dimanche 23 juillet 2023

Prix de l’électricité : défense de rentes privées contre l’intérêt général

Papier publié en avant première sur le site de Front Populaire

 

Encore 10% de hausse en août, alors que les prix avaient déjà pris 14% en février ! Nous dépassons les 50% de hausse en moins de 4 ans, alors que les coûts de 90% de notre production sont assez stables. Bien sûr, le gouvernement va moins loin que les recommandations effarantes du CRE, mais il est à craindre que cette envolée des prix se poursuivent, alors même que les prix de marché ont beaucoup baissé, démontrant que la pseudo libéralisation n’est qu’une constitution de rentes privées.

 


Ni un service public, ni une libéralisation !

 

Le mécanisme de fixation des prix de l’électricité est complètement fou, comme le soulignait Bruno Le Maire il y a près de deux ans, sans rien avoir fait ensuite, contrairement à l’Espagne… D’une part, EDF est contraint de vendre à prix cassé une part importante de l’électricité produite par ses centrales nucléaires, au tarif de 42 euros le MWh, l’ARENH, alors que le CRE vient de reconnaître que son coût de production est plutôt de 57 euros. De l’autre, notre pays a la spécificité de couvrir 90% de sa consommation par une production d’électricité dont le prix de production est très stable et ne varie pas sur les marchés du fait d’intrants hydrocarbures. Même s’il était légitime que le prix monte un peu du fait de la forte hausse du prix du gaz, qui fournit environ 10% de notre consommation, nous aurions dû être un îlot de stabilité…

 


Ce qui apparaît de manière de plus en plus claire à ceux qui en douteraient encore, c’est que le mécanisme de fixation des prix, combinant l’ARENH et le TRV, Tarif Réglementé de Vente, que le CRE a proposé de monter de 100% pour ce mois d’août, institut un véritable racket d’EDF et sécurise une rente très juteuse pour les nouveaux acteurs. La libéralisation est une fiction artificielle, dans la mesure où la production et le réseau restent publics et où les acteurs privés se voient gratifiés d’une production à prix cassés et que l’État, après discussion avec l’UE, a créé un mécanisme de fixation du tarif réglementé complètement artificiel et déconnecté du coût de production. Le seul objectif de tout cela est d’assurer la rentabilité des nouveaux acteurs, tout en assurant une convergence avec les prix européens complètement artificielle étant donné qu’ils n’ont pas du tout la même structure de production que la France…

 

Et si le bouclier tarifaire a le mérite de limiter la hausse artificielle des prix pour les consommateurs, il pose deux graves problèmes. D’abord, cette compensation payée par l’Etat engraisse de manière déraisonnable les acteurs privés du marché de l’énergie, comme l’indiquent les profits exceptionnels réalisés par Engie. Si Paris avait suivi le chemin de Madrid, et était sorti du marché de l’UE et de son mécanisme de fixation des prix, ils auraient été bien plus bas (tout comme les profits des parasites privés), le tout sans que l’Etat dépense quoique ce soit. L’inflation aurait été plus basse (1,9% outre-Pyrénées contre 4,5% chez nous) et les finances publiques épargnées. Ce deuxième point est important car le coût très important du bouclier a des conséquences sur le reste du budget. C’est parce que Macron et Le Maire protègent les rentes privées qu’il manque de l’argent partout ailleurs, dans la santé ou l’éducation.

 

Pour couronner le tout, cette pseudo libéralisation est aussi une opportunité formidable pour les technocrates qui nous gouvernent. En effet, cet éclatement du service public qu’était EDF a été l’occasion de créer une multitude d’organisations chargées d’assurer le bon fonctionnement de ce marché (ce qui démontre de facto que cela n’en est pas un). Outre Enedis et RTE, en charge du réseau, nous avons la CRE, Commission de Régulation de l’Energie, en charge de proposer le TRV, Tarif Réglementé de Vente. Et pour couronner le tout, nous avons appris qu’il existe un CSE, Conseil Supérieur de l’Energie, qui va se voir confier une mission d’évaluation des prix… Ce faisant, ce sont autant de postes de présidence ou de directeurs de ces organisations, probablement très bien payés, qui peuvent être donnés à des amis ou alliés politiques, alignant les intérêts de la haute fonction publique avec ceux des acteurs privés.

 

La destruction de notre service public de l’électricité n’a pas été une libéralisation, cela a été une constitution de juteuses rentes privées, pour les nouveaux fournisseurs, dont les prix de revient sont minimisés, et les prix de vente poussés à la hausse, mais aussi pour une haute fonction publique pour laquelle les postes sans doute bien payés ont été démultipliés pour gérer une organisation aussi complexe. On peut y voir une forme de techno-oligarchisme, qui n’a rien à voir avec le libéralisme.

 

Merci à Olivier Berruyer et Elucid pour son schéma si parlant et à Nicolas Meilhan pour le travail de fond réalisé sur le sujet et tout votre travail dans les médias

2 commentaires:

  1. Et oui, plutôt que de néolibéralisme, nous devons parler d'oligarchisme.

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  2. "D’abord, cette compensation payée par l’Etat engraisse de manière déraisonnable les acteurs privés du marché de l’énergie, comme l’indiquent les profits exceptionnels réalisés par Engie. "

    Ne pas oublier que l'état est le premier actionnaire de Engie à hauteur de 27%

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