mercredi 28 mars 2018

Le Guépard (billet invité)

Billet invité de JL Porry

On se souvient, ceux de ma génération en tout cas, du roman de G. di Lampedusa adapté à l'écran par L. Visconti avec C. Cardinale, A. Delon et B. Lancaster. C'est la chronique d'une grande famille sicilienne (portant un guépard dans ses armoiries) confrontée aux désordres de la réunification italienne. Pour survivre, elle adopte comme ligne de conduite " tout doit changer afin que rien ne change ".

La réforme constitutionnelle que l'on nous annonce répond à la même finalité : sous la fumée de réformes spectaculaires, maintenir l'essentiel, c'est à dire que le peuple n'ait pas droit à la parole et n'ait pas les moyens de contrôler les gouvernants.

Le contrôle insuffisant sur les actions de l'exécutif, existant dès le début de la Vème République, a atteint un niveau caricatural avec l'instauration du quinquennat et l'inversion du calendrier électoral ;  nous élisons pour cinq ans un président et une majorité à sa botte sans aucune possibilité ultérieure de réaction sur leurs agissements même s'ils sont en contradiction avec leurs promesses. Sauf à réécrire la constitution, la seule façon de redonner la parole au peuple est la mise en place d'un véritable référendum d'initiative citoyenne (NB : je préfère écrire citoyenne plutôt que populaire, non par peur de me faire taxer de populisme, mais parce que le sigle RIP n'est pas de bon augure !) ; mais je ne me fais aucune illusion sur la possibilité de voir nos dirigeants actuels consentir à une telle réforme.


Réduction du nombre des députés et sénateurs. Cela vise d'abord à flatter la démagogie anti-parlementaire, et les thuriféraires qui peuplent les médias se sont empressés d'enfoncer le clou en parlant de " dégraisser le mammouth ".

Si on veut vraiment faire des économies, la première chose serait de supprimer la troisième assemblée : le Conseil Economique et Social (et Environnemental, voir plus loin) ; ce machin ne sert qu'à assurer des prébendes non-négligeables à des responsables professionnels, syndicaux et associatifs, sans parler des amis du Prince nommés discrétionnairement au nom de leurs " compétences ", en échange d'avis dont l'utilité reste à démontrer. L'une des retombées du Grenelle de l'Environnement a été le rallongement du titre de l'institution pour accorder aux écologistes une place devant la mangeoire.

Il est également difficile de comprendre en quoi la réduction du nombre d'élus pourra remédier aux dysfonctionnements des Assemblées, qui tiennent surtout à une organisation du travail décalée par rapport à la plupart des autres démocraties parlementaires occidentales, où la mise au point des textes s'effectue en commissions, les séances plénières étant réservées aux votes d'ensemble et non aux interminables examens amendement par amendement qui nourrissent l'absentéisme. Un corollaire de cette "solennisation" des séances plénières est que le vote par délégation n'y est plus possible et que les parlementaires doivent être présents, ce qui règle la question de l'absentéisme.

Limitation du nombre de mandats successifs. C'est la mesure la moins contestable ; lutter contre une professionnalisation excessive de la politique est une bonne chose, bien qu'il convienne de s'assurer qu'elle n'aura pas d'effet pervers au niveau local. Il faut également regretter que la présentation de cette disposition ait des relents démagogiques. Enfin, il sera sans doute possible de contourner cette modalité, par exemple en s'inspirant de l'alternance pratiquée par le duo Poutine - Medvedev.

Instillation d'une dose de proportionnelle aux élections législatives. Bien que cette disposition semble rencontrer une large approbation, elle ne me paraît pas répondre, au contraire, à la question essentielle : restaurer la confiance du citoyen en les mécanismes de la démocratie représentative.

Il est aisé de comprendre et d'expliquer les avantages et inconvénients du scrutin majoritaire, ainsi que les avantages et inconvénients du scrutin proportionnel. Il n'en est pas de même pour le scrutin mixte : en quoi est-il plus "juste" ; quels sont les arguments pour fixer la "dose" de proportionnelle à  10%, 25% ou 50% ; comment expliquer la présence de deux catégories de députés, les uns tenant leur siège du vote des électeurs, les autres de leur capacité à être en bonne position sur la liste du parti... Il est à craindre que ces incompréhensions, et la complexité afférente à ce scrutin mixte, ne détournent encore plus les électeurs des urnes. Il faut également rappeler que les expériences récentes de nos voisins allemands et italiens ne plaident pas pour cette formule.


Par contre, les promoteurs de la "dose de proportionnelle" omettent de rappeler que le Sénat est élu pour plus des deux tiers des sièges au scrutin proportionnel départemental. Si l'objectif est d'assurer une plus juste représentation des divers courants d'opinion au Parlement, pourquoi ne pas mettre fin à un scrutin indirect archaïque et faire directement élire les sénateurs par les citoyens, sans toucher aux autres modalités de l'élection sénatoriale. Là non plus, je ne me fais pas d'illusions sur le succès de cette proposition : une élection directe augmenterait la légitimité du Sénat et ne sera vue d'un bon œil ni par l'exécutif, ni par les députés ; de plus je ne suis pas sûr que les patres conscripti eux-mêmes y soient favorables car elle les obligerait à s'intéresser à tous leurs électeurs au lieu de se limiter à l'entretien d'un petit réseau de notables.

3 commentaires:

  1. C'est un travers bien français de vouloir changer, modifier les institutions. En plus chaque président se croit obligé de faire sa "réforme" constitutionnelle. Cela a commencé avec le quinquennat par le pseudo-gaulliste Chirac. Ce dernier avait retiré de la constitution l'article relatif à la trahison du président cf Hollande et Macron qui ont vendu à l'américain General Electric le secteur électronucléaire d'Alstom sans en mesurer les conséquences.
    La seule réforme est la suppression du Ceser ou Conseil Economique et Social Environnement. Aussi celle des députés et sénateurs des français de l'étranger toujours bien trop mal élus pour être représentatifs.

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  2. Tout à fait d'accord avec votre idée délire les sénateurs à la proportionnelle au suffrage universel direct. Cela devrait concerner tous les sièges de sénateurs.
    Par contre, pourquoi limiter le nombre de mandats successifs? D'un part, cela est hypocrite car il y aura des allers et retours entre des mandats de maire et député ou sénateur et d'autre part les électeurs sont sont souverains. C'est à eux de décider s'ils veulent réélire leur maire ou député.

    Antoine

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    1. L'électeur est malheureusement dans l'incapacité de faire le tri, dans la mesure où l'offre est insuffisante et détournée...ce sont les partis qui désignent les candidats, et les raisons de voter pour eux n'ont la plupart du temps rien à voir avec l'indice de satisfaction et/ou l'efficacité, voire l'honnêteté...(cf Balkany)

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