samedi 13 octobre 2012

Les soubresauts à venir de la crise de la zone euro


Il n’y a bien que les éditorialistes euro-béats de Challenges pour titrer avec un portrait de Mario Draghi « Ouf ! L’euro a gagné », dans un triomphalisme d’autant plus indécent que l’austérité répend la misère sur le continent. Dans la réalité, rien n’est réglé, comme d’habitude.



Dénis de réalité

Néanmoins, il faut reconnaître que l’hebdomadaire fait une publicité bienvenue aux idées alternatives sur la monnaie unique à travers un très long papier « La grande illusion de l’euro » qui reprend les arguments de Paul Krugman contre la monnaie unique, très proche du papier que j’avais publié fin août. Challenges convoque plusieurs « experts » pour donner du poids à la contradiction au prix Nobel d’économie : Pascal Lamy et Benoît Coeuré, membre du directoire de la BCE.

Mais le plus ridicule est sans doute VGE, le romancier à l’eau de rose, qui, du haut de sa suffisance, ose commencer son papier par « Paul Krugman a reçu le prix Nobel pour ses travaux sur le commerce international, mais il n’est pas un spécialiste des questions monétaires » ! Il écrit qu’il « n’existe pas de crise de l’euro », que tout est la faute des déficits excessifs des Etats qui n’ont pas respecté leurs engagements, oubliant que l’Irlande et l’Espagne n’étaient pas du tout dans ce cas.

Le dossier de Challenges est stupéfiant d’optimisme béat. Les titres des articles laissent songeur : « L’euro peut souffler », « Et Draghi terrassa la spéculation »… Les épisodes précédents et la succession des sommets de la dernière chance devraient tout de même les inciter à plus de prudence pour éviter le ridicule. Un bon sens élémentaire et le fait que la zone euro s’enfonce présentement dans la récession ne parviennent pas à leur rappeler une réalité bien plus complexe.

Les foyers qui ne sont pas éteints


Bien sûr, la spéculation s’est calmée, comme l’a rappelé Frédéric Lordon, mais les marchés restent fébriles. Tout d’abord, les capitaux fuient les pays du Sud, comme le rappelle le Monde. Pas moins d’un tiers des capitaux ont quitté la Grèce et sur les douze derniers mois, pas moins de 235 milliards d’euros ont quitté l’Italie et 296 l’Espagne (partis dans les pays à monnaie forte), aggravant la situation économique dans ces pays, qui souffrent d’un grave manque de capitaux.

Mais ce n’est pas tout, comment oser tenir un tel discours alors qu’un troisième plan se profile pour la Grèce ? Le pire est que tout cela était prévisible, comme je l’avais écrit début 2012, car les hypothèses prises étaient totalement irréalistes. Résultat, Athènes ne tient logiquement pas les objectifs fixés il y a moins d’un an et va donc avoir besoin d’une nouvelle rallonge, ce qui explique sans doute la venue d’Angela Merkel cette semaine, sous les protestations de la population.

Pire, ce n’est pas un plan de sauvetage, mais peut-être trois qui pourraient être annoncés en novembre lors du prochain sommet européen (avec l’Espagne et Chypre). Et la situation des pays « aidés » se déteriore de jour en jour avec une envolée du chômage, une baisse du pouvoir d’achat outre la fuite des capitaux. Bref, rien n’est réglé alors que le sauvetage de l’euro a déjà coûté 1100 milliards et qu’il n’est pas difficile de comprendre qu’ils auraient pu être utilisés de manière bien plus utile.

Ce n’est pas parce que les marchés sont plus calmes depuis quelques mois qu’il faut prendre cela pour une accalmie durable. Tous les ingrédients d’une nouvelle crise sont là, d’autant plus que la zone euro s’enfonce dans une récession de plus en plus sévère. Rendez-vous dans quelques mois.

20 commentaires:

  1. Au sujet de VGE la vieillesse est un naufrage comme disait le général de Gaulle ; celui ci (VGE) a été un naufragé toute sa vie ; mais challenge adopte les couleurs du fascisme cela va bien au teint du Draghi et de l'ue

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Robert Lohengrien13 octobre 2012 à 20:00

      Il nous a fait bien rire, VGE, entre son accordéon et les "avions renifleurs", deux exemples parmi d'autres..Il est comme Jacques Delors, rien contre ces vieux messieurs mérités, mais je dirais qu'il ont du mal à suivre, à se plonger dedans, et puis ce sont des gens bien au chaud, bien aus sec, qui ne risquent plus rien, qui peuvent se permettre le luxe de contempler les évenements avec une distance intellectuelle et déscriptive.

      Supprimer
  2. Le prix de la paix est une farce. Obama l'a obtenu alors qu'il n'avait pas encore gouverné. Maintenant c'est l'UE qui l'obtient, décerné par la Norvège qui ne fait pas partie de l'UE, tandis que les tensions anti-Allemagne croissent.

    Concernant la fuite des capitaux, si l'Euro casse, les non résidents risquent bien de voir leurs comptes expatriés convertis dans la monnaie de leur pays d'origine.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. on pourrait dire un peu la même chose pour le nobel de la paix 1994 accordé a Arafat, Peres et Rabin, qui a débouché sur des crimes de guerres incessants et au mur de la honte israélienne ...

      Supprimer
    2. Je ne crois pas que ça soit les tensions anti-Allemagnes qui soient les plus scandaleuses ni les plus frappantes au sein de l'UE...

      Supprimer
  3. Hors sujet mais en euro quand même ; sur Vente du diable point con une montre Mauboussin a 2450 euro au lieu de 11600 ou comment se faire 9150 euro en quelques clic étonnant non ?

    RépondreSupprimer
  4. Dans un passé relativement lointain certains pays de la zone euro se trouvaient dans des situations économiques délicates. C’était notamment le cas de la France il y a une trentaine d’années. Comment résolvait-elle ses problèmes à cette époque. Voir cette étude de Natixis : « Regarder l’économie française des années 1980 pour faire des prévisions dans les années 2010 »:

    http://cib.natixis.com/flushdoc.aspx?id=66350

    Citation : "La situation de la France, en 2012 comme en 1982, est donc difficile : perte de parts de marché avec la perte de compétitivité beaucoup plus forte dans les années 2010, perte de croissance potentielle avec le recul de l’investissement, déficit public à corriger, fragilité financière des entreprises avec la faiblesse du taux d’autofinancement.

    La réaction de la politique économique de la France aux difficultés dans les années 1980 a consisté en :

    "- une succession de dévaluations du franc français par rapport au Deutschemark , afin de redresser la compétitivité ;
    - une forte déformation du partage des revenus au détriment des salariés à partir de 1982, afin de redresser la profitabilité et la compétitivité.
    - une politique budgétaire restrictive à partir de 1987, mais, dès le début des années 1980, en une forte hausse de la pression fiscale, dès 1985, la baisse du poids des dépenses publiques."

    Notez que pour s’en sortir il fallait que la France fasse notamment une « succession de dévaluations ». Entre parenthèses en 1982 la dette publique française représentait 25,3% du PIB.

    http://fr.wikipedia.org/wiki/Dette_publique_de_la_France

    Aujourd’hui la dette publique française représente plus de 91% du PIB :

    http://lci.tf1.fr/economie/conjoncture/la-dette-publique-francaise-depasse-les-91-du-pib-au-2e-trimestre-7558376.html

    La Dette française était à la fin 2011 à 1 717,3 milliards d'euros, soit 85,8 % du PIB. Elle est passée fin juin 2012 à 1.832,6 milliards d'euros fin juin, soit plus 91,0% du PIB, c’est-à-dire une augmentation de 115,3 milliards d’euros, 6,3% en seulement 6 mois ! La balance commerciale de la France est aussi en déficit perpétuel depuis 2004 ((5,3 milliards d'euros de déficit pour le mois d'août 2012). La France se trouve dans une trappe à déficits et à dettes et prend le même chemin que la Grèce.

    http://www.jpchevallier.com/article-balance-commerciale-d-aout-deficit-de-5-3-milliards-111041822.html

    http://institutdeslibertes.org/2012/03/28/le-dossier-economique-des-elections-francaises-par-charles-gave/

    Pour conclure je rappellerais qu’il y a quelques mois, La société de conseils britannique Capital Economics a été désignée comme lauréate du "Prix Wolson de l'économie", doté de 250.000 livres. Ce prix a été créé par un riche eurosceptique britannique pour récompenser l'économiste qui trouverait un scénario de sortie en douceur de l'euro.

    http://lexpansion.lexpress.fr/economie/capital-economics-remporte-le-prix-du-meilleur-scenario-de-sortie-de-la-zone-euro_311201.html

    A toute fin utile l'étude qui a reçu le prix :

    http://www.capitaleconomics.com/data/pdf/wolfson-prize-submission.pdf

    Dans quelques années le « rassemblement des patriotes » en France pourrait avoir à gérer une situation totalement catastrophique d'implosion de l'euro. Pour gérer cette situation il n’y aura pas de droit à l’erreur.

    Saul



    RépondreSupprimer
  5. Il ne faut pas oublier que Giscard "D'Estaing" est né à Coblence en 1926, se comporte comme un émigré de l'intérieur à la différence de la noblesse installée en cette ville dès 1789 qui par leur action sont autant responsables de l'exécution de Louis XVI qui avait entériné beaucoup des réformes du début de la Révolution française, la meilleure part.
    Pour les autres il y a toujours eu dans notre pays depuis Isabeau de Bavière qui, par le traité de Troyes en 1420, a donné le pays à ses ennemis jusqu'à Philippe Pétain en 1940 un parti de l'étranger avec ses relais politiques et ses chiens de garde médiatique. Comme d'habitude ils sont majoritaires mais n'ont gagné qu'une bataille parce que la mère des batailles approche et que le système qu'ils défendent est profondément vérolé, moribond cependant il y aura toujours jusqu'au bout des ultimes défenseurs contre toute évidence.

    RépondreSupprimer
  6. J'avais parlé de social-darwinisme à propos des politiques austéritaires d'inspiration néolibérale. Une satire voltairienne de José Vítor Malheiros en démonte les ressorts pour le cas portugais : http://www.courrierinternational.com/article/2012/09/14/moi-premier-ministre-je-tuerais-un-tiers-des-portugais (texte initialement publié dans Público du 11 septembre 2012 ; version portugaise originale sur le blog de l'auteur, http://versaletes.blogspot.fr/2012/09/o-sonho-de-pedro-passos-coelho.html).

    YPB

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Dans son discours inaugural du 4 mars 1933, FDR invectiva "les brasseurs d’argent qui ont fui leur piédestal dressé dans le temple de la civilisation". Il promet alors "de reconstruire le temple sur les vérités anciennes" et "de faire face à l’urgence de la situation avec tous les moyens mis à sa disposition par sa fonction et de combattre comme si les États-Unis étaient envahis par un ennemi étranger". Il poursuit: "Les responsables des échanges des biens de l’humanité ont échoué, de par leur propre entêtement et leur propre incompétence (…) leurs efforts portent l’empreinte d’une tradition périmée. Face à l’échec de l’émission de crédit, ils n’ont su proposer que le prêt de davantage d’argent. (…) Ils ne connaissent que les règles d’une génération d’égoïstes. Ils n’ont aucune vision, et lorsqu’il n’y a pas de vision, le peuple meurt."

      Ne serait-ce là une critique virulente et sans concessions de FDR vis à vis des adeptes du "veau d'or" ?

      Supprimer
    2. Des propos d'une actualité criante...

      Supprimer
  7. Tiens, j'ai failli rater ça : Todd qui exprime enfin le souhait d'une sortie de l'euro (ce qui est autre chose que de simplement la pronostiquer…). Excellent commentaire d'Edgar sur La Lettre volée : http://www.lalettrevolee.net/article-emmanuel-todd-souhaite-enfin-la-sortie-de-l-euro-111200520.html

    YPB

    RépondreSupprimer
  8. Lire régulièrement la rubrique flash économie de Natixis :

    http://cib.natixis.com/research/economic/publications.aspx

    RépondreSupprimer
  9. vous devriez appeller ce blog europhobe, entre-temps... en Afrique pendant qu'on fait la grande messe de la francophonie Bongo et Kagamé se rencontre plus complotter contre le français....
    http://fr.allafrica.com/stories/201210050012.html

    RépondreSupprimer
  10. Robert Lohengrien13 octobre 2012 à 19:51

    Hors sujet:
    J'ai écouté hier soir sur Europe1 la discussion entre NDA et un participant assez dogmatique, adepte de la pensée unique qui regne à Bruxelles.
    Je suis cent pourcent d'accord cent avec le raisonnement et les propos de NDA, ce sont des constats et arguments qui reflètent bien la réalité (je precise que je ne fais pas partie du DLR).

    RépondreSupprimer
  11. @ Patrice,

    Bien d’accord.

    @ Olaf

    C’est sûr que en deux fois, le comité Nobel s’est largement discrédité. Cela fait plus de 60 ans qu’il n’y avait pas eu autant de tensions entre pays européens.

    Sur les comptes d’expatriés, cela ne me semble pas légalement possible.

    @ Saul

    Merci pour ce long commentaire. Patrick Artus est vraiment amusant : ils donnent tous les éléments pour conclure qu’il faut sortir de l’euro sans jamais venir à cette conclusion. N’y croit-il pas ou passe-t-il un message subliminal.

    Merci pour les liens vers le prix Wolson. J’avais rendu compte de l’étude de Jonathan Tepper, qui avait fini dans le top 5 mais je n’ai pas parlé du vainqueur.

    @ Cording

    En tout cas, pas le parti de la France

    @ YPB

    Tout à fait le néolibéralisme est un libéralisme devenu monstrueux sous la double influence de Darwin et des mathématiques, comme le soutient Généreux.

    Merci pour le lien concernant Todd. Bonne nouvelle.

    @ Robert

    Face à Olivier Duhamel en effet. C’était incroyable comme il voulait absolument faire reconnaître à NDA les bienfaits de l’Europe pour la paix. NDA a été très bon, calme, pédagogique.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Sue ARTE un excellent film de Claire Devers sur le monde de la finance "Rapace" pas si parodique que ça

      Supprimer
  12. La légalité est toujours négociable et liée à la souveraineté.

    C'est comme les dettes. Ne pas les rembourser, est ce légal ?

    RépondreSupprimer
  13. Précision utile, je ne parle pas de comptes d'expatriés, mais de comptes expatriés, nuance.

    RépondreSupprimer
  14. @ Olaf

    Oui, j'avais compris (sur les comptes expatriés). Vu que les comptes sont dans un pays tiers, ils doivent dépendre de la législation du pays tiers. Cela me semble difficile. C'est pourquoi je pense qu'il faut remettre en cause la libre-circulation des capitaux.

    RépondreSupprimer