samedi 31 janvier 2015

Juncker, apprenti dictateur des temps modernes

« Il ne peut y avoir de choix démocratique contre les traités européens » : voici ce que Jean-Claude Juncker, président de la Commission européenne, a déclaré au Figaro au sujet des négociations avec Athènes qui ont suivi l’élection de Syriza, qui a fait plusieurs annonces retentissantes cette semaine.



Haussement de ton ?


Le discours du président de la Commission est ambigu. En effet, il exclut « la suppression de la dette », ce que ne demande pas la nouvelle équipe, qui demande une décote. Et il dit respecter le suffrage universel, mais cela est purement formel s’il n’était pas possible de revenir sur les traités passés et qu’il n’est pas possible d’altérer fondamentalement ce qui en place. En même temps, Alexis Tsipras a clairement indiqué qu’il changera fondamentalement les politiques menées depuis 2010, puisqu’il a mis fin aux privatisations, remonté le SMIC et embauché des fonctionnaires ! S’agit-il d’un simple effet de style pour la négociation ou d’un regret sur l’organisation telle qu’il la souhaiterait en Europe ?

Totalitarisme juridique et démocratie

Le 2e commandement du postmodernisme (2/10) : Le rapport à l’autre, tu utiliseras l’autre comme un moyen pour parvenir à tes fins (billet invité)

Billet invité de l’œil de Brutus



Suite des recensions sur l’ouvrage de Dany-Robert Dufour, Le Divin Marché (Denoël 2007)


Dany-Robert Dufour (DRD) s’appuie sur les principes des deux différences, générationnelle et sexuelle, représentées par le complexe d’Œdipe (homme/femme ; parent/enfant) (pages 72-73). Les sociétés humaines par principe, et contrairement aux sociétés animales, obéissent à cet interdit, ce qui en fait un interdit issu de la culture (par opposition à la nature) (page 74). Cela place dont les hommes en situation de désir inassouvi (le désir œdipien), cette « soustraction de jouissance », est un fondement de l’ordre collectif. DRD émet ainsi l’hypothèse que c’est par l’opposition des sexes qu’ils sont amenés à se rencontrer – l’amour – et que n’ayant plus besoin de vivre après cette rencontre, nous mourrons. Les grands mythes de la littérature romanesque – Didon et Enée, Tristan et Iseult, Roméo et Juliette – ne font que reprendre ce thème (page 75). Aussi, plus le processus qui nous rapproche de la mort s’éloignera, plus notre prédisposition à l’amour et à  la reproduction s’atténuera (page 77).

vendredi 30 janvier 2015

Grèce : Tsipras va à l’épreuve de force




Panique dans l’Union Européenne

Fin des privatisations, remontée du salaire minimum de 20%, réembauche d’un certain nombre de fonctionnaires : les premières annonces d’Alexis Tsipras et de ses ministres ont décoiffé dans les capitales européennes. « Nous ne reconnaissons ni le mémorandum, ni la troïka » dit un ministre ! Résultat : la bourse a perdu plus de 9% mercredi et les taux d’intérêt sur la dette grecque se sont envolés, d’autant plus que le nouveau gouvernement a réaffirmé sa volonté de négocier un allègement de la dette. Mais le 180° politique est cohérent avec le programme de Syriza, pour lequel les Grecs ont voté largement dimanche dernier. Ce faisant, c’est la démocratie qui s’applique.


Tsipras plus fort que les 27 ?

jeudi 29 janvier 2015

Autoroutes : le piège de la privatisation




Privatisation du service public et conséquences

On connaît déjà les conséquences de l’effarante vente des autoroutes à des sociétés privés en 2005 : une hausse des tarifs souvent supérieure à l’inflation (comme cela devait à nouveau être le cas en ce début d’année), alors même que les sociétés d’autoroutes dégagent des résultats indécents. Il faut rappeler ici qu’alors que Vinci dégage une marge opérationnelle de 4,2% dans les contrats classiques de construction, cette marge atteint la bagatelle de 39,4% pour les activités de concessions, qui rassemblent autoroutes, parkings, stades et aéroport. Quand les utilisateurs paient 10 euros, à peine 6 couvre les coûts et près de 4 représentent la marge opérationnelle de l’entreprise !

Il faut dire que les sociétés d’autoroutes ont très largement remplacé les humains par des machines, comme on peut le constater depuis 10 ans. Mais ce n’est pas tout. Alors que l’Etat a déjà fait une mauvaise affaire avec la vente des autoroutes, qu’il doit assumer l’augmentation du chômage consécutive aux suppressions massives de poste aux péages et la colère des automobilistes qui constatent la hausse des tarifs, l’Etat se retrouve maintenant au contentieux pour avoir refusé une hausse de tarif de 1,07%, ce qui va engendrer des coûts juridiques qu’il devra probablement assumer étant donné qu’on peut sans doute partir du principe que les sociétés d’autoroutes ont bien négocié leurs contrats.

Privatisation contre intérêt général

mercredi 28 janvier 2015

La Grèce en position de force dans son bras de fer avec l’Europe




Syriza en position de force

Quelques fédéralistes austéritaires font mine de croire que Syriza devrait « affronter la réalité », une façon détournée de dire qu’il n’y aurait qu’une politique possible. Mais ce discours est ridicule pour qui étudie la situation sérieusement. D’abord, la Grèce a désormais un excédent primaire, c’est-à-dire que si elle fait défaut sur sa dette, il n’y aurait pas le moindre plan d’austérité à mettre en place. C’est la carte la plus puissante qu’Alexis Tsipras a dans sa manche, avec la sortie de la monnaie unique, qui entrainerait le début du démontage de l’euro. Mais il dispose aussi d’un atout russe, qui pourrait sans doute le financer s’il en avait besoin. Nul doute que Poutine n’en serait pas mécontent…

En outre, Alexis Tsipras démarre la négociation de manière offensive. D’abord, il a choisi de faire alliance avec les Grecs Indépendants, des souverainistes de droite, plutôt qu’avec Potami, un parti européiste. Ce faisant il présente un front uni de remise en question des diktats de la troïka. Enfin, il a choisi un ministre de l’économie qui avait soutenu qu’il fallait une renégociation importante de la dette grecque. Pour l’instant, la position de Berlin oscille entre relative discrétion et refus de remise en cause des engagements d’Athènes. Mais le fait est que si l’Europe refusait ses demandes, la Grèce peut soit trouver de nouveaux financiers pour l’aider, soit carrément choisir la voie de l’Argentine.

Que fera Angela Merkel ?

mardi 27 janvier 2015

Censure, délit d’opinion : la dérive liberticide du pouvoir

Si les 17 morts du début d’année ont engendré un vaste rassemblement patriote de défense des valeurs de la République, il a également charié des réactions assez répugnantes, et certaines ont été sanctionnées par de la prison ferme. Sans être partisan du laisser-faire, n’est-ce pas aller trop loin ?



Menaces sur la liberté d’expression ?



Contradictions liberticides

lundi 26 janvier 2015

Merci aux Grecs et à Syriza d’avoir démarré le printemps européen !




La démocratie plus forte que l’UE


Et ce résultat est doublement encourageant. Il montre que les peuples peuvent se réveiller quand ils ont un véhicule approprié pour renverser les partis en place qui ont échoué. Ce qui s’est passé en Grèce montre qu’il ne faut jamais se décourager de la démocratie. Tôt ou tard, elle finit par permettre de sortir de l’impasse dans laquelle de mauvais dirigeants mettent un pays. Mieux encore, nous allons comprendre dans les jours prochains que les électeurs grecs seuls peuvent tordre le bras de toute l’UE et obtenir ce que les dirigeants européens actuels refusaient d’accorder depuis près de 5 ans. Athènes va démontrer que la démocratie est plus forte que cette tour de Babel inhumaine et distante !

Vers un printemps européen ?

dimanche 25 janvier 2015

En Grèce, Syriza n’est-il pas bien moins extrémiste que le gouvernement ?


Aujourd’hui, les Grecs vont se prononcer lors d’une élection qui pourrait permettre l’accession au pouvoir de Syriza, qui avait perdu de peu en 2012. En France, le parti est qualifié au mieux de gauche radicale, au pire d’extrême-gauche. Mais n’est-il pas bien plus raisonnable que la coalition au pouvoir ?



L’extrémisme antisocial du gouvernement

Comme le note bien Jack Dion dans Marianne, où il dénonce « la fatwa du Monde contre Syriza », il est effarant de constater comment ce parti est traité dans la plupart des média français. Dans les faits, Alexis Tsipras ne fait que proposer la 3ème restructuration de la dette grecque depuis 2010, alors que la quasi totalité des économistes sont d’accord pour dire que dans le contexte actuel, la dette grecque n’est pas soutenable. Ceci démontre la faillite de la politique actuelle. Au final, ce sont ceux qui dénonçaient la folie de ces politiques qui ont malheureusement eu raison. La politique qui est déraisonnable, c’est justement celle qui a été menée par les dirigeants grecs depuis 2010.

Le PASOK et Nouvelle Démocratie ont mené une politique qui n’avait qu’un seul objectif : honorer la dette de la Grèce dans le cadre monétariste et semi-fédéral européen. Et ils n’ont pas fait les choses à moitié : baisse du SMIC de 22%, coupes monstrueuses dans le budget et les programmes sociaux. Tout ceci a envoyé un quart de la population au chômage, multiplié les suicides et provoqué une dégradation de la situation sanitaire dont Médecins du Monde s’inquiètait récemment ! L’extrémisme n’est-il pas du côté des gouvernements qui ont pris ces mesures et de ceux qui les ont demandé, dans l’absolu, et d’autant plus que tout ceci n’est même pas parvenu à atteindre leur objectif premier ?

Syriza, c’est la raison démocratique ?

Les conséquences politiques de l’euro 2ème partie (billet invité)


Billet invité d’Eric Juillot, dont j’ai chroniqué le livre « La déconstruction européenne », qui suit le premier volet



Une dangereuse utopie

L’européisme a voulu faire de « l’Europe », répétons-le, une fin en soi quand elle n’était, jusque dans les années 1980, qu’un moyen au service des Etats. Jamais la CEE n’aurait alors provoqué autant de dégâts politiques, économiques et sociaux que l’UE actuellement. L’européisme devait libérer le continent de tout le potentiel de furie destructrice contenue dans le politique : Etat, peuple, nation, histoire, souveraineté, indépendance, frontières… tout ce qui pouvait, à un titre ou à un autre, relier l’Europe rêvée aux nécessités immémoriales du politique était condamné et rejeté comme autant d’entraves à l’émancipation attendue. Les peuples étaient invités à accepter une Europe qui pourtant voulait leur mort politique, parce que celle-ci était la condition nécessaire au Progrès : un gigantesque bond en avant qui devait projeter l’humanité européenne au-delà de l’Histoire en balayant les ultimes vestiges d’un temps révolu.

samedi 24 janvier 2015

Apartheid : la faute et le piège de Manuel Valls


Le mot employé par le premier ministre mardi a sans doute déclenché la première polémique de taille entre le PS et l’UMP depuis les évènements dramatiques de Charlie Hebdo. Même sans négliger les fractures qui existent aujourd’hui, il s’agit d’une exagération assez révoltante, un piège politique grossier.



Ghetto n’est pas apartheid

Bien sûr, nous traversons une crise qui a abouti à une fracture géographique bien décrite par Christophe Giuly par exemple. Bien sûr, on peut parler de ghettoïsation d’une partie du territoire, certaines banlieues ou territoires ruraux, qui cumulent fort taux de chômage, insécurité, échec scolaire et problèmes d’intégration d’une forte population immigrée. Mais parler d’un « apartheid territorial, social et ethnique » est un abus de langage inadmissible de la part du Premier Ministre. Même si la situation est très grave, et sans doute parce qu’elle l’est, il ne faut pas se tromper dans le constat. L’apartheid a un sens : celui que lui a donné l’Afrique du Sud avec la ségrégation volontaires et organisés des noirs.

Même si la situation est grave, elle est tout de même profondément différente dans sa nature, puisqu’en Afrique du Sud, la situation était bien pire (en France, tous les citoyens peuvent voter par exemple et il y a plus de protections) et elle était sciemment entretenue alors que si la ghettoisation est bien le produit des politiques menées, elle ne l’est pas à dessein. On peut aussi se demander si cette comparaison n’est pas une insulte à toutes les victimes d’un véritable apartheid. En outre, Manuel Valls se réveille un peu tard. Le PS a été au pouvoir 18 des dernières 34 années. Il est donc très largement responsable de la situation et pourtant, il ne change quasiment pas l’orientation de sa politique !

Le piège grossier tendu à l’UMP

vendredi 23 janvier 2015

Berlin impose à la BCE une re-nationalisation des politiques monétaires


Hier, la Banque Centrale Européenne a annoncé un nouveau plan pour relancer l’activité dans la zone euro. Il serait temps, alors que la zone n’est pas parvenue à sortir de la torpeur depuis la crise de 2008 et que les prix sont passés en négatif. Mais le plan annoncé est révélateur par bien des aspects.



4ème vague d’assouplissement

Le plan annoncé par la BCE n’est pas le premier depuis ces dernières années. Déjà, elle avait eu recours à des mesures non conventionnelles pendant le gros de la crise. Puis, il y avait eu les 1000 milliards prêtés aux banques fin 2011, début 2012. Enfin, à l’été 2012, la BCE avait acheté quelques dettes souveraines des pays en délicatesse avec les marchés pour calmer la spéculation, cassant la montée des taux. Depuis, elle se contente de jouer sur les taux, mais ce levier est plus bien limité que l’utilisation de son bilan, comme le montrent les cas étasunien, britannique ou japonais. L’amplification des pressions déflationnistes, avec la baisse des prix de 0,2% en décembre, imposait une nouvelle réponse.

Le montant du programme, pourtant qualifié par des termes très emphatiques, n’est pas si colossal que cela. Après tout, la BCE avait mis 1000 milliards sur la table en trois mois au tournant de 2012. Ici, elle va mettre la même somme en jeu, mais sur près d’un an et demi, et avec la possibilité de ralentir le rythme si elle le souhaite. Ce faisant, en annonçant le rachat de 60 milliards d’euros de bons du trésor par mois, elle réplique le dernier plan de la Fed qui avait racheté jusqu’à 85 milliards de dollars de titres par mois, avant de le réduire devant la reprise économique outre-Atlantique. Ce plan est finalement moins ambitieux que ce que la Fed ou la Banque du Japon ont fait ces dernières années.

Un plan plus national qu’européen

jeudi 22 janvier 2015

Merci au Petit Journal d’avoir remis Fox News à sa place !


De manière pas si anecdotique, le Petit Journal de Canal Plus s’est moqué de la chaine étasunienne Fox News, qui avait dit que Paris comprenait plusieurs zones de non droit et a mené campagne pour obtenir des excuses des journalistes et de la chaine. Merci à Yann Barthès d’avoir défendu la France !



Une vision délirante de Paris

Pour Fox News, reprenant une carte de l’éducation nationale, Paris compterait plusieurs zones de non-droit où les non musulmans et la police ne pourraient même pas s’aventurer. La chaine a illustré son reportage d’images issues des émeutes de 2005, qui n’étaient même pas de Paris… Elle a même indiqué que la sharia s’appliquait dans ces quartiers, qui comprenaient République… Il faut noter que Fox News a indiqué également que Manchester, en Grande-Bretagne, n’était plus composée que de musulmans… Logiquement, le Petit Journal s’est moqué des journalistes de Fox News en présentant un petit sketch représentant ses journalistes en train de réaliser un reportage dans la capitale.

Un esprit polémique pourrait soutenir que ce sont les Etats-Unis qui sont une immense zone de non droit par rapport aux pays européens quand on voit les statistiques sur le nombre d’homicide outre-Atlantique. En effet, le taux d’homicide est comparable à celui des pays africains et 3 à 8 fois supérieur à celui des pays européens ! Il serait facile de faire aux Etats-Unis ce que Fox News a fait à la France. Et malheureusement pour eux, c’est le pays de l’Oncle Sam qui pourrait être présenté de manière bien peu flatteuse par rapport à nos pays. Enfin, il ne faut pas oublier que nous avons interdit le port de la burqa et même du voile dans certains espaces publics. Qui est le plus éloigné de la sharia ?

Ce que dit cette polémique

mercredi 21 janvier 2015

Inégalités, finance folle : comme un parfum d’avant la crise de 2008





Le retour de la finance folle

Bien sûr, les banquiers diront qu’ils subissent un alourdissement terrible de la réglementation et qu’ils ne sont plus aussi rentables qu’avant la crise de ce fait. Et il y a une part de vérité dans cette vision des choses. Néanmoins, quand on constate que Goldman Sachs réalise un profit de 8,5 milliards de dollars pour un chiffre d’affaire de 34,5 milliards, soit une marge colossale de 25%, on se dit que ce secteur d’activité bénéficie quand même d’une situation anormale… D’ailleurs, Thomson Reuters a rapporté une croissance des commissions de conseil en fusions-acquisitions de 6,8% en 2014, à 90 milliards de dollars : le secteur se rapproche de la barre des 100 milliards, passée en 2007.


Champagne en haut, misère en bas

mardi 20 janvier 2015

Les questions que posent ceux qui ne sont pas Charlie





Les raisons de la contestation

En un sens, le fait de questionner le mouvement largement majoritaire #JeSuisCharlie, auquel j’adhère, me semble être une forme d’hommage aux journalistes décédés, en remettant en cause l’ordre établi et en soulignant aussi l’esprit critique et la liberté qui existent dans notre pays. Et ces réactions nous imposent de réfléchir à leur sens. Même si je condamne les propos de Dieudonné et sa dernière provocation lamentable, je pense que la justice a raison de l’avoir autorisé à jouer à Strasbourg. En l’interdisant, nous serions allés dans le sens voulu par les assassins. N’est-ce pas en laissant s’exprimer la théorie du complot, tout en la contredisant quand elle dit faux, qu’on la combattra le mieux ? Réduite à la clandestinité, elle est renforcée. Mais cela signifie que les médias doivent veiller à être plus pluralistes.

Après, cela ne signifie pas naturellement qu’il faille laisser faire ceux qui ont perturbé les minutes de silence, qui doivent être sanctionnés. Et je n’ai aucune complaisance avec certaines remises en cause aux relents douteux. Le cas d’Olivier Berruyer, un blogueur star alternatif modéré que je respecte, est particulièrement intéressant. S’appuyant sur une interprétation que je n’avais pas décelée de la couvertue de Charlie Hebdo, il dénonce une manipulation et les juge irresponsables. Il cite Plantu, pour qui « observer des tabous, ce n’est pas forcément une régression, ce n’est pas un pas en arrière pour la liberté d’expression : c’est un pas en avant pour l’intelligence ». Ce faisant, il rejoint quelque part la contestation du pape François et de l’église catholique pour qui « on ne peut pas insulter la foi des autres ».

#JeResteCharlie, sans état d’âme

lundi 19 janvier 2015

Les transporteurs routiers, victimes du laisser-passer





Une concurrence déloyale

Comme l’a malheureusement montré le cas de Mory Ducros, la profession subit une crise très dure. C’est qu’avec la libre-circulation dans l’ensemble de l’Union Européenne, acceptée par la France, et des salaires minimums qui varient de 1 à 10, il n’est malheureusement pas surprenant que les entreprises françaises qui emploient des salariés français perdent des contrats par rapport à ceux qui emploient des salariés moins payés. C’est ainsi que la part de marché de nos entreprises sur les transports internationaux avec la France est tombée de 46 à 17% de 1999 à 2010. Et les camions étrangers qui viennent en profitent pour faire une mission en France et ont déjà pris 3,6% du marché intérieur.

Outre la perte de parts de marché, cette concurrence déloyale pousse logiquement des entreprises qui ne sont plus compétitives à bloquer les salaires et refuser toute revendication qui viendrait encore dégrader leur compétitivité dans un tel contexte. Il en va malheureusement de leur survie, comme le démontre sans doute le cas de Mory Ducros. Dans le système actuel, je comprends les salariés, dont les revendications ne sont pas illégitimes étant donnée la dureté de leur métier et la baisse de leur pouvoir d’achat, par la convergence de leurs salaires vers le SMIC. Mais je comprends aussi des patrons qui veulent tout simplement sauver leurs entreprises face à la concurrence espagnole ou polonaise.

C’est le laisser-faire qu’il faut attaquer

La Grèce peut-elle vraiment être exclue de la zone euro ? (billet invité)


Billet invité de l’œil de Brutus.



C’est une question qui fait vivement débat depuis l’annonce des élections anticipées en Grèce, pour lesquelles le parti Syriza est donné grand favori.

S’il est bien évidemment convenu dans les débats que rien dans les traités européens ne prévoit une sortie volontaire de la zone euro de l’un de ses membres, la question symétrique est, étonnamment, rarement abordée. Pourtant, sa réponse est tout aussi simple : rien dans les traités ne prévoit d’exclure un membre. Même si, par ailleurs, tout un lot de mécanisme de sanctions, plus ou moins arbitraires, sont prévues, sanction ne vaut pas exclusion. Mme Merkel, la Commission européenne, la BCE et tous les quidams européistes peuvent trépigner, piaffer, s’égosiller tant qu’ils veulent : ils n’ont à leur disposition aucun instrument juridique pour exclure la Grèce – ou tout autre membre – de la zone euro[i].

dimanche 18 janvier 2015

Demain : plus de robots, plus de chômage ?





Les conséquences de l’automatisation

Dans l’absolu, l’automatisation peut avoir de grands bénéfices. Elle peut épargner aux hommes des emplois durs. Elle permet aussi d’améliorer la productivité, et donc la richesse de la société, qui peut être investie dans une meilleure protection sociale, par exemple. Le patron de Roland Berger souligne qu’elle pourrait continuer à progresser du fait de progrès techniques permettant aux automates de communiquer entre eux, étendant leur champ d’action. Pour lui, « si on ne croit qu’au capitalisme pur, et donc à l’efficacité absolue, l’usine doit être sans ouvriers. Ce qui n’empêche pas d’avoir des êtres humains pour superviser le tout. Mais cela représente beaucoup moins de monde, d’où la disparition d’emplois ».

Il pense même qu’il pourra y avoir des relocalisations. Mais il pose la question de « qu’est-ce qu’on va faire avec sept milliards de personnes ? (…) Comment va s’effectuer la redistribution ? Par l’impôt négatif (sorte de revenu de base) ? Dans l’abondance, il  va bien falloir redistribuer la richesse. Il va falloir que les ultra-riches acceptent cette redistribution, sinon on se dirige vers des troubles sociaux majeurs » du fait de la disparition d’emplois et des révolutions technologiques. Il pose la question intéressante du contrôle de notre avenir, dominé par des grandes entreprises, mais où « ni les gouvernements, ni les salariés, ni même les citoyens n’y ont trouvé leur place » et de la détermination des règles du jeu et notamment du chômage de masse. Faut-il démanteler Google, comme cela se dit en Allemagne ?

Les dangers du laisser faire

samedi 17 janvier 2015

Après #JeSuisCharlie


Une semaine après des rassemblements historiques par leur taille et après avoir respecté un temps de rassemblement pour honorer les victimes de cette barbarie, il est important de se réfléchir pour tirer les leçons de ce terrible drame. Voici une première contribution.



Une multitude de questions

Les drames des derniers jours, même sans oublier la responsabilité individuelle des assassins, amènent à se poser des questions sur ce qui, dans notre société, a pu les permettre. La première question qui se pose est naturellement celle de notre sécurité. Peut-on y voir une conséquence de la réduction des moyens des dernières années ? L’ouverture des frontières dans le cadre de Schengen ne le facilite-t-elle pas aussi ? On peut également se demander s’il ne faut pas davantage surveiller ce qui se passe sur Internet ainsi que les personnes qui vont faire le jihad à l’étranger ou en France, sans tomber pour autant dans les excès des Etats-Unis de l’administration Bush avec le Patriot Act. Et cela amène aussi à se poser la question des interventions inappropriées de la France à l’étranger.

L’autre question que pose bien Perico Légasse dans Marianne, c’est celle de la laïcité. On ne peut pas ignorer que les meurtres commis l’ont été au nom de l’Islam, même s’il s’agit d’une vision extrémiste et marginale. Quand Daniel Cohn-Bendit, en appelle à aller plus loin dans le communautarisme, qui grignote la loi de 1905, il faut au contraire remettre à leur place ces religions qui sont des prétextes à la guerre civile. On peut également se poser la question du rôle de l’école, comme Jean-Paul Brighelli dans Figarovox, entre laxisme grandissant et oubli de la mission de transmission de notre culture. On ne peut pas oublier non plus la responsabilité de politiques économiques qui laissent un quart de la jeunesse au chômage, dans une situation propice aux dérives les plus extrémistes.

Le piège de l’union nationale

Les 10 commandements du postmodernisme (1/10) : le rapport à soi, tu te laisseras conduire par l'égoïsme (billet invité)


Billet invité de l’œil de Brutus.



Notes de lectures de Dany-Robert Dufour, Le Divin marché, Denoël 2007.

Introduction

Le système néolibéral fait déjà l'objet de nombreuses critiques, mais elles sont toutes fragmentées selon l'origine de leurs auteurs : économistes, sociologues, historiens, politologues, théoriciens de l'art, psychanalystes, etc. Or, ces critiques fragmentées ne permettent d'avoir une vision globale des profonds changements qu'opère non pas le néolibéralisme comme approche économique et sociale, mais le postmodernisme en tant que son prolongement affectant l'ensemble des domaines de la société humaine. C'est donc pour cela qu'il faut avoir recours à la philosophie (page 16).

Ainsi, comme le constatait déjà Pierre Bergounioux, le postmodernisme aboutit à une terrible déconstruction de l'homme : « Conditionnés de la plante des pieds à la pointe des cheveux par des multinationales de la bouffe et des fringues, de la musique en boîte et de l'électronique, vecteurs de logos, de stigmates corporels, acquis au langage cynique, ordurier du sous-prolétariat intellectuel que les groupes financiers ont placé aux créneaux des médias, les innocents d'aujourd'hui construisent une identité autre, aliénée, à peu près entièrement réifiée » (page 19). En régime postmoderniste, Dieu n'a pas vraiment disparu, il a été remplacé par le Divin Marché qui nous dit simplement : « jouissez ! » (page 20). Dany-Robert Dufour (DDR) se propose donc ici d'en édifier les 10 commandements (page 21).


1er commandement – Le rapport à soi : tu te laisseras conduire par l’égoïsme

vendredi 16 janvier 2015

Euro, tribunaux d'arbitrage : les choix de mots révélateurs du Monde


Dans le débat public, le choix des mots que l’on utilise a une influence considérable. On peut penser que davantage de personnes sont favorables à une monnaie forte plutôt qu’une monnaie faible. La rhétorique du Monde sur l’euro et les tribunaux d’arbitrage privés est très révélatrice.



Juste prix ou faiblesse ?

La nette baisse de l’euro depuis le milieu d’année dernière déclenche des analyses très biaisées de la part des média qui soutiennent mordicus la monnaie unique européenne. Pourtant, à 1,17 dollar, elle est revenue à son cours d’introduction et à un niveau proche du cours auquel les économistes estiment qu’elle devrait être cotée. Malheureusement, depuis trente ans en France, nous sommes pollués par les partisans maladifs et fanatiques d’une monnaie chère pour qui toute baisse de la parité de la monnaie équivaut aux sept plaies d’Egypte. Le Monde propose un décryptage des conséquences de la baisse de l’euro qui équivaudrait à « un transfert de la valeur des consommateurs vers les exportateurs ».

On est dans la ligne d’Axel de Tarlé, sur Europe 1, qui pointait la hausse du prix du tourisme aux Etats-Unis, oubliant que cela n’est accessible qu’à une infime minorité, et des téléphones ou de l’essence (non vérifiés à date). Il faut rappeler ici que cette baisse de l’euro ne provoque une hausse des prix d’importations qui ne représentent que 8% du PIB environ. Pas de quoi fouetter un chat ! En outre, le consommateur est aussi un producteur qui profitera du léger rééquilibrage de notre commerce que provoquent ces mouvements monétaires. Il est absurde d’opposer consommateurs et exportateurs, à moins d’être un missionnaire de la monnaie chère, utile pour qui voyage souvent à l’étranger…

Peur (irrationnelle) ou opposition (démocratique)

jeudi 15 janvier 2015

Les conséquences politiques de l’euro 1ère partie (billet invité)


Billet invité d’Eric Juillot, dont j’ai chroniqué le livre « La déconstruction européenne »


La monnaie unique est entrée en crise ouverte au mois de mai 2010, lorsque les dirigeants des Etats européens ont dû élaborer dans l’urgence un « plan de sauvetage », dans l’espoir illusoire de résoudre le grave problème de solvabilité auquel la Grèce était déjà à l’époque confrontée. Jusqu’à cette date, le bilan de l’euro était seulement négatif. Il est, depuis, devenu catastrophique[1]. Mais cette catastrophe a eu au moins le mérite de précipiter la résurgence du politique au cœur d’un espace européen qui vivait depuis 20 ans au moins sur le mythe infantile de son extinction, et de révéler les insolubles contradictions qui grèvent le projet européen.