dimanche 1 octobre 2023

Vers une nouvelle crise de la zone euro ?

Il est étonnant que le sujet ne soit pas davantage évoqué alors que la précédente date d’à peine une dizaine d’années. Pourtant, les similitudes sont frappantes : au sortir d’une crise économique mondiale où les Etats ont pu dépenser presque sans compter, une forte remontée des taux change profondément les équilibres financiers et pousse à une austérité trop uniforme, alors les situations économiques divergent, soulignant de nouveau toutes les failles de la zone euro. Allons-nous vers une nouvelle crise ?

 


Divergence et austérité au carré

 

Dans l’absolu, la BCE fait une erreur qui tient autant à son mandat déséquilibré (ne se souciant que d’inflation, et pas d’emploi) qu’aux rapports de force et à l’uniformité intellectuelle oligarchiste des banquiers centraux. Comme souvent dans le passé, la remontée des taux est trop rapide et trop forte. La BCE n’a rien appris de ses hausses de taux précipitées. Bien sûr, son action va contribuer à infléchir un peu plus la trajectoire de l’inflation, mais la moindre croissance qu’elle provoque est aussi en bonne partie compensée par les restrictions de production des pays de l’OPEP et les hausses de prix des multinationales destinées à compenser une croissance volume trop limitée… Bref, même sur l’inflation, l’action de la BCE n’est pas si efficace et cela se paiera cher en croissance et emplois.

 

Pire, cette envolée des taux provoque une grave crise du marché immobilier et met une pression considérable sur les finances publiques des États de la zone euro, dont les taux d’emprunt se sont envolés depuis 18 mois. En quatre ans, la facture des intérêts de la dette publique en France ont plus que doublé : autant d’argent qui n’est pas disponible pour payer décemment de nombreux fonctionnaires qui devront se contenter d’une hausse de leur traitement de seulement 1,5% en 2024, que les macronistes veulent camoufler par d’illusoires primes exceptionnelles. Et nous pourrions bien n’être qu’au début de l’austérité tant la trajectoire financière de la France devient délicate dans le contexte de l’UE, de l’euro, de cette hausse des taux et d’un retournement du marché immobilier dont les conséquences restent à venir.

 

Pour couronner le tout, comme souvent dans cet espace bien trop hétérogène qu’est la zone euro, les taux actuels parviennent à la fois à être trop élevés pour certains pays, et pas assez ailleurs… Il y a aujourd’hui des pays qui n’ont pas besoin de taux aussi élevés : l’Espagne et la Belgique, dont l’inflation dépasse un peu 2%, n’avaient aucunement besoin d’une augmentation des taux d’intérêt. A contrario, des pays comme l’Autriche (toujours au-delà de 7%), ou l’Allemagne (à plus de 6%) pouvaient légitimement vouloir des taux plus élevés pour lutter contre un niveau d’inflation au plus haut depuis des décennies, d’autant plus que leur histoire les pousse à refuser toute complaisance à l’égard de la hausse des prix. Encore une fois, la monnaie unique impose une politique monétaire unique très malavisée.

 

En effet, le resserrement de la politique monétaire n’a strictement aucun sens pour des pays comme l’Espagne et la Belgique, qui auraient probablement arrêté toute hausse des taux dès le printemps. Mais le niveau actuel est très dangereux pour ces pays : il a un effet récessif beaucoup plus puissant qu’en Allemagne car il met le prix de l’argent bien au-delà de l’inflation, ce qui peut provoquer un krach immobilier et est d’autant plus douloureux pour les finances publiques qui voient le coût de leur dette s’envoler. A contrario, le niveau des taux est trop faible pour ralentir la hausse des prix en Allemagne. Bref, loin de corriger les déséquilibres actuels, la politique monétaire de la BCE les aggrave, démontrant à nouveau que la zone euro n’a rien à voir avec une Zone Monétaire Optimale, et ne devrait pas exister.

 

Des taux courts à 4% ne vont pas ralentir l’activité d’un pays comme l’Allemagne, où l’inflation dépasse encore 6% et ne pèseront trop lourd sur le budget. En revanche, cette montée des taux pourrait faire beaucoup de mal à d’autres pays qui n’ont nullement besoin de taux si élevés. C’est la malédiction de la monnaie unique, qui, loin de nous aider, fait du mal à la plupart des peuples européens. Il faut espérer que si une nouvelle crise se produit, nous pourrons enfin débattre de la sortie de l’euro, et de l’UE.

2 commentaires:

  1. Vous avez raison de rappeler que des taux identiques pour des pays qui ont une inflation différente est un défaut inhérent à la monnaie unique, mais ce n'est pas nouveau...

    Il reste que, bien qu'élevés, les taux d'intérêt restent inférieurs à l'inflation et que les taux réels sont donc toujours négatifs.

    Va-t-on vers une nouvelle crise de la dette souveraine ? Je ne pense pas, car la BCE a quand même beaucoup évolué depuis l'époque de Trichet, et aujourd'hui, elle n'hésiterait plus à intervenir pour calmer le jeu, ce qu'elle s'est refusé à faire jusqu'en 2012, en fait jusqu'à l'arrivée de Draghi à la tête de la banque centrale.

    En revanche, il est probable que l'on paiera cette politique monétaire en termes de croissance. Mais on pourrait vous répondre qu'on paie en réalité des années de débauches durant lesquels nous avons créé des masses de liquidités et des bulles immobilières...

    RépondreSupprimer
  2. HERBLAY
    Il est intéressant de rappeler, comme vous le faites, que les taux d'inflation sont fortement divergent d'un pays européen à l'autre.
    Pour en trouver la raison, demandez-vous ce qui est donc différent d'un pays à l'autre.
    Non pas les taux d'intérêt de la BCE, ni le prix du pétrole ou du gaz.
    Mais plutôt 20 gouvernements différents, avec de différentes politiques économiques, mesures de relance, "quoi qu'il en coûte" etc

    Alors le problème est que dans une économie fortement intégrée comme l'économie européenne (plus que la moitié de l'import export français est fait avec les autres pays UE), il serait nécessaire d'avoir une seule politique économique, et non pas des distributions d'argent des hélicoptères et déficit sans gêne dans le pays A (qui devient inflationniste), et responsabilité budgétaire dans le pays B (qui arrive donc a contrôler son inflation).

    RépondreSupprimer