lundi 30 avril 2012

L’Espagne, double victime de l’euro


Tous les jours ou presque, un flot de nouvelles dramatiques nous vient d’Espagne. Le taux de chômage y est encore supérieur à celui de la Grèce. Pire, le pays semble à peine au début d’une vague d’austérité suicidaire, selon les dires du « prix Nobel » d’économie Paul Krugman.

Acte 1 : l’euro pousse-au-crime

Nicolas Sarkozy cite parfois l’Espagne comme l’exemple d’un pays mal géré, pour sous-entendre que les politiques socialistes ne pourraient mener qu’à la catastrophe. Mais cette présentation des choses est totalement malhonnête. En 2007, l’Espagne était souvent présentée comme le pays modèle de la zone euro, qui avait su concilier forte croissance (plus de 3% par an) et gestion rigoureuse (dette inférieure à 40% du PIB, excédent budgétaire de 2005 à 2007).

En fait, on le sait aujourd’hui, l’économie espagnole vivait sous la perfusion d’une gigantesque bulle immobilière, dont l’explosion explique la crise d’aujourd’hui. Mais ce qui est intéressant avec l’Espagne, c’est que l’euro en est responsable. En effet, Madrid a fait tout ce qu’elle a pu pour limiter la bulle, en gérant son budget de la manière la plus rigoureuse de toute la zone euro et en imposant aux banques des réserves additionnelles pour limiter la croissance du crédit.

Mais le problème de l’Espagne est qu’elle avait renoncé à mener une politique monétaire indépendante et adaptée à son économie. Si Madrid avait conservé la peseta, alors, il aurait suffi de monter les taux et il n’y aurait pas eu de bulle. Mais en faisant partie de l’euro, l’Espagne s’est vue imposée des taux beaucoup trop bas, un argent beaucoup trop bon marché, qui a poussé les acteurs économiques à emprunter plus que de raison, provoquant une immense bulle immobilière.

Acte 2 : l’euro camisole

Dans un premier temps, la gestion budgétaire rigoureuse des gouvernements précédents a permis à Madrid d’amortir la crise en laissant filer les déficits. Problème, le pays souffrait déjà de déficits extérieurs très importants, du fait des déséquilibres accumulés pendant la bulle. Comme l’explique bien Patrick Artus dans une de ses dernières notes, dans une telle situation, un pays normal laisse sa monnaie se déprécier ou dévalue pour rééquilibrer ses comptes.

Mais le problème de l’Espagne est qu’elle se trouve dans la zone euro, donc sans possibilité de dévaluer, ni possibilité de monétiser sa dette. Le pays souffre donc d’une double peine : la première consiste à se voir imposer des taux prohibitifs par les marchés (quand la Grande-Bretagne a pu les maîtriser avec les 275 milliards de livres de monétisation de sa banque centrale) tout en ne pouvant rétablir sa compétitivité qu’en baissant les salaires, faute de pouvoir dévaluer sa monnaie.

Comme en Grèce, le gouvernement s’embarque dans une politique d’austérité sauvage dont on sait pourtant qu’elle ne mène à rien. Parce qu’à couper les budgets publics à la hache, l’économie décline, alourdissant encore le poids de la dette, diminuant les recettes fiscales, et compromettant même le rééquilibrage des finances publiques. Pourtant, ce cercle vicieux était prévisible et avait été annoncé par Paul Krugman, Joseph Stiglitz ou Nicolas Dupont-Aignan.

Non seulement l’euro a directement provoqué la bulle espagnole. Mais aujourd’hui, la monnaie unique impose un remède qui tue le malade et provoque un massacre social inhumain. Quand comprendront-ils qu’il vaut mieux en sortir, comme ces économistes franco-allemands le recommandent.

14 commentaires:

  1. On parle de plan Marshall pour l'Europe c'est tout dire, la situation économique serait - elle celle de 1947 ? après les trente glorieuses quelle belle fin pour l'Europe ! Merci l'Euro.

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  2. L'Espagne ne s'est pas vu imposer mais comme la Grèce a bénéficié grâce, à cause de l'euro de taux bas tel un cadeau empoisonné ce qui lui a permis de faire une bulle immobilière, une prospérité artificielle. En 2005 les espagnols ont largement voté oui au "TCE"!

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  3. Franchement vous n'avez qu'à prendre la carte du ps vous êtes en train de faire la campagne électorale pour hollande. D'autant plus qu'avec tout ce que vous avez écrit jusqu'à présent vous auriez du mal à vous poser en opposant à la gauche. Cette histoire de la faute à l'euro est assez grotesque. Dans tout ces pays du sud et je parle en tant que meridional il y a bcp de corruption et de tricherie, c'est peut être l'occasion de faire un peu le ménage.

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    1. L'irlande n'est pas une région méridionale il me semble et de toute façon ces problèmes qui arrivent majoritairement au sud touchent aussi désormais largement le nord (voir pays bas, mais aussi UK), y compris nous. On a vu des débuts de plans d'austérité en France, et ce n'était que les préliminaire. La "sodomie" arrivera après, à savoir dans les 2 ans à compter du 6 mai et probablement de suite après.
      La seule différence entre nous et ces pays c'est qu'on est historiquement plus riche, donc plus solide et qu'on met plus de temps à s'appauvrir car on a encore du gras sous la peau.

      De toute façon avoir une dette, un taux de chômage, et un déficit de balance commerciale tous 3 en hausse indique mathématiquement une divergence qui nous éloigne de plus en plus de la stabilité et nous emmène dans un mur ^^.

      It's just a matter of time... be patient.

      Europe a fait son temps, Europe vieillit, Europe faiblit.
      Paix à son âme.

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  4. Dans l'ensemble, les populations européennes n'ont pas été correctement informées des inconvénients d'une monnaie unique, elles ont voté pour et signé un chèque en blanc.

    C'est ce qui s'appelle faire un enfant dans le dos.

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  5. Vous dites que Madrid a tout fait pour limiter la bulle, ce dont j’ai du mal à croire, car il aurait été possible, sans gérer la monnaie, d’empêcher la bulle immobilière, en régulant le marché immobilier, ce qui n’a pas été fait car les gouvernements espagnols étaient bien content de la croissance que cela leur rapportait.
    albert

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  6. La bulle immobilière existait en Espagne depuis la fin de années 90, donc avant l'introduction de l'Euro.

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  7. @ Jean-Pierre Matagne

    L'euro a été introduit au 1er janvier 1999. Qui plus est, la convergence des taux a eu lieu un peu avant...

    @ Anonyme

    Justement, Madrid a imposé des normes bancaires contra-cycliques à ses banques (augmentation du % de réserves par rapport au bilan), pratique unique dans la zone euro il me semble, et qui justement, devait limiter la bulle. Mais avec des taux à 4% et vu la croissance du pays, ce n'était pas suffisant.

    @ Fiorino

    Vous êtes fatiguant avec vos commentaires qui n'ont aucun rapport avec les papiers. J'ai déjà expliqué ma position. Ce qui est grotesque, c'est votre texte. Vous ne démontrez absolument rien. Je vous signale qu'il y a des économistes sérieux qui expliquent bien le rôle de l'euro dans la crise espagnole.

    @ Cording

    Bénéficier / imposer : les deux à la fois. Au début, c'était apparemment positif. Mais finalement, c'était un cadeau empoisonné.

    J'ajouterai que pour les espagnols, c'est difficile de dire "non" à l'Europe, qui n'a été synonyme que de bonnes choses pour ce pays pendant 20 ans. La participation a été faible, le débat limité. Pour les espagnols, à cette époque, tout ce qui venait d'Europe était forcément bon. Cela va changer, comme en Grèce.

    @ Anonyme

    Très juste (sur le plan Marshall).

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    1. @Laurent ... complément réponse à Cording
      N'oublions pas non plus qu'en Espagne les parties 2 et 3 du projet TCE n'avaient pas été diffusées; nous nous étions aperçu de cela avec Etienne Chouard à l'époque.

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  8. Pour mieux comprendre ce qui arrive en ce moment aux espagnols, je parle ici de bulle immobilière, et qui va arriver en France prochainement, je vous invite à regarder cette petite vidéo qui dure moins de 4 minutes sur la création monétaire :
    http://www.lemonde.fr/economie/video/2012/04/26/dessine-moi-l-eco-tout-tout-savoir-sur-la-creation-monetaire_1691247_3234.html

    Le rôle de l'euro piloté par la BCE est majeur dans la création d'une bulle de crédit qui a impacté entre autres l'immobilier. Ceci en Espagne mais au delà dans tous les pays de l'euro où les taux directeurs sont restés historiquement faibles depuis la création de la monnaie unique début 1999. Dire que M. Trichet, ex directeur de la BCE s'est vanté de la stabilité des prix durant son mandat !!! Ce serait presque à mourir de rire si ce n'était si grave ... et nous n'avons encore rien vu.

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  9. Olivier MONTULET1 mai 2012 à 11:23

    Mais quand est-ce que Laurent Pinsolle, anti-Euro primaire, réalisera-t-il que ce n'est pas l'Euro le problème. Il est et il reste La seule solution. Premièrement, il est une confusion débile permanente entre la dite crise de la dette des états et la dite crise de l'Euro. Premièrement la crise de la dette des États est la crise causée par le banques et leur sauvetage par les États. Non seulement les banques ont été sauvées par les États qui ont du s'endetter, d'où la dite crise, mais ces même banques qui empruntent à la banque centrale Européenne à un taux de 1% spéculent sur les dettes de ces états et leur imposent des taux usuriers. Ça c'est la vraie crise et la vraie cause. Secondement, la crise de l'Euro n'existe pas , l'Euro se maintient très bien sur les marchés. Le problème,c'est trop de mauvaise Europe, celle soumise aux marchés, et trop peu de bonne Europe celle au service des citoyens. C'est en réalité de plus d'Europe qu'il nous faut mais d'une Europe plus démocratique, plus légitime, plus sociale et d'une Europe qui dicte sa politique à la finance et non l'inverse. L’Euro est un outil d'unification citoyenne mais surtout est source d'économies par sa stabilité, par l'absence de taux de change au sein de l'Europe et, si l'Europe le veut, l'Euro peut réellement devenir une monnaie de référence avec Le Yuan en concurrence avec le Dollar et l'économie US. Économie US qui est en déliquescence et ne survit que grâce au fait que sa monnaie est la seule valeur de référence. Croire qu'est une solution un repli nationaliste et protectionniste, fusse-t-il gauliste (avec une petit g et un seul l de gaule et non de De Gaulle)même libre, c'est s'enfermer dans la cécité de celui qui s'enfonce le doigt dans l’œil jusqu'au coude si pas l'épaule. Sortir de l'Euro n'aurait que pour effet d’appauvrir d'avantage les États, aggraver les conditions sociales, dégradé d'avantage l'économie réelle et enrichir d'avantage encore les financiers (ce qu'ils font de façon exponentielle depuis 2007). La seule solution c'est que les États de toute l'Europe refusent le remboursement des intérêts des dettes dues aux sauvetages des banques; les Banques sauvées par les États étant rendues obligées de financer les États à ce taux de 1,5% maximum et à tout le moins inférieur à l'inflation.

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    1. Merci! Complètement ok. La bêtise semble avoir remplacée l'analyse politique. La facilité et la lâcheté également. Mais rien n'est trop beau pour les arrivistes qui ne représente qu'eux mêmes et se sonttrouvé un créneau.

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  10. Olivier:
    1) L'euro a encourager et les bulles spéculatives (Espagne, Irelande) et le sur-endettement (Grèce).

    2) C'est une "crise de l'euro" - et non une "crise de la dette" - parce que les règles de Maastricht empêchent la BCE de protéger les États de la spéculation financière. Les USA et le Japon ont bien plus de dette que la zone euro, hors ils ne sont pas en crise, donc dire que c'est une "crise la dette" est simplement une contre-vérité.

    3) Une BCE démocratique et Keynésienne, il est vrai, ne serait pas aussi catastrophique. Hors, ça ce n'est pas l'Europe qu'on a. Notre Europe a une Banque centrale toute-puissante et "indépendante", qui se soucie de l'inflation et non de la croissance et de l'emploi, et qui peut financer les banques infiniment mais jamais les États. On peut penser que ces idées, d'origine allemande, sont débiles et suicidaires, mais les Allemands pourront toujours se défendre : Vous avez dit oui à tout ça à Maastricht.

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  11. @ Santufayan

    Très juste, j'aurais pu ajouter le fait que la BCE a laissé s'envoler l'inflation monétaire dans les années 2000 (j'avais fait un papier sur le sujet il y a quelques mois).

    @ CJ Willy

    Merci pour votre réponse à laquelle je souscris bien évidemment. J'ajouterai que l'euro pourrait être mieux géré, mais que cela ne serait pas suffisamment car les vices de forme sont bien plus lourds.

    @ Olivier Montulet

    Patrick Artus et Paul Krugman apprécieront le qualificatif de "confusion débile" que vous apportez à ce qu'ils expliquent depuis des mois, voire des années, surtout avec une démonstration aussi brillante que la vôtre.

    Bien sûr que l'euro pourrait être mieux géré, que l'on pourrait monétiser plus largement les dettes publiques. Mais dans votre commentaire à l'emporte-pièce, vous oubliez d'évoquer selon quelles modalités, et encore moins la question de la faisabilité politique de la chose. C'est un peu facile de sauter sur sa chaise en disant "monétisation, monétisation, monétisation" ou "euro obligations, euro obligations, euro obligations". J'attends encore un dispositif un tant soit peu crédible.

    L'évocation d'une Europe sociale fait doucement rire. C'est exactement ce qu'en dit Eric Juillot. C'est une sorte de monstre du Loch Ness européen. Toute la gauche en parle mais personne de l'a vu, ni à Maastricht, ni à Nice, ni à Amsterdam, ni dans le TCE, ni à Lisbonne.

    Comme je l'explique depuis plus de 2 ans, reprenant bien sûr des analyses d'Artus, Sapir ou Krugman (pour ne citer qu'eux), la monétisation ou les euro obligations ne résoudraient rien aux problèmes de déséquilibres des soldes extérieurs de pays comme la Grèce ou l'Espagne. L'euro, en interdisant les dévaluations, impose des dévaluations internes (baisse des salaire), proprement inhumaines.

    Voici un dossier complet qui l'explique :

    http://www.gaullistelibre.com/2011/11/dossier-sur-la-sortie-de-leuro.html

    Et un papier qui tord le cou aux mythes sur les conséquences d'une fin d'une union monétaire :

    http://www.gaullistelibre.com/2012/02/la-sortie-de-leuro-cest-possible-et-pas.html

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