dimanche 18 décembre 2011

Renationalisons la Banque de France ! (archive)

Dans les prochaines semaines, je vais publier des articles écrits de 1996 à 1998 dans des journaux étudiants auxquels j’ai participés. L’occasion de voir à quel point les débats que nous menons aujourd’hui ressemblent aux débats d’hier. Le premier papier vient d’un numéro d’Agora de janvier 1996.

Le projet d’indépendance de la Banque de France, que nous devons à Edouard Balladur, doit beaucoup aux statuts de la Bundesbank. Pourtant, l’Allemagne est un cas particulier L’indépendance de la banque centrale allemande trouve ses origines dans l’histoire de ce pays. Par deux fois en 25 ans (au début des années 1920 et en 1945), le mark, victime de l’hyperinflation, s’est évaporé. Par deux fois, les politiques allemands ont trahi la confiance de leurs citoyens au travers du contrat que représente la monnaie nationale. Il est donc presque logique que la classe politique allemande ait été sanctionnée et que le pouvoir monétaire ait été rendu indépendant.


Le pouvoir monétaire existe. Sinon, pourquoi voulait-on l’ôter de la main des politiques ? Sa force a été démontrée par la relance avant tout monétaire des Etats-Unis (les taux d’intérêt à court terme ont été abaissés à 0% en terme réel).

Dès lors, pourquoi confier ce pouvoir si important à des techniciens indépendants ? Parce qu’ils seraient plus compétents, affirment les partisans de cette réforme. Ce raisonnement pose problème. Si les techniciens sont plus compétents que la classe politique pour la gestion de la monnaie, pourquoi ne le seraient-ils pas pour la gestion du budget de la nation ? Pour être logique, il faudrait alors confier la conduite des affaires nationales à des experts. Les majors de l’ENA devraient peut-être alors gouverner la France et on deviendrait ministre sur concours…

C’est à cause de tout ce qu’implique la théorie de la plus grande compétence des techniciens que je refuse l’indépendance de tout levier du pouvoir politique. Et c’est la conception même de la Démocratie qui guide un tel comportement. Ce sont les représentants du peuple qui doivent gouverner et non des spécialistes indépendants.

Par rapport à l’Allemagne, le plus « amusant » est de constater que c’est après avoir prouvé que les politiques pouvaient assurer une faible inflation qu’il a été choisi de confier la gestion de notre monnaie à des techniciens.

C’est pour cela que nous devons subir des taux d’intérêts à court terme encore trop élevés en terme réel pour pouvoir provoquer les transferts de capitaux qui avaient permis la reprise des Etats-Unis. Il reste encore près de 1000 milliards de francs dans les SICAV monétaires. L’abaissement de nos taux au même niveau que celui des Etats-Unis au début de la reprise permettrait un transfert de ces sommes vers le long terme (faisant donc baisser les taux, soulageant l’Etat et les entreprises, poussées à investir), et une petite fraction vers la consommation…

Mais de ce scénario, Monsieur Trichet ne veut point. Il ne comprend pas que la baisse des taux, si elle était plus rapide, ne ferait pas baisser le franc, puisqu’elle permettrait à notre économie de sortir de la récession (les marchés n’indiquent pas autre chose : quand les taux baissent, le franc monte et quand ils ne baissent pas, les tensions sur notre monnaie reviennent).

7 commentaires:

  1. Remontons aussi un peu plus tôt. Lors du débat parlementaire qui a été sanctionné par le vote du Traité de Rome par la Chambre, M. P. Mendes-France, sans doute le plus grand et lucide homme d'état français du XXme siècle, dans un autre style mais à l'égal de De Gaulle selon moi, déclarait :
    "lorsque nous sommes menacés par le chômage ou lorsqu’il s’en produit dans notre pays, l’afflux de chômeurs venus du dehors et susceptibles, souvent, d’accepter des salaires sensiblement inférieurs à ceux qui sont pratiqués dans notre pays est évidemment de nature à provoquer des contrecoups et des difficultés que nous avons intérêt à éviter."
    et encore :
    "Dans le cas d’une crise économique, dont, par sa structure industrielle, l’Allemagne souffrira plus tôt et plus fortement que nous, il se produira une baisse des salaires allemands, un dumping de l’industrie allemande contre la nôtre."
    et encore à propos de l'union douanière allemande du 19 eme sicle sous la férule de la Prusse :
    "n’oublions pas qu’il (n')a pu porter ses fruits (que) parce qu’un État dominateur, principal bénéficiaire de la réforme, a fait la loi aux autres États dominés. En ce sens, c’est un précédent qui ne comporte pas que des aspects plaisants."
    L'ensemble de son discours est à lire et méditer. Il n'y a pas une ligne où cet homme visionnaire par la force de sa compétence et de son honnêteté, ne dénonce l'une des tares que nous voyons aujourd"hui à l' oeuvre en "europe".

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  2. Cet ancien billet montre que les débats étaient les mêmes hier qu'aujourd'hui - avec une différence néanmoins : il était facilement envisageable de retrouver notre souveraineté monétaire à l'époque. Ce n'est pas impossible aujourd'hui, mais cela supposera des ruptures et un courage beaucoup plus grands.
    Il faudra aussi s'opposer à la pensée dominante des médias. Elle existait déjà à l'époque, et je me souviens notamment que Jean-Paul Fitoussi avait été l'un des premiers à s'y opposer en parlant de "débat interdit". Mais, aujourd'hui, cette pensée est partout, et malheur à celui qui ose aller contre ce discours unique. Avez-vous lu l'article du Monde consacré à NDA hier ? http://www.lemonde.fr/election-presidentielle-2012/article/2011/12/17/m-dupont-aignan-contre-la-mafia-au-pouvoir_1620066_1471069.html Article immonde, tout en sous-entendus nauséabonds, en citations non sourcées (évidemment!) visant à présenter NDA comme un héritier du nazisme. Comme dans les années 90, les chiens de garde sont toujours là, et ils continuent à jeter l'opprobre sur ceux qui osent remettre en question le néolibéralisme et l'euro.

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  3. @ Anonyme

    En effet, on pourrait citer beaucoup de monde, notamment le Général de Gaulle. En économie, les écrits de Keynes ou de Allais ont une actualité assez incroyable aujourd'hui.

    @ Julien M

    Oui, mais je crois qu'ils se tirent dans le pied. Il suffit de voir la campagne de 2005. Malgré la défense acharnée de 95% des médias, 55% des Français avaient voté "non".

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  4. Je n'ai pas lu ainsi que "Julien M" l'article du Monde sur NDA... je l'ai même inscrit sur mon mur facebook. Comme quoi...

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  5. Concernant la Suède ou l'Allemagne, l'innovation est atout valorisé :
    http://www.arte.tv/fr/La-guerre-des-brevets---Le-Blogueur/6276584.html

    Olaf

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  6. Les débats n'ont pas changé parce qu'aucune force politique importante n'a porté l'alternative.

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  7. Oui l ' article signé Pierre Jaxel-Truel sur NDA est assez puant ; mais cela montre bien que NDA fait peur a cette oligarchie euromondialiste dont l'auteur est un porte parole servile !

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