dimanche 11 mars 2018

L’esbrouffe protectionniste de Donald Trump



Exercice de communication plus que politique

Pendant la campagne présidentielle étasunienne, Paul Krugman s’était demandé si son pays ne traversait pas un « moment protectionniste », du fait du succès de Trump et Sanders. L’incroyable locataire de la Maison Blanche a beaucoup parlé, mais finalement, ce qui est frappant, seize long mois après son élection, c’est la légèreté de son plan protectionniste. Certes, à son arrivée, il avait utilisé les réseaux sociaux pour faire pression sur quelques industriels pour qu’ils maintiennent des implantations industrielles aux Etats-Unis, mais cela ne fait pas une politique, d’autant plus que les industriels visés n’hésitaient pas eux-aussi à faire de la communication pour s’en sortir publiquement.

Mais ce président de télé-réalité n’a que faire du fond des dossiers. Comme les autres avant lui, et même s’il le fait de manière anti-conformiste, Il se contente de communiquer. Car les Etats-Unis ont très souvent mis en place des barrières protectionnistes pour protéger leur sidérurgie, au contraire de cette Europe ouverte à tous les vents. Georges Bush s’était fait sanctionné à l’OMC pour cela et Obama avait emboîté le pas des administrations précédentes sur le sujet. Bref, pas grand-chose de nouveau sous le soleil. Mieux, Trump a rapidement exclu le Canada et le Mexique de la mesure, ce qui en limite la portée. Il s’agit plus d’une posture électoraliste que d’une vraie réorientation politique.

Le plus effarant est que pas grand monde souligne le caractère extrêmement limité de cette annonce, qui montre au contraire que Trump n’a pas vraiment tenu ses promesses de campagne et que ce n’est qu’une gesticulation aussi limitée que dérisoire, en aucun cas ce qu’il annonçait il y a un an et demi. En outre, les réactions de vierges effarouchées des bien pensants servent Trump tant son électorat ne les apprécient pas. Bref, nous sommes dans une grande comédie ridicule où un président fait mine d’être protectionniste alors qu’il ne change pas grand chose à la politique de son pays, et sort renforcé par les cris d’indignation des libre-échangistes à courte vue qui accréditent son jeu dérisoire.


Donald Trump n’a pas véritablement cassé de tabou tant sa mesure est dérisoire. Il peut se contenter de simples postures, tant ses opposants montent sur leurs grands chevaux, le renforçant dans son exercice de communication. Mais si le privilège du dollar permet de s’accomoder des déficits, il ne protège pas des travailleurs qui paient un lourd tribut au libre-échange depuis quatre décennies.

9 commentaires:

  1. Trump a quand même fait capoter le TAFTA, non ? Ce n'est pas rien...

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  2. Par contre , ce que je trouve intéressant dans cette histoire, c'est de constater l’impressionnante puissance médiatique des partisans du libre-échange total...
    Et que notre président nous sort la fameuse phrase de Mitterrand "Le nationalisme , c'est la guerre"...

    Si le protectionnisme fait tellement peur , c'est surtout que le model économique Allemand , vanté partout par nos éditocrates , nos économistes et nos politiques , ne fonctionne que par ses excédants commerciaux...

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  3. @ Laurent Herblay, vous nous parlez de Trump mais j'aimerais que vous nous parliez de May. Pensez-vous toujours, au vu de la tournure qu'ont pris les négociations, que le RU va sortir renforcé du Brexit ?
    Après Trump aux USA et le Brexit au RU, on pouvait espérer un changement de paradigme. Est-ce toujours d'actualité ?

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    1. Le point de vue de Laurent sur les derniers développements de la négociation et du débat sur le Brexit m'intéresse aussi. Il me paraît cependant qu'il est trop tôt pour se prononcer avec certitude sur le coût ou les bénéfices d'un événement qui est encore à finaliser. Ce que l'on commence à saisir par contre, c'est que les anticipations catastrophistes d'avant le référendum ou qui l'ont suivi immédiatement relevaient d'un exercice d'auto-persuasion ou d'intoxication du public. Il ne s'agit évidemment pas de savoir avec précision ce que coûtera quelque chose qui n'a pas encore eu lieu, mais de déterminer, dans une fourchette raisonnable, combien cela pourrait coûter, compte-tenu des éléments dont nous disposons déjà.

      Le 31 janvier 2018 s'est tenue une conférence de deux économistes britanniques de Cambridge, Graham Gudgin et Ken Coutts, sur les erreurs de prévision de la profession économique relatives au Brexit : "How Did the Economics Profession Get it Wrong on Brexit?". Sans prendre parti en faveur du Brexit, les auteurs y montrent comment le coût envisageable d'une sortie de l'UE a été systématiquement exagéré par la plupart des études, dans le cadre d'une approche idéologiquement biaisée en faveur du maintien. Cela ne signifie pas que le coût de la sortie sera faible, mais que le coût prédit par ses adversaires ne découlait pas d'une analyse économique méthodologiquement rigoureuse. L'une des raisons est que le coût de la perte prévisible des avantages commerciaux liés à l'appartenance à l'UE a été calculé par les analystes du Trésor britannique, de l'OCDE ou du FMI, sur la base de la moyenne européenne des bénéfices tirés du commerce intra-UE, alors que le Royaume-Uni semble moins profiter dans ses échanges avec l'UE de son statut de membre que la moyenne des autres pays de l'UE.

      Voir les diapositives de la présentation Powerpoint ici :
      https://www.politicaleconomy.group.cam.ac.uk/events/GudginCoutts2018

      Pour une analyse plus approfondie :

      Gudgin, Graham, Ken Coutts, Neil Gibson, and Jordan Buchanan (2018), "The Macro-Economic Impact of Brexit: Using the CBR Macro-Economic Model of the UK Economy (UKMOD)", Journal of Self-Governance and Management Economics 6(2), 7–49 (https://www.cbr.cam.ac.uk/fileadmin/user_upload/centre-for-business-research/downloads/working-papers/wp483revised.pdf).

      Gudgin, G., Coutts, K., Gibson, N. and Buchanan, J., "Defiying Gravity: A Critique of Estimates of the Economic Impact of Brexit", Policy Exchange, 2017 (https://policyexchange.org.uk/wp-content/uploads/2017/06/Defying-Gravity-A-critique-of-estimates-of-the-economic-impact-of-Brexit.pdf).

      YPB

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    2. @YPB
      Merci pour les liens.

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  4. Krugman a tendance à tomber dans le militantisme le plus obtus lorsqu'il parle de Trump et du Brexit (pas particulièrement sur ce sujet, mais en général).

    J'en suis très déçu, et je ne le lis plus.

    Cela montre qu'il fait passer son militantisme fort contestable (un militantisme qui n'est même pas démocrate, mais d'une sous-tendance multicul du parti démocrate) avant la rigueur économique.

    Car il n'y a pas que des libre-échangistes dogmatiques, il y a aussi des multicul dogmatiques (et qui parfois ne s'en rendent même plus compte).

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  5. Même lez protectionnistes les plus vigoureux pendant la campagne électorale ne font pas de protectionnisme une fois élu. Il ne reste donc ... que le suicide.

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  6. Moi je dis bien joué à Donald Trump. l'exercice de communication sur ce terrain est un puissant message politique, un pierre dans le terrain de jeu chez les ultra-mondialistes.

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  7. @ Moi

    J’attends de voir son bilan à la fin de son mandat. Il y a tellement de revirements et de contradictions chez lui…

    @ Cgrotex

    Ce sera le papier de demain. Quel à propos !

    @ Moi et YPB

    Merci pour cette bonne idée. En effet, c’est un sujet d’importance, qui justifie un papier. A lire bientôt. Un très grand merci pour les liens qui vont le nourrir

    @ Anonymes

    Je veux bien des liens sur les déclarations de Krugman. Concernant Trump, il n’y avait guère d’illusion à se faire : sur beaucoup de sujets, il enchaine les contradictions

    @ Patrice

    Assez bon exercice de communication. Mais les étasuniens pourraient réaliser qu’il ne fait pas grand chose si c’est le cas

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