samedi 12 mars 2016

Les agriculteurs et l’Union européenne (billet invité)

Billet invité de l’œil de Brutus


Dans la terrible crise qui secoue l’agriculture française depuis maintenant de (trop) nombreuses années, il s’en trouve encore à en appeler à Bruxelles. C’est là, d’un point de vue rationnel, un bien étrange comportement. Il en revient comme à demander au bourreau qui vous a allègrement éventré, dépecé, écartelé et raccourci de venir ensuite recoller les morceaux.

Car c’est un élément qu’il faut, une bonne fois pour toutes, admettre : le modèle économique défendu avec vigueur et constance par l’Union européenne depuis maintenance des décennies (mais qui ne s’applique à l’agriculture que depuis le dépeçage progressif de la Politique Agricole Commune, dépeçage consenti et agréé tant par le P « S »que par Les « Républicains ») est résolument et diamétralement incompatible avec le maintien d’une agriculture française raisonnée et respectueuse tant des conditions environnementales que des conditions sociales de vie des agriculteurs français. Ceux-ci ne peuvent en effet être mis en concurrence ad vitam aeternam avec les fermes industrielles d’outre-Rhin employant des travailleurs détachés d’Europe de l’Est payés quelques kopeks de l’heure. Or, la concurrence « libre et non faussée » (quel oxymore !) est un dogme quasi-religieux à Bruxelles. L’on peut, certes en soi à raison, hurler tant que l’on veut contre la grande distribution et les intermédiaires du secteur agroalimentaire, mais ce dogme  leur interdira de toutes les manières tout réel accord garantissant à quelconque prix d’achat à des agriculteurs français[i].

Et ce dogme ne changera pas. Du moins ni à court, ni à moyen terme[ii]. Car ce dogme sert également de puissants intérêts : ceux de l’industrie agro-alimentaire de l’ensemble des pays d’outre-Rhin cités supra. Et dans le cadre du fonctionnement même des institutions européennes, il faudrait une quasi-unanimité des Etats membres pour que soit remis en cause de ce fameux dogme. Ce qu’évidemment nul gouvernant n’obtiendra. Alors, bien sûr, François Hollande ou d’autres européistes béats nous agiterons bien de beaux effets de communication sur une quelconque homéopathie permettant à quelques poignées d’agriculteurs de survivre sous assistance cardio-respiratoire. « Encore un moment monsieur le bourreau » disait la comtesse du Barry …
Mais les agriculteurs, et d’une manière plus générale tous les Français qui souffrent tant des dogmes néolibéraux et austéritaires, n’ont pas besoin d’aller jusqu’à Bruxelles pour trouver des responsables de leur situation. Ils sont devant eux. Il s’agit de toute cette clique eurobéate, du P « S » aux « Républicains », en passant par les Verts, le Modem ou encore l’UDI[iii], qui a soumis la souveraineté de la France[iv] aux dogmes de l’Union européenne. Celle-ci ne changera pas de sitôt. Mais c’est cette soumission qu’il nous appartient de briser.



[i] Lire Jacques Sapir, De la décomposition politique, Russeurope, 28/02/2016.
[ii] Et dans le cadre du Traité transatlantique, l’UE se prépare d’ailleurs à massacrer encore mieux l’agriculture (entre autres) pour le plus grand bonheur des multinationales.
[iii] Et n’allez pas croire pour autant que le FN en changera quoi que soit. Le FN n’est ici que l’idiot « utile » qui permet aux autres d’appeler au vote « utile » pour « faire barrage » à un néofascisme plus ou moins fantasmé. Sitôt qu’il arriverait au pouvoir, le FN, en bon parti opportuniste qu’il est, se ferait très probablement fort de se rallier aux dogmes et aux mythes qui font les affaires des dominants.
Quant à la gauche du P « S »,  on attend désespérément qu’elle tire enfin les conséquences de son positionnement pour le moins ambigu vis-à-vis de la construction européenne telle qu’elle a aboutie au sein de l’UE (et d’une manière générale de la manière dont sa frange libertaire ne fait qu’encourage le libéralisme économique le plus sauvage). 
[iv] Et par souveraineté on entendra la capacité des Français à décider en tant que peuple libre. C’est tout bête, mais personne n’a encore trouvé le moyen de se passer de ce bien embêtant concept de souveraineté pour obtenir une démocratie (la souveraineté étant une condition nécessaire mais non suffisante). En réalité donc, lorsque l’on se déclare opposé à la souveraineté, c’est un artifice pour clamer son opposition à la démocratie.  

1 commentaire:

  1. Une concurrence libre et non faussée impose que chaque pays soit concurrent et donc libre dans des frontières, qu'il n'y ai pas de convergence non désiré! Mais ce que l'on veut imposer aux entreprises, on l'interdit aux États!

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