mercredi 21 octobre 2015

The Economist contredit le Monde sur la désertion fiscale

Il y a quelques jours, l’OCDE a annoncé des mesures contre la désertion fiscale des multinationales. Mais l’accueil a été mitigé, notamment de la part des associations. La bible des élites globalisées, The Economist, apporte également sa critique, dans deux papiers, longs et argumentés.



Le Monde complaisant, The Economist critique

Il est assez effarant de constater que le journal qui se veut encore être la référence du journalisme en France, qui se veut de gauche, mais n’est en réalité qu’euro-libéral-libertaire, se fasse dépasser par le très libéral The Economist sur la critique de la désertion fiscale des multinationales. Le Monde avait accueilli avec une grande complaisance, dénoncée par Arrêts Sur Image, les mesures de l’OCDE. Ce faisant, le quotidien du soir nous servait la même soupe que Nicolas Sarkozy qui déclarait que les parasites fiscaux étaient finis. Mais ce n’est pas du tout l’avis de The Economist, la bible des cadres supérieurs et dirigeants de ces mêmes multinationales, qui, en démontant les mesurettes et l’absence d’autres mesures dans ces propositions, fait honneur à une certaine idée du journalisme.



L’hebdomadaire britannique dit ainsi que ce « plan pour réduire l’évitement de l’impôt des multinationales est une opportunité ratée ». Il rappelle que ces pratiques permettent une économie d’au moins 240 milliards de dollars, une estimation « très conservatrice », soulignant que la part des profits des multinationales faite dans des parasites fiscaux a doublé. Il reconnaît des progrès de transparence mais souligne que des pays (notamment les Etats-Unis) ont barré la route à des réformes pour contrôler les flux entre filiales, notamment sur les très controversés prix de transferts, rejetant les idées de taxer à proportion du chiffre d’affaires pour éviter les manipulations. The Economist en finit par regretter qu’en l’absence de progrès, les pays finissent par prendre des mesures unilatérales pour limiter les abus.



Ce que cela dit de notre époque

L’effarante différence de traitement de cette annonce par le Monde et The Economist amène à se poser des questions. Il faut reconnaître, malgré des désaccords idéologiques majeurs avec le second, une capacité à prendre du recul sur ses idées qui lui permet de critiquer la désertion fiscale, ou même les excès de profits ! A contrario, le Monde, qui était capable de sortir des affaires contre le PS dans les années 1990, évolue de  plus en plus vers un capitalisme de connivence, pas seulement dogmatique, mais aussi de mauvaise foi, là où l’hebdomadaire anglo-saxon a été capable de critiquer durement le « racket » de la justice étasunienne contre BNP Paribas ou la « collectivisation des pertes et la privatisation des profits » des grandes banques lors de la grande crise financière de 2008 et 2009.



The Economist note aussi que les réformes des parasites fiscaux européens, Luxembourg, Irlande, Pays-Bas, Suisse et Grande-Bretagne (selon son propre compte) sont limitées. Le grand duché, qui a donné le président de la Commission Européenne, attire ainsi dix fois plus de capitaux à proportion de son PIB que la moyenne des pays développés. Il note aussi le manque de transparence des accords passés par ces pays avec les multinationales. Pour lui, les annonces sont souvent « de façade » et attaque même Londres « qui mène la course vers le bas », attirant un nombre grandissant de sièges sociaux de multinationales. Bref, les belles annonces faites, notamment par Nicolas Sarkozy, n’ont absolument pas été suivies de faits, ce que l’équipe actuelle au pouvoir ne risque pas de corriger…




Merci donc à The Economist d’être capable de dénoncer certains abus de cette époque, même s’ils sont en partie les conséquences de politiques qu’il soutient. Mais la dernière leçon de cette annonce, c’est qu’il ne faut rien attendre des institutions technocratiques internationales comme l’OCDE.

7 commentaires:

  1. Aviez-vous remarqué que l'ex-directrice* du Monde est à présent journaliste au Guardian ?

    Deux journaux qui vont bien ensemble sur une ligne, l'immigrationnisme fou. Il y reste quelques journalistes qui se sont rebellés contre l'UE suite à la Grèce cet été (ou y ont toujours été opposés).

    * Une sacrée tête à claque par ailleurs...

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  2. "Parasite" fiscaux pour "paradis" fiscaux c'est vouloir en nier l'existence!

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  3. Si le Monde était de gauche, ça se saurait ...

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    1. A l'image du gouvernement actuel. C'est une question de relativité.

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    2. @ Thomas Moreau,

      La "relativité" a bon dos là !

      Je crois que beaucoup de monde manque cruellement de culture politique...

      Le gouvernement Hollande non seulement n'apporte pas des réponses de gauche à la crise... mais au contraire, mets en place de véritables réformes de droite la plus droitière !

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  4. Elise Lucet fait figure d'exception parmi les journalistes connus pour son choix d'assurer des enquêtes sans complaisance sur les milieux poilitique et des affaires. Honneur à elle et à son équipe de Cash Investigation. Combien de temps vont-ils pouvoir faire leur travail? Ce qui ressort de leurs enquêtes, c'est que notre démocratie est en grand danger. La collusion d'intérêts au sommet de l'Etat et des grandes entreprises est énorme.

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  5. @ Anonyme

    Parasite est leur vraie nature, qui vole les ressources fiscales aux autres. Le terme paradis vient d’une mauvaise traduction de l’anglais, dont le sens les défend

    @ Jauresist

    Très juste. Elle fait un remarquable travail de service public. J’ai relayé plusieurs fois ses pétitions

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