Aucune.


    Au moins, nous sommes fixés sur la véritable nature de l'Union Européenne.


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  5. nempêche qu'avoir 1/5 dans une matière, c'est moins traumatisant que 4/20, ça écrase les différences sérieusement non ?

    un peu comme l'euro quand il a remplacé le franc. Un produit qui valait 6 francs, ne valait plus qu'un euro ensuite, à deux euros on pouvait avoir un produit à 12 francs...etc.....


    je trouve ça bien, qu'enfin quelqu'un se préoccupe des inégalités en les aplanissant dans ce monde de brutes...

    imaginez que le SMIC passe de 1200 (par exemple) à 600, un PDG qui va gagner 400 fois le SMIC passera de 480 000 à 240 000....

    franchement, celui qui ne voit pas le progrès de civilisation ........

    à quoi bon traumatiser nos enfants dès le départ, laissons leur le temps de comprendre la notion de "classe moyenne".......

    qui dit que notre époque n'est pas drôle ?

    Stan

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  6. @LH,

    "Quand c’est flou, il y a un loup"

    Une ode aux définitions. J'agrée, sans réserve !

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  7. Alors que le monde du travail est de plus en plus brutal, de plus en plus dur avec les adultes, il ne faudrait surtout pas traumatiser les enfants, ni les stigmatiser (marque déposée). Il est difficile de trouver une quelconque cohérence à la politique menée par les socialistes qui, tantôt placent les individus sur un piédestal, tantôt les oppriment et les méprisent, sans l'assumer il est vrai. La seule explication plausible est qu'ils imposent, dans un régime de dictature aussi molle que les montres de Dali, une idéologie faite de bric et de broc.

    DemOs

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    1. @Demos

      Le socialisme est une colère rationnelle du XIXème siècle. Courant XXIème, c'est une école du taux de rentabilité interne. En France, au XXIème siècle, le socialisme n'est rien d'autre que la victoire du marché ; et ce qui distingue la "gauche" de la "droite" une histoire de spin doctors plus ou moins bien inspirés. Nous sommes à l'ère du tragi-comique. Les costumes sur-mesure ne changeront rien à l'état des affaires en cours, bien au contraire. Alors il reste le rire, comme souvent. Néant !

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    2. DEMOS

      note bien (sans jeu de mot) que je serai prof, il me serait assez désagréable de prendre une claque dans la gueule d'un parent qui n'a pas apprécié que son marmot aie fait preuve ...au choix
      - de discrimination
      - de racisme
      - de ressentiment mal intentionné
      - de non reconnaissance d'un énorme travail à priori, qu'un "shuntage" émotionnel inopportun a gâché


      je reconnais que je ne suis pas le plus objectif pour juger de cela Dans les débuts des années 60, en campagne, on avait parfois droit au lot complet : les notes, les claques dans la gueule de l'instit (ma classe avait un sportif avec de grandes mains en plus) quand on ne filait pas droit, et pas la peine de se plaindre auprès des parents, à croire qu'ils étaient potes de l'instit à nos détriments, un vrai complot pour qu'on bosse et qu'on devienne de bons...........(chacun y met ce qu'il veut)


      mais c'est peut être mieux ainsi de ne pas les brusquer car comme disait Confucius "qui accroit son savoir, accroit sa souffrance"..

      Stan

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    3. Stan,

      Ce que je veux dire, c'est que les choix des socialistes ne semblent pas cohérents de prime abord si on ne se pose pas la question du type de société qu'ils chérissent et de la place ce qu'est l'individu dans cette société. En y regardant de plus près, on voit comme l'ont montré certains intellectuels sérieux, que notre société est atomisée et que seuls comptent les individus, sachant que ces individus présumés libres ne sont que des consommateurs. Des consommateurs intervenant sur le marché de l'éducation, du travail, de la santé ....

      DemOs

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    4. DEMOS

      je suis à peu près en phase, je trouve juste cette histoire de notation tellement futile par rapport aux enjeux de société actuels par ailleurs que je ne peux m'empêcher d'en rire un peu..

      Stan

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  8. Il me semble que l'on s'indigne ici un peu vite. Le système de notation sur 5 n'est ni plus ni moins, comme l'a rappelé Jacques Sapir récemment, ce qui fonctionne depuis plusieurs décennies en URSS/Russie. Rien n'indique que le résultat soit plus lamentable que notre système de notation sur 20. A-t-on réellement besoin d'une telle réforme ? Sans doute pas. Je suis donc d'accord pour la qualifier de "hors-sujet". Mais elle ne déboucherait pas sur une catastrophe, à moins qu'elle ne constitue la première étape d'une future suppression pure et simple de la notation. C'est sur ce point qu'il faut rester vigilant.

    YPB

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    1. La sainte(?) Russie comme modèle ! ? !
      VIIIIIITE un Poutine en France (humour noir)

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    2. @ YPB,
      Comme vous l'écrivez, en exURSS / Russie la notation sur 5 a toujours existé...
      On peut supposer qu'ils n'ont pas mis ce système de notation en place pour masquer l'échec scolaire.

      Bien évidemment que dans l'absolu, c'est pas un problème d'avoir une échelle de note sur 100, sur 150 000 ou sur 5.

      La question est : qu'est ce qui se cache comme processus derrière l'échelle de notation ?

      Et passer d'une échelle sur 20 à une échelle sur 5 ; ça ressemble beaucoup, au mieux, à un changement cosmétique. Au mieux.

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  9. Ah, la reductio ad Putinum ! Je l'avais oubliée… Que deviendraient certains sans elle ? Bien sûr, il suffirait de faire tout le contraire de ce que font les Russes et tout irait bien. Noter les élèves comme on le fait en Russie, c'est forcément pousser la France hors de la voie vertueuse de la démocratie. C'est décidé, je renonce à beurrer mes tartines comme ils le font en Russie. Pas question d'encourager par ce biais un nouveau boulangisme (Boulanger et tartines vont bien ensemble, vous l'aurez remarqué…).

    Pour ceux qui, plus sérieusement, souhaitent dépasser un peu le simplisme en la matière en constatant la diversité des pratiques à l'étranger :
    http://www.cnesco.fr/wp-content/uploads/2014/12/Comparaison-internationale-sur-lévaluation_Cnesco_091214.pdf

    YPB

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  10. @ Anonyme 11h53

    C’est juste

    @ Toutatis

    Tristement juste

    @ Thierry

    Il ne faut exagérer sur la qualification de Merkel et de l’Allemagne. Cela n’a rien de comparable tout de même !

    @ Stan

    ;-) Quand on prend du recul, l’évolution est effarante

    @ Démos

    Je pense surtout que leur cerveau est débranché

    @ YPB

    Le risque, ce serait aussi que 80% des gamins obtiennent un 4/5 et que l’on casse le thermomètre plus encore…

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    1. Il me semble d'ailleurs que Sapir que quand j'ai lu à ce sujet, il a dit quelque chose comme quoi les élèves jugent catastrophique d'avoir moins de 4/5 et donc les seuils suivants avaient été ajoutés : 4-, 4, 4+, 5-, 5, 5+ (à vérifier mais c'est l'idée).

      En gros on a une notation sur 10 au final...

      Donc je ne crois pas qu'il y ait besoin de se torturer l'esprit avec un système de notation magique.
      Il y a besoin de notes pour sélectionner qui est bon et qui l'est moins. Mais le choix de l'échelle est anecdotique.

      Par rapport aux problèmes que connaît le système éducatif français, réfléchir à changer l'échelle de notes me parait complètement ridicule.

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    2. @bip
      Non, la notation qu'elle que soit son échelle, ne sert pas à "selectionner" le bon du mauvais, mais, et c'est son unique intérêt, de suivre l'évolution d'un élève au cours de son apprentissage. C'est différent de votre vision, et c'est fondamental !

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    3. @benju

      Ne sert pas seulement à "sélectionner", peut-être. On peut alors discuter.

      Mais "ne sert pas à "selectionner""...

      Accepte-t-on tous les élèves en seconde générale ? Si non, comment sont-ils choisis ?

      Accepte-t-on tous les élèves en 1ère S ? Si non, comment sont-ils choisis ?

      Accepte-t-on tous les élèves en prépa ? Si non, comment sont-ils choisis ?

      etc

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  11. Euh... faut vous renseigner sur le sujet et de nombreux pays pas particulièrement sous développés ont un système de notation différent qui fonctionne. Très longtemps la note en France était entre A et E, ça ne posait non plus pas de problème, cinq niveaux avec plus ou moins :

    Une réforme des notes ? Mais pourquoi faire ??? Alors que le monde entier nous envie, au même titre que le camembert et la haute couture, la bonne vieille note sur 20, héritée des jésuites et des mandarins ? Ces chiffres, ça fait sérieux, on peut même noter au demi-point voire au quart de point ! C’est scientifique et irréfutable. Mais, mais... on me dit que les travaux de la docimologie depuis les années 30 ont montré la variabilité de la note et tous les biais qui l’accompagnent. Et, on me dit aussi que bien d’autres pays n’utilisent pas la note sur 20 ! Les allemands ou les suisses avec leurs notes sur 6 ou les anglais avec huit niveaux, les suédois avec quatre niveaux... Mais comment font-ils ? Le génie français n’est pas reconnu !

    http://www.cahiers-pedagogiques.com/Bloc-Notes-de-la-semaine-du-14-au-20-septembre-2015

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  12. En outre, en voulant toujours être moins dur avec les enfants, [...] dans le grand écart de plus en plus grand entre une enfance où l’on demande toujours de moins en moins et une vie adulte, où, a contrario, la société demande toujours de plus en plus, de compétitivité, de flexibilité, d’acceptation d’une dégradation des droits sociaux.

    Tout est dit ici. Ce n'est pas le hasard si l'immonde club de baltringues qu'est Terra Nova refuse la sélection dans le secondaire mais préconise la sélection et des droits d'inscription à 6000 euros à l'université.

    Cela dit, j'espère que cette politique aura l'effet inverse de celle escompté. Des jeunes protégés du monde peuvent aussi se révolter quand ils découvriront, à 19 ans, la société abjecte à laquelle on veut les conformer.

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