lundi 4 janvier 2021

Accord du Brexit : victoire de Londres, Waterloo de l’UE

On allait voir ce que l’on allait voir… Bien des dirigeants de l’UE évoquaient des représailles au départ de Londres, entre facture exorbitante, limites à l’accès au marché européen ou menaces d’un chaos au 1er janvier. Las, le projet peur des eurobéats a encore échoué, et l’accord obtenu par Boris Johnson scelle la victoire de Londres, et une défaite lourde de conséquences pour l’UE.

 


Les opposants au Brexit tournés en ridicule

 

Jacques Sapir a pointé que sur la quarantaine de sujets définis par l’UE, 28 donnent satisfaction à Londres et seulement 11 à l’UE. L’issue de la négociation est très claire. D’ailleurs, le ton de Michel Barnier dans le Figaro du 28 décembre n’était pas celui d’un vainqueur, mais plutôt celui d’un vaincu qui s’abrite derrière des éléments de langage trop calibrés et creux pour être honnêtes… A contrario, Boris Johnson a emporté une très forte majorité à l’Assemblée, les travaillistes ayant fait le choix de soutenir l’accord obtenu. Et si Nigel Farage a dénoncé certaines concessions, notamment sur l’Irlande du Nord, il a préféré conclure que la guerre avait été gagnée plutôt que de dire qu’une absence d’accord aurait mieux valu que l’accord conclu par Boris Johnson dans la dernière ligne droite des négociations.

 

L’issue des négociations n’est pas vraiment une surprise. D’une part, la position de négociation était bien plus favorable à Londres que certains le disaient du fait des déficits commerciaux du pays avec l’UE : la fin du libre-échange aurait été bien plus préjudiciable aux 27 qu’aux britanniques. Et d’autre part, Boris Johnson a abordé les négociations en étant prêt à ne pas signer, contrairement à Theresa May, dont le « better no deal than a bad deal » n’était que de façade. Pour couronner le tout, l’Allemagne était à la manœuvre, à la présidence de l’UE et de la commission, alors même qu’il s’agit du pays qui a l’excédent le plus important ! On peut gager que la crise sanitaire, qui frappe économiquement l’UE plus durement que le reste du monde ne poussait pas non plus à des attitudes trop jusqu’au-boutistes.

 

Sur le fond et dans le détail, c’est bien une large victoire pour Londres et un Waterloo pour l’UE. La facture un temps réclamée à Londres par les eurocrates et certains dirigeants de l’UE a purement et simplement disparu. En revanche, la France voit sa contribution sensiblement augmenter, tout de suite. Si la finance ne fait pas partie de l’accord, l’UE avait déjà accordé un sursis à Londres sur des sujets cruciaux, ce qui permet au pays de garder son leadership sur le sujet. De manière plus fondamentale, un accord de libre-échange, sans taxe et sans quota a été conclu, permettant une poursuite facilitée des échanges : en clair, la Grande-Bretagne garde son accès au marché unique européen et inversement. Les craintes de pénurie n’étaient bien que des fantasmes guère crédibles dans ces circonstances.

 

Londres met également fin à la libre-circulation des personnes, avec un système à points qui lui permettra de passer à une immigration choisie. Le Royaume-Uni met fin à sa participation à Erasmus, qui permettait aux jeunes de l’UE de payer bien moins cher que les autres étudiants étrangers, un choix logique pour Londres. Un accord a été trouvé sur la pêche, qui réduit de 25 à 27,5% sur 5 ans les prises des navires de l’UE. Aucune coopération n’est mise en place pour les relations extérieures. Un dispositif habile est mis en place en matière réglementaire : Londres n’a pas à suivre les règles de l’UE, et ce n’est que si des divergences trop fortes apparaissaient que l’UE pourrait imposer des rétorsions, comme le pointe Nigel Farage. Mais le déficit commercial britannique modèrera l’UE…

 

Pour couronner le tout, comme le pointe Les Echos, Londres est parvenu à répliquer la quasi totalité des accords commerciaux européens. Bref, au final, même si les négociations ont été longues et douloureuses, la sortie de la Grande-Bretagne de l’UE se passe finalement de manière très ordonnée et apaisée et tout laisse à penser que l’impact sur l’économie outre-Manche devrait être très modéré, pour ne pas dire nul. Les prévisions délirantes des opposants aux Brexit ne se sont pas réalisées et ses partisans, comme moi, n’ont en général pas à rougir de tout ce que nous avons pu dire et écrire depuis quatre ans et demi. Ce faisant, les partisans de l’UE perdent sur tous les tableaux : la sortie de l’UE va être dédramatisée, et leur discours encore plus démonétisé, tant leurs outrances sont infirmées. Pire, comme le pointe Front Populaire, l’UE a montré qu’elle n’était pas si forte face au Royaume-Uni

 

Et face aux délires des eurobéats, c’est Boris Johnson qui en sort grandi. Non seulement il a pleinement respecté le vote de 2016 des britanniques, se posant en défenseur de la démocratie face un continent trop souvent peu respectueux du vote populaire. Mais en outre, il est parvenu à négocier un bon accord qui rétablit la souveraineté britannique, tout en préservant son accès au marché de l’UE. Ce faisant, c’est tout le projet de l’UE qui est affaibli, qui ne génère ni prospérité, ni puissance.

14 commentaires:

  1. Je persiste à penser qu'un no deal était préférable. Car le RU va devoir, malgré tout, continuer à respecter le dogme de la concurrence libre et non faussée de l'UE, avec interdiction des aides publiques et donc impossibilité d'avoir une véritable politique industrielle. De plus, le processus a été beaucoup trop long et c'est un argument qui sera opposé à tous ceux qui préconisent une sortie de l'UE et de l'euro, en France et ailleurs. Seule une sortie unilatérale et sans accord permet de retrouver rapidement la pleine souveraineté.

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    1. Si ma mémoire est bonne, il me semble que Laurent Herblay écrivait lui-même dans son blog sur la lenteur d'une sortie au titre de l'article 50 et qu'il valait mieux, pour un état désireux de quitter ce cette pétaudière, une sortie plus rapide. Me trompé-je ?

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    2. Pour la France, qui est beaucoup plus intégrée que le RU au sein de l'UE, l'article 50 signifie se soumettre au calendrier de Bruxelles, qui ne manquera pas de faire trainer pendant que le pays subira les assauts des marchés et probablement de la BCE (!), comme pour la Grèce. Il faudra aller beaucoup plus vite.

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  2. @ Moi

    Pour le coup, je pense qu’un accord était sans doute préférable. D’autant plus qu’il me semble que les règles de l’UE ne s’imposent plus à la GB il me semble. Londres peut désormais librement changer ses règles. Ce n’est qu’a posteriori, s’il y a des écarts qui représenteraient une forme de concurrence déloyale que l’UE pourrait alors entamer une procédure avec potentiellement des rétorsions. D’ailleurs, même Nigel Farage ne semble pas trop opposé à ce point, ses oppositions allant plutôt sur le statut de l’Irlande ou la CEDH.

    Ce dispositif me semble bon car malgré tous les délires sur « Singapour sur la Tamise », je ne pense pas que la GB se lancera dans une stratégie de parasite fiscal géant. Il y a plus fort qu’eux dans l’UE (l’Irlande, le Luxembourg, Malte il me semble, voir même les Pays-Bas) et ils perdraient trop à aller dans cette direction, sans avoir à gagner grand chose car ils ne sont plus au cœur du marché unique. Au contraire, les premières décisions économiques de BoJo (sur le SMIC, la santé), indiquent plutôt une stratégie opposée.

    En revanche, bien d’accord sur la durée du processus, totalement effarante. Mais cela vient notamment du fait que la majorité des élus Tories voulaient rester dans l’UE à l’origine et que Theresa May n’a pas mené de bonnes négociations, du fait de son refus implicite du no deal, malgré ses déclarations, du fait de la configuration du parlement et du mauvais jeu des travaillistes.

    Cela fait maintenant plus de 8 ans que j’ai pris position pour une sortie unilatérale en dehors du cadre de l’article 50 :
    http://www.gaullistelibre.com/2012/10/la-fausse-bonne-idee-de-larticle-50.html#more

    Ma recommandation aujourd’hui pour le Frexit, c’est, en toute transparence pour les électeurs, de façon à obtenir un mandat solide pour le faire :
    - Une sortie unilatérale et immédiate de l’UE
    - Une période de transition courte (6 à 8 mois), pour négocier la suite
    - Une application des règles de l’UE sur la période de transition…
    - …Tout en se gardant le droit de remettre en cause les règles plus choquantes dès la période de transition (notamment pour lutter contre la désertion fiscale), selon le principe du compromis de Luxembourg

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    1. Si vous voulez négocier la suite, vous ne pouvez pas imposer une limite dans le temps puisque, par définition, une négociation se fait à deux et que vous ne contrôlez pas seul le calendrier.

      L'une des raisons de la longueur du processus de sortie ne tient pas seulement aux tergiversations de May mais également au fait que l'UE n'a aucune raison de faciliter le départ d'un pays et qu'elle va tout faire pour rendre les négociations longues et difficiles. Elle va, comme avec le RU, vouloir discuter des conditions de sortie avant de commencer à discuter des relations futures. Ca prendra forcément plus de 6 mois.

      Par ailleurs, vous ne pouvez pas critiquer les traités de libre-échange type CETA, préconiser le protectionnisme, et dans le même temps vouloir négocier un traité de libre-échange avec l'UE.

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  3. "D’autant plus qu’il me semble que les règles de l’UE ne s’imposent plus à la GB il me semble."

    Bien sûr que si, il y a de nombreuses règles de l'UE que la GB devra respecter sans pouvoir les changer, dont de nombreuses normes.

    Vous êtes totalement ridicule, le libre échange est maintenu alors que vous êtes contre celui ci et pour un protectionnisme "intelligent" depuis des années. Maintenant vous criez victoire alors que la GB importera comme avant des produits faits dans l'est de l'UE, bien moins chers que si ils étaient faits en GB.

    On peut ajouter que l'Ecosse remet de façon redoublée sa volonté de quitter la GB en raison de ce Brexit qui n'en est pas un et l'Irlande du Nord la suivra.

    Et vous oubliez que la GB avec la city de Londres est le plus grand paradis fiscal de la planète.

    Bref, comme d'hab vous ne racontez que des sornettes.

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  4. @ Moi

    C’est justement du fait de la mauvaise volonté de l’UE, manifeste avec May, qu’il faut décider unilatéralement de la sortie, par exemple selon les principes que j’ai proposés, pour entrer directement dans la négociation de l’après, et ainsi faire cela rapidement. Déjà, dans mon calendrier, cela revient à rester 6 à 8 mois sous droit de l’UE (certes, avec possibilité de s’en exonérer) : la France n’est pas dans une position où nous pouvons passer ne serait-ce que la moitié d’un mandat présidentiel avec peu ou pas de changements. Il suffit de demander ce mandat au peuple Français, et s’il le souhaite, alors, la volonté des Français s’imposera à l’UE.

    En outre, le Frexit a des chances importantes de produire la fin de l’UE.

    Je pense qu’il vaut mieux un accord de libre-échange avec l’UE que pas d’accord du tout, même pour un pays déficitaire à l’égard de l’UE, sous réserve bien sûr que cet accord ne comprenne pas toutes les clauses léonines de certains accords de libre-échange. Ici, il me semble que Londres a su préserver sa souveraineté.

    @ Troll

    On peut parfaitement être protectionniste (sur certains secteurs), et échanger assez librement avec les autres pays. C’est le modèle asiatique. Londres me semble bien préserver sa souveraineté avec l’accord signé et s’ils veulent se protéger, pourront le faire bien plus aisément qu’actuellement. Après, les britanniques sont très peu protectionnistes, donc je n’attendais pas un protectionnisme fort de la part de Londres. Ici, dans ce contexte, cela me semble raisonnable, même si ce n’est pas ce que je souhaiterais pour mon pays. Libre à la GB de vouloir continuer à importer des produits d’Europe de l’Est si tel est leur désir.

    L’Ecosse, on verra. De toutes les façons, je ne crois pas que les portes de l’UE le seront ouvertes : l’Espagne, la Belgique ou l’Italie bloqueront probablement. Cela devrait calmer leurs ardeurs. Perdre l’UE et la GB, cela ferait beaucoup…

    L’Irlande, les Pays-Bas, le Luxembourg ou Malte sont bien plus des paradis fiscaux que la GB, comme le montrent les indicateurs de Gabriel Zucman.

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    1. trololo,

      "On peut parfaitement être protectionniste (sur certains secteurs)"

      Là c'est sur aucun secteur, donc tout les produits de l'UE à coût du travail inférieur à la GB seront importés en GB.

      "échanger assez librement avec les autres pays. C’est le modèle asiatique."

      Alors que vous racontez depuis des années que les pays asiatiques pratiquent le protectionnisme. Vous vous foutez de la gueule du monde comme tous les démagogues clownesques.

      Vous racontez tout et son contraire, complètement incohérent.


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    2. "il faut décider unilatéralement de la sortie, par exemple selon les principes que j’ai proposés, pour entrer directement dans la négociation de l’après"

      Sauf que l'UE n'acceptera pas de négocier l'après tant que nous n'aurons pas négocié les conditions du départ. Elle ne l'a pas accepté avec le RU, je ne vois pas pourquoi elle l'accepterait avec la France.

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  5. @ Troll

    Quand j’écris « On peut parfaitement être protectionniste (sur certains secteurs) et échanger assez librement avec les autres pays. C’est le modèle asiatique », cela signifie :
    1- Que les pays asiatiques sont protectionnistes, mais pas sur tous les secteurs de manière uniforme, ce qui leur permet d’échanger assez librement avec les autres pays. C’est ce que j’ai toujours dit. Entre l’autarcie et tout laisser passer, il y a beaucoup de nuances possibles qui semblent vous échapper…
    2- La GB a toujours été claire sur le fait qu’elle cherchait un accord de libre-échange avec l’UE. J’ai toujours pensé qu’elle l’obtiendrait, du fait de son déficit commercial avec l’UE, ce qui s’est réalisé. Je n’ai écrit ou pensé que la GB mettrait en place un système plus protectionniste, même si cela correspond à mes idées

    @ Moi

    Oui, mais 2 ans pour négocier les conditions du départ, cela reviendrait à mettre entre parenthèse 40% d’un mandat présidentiel (et plus encore s’il y a une période de transition après). C’étaient les craintes que j’exprimais en 2012, avant même le Brexit, et que ces négociations ont confirmées. La seule solution me semble être de fixer nous-même le calendrier. De toutes les façons, sur l’euro, il faudrait agir immédiatement et certaines questions de liberté de circulation pour notre pays (qui n’est pas une île) imposent une action rapide.

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    1. C'est bien pour ça qu'il ne faut pas entrer dans le piège des négociations, car on sait à quel moment on y entre mais non comment on en sort.

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    2. Troll Herblay,

      Vous édulcorez beaucoup de problèmes pour la GB concernant l'accord, vous n'aveuglez que le fanatique que vous êtes :

      http://bruxelles.blogs.liberation.fr/2021/01/09/brexit-une-liberte-de-facade/

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    3. "Un cadre clair qui n’a pas empêché les Britanniques d’essayer de diviser les Vingt-Sept durant deux ans et demi, en vain, à leur grande surprise. L’accord de retrait conclu en novembre 2018 a parfaitement respecté les «lignes rouges» des Européens."

      http://bruxelles.blogs.liberation.fr/2021/01/09/brexit-un-divorce-et-quatre-ans-denterrement/

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    4. @ Moi

      C'est pour cela que je propose que la France fixe elle même le calendrier et qu'un président élu sur un mandat Frexit impose des négociations qui ne dépassent pas la fin de l'année.

      @ Troll

      Il est étonnant que Quatremer ait cette lecture... Je vous renvoie à mon papier et surtout au décalage entre les discours des Bremainers pendant les négociations. Londres a vaincu Bruxelles et on peut penser que Berlin a pesé de tout son poids pour un tel résultat...

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