jeudi 31 juillet 2014

Pourquoi le droit de vote des étrangers va-t-il à l'encontre de la tradition républicaine française ? (billet invité)


Billet invité de Cochin

L'éternel retour

Dans une récente interview publiée sur le site de l'hebdomadaire Marianne, Jean-Christophe Cambadélis revient sur une des promesses de campagne de François Hollande qui, malgé sa forte impopularité auprès des Français, est régulièrement mise en avant par le parti socialiste : l'octroi du droit de vote aux étrangers non communautaires lors des élections locales.


Comme trop souvent, à défaut de véritable réflexion sur un sujet qui n'est pas aussi anecdotique que certains le pensent, Jean-Christophe Cambadélis préfère s'en tenir à des formules creuses reposant sur des raisonnements abstraits pour justifier une telle mesure. Ce faisant – et le procédé, qui ne fait pas honneur à ceux qui l'emploient, est un classique de l'argumentation socialiste –, il s'attache à renvoyer à l'extrême-droite les opposants au projet, présenté comme allant  « contre la tendance à la fermeture et à la stigmatisation de tout ce qui n’est pas de souche et qui, aujourd’hui, a le vent en poupe ».

La question est pourtant loin d'être aussi simple que ne le laisse penser le premier secrétaire du parti socialiste et remet en cause les fondements même du modèle républicain français, ce qu'a bien compris Jean-Luc Laurent, le président du MRC, qui s'est détaché de ses alliés socialistes sur cette question, comme sur bien d'autres. On notera d'ailleurs que le fait que le MRC, c'est-à-dire l'un des principaux héritiers de la tradition républicaine jacobine, se prononce clairement contre un tel projet alors même que les Verts, qui représentent l'avant-garde de la dérive libérale-libertaire d'une partie de la gauche française, en sont les plus grands défenseurs, est tout à fait révélateur de ce qui s'y joue.

Une question qui touche au cœur de notre conception de la République

mercredi 30 juillet 2014

Un pas vers la fin de l’hégémonie du dollar ?

C’est un évènement passé un peu inaperçu, mais qui représente pourtant potentiellement une avancée majeure dans la remise en cause de la suprématie monétaire étasunienne : la Chine, l’Inde, le Brésil et la Russie ont monté une banque concurrente du FMI dotée de 100 milliards de dollars.

 

Une remise en cause de l’impérialisme étasunien

« Le dollar, c’est notre monnaie mais c’est votre problème » : c’est par cette phrase que le secrétaire d’Etat au Trésor de Richard Nixon, John Connally aurait accueilli une délégation européenne inquiète des fluctuations du dollar depuis que l’administration étasunienne avait décidé de le laisser flotter. Il faut dire que, comme le rapporte Michel Aglietta dans la Tribune, le statut du billet vert est ambigu : à la fois monnaie d’un pays mais aussi principale monnaie des échanges internationaux, capitaux comme biens. Keynes avait promu une autre organisation (avec le bancor) au sortir de la guerre, mais Washington n’était guère partageur et avait préféré capitaliser sur sa domination du moment pour pousser à la mise en place d’un système monétaire à son avantage.

La réforme du Système Monétaire International est un serpent de mer depuis les évènements du début des années 1970. L’euro a logiquement échoué dans sa remise en cause du dollar comme la monnaie des échanges internationaux. Les Etats-Unis bloquent toute réforme du FMI qui remettrait en cause leur suprématie (donnant de facto un droit de regard à Washington sur tout plan du FMI). Mais l’absence de prise en compte du poids grandissant des pays émergents (les BRICS cumulent 10% des droits de vote pour 24% du PIB) a fini par les pousser à créer cette Nouvelle Banque de Développement, dotée de 100 milliards de dollars, basée en Chine et présidée par un Indien, une décision qui pourrait préfigurer un nouvel ordre monétaire.

Vers un nouvel ordre monétaire


Banzaï ! François Hollande ou l’agitation en guise de politique (billet invité)

Billet invité de l’œil de Brutus
 
Diantre ! La France portera donc en berne ses drapeaux pendant trois jours[i]. Le crash de l’avion d’Air Algérie semble ainsi avoir complètement monopolisé l’espace politique. Le président de la République intervient presque quotidiennement, les réunions ministérielles se succèdent (parfois plusieurs par jours) et au bout du compte on se sait plus vraiment qui est une chaîne d’information : I-télé ou l’Elysée ?

mardi 29 juillet 2014

Ce chaos libyen qui disqualifie le droit d’ingérence

Il y a trois ans, avec le soutien de la grande majorité de l’opinion publique, plusieurs pays étaient intervenus dans la guerre civile libyenne. Les récents évènements démontrent plus que jamais que l’ingérence, fût-elle drapée d’humanisme, est sans doute une erreur.

 
Purgatoire en enfer

Qu’il est loin le temps où Nicolas Sarkozy pouvait s’afficher fièrement comme le sauveur du peuple libyen. Cela fait trois ans que le pays ne parvient pas à se stabiliser. Comme le rapporte le Monde : « la violence en Libye, qui dure depuis des mois, a pris une nouvelle dimension. Plus de cent morts en deux semaines d’affrontement, des combats qui s’intensifient près de Tripoli et à Benghazi, une menace de voir exploser un gigantesque dépôt de carburant aux portes de la capitale, sur fond de coupures d’eau, d’électricité et d’internet, alors que se confirme l’absence d’autorité centrale et que les étrangers quittent le pays aussi vite qu’ils le peuvent ».

L’intervention de 2011, qui a permis la chute de Kadhafi, n’a laissé qu’un immense chaos, un pays sans Etat, où les bandes tribales s’affrontent pour le contrôle du territoire, faisant d’innombrables victimes. Le plus effarant est que la situation continue à se dégrader trois ans après, dans une descente aux enfers représentée aujourd’hui par le sort incertain de la capitale, mais aussi de la ville phare de la révolution d’il y a trois ans, Benghazi. Les évènements de 2011 ont précipité le pays dans une guerre civile tribale dont on se demande bien quelle pourrait être l’issue aujourd’hui et qui impose de se demander si la situation n’était pas finalement moins mauvaise avant 2011, même si l’on reconnaît tous les aspects révoltants du régime de Kadhafi.

La fin de l’ingérence ?

Incohérence politique et “Syndrome Malik-Oussekine » (billet invité)


Billet invité de Michel Colas

En quelques jours, nous venons d’assister à des scènes de violences urbaines comme nous n’en avions pas eu depuis longtemps. L’objet de ce billet n’est pas d’attribuer à tel ou tel camps la responsabilité de ces faits, mais d’essayer d’y voir plus clair sur la manière dont les autorités les ont appréhendés.


Tout d’abord, pour ceux et celles qui ne le savent pas, les manifestations sont soumises non à une demande d’autorisation, mais à une déclaration préalable dans laquelle, les organisateurs doivent mentionner un certain nombre d’éléments (coordonnées des organisateurs, nombres de personnes attendues, trajet emprunté, motif, etc.), qui permettront à l’administration de prendre les dispositions nécessaires au bon déroulement de la dite manifestation ou, dans le cas d’un risque grave à la sécurité des personnes et des biens, de l’interdire.  Dans le cas de la manifestation pro palestinienne interdite, la décision ne peut être que politique, le problème de sécurité ne pouvant  être invoqué (les violences ont été perpétrées en fin de manifestations comme dans la majorité des cas par une petite partie des participants).

lundi 28 juillet 2014

L’échec patent de l’austérité


Certains (Sapir en France, Krugman aux Etats-Unis) avaient prévenu que l’austérité n’est pas la voie pour sortir de la crise, qu’elle casserait la croissance et donc n’aurait qu’une efficacité très limitée puisque ce qui serait gagné d’une main serait perdu d’une autre. Nouvelle illustration avec un rapport de l’Assemblée.



La France et l’Europe victimes de l’austérité

Valérie Rabaud prolonge le débat déjà lancé il y a près d’un an par le Monde, qui avait dénombré par moins de 84 impôts nouveaux créés par Nicolas Sarkozy et François Hollande de 2011 à 2013. Elle a chiffré la hausse des prélèvements depuis 2008 et atteint le chiffre colossal de 69 milliards d’euros entre 2011 et 2013, à mettre en regard avec une baisse du déficit de seulement 16 milliards sur la même période. Le rapport chiffre précisément la hausse des prélèvements : 18 milliards pour 2011, 22 pour 2012 et 29 pour 2013. Il n’est pas peu piquant de constater le montant colossal des hausses d’impôts décidées par François Hollande, lui qui s’était fait élire pour davantage soutenir la croissance.

Voici donc une nouvelle preuve du manque de l’inefficacité criante de ces politiques d’austérité, aux si mauvais rendements. En effet, le déficit n’a baissé que de 16 milliards de 2011 à 2013, pour plus de 50 milliards de prélèvements additionnels (sans même compter les restrictions de dépenses avec le gel des rémunérations de la fonction publique), soit un rendement dérisoire d’environ 30%. La raison de cet échec est simple : le multiplicateur budgétaire. Comme l’admet même le FMI aujourd’hui, les mesures de baisses de déficit provoquent une baisse du PIB (pour un rapport compris entre 0,9 et 1,7), ce qui réduit les recettes fiscales, et donc réduit fortement la baisse des déficits initialement prévue.

Une leçon qui n’est pas tirée

samedi 26 juillet 2014

Le PS reste le parti des bisounours de l’immigration


Il faut vraiment lire l’interview du ministre de l’intérieur, Bernard Cazeneuve, dans Libération, pour se rendre compte à quel point rien n’a changé au PS depuis les années Jospin, malgré la claque de 2002. Le gouvernement a une vision totalement angélique et sans nuance de l’immigration.



Oui-oui en charge de l’immigration

L’interview de Bernard Cazeneuve est proprement hallucinante. Quelle meilleure illustration de cette « gauche » hors sol qui préfère désormais les immigrés aux ouvriers pour reprendre la critique de Jean-Claude Michéa, qui est pourtant du même camp à la base. Nous avons droit au couplet : « la France est une terre d’immigration et une terre d’asile. Elle doit le demeurer : les pays refermés sur eux-mêmes sont condamnés au déclin ». Puis, il soutient : « Il faut remettre de la rationalité dans ce débat : l’immigration peut être une opportunité pour la France, à condition d’être maîtrisée, que les étrangers admis soient intégrés, qu’ils respectent nos lois, et que l’accueil des talents soit favorisé ».

Passons sur la contre-vérité que constitue cette généralité superficielle et légère qui consiste à dire que les pays qui seraient fermés à l’immigration seraient condamnés au déclin. Les choses sont bien évidemment plus compliquées que cela. Ensuite, il est tout de même effarant de dire que « l’immigration peut être une opportunité pour la France » aujourd’hui. En quoi le serait-elle ? Le financement des retraites n’est pas une réponse car la démographie de notre pays n’est pas celle du reste de l’Europe. Et pour que les immigrés contribuent à ce financement, il faudrait qu’ils puissent trouver un emploi, ce qui semble tout de même très difficile avec 6 millions de chômeurs toutes catégories confondues !

Débattre sereinement de la question

vendredi 25 juillet 2014

Résultats des banques, rachats d’entreprise, hausse de la bourse : alerte à la bulle !


Début 2009, j’avais pronostiqué une nouvelle crise financière, que j’anticipais pour fin 2016 – début 2017. Malheureusement, il semblerait que tous les symptômes d’une nouvelle bulle continuent à s’additionner, comme le démontrent les dernières annonces de la bourse…



Envolée des profits des banques US

Les résultats du second trimestre des banques étasuniennes ont été excellents, contrastant étonnamment avec les déceptions des derniers chiffres du PIB. Le blog Investigationfinancière a compilé les résultats des principales banques et les chiffres sont effarants, même en se contentant d’examiner les résultats nets, et non opérationnels, qui, eux, excluent les éléments exceptionnels, comme les différentes amendes infligées par la justice. Goldman Sachs affiche 4 milliards de dollars de résultat net pour le premier semestre, sur 18,4 milliards de PNB (Produit Net Bancaire, l’équivalent du chiffre d’affaire pour les banques), soit 21,7% de résultat net sur chiffre d’affaire, un niveau de rentabilité qui en dit long sur la situation économique réelle des banques, d’autant plus qu’elles versent des salaires énormes.

JP Morgan affiche la bagatelle de 11,3 milliards de dollars de résultats nets pour le premier semestre, sur 49,2 milliards de PNB, soit 23% de résultats nets sur PNB. Morgan Stanley a annoncé 3,6 milliards de profits pour 17,5 milliards de PNB, soit 20,6% de résultats nets sur PNB. Il est tout de même très révélateur de constater l’homogénéité de résultats nets aussi énormes, compris entre 20 et 23% du PNB, ce qui révèle à la fois que leur activité est extraordinairement rentable, et finalement très peu concurrentielle sur les prix. Bien sûr, Citigroup a annoncé des résultats moins forts au second trimestre, mais cela vient principalement d’éléments exceptionnels. Ceci amène logiquement à se poser des questions sur notre modèle économique, qui créé une situation de rente phénoménale pour ces banques.

D’autres facteurs de surchauffe

jeudi 24 juillet 2014

Baccalauréat : la grande braderie en graphique





Soldes sur les mentions

En 1974 comme en 1989, 5% des bacheliers décrochaient une mention bien et 1% une mention très bien. En revanche, seulement 20% des bacheliers décrochaient une mention assez bien en 1989, contre 38% en 1974. Il faut sans doute y voir en partie une conséquence de la forte augmentation de la proportion d’une génération atteignant le bac. Mais depuis 1989, la proportion de mentions a explosé alors même qu’une proportion grandissante de la population atteint le bac. Les mentions très bien, confinées à 1% des lauréats jusque là, ne cesse de grimper, passant à 3% en 2004, 7% en 2010 et même un incroyable 12% en 2014 (deux fois la part de mentions très bien et bien en 1989). Difficile de croire qu’il y aurait quatre fois plus de jeunes bacheliers qui l’auraient décroché avec les standards d’il y a 25 ans.

L’envolée concerne également la mention bien, passée de 5 à 18% en un quart de siècle. Alors que 6% des bacheliers décrochaient la mention bien ou très bien en 1989, ils sont la bagatelle de 30% aujourd’hui, 5 fois plus qu’une génération avant ! Même la mention assez bien progresse, plus marginalement, puisqu’elle a été attribuée à 28% des bacheliers en 2014 contre 20% en 1989. Alors, seuls 26% des bacheliers avaient une mention. Ils sont aujourd’hui 58%. Comment ne pas y voir une illustration de cette pensée « pédagogiste » qui consiste à refuser toute source potentielle de tension pour les élèves et qui pousse certains à envisager purement et simplement la suppression des notes ou du baccalauréat pour en finir avec un système qui serait inutilement trop dur et même traumatisant avec les enfants.

Une voie sans issue

mercredi 23 juillet 2014

Le sempiternel retour du débat sur l’euro cher


Le débat sur la valeur de la monnaie unique européenne ne semble pas prêt de s’arrêter. Déjà, avant la crise de 2008, Louis Gallois, alors patron d’EADS, la maison mère d’Airbus, s’en plaignait. Aujourd’hui, son successeur le fait également, de même que le patron du Medef.



Un niveau toujours trop élevé

Début 2008, Louis Gallois avait justifié l’incorporation d’une part grandissante de composants fabriqués en zone dollar pour assurer la compétitivité d’Airbus. C’est ainsi que l’avionneur européen a choisi Spirit, aux Etats-Unis pour une grande partie du fuselage de son dernier né, l’A350. C’est aussi pour cette raison qu’Airbus a besoin de construire des usines d’assemblage en dehors d’Europe, en Chine, mais aussi aux Etats-Unis, pour ne pas perdre la main face à Boeing. Le problème est qu’à chaque fois, cela signifie que les pays de la zone euro perdent des emplois, qui plus est, hautement qualifiés, et souvent plutôt bien payés. Bref, l’euro cher a un lien direct avec le niveau du chômage.


Mission impossible pour monnaie unique

mardi 22 juillet 2014

Israël, Palestine, France : le cercle vicieux de l’extrémisme


Tout semble avoir repris par l’assassinat de trois jeunes colons israéliens, montrant que tous les problèmes sont intriqués et qu’il ne saurait y avoir un seul responsable. Depuis Gaza, les bombardements contre Israël ont repris. L’Etat hébreu, qui poursuit une scandaleuse politique de colonisation, a répliqué par une vaste offensive. Et des manifestations de soutien à la Palestine en France ont dégénéré.



L’offensive des extrémistes

Les extrémistes sont partout. En Palestine, quand ils tuent trois colons ou qu’ils bombardent les territoires israéliens. En Israël, quand l’Etat colonise le territoire palestinien, le maintient dans un état  de dépendance intolérable et profite de sa plus grande force pour écraser toute rébellion palestinienne. En France, quand des fanatiques s’en prennent à des synagogues. Et ces extrémismes se nourrissent les uns les autres. Les actes terroristes contre les juifs renforcent l’intransigeance d’un Israël toujours aussi « sûr de lui et dominateur », rétif à toute modération et exploitant sa plus grande force pour imposer sa volonté, en oubliant qu’il ne sera pas toujours le plus fort. Le comportement d’Israël nourrit le terrorisme et les dérives des manifestations en France. Et ces dernières expliquent en partie le discours déséquilibré du gouvernement, comme le disent Nicolas Dupont-Aignan ou Marie-Françoise Bechtel.

Mais dire que les comportements extrémistes des uns nourrissent les comportements extrémistes des autres ne revient en aucun cas à les justifier. Je les condamne tous autant. Mais je pense qu’il est essentiel de noter à quels points ils sont tous liés les uns aux autres. C’est parce qu’Israël est adepte de la loi du plus fort, au mépris de l’intégrité et de l’honneur des palestiniens, que l’hydre antisémite retrouve une jeunesse sous de nouveaux visages, que ce soient Alain Soral, Dieudonné, les casseurs des derniers jours ou ceux qui osent comparer Israël à Hitler… Et c’est parce qu’Israël est victime d’actes terroristes ignobles que les partisans d’une voie sans issue peuvent aujourd’hui l’emporter à Tel Aviv, menant la pays et la région dans un engrenage sanguinaire, inhumain et sans fin.

Condamner tout extrémisme

dimanche 20 juillet 2014

Faut-il réhabiliter le quinquennat ?


Il y a une semaine, L’Oeil de Brutus a attribué au passage au quinquennat une part de responsabilité dans la déliquescence de la Cinquième République. Un argument qui parle aux gaullistes, qui, comme moi, ont voté contre le changement de durée du mandat présidentiel. Et si ce n’était pas la bonne cible ?

La pratique ou la durée ?

S’il est bien logique qu’un mandat de sept ans pousse à davantage se soucier du long terme qu’un mandat de cinq ans, et que la non-cocomitance du mandat présidentiel et du mandat de l’Assemblée instaurait deux temps différents, le septennant poussant à un président plus arbitre, le quinquennat risquant de le pousser à une position de premier ministre bis, les dernières décennies incitent à la méfiance. En effet, Valéry Giscard d’Estaing, pourtant élu pour sept ans et non cinq, n’a-t-il pas été un précurseur du président qui se mèle de tout, brouillant la distinction avec le Premier Ministre, ravalé avant l’heure au stade de « collaborateur ». A contrario, le quinquennat de Jacques Chirac s’est passé en respectant bien la division des tâches originelles de la Cinquième République, malgré un mandat plus court.

Bref, prendre ces deux exemples pousse à relativiser les avantages et les inconvénients théoriques des deux mandats en montrant que plus que la durée du mandat présidentiel, c’est peut-être plus la conception du pouvoir qui prime, un quinquennat pouvant être mené selon l’esprit du Général de Gaulle, du point de vue du partage du pouvoir exécutif au moins, tandis qu’un septennat peut être mené avec les mêmes défauts que l’Oeil de Brutus attribue plus généralement au quinquennat. J’ai fini par acquérir la conviction que les dérives de notre vie politique sont beaucoup plus les conséquences des comportements des personnes qui nous gouvernent plutôt que de nos institutions, ou même des évolutions de nos institutions, même quand je les ai combattues, comme je l’ai fait à l’époque du référendum.

En défense du quinquennat

vendredi 18 juillet 2014

BNP-Paribas : « proche d’un racket d’extorsion » pour The Economist !


Ce n’était pas un allié auquel je m’attendais, mais la lecture du compte-rendu de l’accord entre BNP Paribas et la justice étasunienne par The Economist, l’hebdomadaire des élites globalisées, pourtant très favorable par principe aux Etats-Unis, apporte de l’eau à mon moulin.



Un abus de pouvoir caractérisé

Quelle agréable surprise que la lecture des deux papiers de The Economist consacrés à l’accord passé par BNP Paribas avec la justice étasunienne dans son édition daté du 5 juillet. Le journal donne une importance particulière à cette affaire puisqu’il y consacre un papier dans sa première section, consacrée aux principaux évènements de la semaine « Pas une façon de traiter un criminel », qui donne le ton, suivi d’un autre article dans la section finance, intitulé « La punition capitale ». Cette prise de position me surprend en partie car The Economist a tendance à soutenir l’impéralisme étasunien et a plusieurs fois indiqué que Washington pouvait chercher à imposer ses vues à la planète, du moment qu’elles servent sa conception du monde. Du coup, le journal n’est guère sensible à l’argument d’extraterritorialité.

Mais il questionne la mesure de la justice étasunienne : « la banque française méritait une sanction, mais le système légal des Etats-Unis est proche d’un racket d’extorsion ». The Economist insiste sur le fait que BNP Paribas a aidé un régime monstrueux. Il soutient qu’il « est également vrai que les transactions en cause n’avaient rien à voir avec les Etats-Unis, mais parce qu’elles étaient en dollars, elles devaient être arbitrées à New York, ce qui a permis aux hommes de lois étasuniens de mettre un pied dans la porte ». Il poursuit « même si BNP Paribas mérite pleinement sa sanction, le système légal qui l’a produit est plus proche d’un racket d’extorsion que de la justice (…) Tout processus qui peut faire paraitre les affaires de la BNP avec le Soudan autrement qu’une honte, doit définitivement être très défectueux ».

Entre gris clair et gris foncé

jeudi 17 juillet 2014

Les plaques d’immatriculation, paraboles de cette mauvaise Europe


Pendant les vacances, beaucoup d’entre nous faisons des kilomètres sur la route. L’occasion d’observer les plaques d’immatriculation de nos véhicules, actuelles, mais aussi anciennes. Une des meilleures illustrations de ce qui ne va pas dans cette construction européenne.



Petit rappel historique

Bien sûr, les eurobéats trouveront que les plaques d’immatriculation ne sont qu’un détail insignifiant de nos vies. Cependant, il n’est pas inintéressant de constater l’évolution d’un de ces symboles de notre vie en société. Il y a quelques décennies, les plaques françaises étaient noires, avec l’immatriculation indiquée en blanc. Déjà, il y a environ 20 ans, au nom de l’Europe, une première standardisation fut instaurée, avec des plaques blanches devant, et l’immatriculation en noir, avec un petit bandeau bleu comprenant en haut les étoiles européennes et en dessous la lettre du pays. On peut déjà voir dans cette première évolution un double sens. Le premier, qui place l’Europe au-dessus du pays, semble instaurer une hiérarchie entre les deux. Ensuite, le pays est ravalé à une simple lettre quand l’UE est représentée par son drapeau, comme si le seul pays d’attachement des citoyens de l’UE était l’Europe.



Déjà, quand j’ai eu ma première voiture, la première chose que j’ai faite a été de cacher ce drapeau dont je ne voulais pas. Puis, est venue la nouvelle plaque d’immatriculation européenne, avec la standardisation de l’immatriculation des véhicules dans l’UE. Dans un premier temps, elle devait supprimer toute référence au numéro du département et ne comporter que le bandeau bleu de gauche, où les étoiles européennes trônent au-dessus de l’Etat, ravalé à une simple lettre. Après d’intenses polémiques, la France a décidé d’ajouter un second bandeau bleu, à droite, avec la mention de la région mais aussi le numéro du département. Cette dernière trône au dessus du second, un autre symbole qui montre bien les préférences des concepteurs de cette nouvelle plaque d’immatriculation, d’inspiration euro-régionaliste.



Ce que cela dit de cette Europe

mercredi 16 juillet 2014

Finance, code du travail : les blagues révélatrices de Michel Sapin


Michel Sapin occupe aujourd’hui le poste qu’il occupait en 1992 sous François Mitterrand, au ministère du budget. Il est sans doute un représentant parfait de ce PS qui n’a plus de socialiste que le nom, comme il le démontre peut-être malgré lui à travers deux sorties sous forme de boutades.



De la finance et du code du travail

Il y a quelques mois déjà, le ministre s’était fait remarquer par une réponse assez surprenante à une question sur la lourdeur du code du travail, en disant que pour en réduire le nombre de pages, il suffisait de diminuer la taille de la police de caractère. On reste perplexe devant une telle déclaration, pas très drôle et qui ne semble pas avoir sa place dans la bouche d’un ministre de la République dont on pourrait attendre qu’il explique que le code du travail permet aussi de protéger les salariés en ces temps de loi de la jungle économique, mais qui aurait aussi pu reconnaître qu’il était prêt à étudier des simplifications si celles-ci facilitaient la vie de tous sans déconstruire notre modèle social, et que, par conséquent, cela devait être fait d’un commun accord entre le patronat et les syndicats par exemple.

Il y a quelques jours, le ministre du budget a fait une étonnante déclaration en se déclarant « l’ami de la finance » mais en précisant qu’il parlait de « la bonne finance ». Cette introduction d’un qualificatif au terme « finance » est sans doute un moyen d’embrouiller le débat. Néanmoins, cela contredit une nouvelle fois la déclaration de campagne de François Hollande qui avait fait de la finance son ennemi. Certes, il n’y avait pas grand chose à y attendre puisque, quelques jours après, le candidat avait donné une interview au Guardian à Londres pour rassurer les milieux financiers en soulignant à quel point les gouvernements socialistes précédents avaient encouragé la libéralisation.

Ce que cela dit sur le gouvernement

mardi 15 juillet 2014

BNP Paribas : les deux oublis de Lordon et Berruyer


Décidément, l’amende acceptée par BNP Paribas déchaine les passions sur Internet. Encore une fois, de nouveaux éléments ont été portés au débat dans mon papier de la semaine dernière, qui était lui-même une réponse aux commentaires sur mon papier sur l’Argentine.



Lordon et Berruyer n’ont pas tort

Je remercie les commentateurs de m’avoir indiqué les papiers de Frédéric Lordon et Olivier Berruyer, que j’estime beaucoup, qui donnent une perspective différente à ce débat. Frédéric Lordon s’en réjouit pour deux aspects cohérents avec son discours (et sur lequel je le rejoins) : l’affirmation de l’autorité de l’Etat sur le capital mais aussi la sanction d’une finance peu regardante avec l’argent qu’elle fait. Et ces points sont justifiés. Dans ce monde où l’on négocie un traité transatlantique qui pourrait mettre les multinationales sur le même plan que les Etats, il n’est pas inintéressant de constater qu’un Etat, fusse-t-il le plus puissant (ce qui limite tout de même un petit peu la portée de la démonstration de Frédéric Lordon), impose une amende de 9 milliards à une banque. Et on se demande s’il ne serait pas possible pour la banque d’aller contester ceci devant un tribunal spécial (le fameux RDIE) dans un prochain avenir…

Olivier Berruyer, qui argumente toujours de manière très documentée et rationnelle, souligne que BNP Paribas ne peut pas être très fière de ce qu’elle a fait en devenant l’un des principaux financiers du Soudan. Et il note justement que la banque avait conscience du danger légal puisqu’elle camouflait ces transactions pour éviter que les Etats-Unis en soient au courant. Et sur le fond, moi, qui suis un critique régulier du monde de la finance depuis l’ouverture de mon premier blog, je suis parfaitement d’accord pour dire que la finance doit être sanctionnée quand elle commet des actes répréhensibles par les juridictions des endroits où ces actes ont été commis. Et je n’ai pas d’état d’âme face à des banques qui utilisent largement les parasites fiscaux pour contourner les règles et les impôts. Je suis partisan d’une réglementation beaucoup plus stricte du monde financier pour éviter toutes les dérives passées.

Les angles morts de leur argumentation

lundi 14 juillet 2014

Montebourg : de la démondialisation à la pensée unique ?


En prévision du discours du ministre de l’économie, j’ai fait un papier publié par le FigaroVox : « Toujours des mots, encore des mots », où je dénonçais le grand écart entre le discoure du troisième de la primaire socialiste. Il apparaît que cet écart s’est bien réduit, mais pas pour les bonnes raisons…



Des paroles et des actes

Bien sûr, on peut retenir du discours du ministre de l’économie des aspects positifs : sa critique de l’euro cher et sa demande d’action de la BCE, sa critique des politiques austéritaires de l’Europe, en se référant aux dernières études du FMI mais aussi la tonalité plus positive et volontariste, qui semble redonner ses lettres de noblesse à la politique et notamment son idée de passer de « pompier urgentiste à bâtisseur ». Mais cette vision des choses est sans doute un peu trop idéaliste. D’abord, il faut quand même reconnaître que les critiques du niveau de l’euro sont vaines, et que Nicolas Sarkozy nous l’a fait avant, sans doute un moyen de s’éxonérer un peu des difficultés actuelles à bon compte.

Ensuite, il est pour le moins paradoxal de critiquer les politiques d’austérité après l’avoir mise en place. En fait, juste après son élection, François Hollande a mis en place des hausses d’impôt aussi massives que Nicolas Sarkozy, ce qui a cassé la croissance des années suivantes. Bref, Arnaud Montebourg est complice des politiques qu’il dénonce. Ensuite, il s’est vanté de son intervention sur Alstom. Mais dans la pratique, GE a bien dévoré Alstom et récupéré environ les trois quarts de l’activité énergie d’Alstom (au lieu de la totalité) donc l’intervention du gouvernement a été moins bonne que celle de Nicolas Sarkozy quand ce dernier était ministre de l’économie. La réalité infirme largement son discours…

Un vrai virage idéologique

dimanche 13 juillet 2014

Béziers : l’hommage révoltant à l’OAS de Robert Ménard


Lors des élections municipales, Robert Ménard a été l’une des attractions du scrutin puisqu’il a remporté la plus grande ville gagnée par une personne soutenue par le Front National. Adepte de la provocation, il s’est encore fait remarquer par un hommage qu’il a rendu le 5 juillet dans sa ville.



Souvenirs d’Algérie…

Bien sûr, le parcours de la famille de Robert Ménard, pied noir, explique sans doute en partie pourquoi il a choisi de rendre un tel hommage. Mais cela ne le rend pas pour le moins choquant, surtout de la part d’un élu de la République. En effet, il a prononcé un discours et s’est incliné sur un stèle du cimetierre de Béziers qui rend hommage à quatre morts de l’OAS, deux à l’origine de l’assassinat du commissaire d’Alger, le fondateur des commandos Delta et Jean-Marie Bastien-Thiry, organisateur de l’attentat manqué contre le Général de Gaulle au Petit-Clamart. Le maire de Béziers se défend : « ce n’est pas une stèle en l’honneur de l’OAS, mais de fusillés comme il y en a tant eu, avec un certain nombre de noms qui figurent sur cette plaque. Je suis né à Oran, mon père a failli être tué ce jour-là. Il y a un déni de réalité sur ce qui s’est passé… Les critiques ? Je m’en contrefiche ».

Sa ligne de défense est tout de même contradictoire puisqu’il commence par nier l’aspect politique tout en finissant par y retomber en parlant de « déni de réalité sur ce qui s’est passé ». Même s’il faut reconnaître que beaucoup ont souffert, de tous les côtés, il n’en reste pas moins effarant qu’un élu de la République rende un hommage à une organisation terroriste qui était alors en lutte contre la France, signe d’un profond mépris de notre histoire et de ce que nous sommes. C’est aussi une façon de mettre du sel sur les plaies de notre histoire mais aussi de raviver les tensions au sein de notre société, finalement une démarche assez peu surprenante de la part d’une personne qui a été élue avec le soutien de l’extrême-droite et qui a pris quelques proches plus extrêmes encore que le FN !

Un acte anti-gaulliste

Quinquennat et déliquescence de la Ve République (billet invité)


Billet invité de l’œil de Brutus.

M. Jean Massot publiait il y a peu une tribune sur le site du Monde pour défendre le système de mandat à 5 ans du président de la République (Le quinquennat n'a pas à être le bouc émissaire de la désaffection à l'égard du politique).


Il faut bien l’avouer : une bonne partie de ses arguments en eux-mêmes sont justes.
Ainsi, l’hyper-présidentialisation et la personnalisation du combat politique ne sont pas des tares spécifiques au quinquennat. La médiatisation et la « people-isation » du politique y sont bien plus pour quelque chose. De même, la bipolarisation politique de notre pays est bien antérieure à l’instauration du quinquennat.

samedi 12 juillet 2014

UMP et Sarkozy : fête de la violette, défaite de la politique


Alors que les révélations les plus extravagantes suivent les plus triviales ou insignifiantes, une partie de l’UMP semble vouloir répondre à la tempète en se regroupant autour de l’ancien président de la République, comme l’a démontré l’extraordinaire fête de la violette d’il y a quelques jours.



La charge des groupies

Il faut vraiment lire le compte-rendu du Monde, qui laisse pantois. Guillaume Peltier, formateur bien payé d’élus du parti, a parlé de Nicolas Sarkozy comme d’un « homme violemment attaqué et persécuté » ! Rien que cela ! Rachida Dati a affirmé que « ceux qui empêchent le retour de Nicolas Sarkozy doivent savoir que l’on sera présents ». Geoffroy Didier, le coûteux conseiller de Brice Hortefeux, a accusé les barons du parti d’entretenir des « divisions mortifères ». Pour lui, « l’UMP, ce n’est plus les barons, c’est vous les militants ». De moins en moins nombreux cependant… Brice Hortefeux a conclu : « Nicolas Sarkozy ne renonce jamais ! Ceux qui cherchent à l’atteindre, en espérant que cela le fera renoncer se trompent. Cela ne fait que renforcer sa détermination ». Nadine Morano ose affirmer qu’elle ne voit pas de lien entre Bygmalion et la campagne du président sortant, malgré les évidences accumulées.

Bien sûr, dans l’adversité, il est réconfortant de pouvoir compter sur les siens, mais la ligne de défense sans nuance et sans la moindre admission d’une quelconque erreur du camp sarkozyste semble surréaliste. Que penser de soutiens, dont de nombreux anciens ministres de l’ancien président, qui semblent décrocher leur cerveau pour tenir un tel discours ? Bien sûr, la politique implique de savoir tenir sa langue et de défendre son chef, mais là, l’exagération discrédite leur parole pour toute personne qui n’est pas une groupie de l’ancien président ou un opposant tellement hostile à l’équipe actuelle au pouvoir qu’elle persiste, malgré le visage détestable présenté par l’UMP, à préférer l’ancienne majorité à l’ancienne. Et cela est d’autant plus effarant que certains de ses défenseurs trainent leurs casseroles.

Une vision tribale de la politique