samedi 31 octobre 2015

Les paradoxes du ralentissement de la croissance mondiale

L’annonce d’une croissance de seulement 1,5% du PIB des Etats-Unis au troisième trimestre est un nouvel exemple du ralentissement de la conjoncture mondiale, avec le krach boursier chinois et le ralentissement des pays émergents. Quelles conséquences pour la France ?



Prélude à une nouvelle crise ?

A la fin de l’été, lorsque les bourses Chinoises finissaient leur atterrissage, certains, comme Jacques Attali, y voyaient le prélude à une nouvelle crise, le Lehmann de 2015. Même si on ne peut jamais être sûr de rien en cette matière, beaucoup d’éléments permettaient alors de relativiser. Cependant, la baisse de la croissance touche tous les pays émergents, dont beaucoup dépendent de l’exportation de matières premières dont les prix sont plutôt à la baisse. La chute de la croissance outre-Atlantique peut faire craindre à une chute globale de la croissance, au moment même où les pays européens retrouvaient quelques couleurs. Allons-nous être entrainés dans le ralentissement de l’économie mondiale, comme beaucoup le craignent ? Mais les chiffres des derniers mois semblent pourtant confirmer la reprise.

En effet, et c’est le paradoxe de ce ralentissement global, non seulement l’Europe pourrait bien ne pas en être victime, mais au contraire même en profiter. Plusieurs raisons pour cela. D’abord, cela maintient des politiques monétaires extrêmement accommodantes, entre taux d’intérêt proches de zéro dans les pays dits développés, et en baisse ailleurs, en Chine notamment, et création monétaire toujours forte en Europe ou au Japon. En effet, si la croissance avait accéléré, les banques centrales auraient durci leurs politiques, ce qui serait venu trop tôt pour l’Europe. En outre, le montant des exportations hors Europe du continent est limité et sa moindre croissance ne pèsera que de manière modérée sur la croissance européenne, qui profite, en revanche de la baisse de l’euro et des matières premières.

Des risques toujours présents

vendredi 30 octobre 2015

Heureux coup d’arrêt pour la charte sur les langues régionales




Le Sénat met son veto

Cette charte européenne des langues régionales est malheureusement une ancienne histoire, puisqu’elle date de 1992, la même année que le sinistre traité de Maastricht, porteur de la monnaie unique et l’espace Schengen. Déjà, en 1999, quand la France, alors gouvernée par Lionel Jospin, n’avait pu la signer qu’en l’accompagnant « d’une ‘déclaration interprétative’ qui en limitait la portée afin de ne pas déroger à nos principes constitutionnels ». En effet, il y a plusieurs années, le Conseil d’Etat avait émis un jugement défavorable sur ce texte européen. Depuis, la ratification est bloquée car elle nécessite une réforme de la Constitutions, et donc le vote identitique de l’Assemblée et du Sénat puis une majorité des trois cinquièmes du Congrès. Pourtant, François Hollande en avait fait la promesse.

L’an dernier, l’Assemblée Nationale, avec sa majorité de gauche hostile à la nation et toujours partante pour l’affaiblir au détriment de l’Europe et des collectivités locales, a voté une proposition de loi visant à la ratifier. Il y a quelques jours, quelques petites manifestations ont eu lieu pour soutenir la ratification : à Arles, dans un cortège de 2000 à 3000 personnes, on croisait le PS, Christian Estrosi, et Marion Maréchal Le Pen. Le FN n’a décidemment aucune cohérence dans son positionnement : outre le 180° économique, il est jacobin à Paris et régionaliste en région, en somme, aussi politicien que le PS et les ex-UMP qu’il dénonce. Mais le Sénat a bloqué cette idée funeste en coupant court au débat.

Une idée totalement funeste

jeudi 29 octobre 2015

Master class en management (billet invité)

Billet invité de Marc Rameaux, auteur du Portrait de l'Homme moderne


Jeune ambitieux écoute moi. Apprends la leçon d’un maître en la matière. Je vais t’enseigner les recettes du succès dans notre monde post-moderne, qui te mèneront infailliblement aux plus hautes fonctions.


Car seul le poste compte, nullement la responsabilité censée l’accompagner. Détache-toi totalement de ces notions surannées que sont la responsabilité et le devoir. Fais les endosser par d’autres, tant qu’il y aura encore des hommes assez bêtes pour y croire.


En revanche, donne toutes les apparences de la responsabilité, d’autant plus que tu n’y auras pas pris la moindre part, et tu capteras ainsi le fruit de l’effort et de l’engagement des autres.


Retiens bien, dès à présent, la leçon qui va suivre.


Il est beaucoup plus rentable de t’approprier le travail d’autrui que de l’effectuer toi-même


mercredi 28 octobre 2015

La très discrète remontée de Hollande dans les sondages

Bien sûr, alors que François Hollande pointe à la troisième position des sondages pour le premier tour de l’élection présidentielle, ceci peut sembler incroyable. Pourtant, pour qui prend le recul et prend la peine d’étudier une année de sondages, on y décèle une évolution surprenante.



Une avalanche de sondages à sens unique ?


Et si on remonte encore plus loin, en septembre 2014, Marine Le Pen était donnée entre 28 et 30%, contre 24 à 25% pour les candidats possibles de l’UMP, Nicolas Sarkozy et Alain Juppé, François Hollande étant seulement à 16 ou 17%, la présidente du FN étant même donnée gagnante contre le président sortant, par 54% des voix ! De manière amusante, un an après, le Figaro publiait un même sondage en oubliant de noter le grain de trois points du président de la République. Bref, on peut voir dans ces résultats la persistance d’une perspective d’élimination dès le premier tour pour Hollande, ce qui semble logique avec son bilan et l’image assez désastreuse qu’il a auprès de la grande majorité des Français.

Quelques tendances souterraines

mardi 27 octobre 2015

Et comme par hasard, le chômage baissa

En septembre, le nombre de chômeurs de catégorie A a baissé de 23 800. Heureux hasard pour un président qui a lié son sort à l’évolution du chômage. Sauf que ce chiffre en cache d’autres moins reluisants et que la méthode de comptage a changé cet été. Alors, arnaque ou vraie éclaircie ?



Hollande, le Majax du chômage ?

Cela fait 7 ans que le chômage n’avait pas baissé aussi fortement en un seul mois. Et comme le souligne la ministre du travail « pour la première fois depuis 2011, le nombre de demandeurs d’emploi en catégorie A a reculé sur 4 mois ». Pour un peu, on pourrait y voir une forme de début de succès pour le président. Mais il y a beaucoup de bémols à apporter. D’abord, il faut quand même rappeler que c’est sous ce président que le nombre de chômeurs a battu un nouveau record. D’ailleurs, il reste encore plus de 3,8 millions de chômeurs de catégorie A, un chiffre d’autant plus colossal que si on inclut les personnes exerçant une activité partielle, alors la France compte 5 727 300 chômeurs. Pire, ce nombre continue à grimper (+ 1 800 ce mois-ci), soit une progression de 5,6% sur un an pour tout le territoire.

Autre résultat calamiteux, le nombre de chômeurs de longue durée continue de progresser, à 2 428 100 personnes, une hausse de 1% sur un mois et 10,4% sur un an. Des chiffres qui montrent que l’exclusion du marché du travail est de plus en plus violente et difficile. En outre, il faut rappeler que le gouvernement a changé en plein été la méthode de comptabilisation du nombre de chômeurs, ajustement dont il est difficile d’imaginer qu’il n’était pas sans arrières-pensées. D’ailleurs, pour le mois de juin, le nombre de chômeurs ne progressait que de 1 300 avec la nouvelle méthode, contre 11 300 avec l’ancienne… Difficile donc de ne pas voir dans les résultats du mois de septembre les résultats d’un tripatouillage des chiffres destiné à améliorer artificiellement les chiffres du chômage, souvent oublié.

Et si la conjoncture se retournait ?

lundi 26 octobre 2015

Alcatel et Alstom : signes de l’abandon de l’industrie par nos dirigeants

Il y a 20 ans, Alcatel-Alsthom était un de nos fleurons industriels, une des premières entreprises du CAC 40 par la capitalisation. Après les errements de Serge Tchuruk, qui voulait inventer l’entreprise sans usine, elle a été coupée en deux, avant d’être rachetée et dépecée sous le mandat de Hollande.



Dernière ligne droite du dépeçage

Il est assez effarant que le gouvernement ait laissé General Electric racheter et dépecer un de nos fleurons industriels, à qui on doit notamment le TGV, se contentant d’arbitrer entre deux maux, le rachat par Siemens ou par le géant yankee. Bien sûr, certaines choses ont été négociées, GE a annoncé quelques embauches et Emmanuel Macron se pose en garant des accords dérisoires passés par l’Etat. Mais dans le fond, ce que l’Etat a laissé faire, c’est le rachat d’une de nos plus belles entreprises industrielles par un groupe étranger, et on sait ce que cela signifie pour nos intérêts, quand on voit le destin d’Arcelor, désormais contrôlé par Mittal ou Pechiney, racheté par Alcan. Ici, droite comme gauche sont responsables de ce désastre industriel, mais cette majorité est responsable de la disparition d’Alcatel et Alstom.


Le sens de cet abandon

Le monde selon Alain Minc (billet invité)


Ce monde qui vient, Alain Minc, Grasset 2004.


Billet invité de l’œil de Brutus

Lire les miscellanées périodiques (en général annuelles, sinon bisannuelles : le nègre, s’il en est un, de M. Minc a la plume leste, au point qu’il peut lui arriver d’aller chercher l’inspiration ailleurs[i]) n’a, sur l’instant, généralement pas beaucoup d’intérêt puisqu’on y trouve l’essentiel des poncifs de la pensée unique néolibérale du moment.

Avec le recul du temps, l’intérêt est bien plus marqué car on ne peut que constater comment les maîtres à penser des grands médias passent leur vie à se tromper[ii]. Ce qui ne les empêche en rien de récidiver.
  
Un monde américain

Dans Ce monde qui vient, paru en 2004, Alain Minc fait ainsi un éloge presque sans borne des Etats-Unis, de son système financier (en particulier sa résilience !), du rôle joué par la FED et même de son système éducatif en fantasmant sans vergogne sur une oligarchie planétaire formée dans les universités américaines (notamment pages 22-23) ! Les Etats-Unis seraient ainsi un fantastique « pays-monde », représentant et reprenant toute la diversité planétaire en son sein, une mondialisation à eux seuls, prémices de ce fabuleux monde unifié « qui vient ». Un pays d’ailleurs tellement ouvert  que, comme le relève lui-même l’auteur – qui n’est pas à une contradiction près – les deux tiers des membres de la Chambre des Représentants n’ont pas de passeport (page 32).

dimanche 25 octobre 2015

Bons et mauvais procès faits à Marine Le Pen




Des médias et de la liberté de parole

Ma critique de l’annulation de sa venue jeudi soir sur France 2 a déclenché un torrent de commentaires de défense de sa position, y compris par des non sympathisants. Etonnament, le Monde lui tire son chapeau en disant qu’elle a « montré sa maitrise de l’outil médiatique » et « sait jouer avec l’outil en le contournant au besoin et en misant sur Internet ». Mais je persiste à penser qu’elle a fait une erreur, et pas seulement pour les personnes qui lui sont hostiles, comme moi. Même si le programme a été changé au dernier moment, il n’était pas illégitime qu’elle affronte les deux autres têtes de liste de sa région. Et il est tout sauf évident que ses électeurs jugent favorablement cette reculade devant l’obstacle. Enfin, je persiste à penser que cela révèle une vision des médias pas très démocratique.

Par ailleurs, le procureur de la République a réclamé la relaxe pour Marine Le Pen pour avoir comparé les prières de rue à l’Occupation nazie. Pour lui, elle n’a fait « qu’exercer sa liberté d’expression ». Le jugement a été mis en délibéré au 15 décembre. Et même si j’avais condamné alors ses propos et que leur teneur fait justement partie des éléments qui classent le FN est un parti d’extrême-droite, en revanche, je ne pense pas qu’il soit souhaitable que Marine Le Pen puisse être condamnée pour ces propos. Que les électeurs, comme moi, la jugent indigne du pouvoir pour de telles déclarations, c’est la loi de la démocratie. Mais, qu’elle soit condamnée pour les tenir, cela me semble excessif, comme l’instauration d’une censure un peu totalitaire qui ne me semble pas respecter les valeurs démocratiques.

Les critiques que l’on oublie trop

samedi 24 octobre 2015

Que penser des gestes de la BCE et de la Banque de Chine ?




Stéroïdes pour les marchés

Le jugement des marchés a été unanime : le CAC 40 a pris plus de 200 points, dépassant les 4900 points, alors qu’il était tombé à un peu plus de 4300 au cours du mois de septembre, se rapprochant des plus hauts de l’année. Aux Etats-Unis, le Dow Jones a repassé le cap des 17 000 points. Les taux longs sont passés sous le cap des 0,8% en France, au plus bas depuis le printemps. Il faut dire que les politiques monétaires accommodantes des banques centrales profitent doublement au secteur financier. D’abord, en baissant le coût de l’argent, il regonfle les marges des banques et facilite le financement de tous les investissements, ce qui profite aussi au secteur financier par la multiplication des opérations industrielles (AB-InBev ou toutes les opérations de Patrick Drahi) et les restructurations qui en suivent.

Cet argent pas cher finance également les rachats d’action. Bref, parce que l’argent pas cher va d’abord à ceux qui en ont déjà, la réaction des marchés est logique puisqu’il s’agit pour eux, et les multinationales, de l’équivalent d’une baisse du prix de l’essence qui fait tourner la machine du capitalisme dérégulé. Avec les crédits faciles et bon marché, le capitalisme actionnarial dérégulé bénéficie du meilleur des carburants. Bien sûr, il ne faut nier que quelques misérables gouttes retomberont sur l’économie réelle, la bulle produisant un peu plus d’investissement, d’autant plus que l’euro reste bon marché et que les faibles taux ne profitent pas qu’à la finance, mais aussi au crédit à la consommation… Cela compensera temporairement, et quelque peu, les ravages de la désindustrialisation et des restructurations.

Nouvelle alerte à la bulle

vendredi 23 octobre 2015

DPDA : la faute de Marine Le Pen

Hier, Marine Le Pen était l’invitée de Des Paroles et Des Actes sur France 2. Après des jours de polémique sur sa participation à quelques semaines des élections régionales, le service public a annoncé à la dernière minute avoir invité ses deux principaux rivaux pour décembre. Du coup, elle n’est pas venue.



Abus de mauvaises polémiques

La nouvelle invitation de la présidente du Front National a beaucoup agité le milieu politique, certains allant jusqu’à y voir une promotion du parti d’extrême-droite par le service public. D’autres y ont vu un traitement inégalitaire de la campagne des élections régionales, quelques jours avant le début de la période d’égalité de traitement du CSA. Xavier Bertrand s’est agité en dénonçant la participation de sa rivale, rejoint ensuite par Nicolas Sarkozy et le Parti Socialiste. Tous ont écrit au CSA pour se plaindre. Puis, nous avons eu droit à la polémique sur les opposants refusés (Dany Cohn-Bendit) et acceptés par Marine Le Pen. Puis, coup de théâtre mercredi soir : France 2 annonce l’inclusion d’un débat entre les trois principales têtes de liste de la région Nord-Pas-de-Calais-Picardie à la fin de l’émission.

Dernier coup de théâtre : Marine Le Pen refuse le changement d’agenda de dernière minute et décide donc d’annuler sa participation. L’émission est carrément annulée. Au début, je trouvais que la polémique était assez ridicule. Même si la présidente du FN est souvent invitée, son quota de participation est parfaitement légitime étant donnés les scores de son parti lors des élections. Ses fréquentes invitations sont le reflet de son audience démocratique. Ce n’est pas la première fois qu’un leader national bénéficie d’une audience supérieure à celle de ses concurrents locaux. Et on peut imaginer que France 2 aurait davantage reçu la présidente d’un des trois premiers partis du pays plutôt que la candidate régionale. Toutes ces polémiques reposaient sur beaucoup de mauvaise foi du PS et de l’UMP.

Que penser de la réaction du FN ?

jeudi 22 octobre 2015

Moirans : après la justice, l’Etat doit agir

Un délinquant roulant dans une voiture volée se tue sur la route. La justice refuse à son frère, en prison, une permission pour assister aux obsèques. Des membres de leur communauté en profitent pour vandaliser l’espace public. Cette fois-ci, heureusement, la justice n’a pas cédé. Mais l’Etat a du retard.



Inadmissible chantage à la violence

Déjà, fin août, des voyous du voyage avaient bloqué et vandalisé l’autoroute A1 pour faire pression sur la justice afin de permettre à un délinquant de participer aux obsèques de son frère. Si, sur le principe, on peut penser qu’il est humain et normal de le permettre, cela devient inacceptable quand un groupe commet des délits pour l’obtenir. On peut d’ailleurs penser que les évènements de Moirans sont la conséquence directe de cette première séquence puisque la justice avait, dans un deuxième temps, donné sa permission au frère d’assister aux obsèques, après les actes de vandalisme commis sur l’A1. Heureusement, la justice a refusé cette fois-ci. Aussi dur soit le fait de priver un frère de ce moment, les violences de Moirans l’imposaient car une décision inverse aurait été une incitation à la violence.

Même si la mère de la victime a changé de ton mercredi, demandant l’arrêt des violences, elle avait dit avant qu’il y aurait « du grabuge » si son fils n’était pas autorisé à assister aux obsèques de son autre fils : « on a des soutiens dans des camps partout en France. Tout le monde va se révolter ». Toute la colère d’une mère qui perd son fils ne peut pas justifier les scènes de guérilla urbaine à Moirans et ce chantage à la violence dans un Etat de droit. Il était parfaitement possible de protester de manière pacifique et sans la violence qui les a poussé à utiliser des cagoules. Mais parce qu’ils ont utilisé la violence pour se faire entendre et que la mère de la victime l’a légitimé, l’Etat devait refuser cette permission pour éviter de donner l’impression qu’il récompense la violence. Cette fois-ci, la justice a vu juste.

Un Etat aux abonnés absents ?

mercredi 21 octobre 2015

The Economist contredit le Monde sur la désertion fiscale

Il y a quelques jours, l’OCDE a annoncé des mesures contre la désertion fiscale des multinationales. Mais l’accueil a été mitigé, notamment de la part des associations. La bible des élites globalisées, The Economist, apporte également sa critique, dans deux papiers, longs et argumentés.



Le Monde complaisant, The Economist critique

Il est assez effarant de constater que le journal qui se veut encore être la référence du journalisme en France, qui se veut de gauche, mais n’est en réalité qu’euro-libéral-libertaire, se fasse dépasser par le très libéral The Economist sur la critique de la désertion fiscale des multinationales. Le Monde avait accueilli avec une grande complaisance, dénoncée par Arrêts Sur Image, les mesures de l’OCDE. Ce faisant, le quotidien du soir nous servait la même soupe que Nicolas Sarkozy qui déclarait que les parasites fiscaux étaient finis. Mais ce n’est pas du tout l’avis de The Economist, la bible des cadres supérieurs et dirigeants de ces mêmes multinationales, qui, en démontant les mesurettes et l’absence d’autres mesures dans ces propositions, fait honneur à une certaine idée du journalisme.



L’hebdomadaire britannique dit ainsi que ce « plan pour réduire l’évitement de l’impôt des multinationales est une opportunité ratée ». Il rappelle que ces pratiques permettent une économie d’au moins 240 milliards de dollars, une estimation « très conservatrice », soulignant que la part des profits des multinationales faite dans des parasites fiscaux a doublé. Il reconnaît des progrès de transparence mais souligne que des pays (notamment les Etats-Unis) ont barré la route à des réformes pour contrôler les flux entre filiales, notamment sur les très controversés prix de transferts, rejetant les idées de taxer à proportion du chiffre d’affaires pour éviter les manipulations. The Economist en finit par regretter qu’en l’absence de progrès, les pays finissent par prendre des mesures unilatérales pour limiter les abus.



Ce que cela dit de notre époque

mardi 20 octobre 2015

Cannabis, transaction pénale : l’effarant laxisme du gouvernement




Double sens judiciaire

Bien sûr, l’objectif officiel de la loi Taubira est de « désengorger les tribunaux et sanctionner plus vite. Les petites infractions et les délits passibles de moins d’un an de prison sont concernés ». Depuis le 15 octobre, certains délits sont tranchés contre un paiement comptant trois fois moins important, sans passage devant les tribunaux. Les médias évoquent plusieurs délits relativement mineurs : la consommation de cannabis, qui est passible d’un an de prison et 3800 euros d’amende « des peines rarement appliquées, après des mois d’attente pour être jugés », les graffitis, qui coûteront jusqu’à 1250 euros au lieu de 3750, ou la conduite sans permis ou sans assurance.  Bref, à première vue, on peut penser que c’est du bon sens de sortir de tels délits de la lourde machine judiciaire pour l’alléger.

En effet, on peut penser qu’il n’est pas inutile d’alléger les procédures pour les délits mineurs et permettre un meilleur traitement des délits plus importants et des crimes. Mais cette présentation des choses n’est pas suffisante. Car qui apparaît aussi avec cette réforme, c’est le très fort allègement des peines maximales pour les délits mineurs : plus de prison, une division par trois des amendes maximales. Bien sûr, il semble que les peines maximales n’étaient que cela, maximales, et qu’en pratique, les peines prononcées par les tribunaux n’étaient en général qu’une petite fraction de ces maximums. Cependant, quel message envoie notre société en divisant par trois les amendes maximales pour ces délits ? Diminuer les peines maximales ne revient-il pas à relativiser inutilement la gravité de ces délits ?

Du sens de ces transactions

Bon appétit, Messieurs ! (billet invité)

Billet invité de l’œil de Brutus



Victor Hugo fait jouer Ruy Blas pour la première fois en 1838. L’intrigue de cette pièce,  devenue un grand classique du théâtre hugolien, se place dans l’Espagne décadente de la fin du XVIIe siècle[i]. Par un jeu d’intrigue du machiavélique Don Sallustre, Ruy Blas, son valet, se retrouve, bien malgré lui, nommé premier ministre. Homme d’honneur et de bon sens, issu du peuple, Ruy Blas s’efforce alors de mettre au pas l’oligarchie nobiliaire qui pille le bien commun et écrase le peuple espagnol sous les impôts pour nourrir sa propre avidité.
La tirade ci-après, devenue célèbre, dans laquelle Ruy Blas sermonne les conseillers – corrompus – du roi est, aujourd’hui, saisissante d’actualité et montre en outre toute la grandeur atemporelle de l’œuvre hugolienne.

lundi 19 octobre 2015

Le sens de la fin du liquide et des chèques

Ce sont des informations qui peuvent passer inaperçues, d’autant plus qu’elles peuvent paraître aller dans le sens du progrès qu’apporterait la modernité : l’argent liquide et les chèques pourraient disparaître. Mais ces évolutions ont un sens, loin d’être aussi positif qu’on peut le penser.



Fin d’un service public

Bien sûr, les partisans de cette évolution, comme Michel Sapin en mars dernier, disent faire « la chasse à l’argent liquide pour lutter contre le financement du terrorisme » et évoquent la lutte contre la fraude ou les pratiques illégales pour justifier cela. C’est ainsi que le gouvernement a baissé le seuil des paiements en liquide de 3 000 à 1 000 euros. En revanche, le seuil passe seulement de 15 000 à 10 000 euros pour les touristes étrangers, qui, outre le fait de ne pas payer la TVA, sont décidemment bien mieux traités que les citoyens français, avec un seuil dix fois plus élevé et qui ne baisse que d’un tiers. Le même Michel Sapin a annoncé cette semaine de nouvelles mesures pour réduire l’utilisation du chèque et promouvoir l’usage des cartes bleues, en réduisant légèrement les frais de transaction.

A première vue, on peut considérer que cela est un progrès, que ce sera plus pratique. Sauf que quand on paie en liquides, ou par chèque, cela ne coûte rien aux usagers, commerçants ou individus, et ne rapporte donc rien aux banques. Alors que quand on paie par carte bancaire, les banques touchent une commission. Derrière ce pseudo progrès, se cache, comme souvent, de simples intérêts financiers, bien discrets. En fait, même si les arguments sur la lutte contre la fraude sont recevables, il s’agit d’un recul du service public de l’argent. On peut aussi douter de la véritable practicité d’une telle évolution pour les petits paiements et quid des risques posés par toutes ces transactions réalisées sur Internet. Enfin, quel paradoxe de laisser utiliser Bitcoin, malgré son utilisation par des réseaux frauduleux !

L’argent Big Brother

samedi 17 octobre 2015

La fac, variable d’ajustement de la baisse du bac




Une sélection seulement repoussée

Cette année, pas moins de 65 000 étudiants supplémentaires ont rejoint les bancs de l’université, alors que le budget de l’enseignement supérieur est stable, accentuant encore la saturation des amphithéâtres. Les syndicats affirment qu’il manque pas moins de 30 000 personnes pour encadrer les élèves, les départs non remplacés, le recours aux précaires et une baisse des budgets de fonctionnement. Mais outre ce manque flagrant de moyens, les étudiants affrontent également une sélection grandissante, de plus en plus de facs sélectionnant désormais les élèves, y compris à des niveaux élevés. Plus marquant encore, seulement 27% des inscrits en première année obtiennent leur licence en 3 ans, et 12% de plus en 4 ans, soit pas moins de 6 étudiants sur 10 qui sont en situation d’échec.

Ce qui également frappant c’est le constraste avec un baccalauréat de plus en plus facile à avoir, et où la notation est sans cesse relâchée, au point qu’il y a aujourd’hui plus de mentions très bien que de mentions bien il y a 25 ans et que le taux de réussite ne cesse de monter, sans que cela montre, malheureusement une quelconque progression du niveau, puisqu’au contraire, les études pointent plutôt un recul. Le système éducatif français est totalement contradictoire, entre une éducation nationale toujours moins exigeante et refusant de plus en plus la moindre sanction pédagogique (notes ou redoublement), imposant par ricochet aux universités de devenir de plus en plus dures avec le flot grandissant d’étudiants au niveau hétérogène. A trop repousser tout jugement, on ne le rend que plus brutal.

Des conséquences désastreuses

vendredi 16 octobre 2015

L’Uber-barbarie




Jongle avec les salaires

Sur le fond, l’annonce d’une baisse de 20% des tarifs est assez effarante. Bien sûr, des concurrents de la société avaient annoncé une offensive promotionnelle pour contrer la progression d’Uber, mais sur le fond, cela est assez révoltant. En effet, même si le Monde indique qu’Uber garantit les revenus de ses chauffeurs, et subirait « seule une réduction des recettes, qu’elle espère voir compensée par une hausse mécanique de l’activité », cette déclaration est ambiguë. Uber a-t-il renoncé à ses 20% de marge sur les courses ou part-il du principe que le supplément d’activité compensera la baisse du prix des courses ? En effet, un papier de la Tribune indique clairement que c’est la deuxième solution, ce qui explique les protestations des chauffeurs de la société et la réception des représentants syndicaux.

Le papier de la Tribune parle, lui, de « la baisse de tarifs qu’ils leur ont imposée » et dit qu’Uber « assure que la même mécanique a été fructueuse à New York, où la baisse du prix des courses a engendré une augmentation du volume des trajets, avec au final, un grain pour les chauffeurs » et que « le nombre de trajets sur UberPool était en hausse de 40%, et les revenus horaires des chauffeurs sont restés constants le week-end dernier ». Mais ce faisant, voici une autre preuve de la barbarie de l’économie dite collaborative, où les seigneurs peuvent décider du jour au lendemain de baisser le salaire horaire de leurs chauffeurs de 20%, ce que dénoncent des chauffeurs qui disent gagner le SMIC pour 60 heures de travail par semaine ! Il est beau le progrès apporté par cette nouvelle économie !

Une logique de rapport de force

jeudi 15 octobre 2015

Le sens de la baisse des taux à 10 ans

C’est sans doute une des courbes économiques les plus importantes à suivre : celle des taux d’emprunts à 10 ans des Etats. Les soubresauts de la crise de la zone euro s’y lisent avec précision. Mais aujourd’hui, elle indique beaucoup d’autres choses, tout aussi cruciales.



Indicateur avancé de croissance



Ces évolutions récentes disent plusieurs choses intéressantes pour les prochains mois. En effet, des taux sous le cap des 1%, c’est la poursuite de la baisse de la facture des intérêts sur la dette publique pour l’Etat. Cela pourrait faciliter les équations budgétaires du gouvernement. Mieux, la baisse des taux peut apporter un soutien à la croissance en diminuant les coûts d’emprunts, des entreprises pour investir, des ménages pour investir dans l’immobilier comme pour consommer. Bref, cette information qui passe inaperçue est pourtant un élément déterminant pour la croissance des prochains trimestres. Et sachant que les derniers résultats confirmaient les hypothèses de Bercy, on peut juger que cette nouvelle baisse des taux, avec le faible niveau du prix des matières premières, les conforte.

Indicateur avancé de bulle

mercredi 14 octobre 2015

Que penser des sondages du Front National ?

Deux sondages publiés ces derniers jours peuvent donner l’impression que la marche en avant du FN serait décidemment irrésisible, entre les 28% prévus aux régionales et le fait que 31% de la population serait prête à voter pour Marine Le Pen aux présidentielles de 2017. Qu’en penser ?



Plafond de verre brisé ?

Bien sûr, on pourra toujours objecter qu’il ne s’agit que de sondages et que ce sont seulement les élections qui permettent de juger de l’audience des partis politiques. Au premier abord, les 28% des sondages pour les élections régionales sont bien nouveau progrès pour le parti de la famille Le Pen puisqu’il avait obtenu 25% aux élections européennes de 2014 ainsi qu’aux départementales de 2015. Mais il faut néanmoins rappeler que ce score de 28% dans des sondages n’est pas une nouveauté puisque pour ces élections précédentes, le FN avait déjà été crédité d’un tel niveau. Plus marquant, il n’obtient que la seconde place, derrière la liste de la droite et du centre, à 31%, et devant celle du PS, à 23%. Finalement, ce qui frappe, c’est la concentration des intentions de vote sur les trois premiers partis.

Peux-être plus spectaculaire, le sondage du Journal du Dimanche qui indique que 31% des Français se disent prêts à voter pour Marine Le Pen en 2017. Le fait de passer le cap des 30% peut donner l’illusion que la marche en avant est irrésistible, mais il s’agit d’un artifice sondagier car la question n’est pas comparable à celle, classique, des intentions de vote. Et pour qui va au-delà des seuls titres, on note deux chiffres qui nuancent grandement les effets d’annonce. D’abord, en 2011, 27% des Français indiquaient être prêts à voter Marine Le Pen en 2012, ce qui s’est traduit par un score à la présidentielle de 18,9%. Un progrès de quatre points est significatif mais pas extraordinaire au regard des élections précédentes. Plus intéressant encore, 58% des Français excluent « certainement » de voter pour elle.

Ou plafond de verre solide ?