samedi 8 août 2020

Coronavirus : la crise d’une époque

Il y a trois mois, nous entrions dans la phase de déconfinement. Depuis, les craintes d’une seconde vague gonflent encore plus vite que le nombre de cas. L’occasion de chercher à faire un premier bilan de cette crise, dont bien des aspects soulignent à quel point elle est la crise de notre époque, cette époque du laisser-passer, du laisser-faire, ou des reculs démocratiques, sociaux et des services publics.

 

Une crise de la globalisation dite néolibérale

 

Bien sûr, les pandémies ne sont pas une nouveauté dans l’histoire de l’humanité. Il y en a eu bien d’autres, en des temps où les échanges étaient bien plus limités. Mais bien des aspects de la crise sanitaire actuelle sont liés à la globalisation dite néolibérale qui s’est imposée depuis les années 1980. D’abord, si les pandémies du passé avaient également fait le tour du monde, la vitesse à laquelle celle-là a traversé la planète est particulièrement rapide : forcément, quand on laisse tout passer plus vite et plus souvent, les virus passent également plus vite… Il est aussi frappant de constater à quel point, en Europe et aux États-Unis, ce sont les villes les plus globalisées qui ont été touchées, New York, Paris, Milan, Madrid, montrant que l’hyper-connexion n’est pas sans conséquence lors d’une épidémie. Les régions moins connectées ont généralement été beaucoup moins touchées par le virus.

 


Cette crise est aussi la crise des services publics de la santé mis sous la pression de la course à la compétitivité mondiale. Dans cette globalisation, seuls les gagnants du système comme l’Allemagne ont les moyens d’investir. En Italie, en Espagne, au Royaume Uni et en France, après des décennies d’économie, les systèmes de santé ont été asphyxiés par l’afflux de malades, ce qui a imposé un confinement strict pour « aplatir la courbe » des nouveaux cas. Notre pays, qui s’était bien mieux préparé à une pandémie il y a dix ans a fait des économies de bout de chandelle sur ses stocks de masques, au point de ne pas permettre la protection des soignants, provoquant leur contamination, mais aussi celle de nombreux malades. Encore une fois, le coût de la course à la compétitivité est très lourd.
 

Les gouvernements qui ont mis en place des confinements très stricts pour soulager leur système de santé, en paient le prix économique, comme le montre l’effondrement du PIB. Les plans de soutien à l’économie, s’ils sont les bienvenus, en disent également long sur l’époque. Les petits magasins aux flux limités n’ont pas été traités différemment des plus grandes surfaces probablement plus dangereuses d’un point de vue propagation de l’épidémie. Et bien des mécanismes d’aide profiteront davantage aux gros qu’aux petits, jusqu’au chômage partiel, si largement utilisé en France (3 fois plus qu’en Allemagne) qu’il est difficile de ne pas y voir un effet d’aubaine pour certaines entreprises, qui vont réduire leurs coûts aux frais de l’Etat. Idem pour la fermeture des commerces, où l’Etat laisse faire… Enfin, l’exécutif a mis en place des lois d’exception en matière de droit social et semble ouvert à leur prolongation.

 

Cette crise en dit également long sur les penchants autoritaires du système politico-économique actuel, prêt à des remises en cause très fortes des libertés individuelles, quand ce n’est pas à risquer l’annihilation économique de secteurs pourtant emblématiques de notre pays comme la restauration. Il est frappant que les pays les plus mis à mal par la globalisation dite néolibérale aient souvent mis en place les mesures les plus strictes. L’utilisation orwellienne des moyens numériques en Asie est inquiétante, d’autant plus que la « stratégie du choc » est à nouveau à l’oeuvre, une crise permettant des évolutions autrement perçues comme impossibles à faire passer. Les reculs des libertés individuelles ou démocratiques de cette période sont suffisamment notables pour être inquiétants.

 

Enfin, je vois un inquiétant parallèle avec la crise financière de 2008, à savoir une crise qui devrait remettre en question certains fondements du système économique, mais qui, au contraire, le renforce. Il y a dix ans, nous aurions du prendre un vrai virage et rien n’est venu. Les tenants du système ont réussi à imposer leur interprétation de la crise et leurs remèdes, toujours plus d’austérité, de recul du service public et de l’Etat, et de course mortifère la compétitivité. Et malheureusement, je crains que nous prenions le même chemin à nouveau avec cette crise. Certes, il y a une réponse des Etats à la crise, mais par-delà les milliards de 2020 et les grandes déclarations, nos dirigeants actuels ne remettront pas véritablement en cause leur logiciel. Et ils commencent déjà à pousser leurs pions pour l’après crise

 

Pour une grande partie, la crise du coronavirus est bien une crise de la globalisation dite néolibérale. Et sur bien des aspects (revalorisation du service public, du local et du long terme), il semble y avoir un consensus pour changer les choses. Mais il serait naïf de croire que cela viendra facilement. Pour changer, il faudra non seulement changer de dirigeants mais profondément changer de politiques.

22 commentaires:

  1. « Il y a trois mois, nous entrions dans la phase de confinement. »
    Euh, non : c'était il y a 5 mois (comme le temps passe !) Il y a 3 mois, c'était le déconfinement.
    Ce que je trouve le plus préoccupant dans cette crise, c'est le recul des libertés publiques, recul accepté par la majorité de la population. Pendant deux mois il a fallu remplir un papier ridicule pour aller faire ses courses et tout le monde a trouvé ça très bien.
    Demain on nous imposera le port du masque dans la rue alors que tous les experts nous disent que la contamination se fait essentiellement dans les lieux clos. Mais on trouvera ça normal.
    Et tout ça pour une épidémie qui a fait 30.000 morts en France, bien moins que n'importe quelle grippe saisonnière.

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    1. "Et tout ça pour une épidémie qui a fait 30.000 morts en France"

      Oui mais en peu de mois avec le confinement, une grippe saisonnière avec confinement ou/et masques il y aurait bien moins de morts. Le Cov n'est pas une grippe, c'est ridicule, il n'y a pas que des morts, il y a des amputés, des graves séquelles rénales, cardiaques, neurologiques...

      Vous racontez nawak !

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    2. Je n'ai pas dit que la Covid-19 était une grippe.
      Personnellement, je ne connais personne qui ait attrapé cette maladie, et même personne qui connaisse quelqu'un qui l'ai attrapée. En revanche, des gens qui subissent les conséquences du confinement, il y en a des millions.

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    3. "Personnellement, je ne connais personne qui ait attrapé cette maladie"

      Evidemment, statistiquement c'est entre 0,6 et 1 % en réa dont la moitié de morts, probablement 10% avec des séquelles plus ou moins gravissimes, voire à vie.

      Le fait que ne connaissez personne atteint ne fait pas une statistique, et encore il est possible que vous ayez croisé des asymptomatiques super spreaders. Sans confinement et masques ça aurait été bien pire, hôpitaux débordés, salariés formés morts ou handicapés longtemps ou à vie, vous estimez à combien le coût d'une telle situation ?

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    4. Je pense que le coût du confinement sera bien plus préjudiciable que le coût de la maladie elle-même.
      Je vous fais remarquer que la France est l'un des pays qui est le plus frappé économiquement par les conséquences du confinement.
      Etait-il nécessaire d'aller aussi loin dans le confinement, de demander des attestations pour circuler, demain de rendre le masque obligatoire dehors alors que c'est inutile ? Je ne le pense pas. Non seulement c'est pénalisant économiquement, c'est inutile et de plus c'est une atteinte à nos libertés individuelles.

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    5. "c'est inutile et de plus c'est une atteinte à nos libertés individuelles"

      Ah ouais, la liberté de contaminer les autres...

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    6. Porter un masque à l'extérieur est inutile, la contamination se fait dans les lieux clos.
      De même, l'obligation de remplir une attestation est une formalité inutile que de nombreux pays n'ont pas mis en application (par exemple l'Allemagne).
      On peut concilier les mesures prophylactiques et les libertés individuelles, cela s'est fait dans de nombreux pays qui s'en sortent mieux que nous, à la fois sur le plan sanitaire et sur le plan économique.

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  2. Ah bah, alors il faut supprimer le tourisme qui est une des principales ressources de la Grèce, la France, le Portugal et l'Espagne.

    L'origine du Cov, qui est une zoonose, vient de la diminution des espaces naturels sauvages.

    Une autre forme de pandémie, vous proposez quoi aux agriculteurs ?

    https://www.lavoixdunord.fr/848427/article/2020-08-06/jaunisse-de-la-betterave-face-l-urgence-un-insecticide-interdit-va-etre

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  3. "Il est frappant que les pays les plus mis à mal par la globalisation dite néolibérale aient souvent mis en place les mesures les plus strictes."

    Aux USA, au Brésil les mesures n'ont pas du tout été strictes. Ce sont les pays asiatiques qui ont été les plus efficaces, Corée, Chine, Taiwan, Vietnam... parce que c'est dans leur culture civique alors que les pays occidentaux deviennent de plus en débraillés et décérébrés.

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  4. Ce commentaire a été supprimé par l'auteur.

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  5. On est dans l'absurdité la plus complète puisque le masque devient obligatoire dans certaines rues mais pas partout. Comment s'y retrouver ? C'est impossible. Si votre parcours traverse plusieurs rues, vous n'allez pas ôter puis remettre votre masque selon la rue dans laquelle vous vous trouvez ! C'est ubuesque et c'est une mesure qui ne sera pas respectée car elle est inapplicable.

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  6. Si l'Allemagne s'en sort mieux, c'est qu'elle a des scientifiques sérieux comme Drosten, pas des tocards comme Raoult ou Perronne qui sont une honte :

    https://www.zeit.de/2020/33/corona-zweite-welle-eindaemmung-massnahmen-christian-drosten/komplettansicht

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  7. Pour une mise en perspective démographique, l'INSEE a fait une page spéciale sur le Covid-19 https://www.insee.fr/fr/statistiques/4487854
    Il en ressort très clairement qu'il s'agit d'une affection respiratoire saisonnière, qui comme les autres n'a frappé pratiquement que les personnes âgées, en particulier les résidents en maison de retraite (le tiers des victimes), que le confinement de la population en âge de travailler n'était pas justifié, que cette épidémie commencée le 10 mars est terminée depuis le 30 avril. Aucune seconde vague n'est décelable sur les courbes entre le 1er mai et le 20 juillet. On peut douter que la prochaine mise à jour confirme les proclamations alarmistes.

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    1. Foutaises, le Cov se développe actuellement dans des pays chauds comme le Brésil ou le Maroc. Il frappe de plus en plus de jeunes et d'enfants et des secondes vagues par cluster sont à prévoir comme le dit Drosten.

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    2. On est arrivés à la conclusion que la COVID pouvait être interprétée avec le plus grand cynisme capitalisto/facho/économique comme une aubaine.
      En tuant les plus de 60 ans elle réduit la charge des retraites;

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  8. Censure, la crise d'une époque :

    https://twitter.com/jeanpierredenis/status/1292838953670844418

    Plouf...

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    1. re-plouf :

      http://www.christianvanneste.fr/2020/08/10/limpasse-libanaise/

      "Ce ne sont pas les rodomontades du président français qui tireront le Liban d’une impasse structurelle : une nation ne peut être constituée de tribus rivales. C’est une évidence que les Français devraient méditer…"

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  9. Biensûr que des entreprises vont en profiter pour se délester de certains de leurs salariés croyant ainsi faire des économies.

    Moi j'en suis un exemple vivant ! J'ai bossé 9 ans dans une société informatique : connectique, réagencement espace info', fourniture consommables. Quand je suis entré dans cette boîte c'était le fondateur et sa soeur qui la dirigeaient. Il y a 6 ans ils ont revendu pour se mettre en retraite (le patron avait 67 ans et sa soeur 64 ). Un nouveau de 40 ans a repris la boîte. Et là méthodes new management avec des costs killers par ci, des tense flow par là...

    Avec le confinement : contrats des apprentis stoppés nets, les intérimaires virés et les CDD pas renouvelés. Puis en juin hop ! certains salariés en CDI qu'il a contraint à la rupture conventionnelle. Avec moi et 2/3 autres collègues il a dû passer par le licenciement éco' car nous pas de rupture conventionnelle. Or, pour moi il a ramé pour justifier je suis sur une niche qu'on m'a demandé de monter il y a 4 ans : les marchés publics. En plus avant le confinement j'ai ramené 2 MP : un très gros et un plus confidentiel. Et en mai : un nouveau et 3 en cours de candidature (je misais sur un en particulier). Donc mon poste tourne bien, pas touché par la crise éco'.

    J'ai senti le vent venir. Déjà il y a 2 ans j'ai passé en cours du soir par le CNAM un master I maintenance et sécurité informatique. Là en mars j'ai cherché pour passer à distance un MII en technico-commercial (plus large et académique pas professionnel). J'ai trouvé. Par ailleurs, j'ai commencé à contacter à droite, à gauche des copains, des anciens collègues, des clients pour savoir s'il y avait des postes etc...J'ai croisé les doigts soit pour retrouver vite soit pour être viré à la rentrée ou en juillet car j'ai eu 55 ans en juin. Or, viré à 55 vous bénéficiez de dispositifs sur les indemnités chômage, la formation etc...C'est venu préavis de 2 mois du 3 août au 2 octobre. Là je viens de retrouver (c'est signé et tout et tout) un CDI à temps partiel 3 jours 1/2 payés 4. En fait je bosserai le jeudi après-midi, le vendredi, le samedi et le dimanche de nuit dans son société qui héberge des serveurs info'. Avec le travail de nuit, le samedi et le dimanche ça aide pour la paie. En plus, c'est intéressant en terme de rythme de travail et de travail lui-même.
    J'espère ne pas finir ma carrière dans cet emploi quoique la société propose des évolutions mais bon à 55 balais....
    Mais je me suis pas trop mal retourné. Est-ce que tout le monde va être dans mon cas ? Pas sûr....

    Hervé - Essonne

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    1. Même trajectoire que vous : salariée d'une entreprise de bâtiment en tant qu'assistante de direction. Une société qui compte une quarantaine de personnes en tout. Le patron a voulu dégraisser la partie administrative et commerciale. J'étais dans le lot. Le confinement a été le bon prétexte. Licenciée en juillet à 47 ans mais je m'en fous car pendant le confinement j'avais cherché et j'ai fini par trouver. Un peu mieux dans une grande officine notariale. Je commence dans mon travail le 7 septembre. Et je finis une reconnaissance des acquis professionnels (VAE) et on va me délivrer une licence pro' bac +3 en assistance de direction. Cela rafraîchit mon CV. Du coup je pense à faire un diplôme au-dessus à distance ou en cours du soir et week-end.

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    2. @hervé et anonyme

      Je pense que malgré la crise et les impacts socio-économiques qu'elles commencent à engendrer (pour reprendre votre expression Hervé, vous en êtes un exemple vivant)il y aura des occasions pour certaines et certains. Ce ne sera pas la majorité loin, loin de là mais il y en aura. Du coup, si l'occasion est bonne et belle il ne faudra pas hésiter.Et ne pas attendre si possible qu'on vous pousse dehors manu militari.
      Pierrick

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  10. @ Moi

    Bien d’accord sur les libertés publiques, d’autant plus que cela n’est malheureusement pas nouveau et que cette majorité a un lourd passif. En revanche, pas d’accord sur la dangerosité du coronavirus : déjà 30 000 morts, plus environ 10 000 décès à la maison non encore attribués, cela fait tout de même 40 000 victimes au moins en 6 mois, soit plus de 10% de la mortalité sur la période, ce qui n’est pas rien, et plus que les grippes saisonnières, qui font plutôt 10 à 20 mille victimes il me semble. Je connais plusieurs personnes qui l’ont attrapé, et qui en ont souffert.

    Bien sûr, le confinement a de telles conséquences que l’on doit se demander s’il n’y avait pas de meilleurs scénarios : c’est ce que je pense avoir fait il y a 3 mois :
    http://www.gaullistelibre.com/2020/05/confinement-risque-zero-interet-general.html

    Si je pense qu’il faut raisonner en termes de coût, en revanche, uniquement se baser sur cela serait insuffisant. Difficile de quantifier une vie et il me semble plutôt positif de privilégier la santé à l’économie, ce qui n’est pas toujours fait. Après, ici, cela a été mal fait, au moins en France.

    Le port du masque, ce n’est quand même pas une demande extravagante, ni une grave remise en cause de nos libertés. Dans certains centre-villes, même en extérieur, cela semble plutôt raisonnable tant la distanciation physique ne peut pas toujours être respectée. En effet, la promulgation à la rue est tout de même d’un technocratisme assez incroyable. Pour Paris, il serait plus simple de raisonner a minima par grand quartier

    @ Anonyme 11h35

    En effet, France, Italie et Espagne ont mis en place des confinements très stricts alors que ces pays souffrent depuis des années de cette globalisation. Cela a coupé l’épidémie, mais avec un lourd bilan. En effet, les pays asiatiques semblent avoir été efficaces, pour de bonnes et de moins bonnes raisons.

    @ Jacques

    Merci pour le lien. C’est ce qui m’avait poussé à défendre un déconfinement plus rapide des écoles (cf papier plus haut). Il est frappant de constater l’extrême concentration des cas graves et des décès sur les personnes âgées.

    @ Hervé & anonyme

    Merci pour vos témoignages et bonne chance pour ce nouveau départ !

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  11. Herblay sur les US : les afro-américains sont mis à l'écart, le mouvement BLM y est donc en partie justifié.

    Réalité :
    https://twitter.com/fmomboisse/status/1294022772629348355

    Herblay sur la France : blabla république blabla universalisme blabla que vous et moi

    Réalité :
    https://twitter.com/BBR4369/status/1294258444367790080

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