dimanche 30 juin 2013

DSK, Tapie, Cahuzac : la semaine de la honte


C’est encore une semaine pénible que nous avons traversée, où de nombreuses affaires ont fait la une de l’actualité, donnant l’impression d’un tous pourri inquiétant pour notre démocratie. Dominique Strauss-Kahn, Bernard Tapie et Jérôme Cahuzac sont sortis de leur silence, pour le pire.



DSK : un valet de la finance au Sénat

Mais qu’est-ce qui a bien pu passer par la tête des sénateurs pour inviter Dominique Strauss-Kahn afin d’entendre son opinion sur la crise ? Certes, il a été le patron du FMI, mais cette invitation solennelle à un personnage aussi sulflureux tombait bien mal en pleine audition de Jérôme Cahuzac et alors que Bernard Tapie était entendu par la justice. Elle a néanmoins eu l’intérêt de nous montrer à nouveau (pour ceux qui en doutent encore) que la sociale-démocratie (qui n’a de sociale et de démocratie que de noms) a totalement capitulé devant la finance, oubliant Roosevelt et Keynes.

Le conférencier de luxe a tenu des propos qui tournent le dos aux leçons des années 1930 mais qui siéront sans doute davantage à ses possibles clients. Pour lui, « incriminer la finance dans le désastre économique que nous vivons (…) a pour moi à peu la même pertinence qu’incriminer l’industrie automobile quand on parle des morts sur la route ». Il a fait pesé le gros de la responsabilité de la crise sur les comportements individuels et a qualifié la taxe sur les transactions financières de « vaste illusion » et « que la finance redouble d’innvations qui lui permettraient de (la) contourner ».

Bernard Tapie essaie de se défendre

Cette semaine, l’ancien ministre était entendu par la justice au sujet de l’arbitrage et a été mis en examen. Il a également publié un livre pour se défendre, affirmant qu’il n’avait rien coûté aux contribuables et qu’au contraire, qu’il avait rapporté à la collectivité. Mais ces gesticulations médiatiques ne retirent rien au fait qu’il a obtenu un chèque de 403 millions d’euros (dont 45 de préjudice moral) de la collectivité. Qui plus est, outre la contestation de la voie de l’arbitrage (l’Etat vient de déposer un recours), on peut contester le bienfondé de l’affaire : Bernard Tapie n’avait pas à toucher un centime.

Dans son livre, l’homme d’affaires soutient que Nicolas Sarkozy n’est responsable de rien, qu’il ne serait pas intervenu en faveur de cet arbitrage, mais la ficelle est un peu grosse. Il est tout de même difficile d’imaginer ce chef de l’Etat qui refusait tellement de déléguer qu’il éclipsait tous ses ministres n’ait pas été mis dans la boucle pour choisir la procédure. En outre, on peut toujours questionner les raisons qui font qu’il a reçu si souvent Monsieur Tapie juste avant et après son élection : n’avait-il pas de choses plus urgentes à faire que régler le différend qui existait entre l’Etat et Bernard Tapie ?

Jérôme Cahuzac ne semble rien regretter

samedi 29 juin 2013

La France s’enfonce dans l’austérité au ralenti


Cette semaine a été remplie par des polémiques sur les déficits. Gilles Carrez, de l’UMP, a tiré le premier en annonçant que le déficit allait dépasser 80 milliards, ce que la Cour des Comptes, présidée par le socialiste Didier Migaud, a confirmé, alors que le gouvernement envoie des lettres de cadrage sévères.



Querelle sur les comptes publics

La question du déficit pubic pour l’année 2013 est une sacrée épine dans le pied de l’équipe au pouvoir. Elle avait promis de tenir les 3% de PIB de déficit en 2013. Mais le cocktail amer de hausses d’impôts, décrété par lui-même et son prédécesseur, a fortement pesé sur la croissance, pesant sur les recettes et limitant fortement la réduction des déficits malgré les fortes hausses d’impôt, dans le même cercle vicieux en œuvre en Grèce et en Espagne, dans une proportion moindre néanmoins. Il a fallu attendre le mois de mars pour que François Hollande reconnaisse qu’il ne serait pas tenu.

Puis, il a fallu attendre le mois de mai pour que Pierre Moscovici s’entende avec la Commission Européenne pour repousser de deux ans le délai de retour à un déficit à 3% du PIB, pour 2015. Du coup, le ministre de l’économie avait fini par lâcher que le nouvel objectif pour cette année était d’un déficit de 3,7% du PIB, ce qui aurait supposé que les efforts d’ajustement devaient surtout être réalisés cette année et que les années 2014 et 2015 permettraient de desserrer la contrainte budgétaire. Les dernières nouvelles infirment cela puisqu’il semblerait que le déficit 2013 soit plus haut que prévu.

Gilles Carrez a délenché l’offensive en faisant mine d’oublier que le gouvernement avait déjà annoncé un nouvel objectif à 3,7% du PIB et non à 3%, dénonçant un dérapage de plus de 20 milliards. Mais aux petits arrangements avec la vérité de l’UMP ont répondu ceux de Pierre Moscovici qui, peu à l’aise visiblement sur l’atterrissage pour cette année (qui devrait être à nouveau révisé à la hausse) a préféré critiquer l’opposition pour sa gestion passée, oubliant au passage sa piètre performance. Pire, la Cour des Comptes a annoncé qu’il faudrait un ajustement de 28 milliards d’ici à 2015.

Le vent glacé de l’austérité

vendredi 28 juin 2013

PSA ne doit pas passer sous pavillon étasunien !


C’est le Figaro qui révèle ce qui reste pour l’instant qu’une rumeur : la famille Peugeot envisagerait de céder le contrôle de PSA à General Motors pour injecter de nouveaux fonds dans l’entreprise, après avoir discuté avec le constructeur chinois Dongfeng. Une éventualité que le gouvernement doit refuser.



Le marché de dupes de l’alliance avec GM

Il serait tout de même un peu fort de café que General Motors puisse augmenter sa part dans le capital de PSA à bon compte du fait des difficultés financières de l’entreprise sachant que c’est cette même alliance, qui date de début 2012, qui a aussi affaibli le constructeur français. En effet, à partir du moment où GM a pris 7% du capital de PSA, le nouvel allié a exigé de son nouvel associé qu’il cesse toute livraison à l’Iran, qui était le second marché du constructeur français, avec la bagatelle de 457 900 véhicules en 2011.  En 2013, PSA ne vendra pas une seule voiture à Téhéran.

Certes, le groupe ne vendait que des kits qui étaient assemblés localement, mais comme le soutient la Tribune, les opérations y étaient « très rentables » puisque Peugeot était alors le leader, avec environ 30% de parts de marché. Il faut rappeler ici que le groupe avait vendu 3,5 millions de véhicules en 2011 et que l’Iran représentait par conséquent environ 13% des volumes du groupe. Il est bien évident qu’abandonner de tels volumes a sans doute largement contribué à aggraver la situation financière du groupe automobile français, qui n’a pas fait une si bonne affaire au total.

Il serait donc particulièrement anormal que le groupe étasunien profite de l’affaiblissement de PSA, qu’il a largement aggravé du fait de l’interdiction des ventes en Iran, pour monter dans le capital de l’entreprise française. Il y a un conflit d’intérêts majeur dans cette histoire, si elle venait à être confirmée. En outre, il est bien évident que le rapprochement entre Peugeot, Citroën et Opel aboutirait à de nouvelles restructurations.  Cela est d’autant plus dommage que le groupe présente une belle gamme, que ce soit avec Citroën et ses déclinaisons DS ou Peugeot avec ses 208, 2008, 308, 3008 et 5008.

PSA, victime de l’Union Européenne

jeudi 27 juin 2013

Retour sur le débat de mardi sur France 24


Mardi, France 24 m’a invité à un débat intitulé « France – Europe : rien ne va plus » (vous pouvez cliquer sur les liens pour le voir), suite aux polémiques incessantes entre l’équipe au pouvoir et la Commission Européenne. L’occasion pour moi de revenir sur le fond du débat, comme sur la forme, et également de vous demander votre opinion.



L’eurolibéralisme mis à nu

Sur le fond, ce débat confirme tout à fait celui de Strasbourg avec Jean-Marc Sylvestre et l’administrateur de Terra Nova, à savoir que la dernière ligne de défense de ceux qui défendent cette Europe est de dire qu’il n’est pas possible de faire autrement que ce qu’ils recommandent, une curieuse vision de la démocratie, qui confirme totalement les écrits à nouveau prophétiques d’Emmanuel Todd. Virginie Martin n’a cessé de dire que nous ne pouvions pas être un ilôt, qu’il fallait que la France rentre dans le 21ème siècle, et toutes les remarques qui visent uniquement à fuir un débat redouté.

Pour appliquer les leçons du débat de Strasbourg, j’ai essayé de démonter ce discours par des faits concrets, incontestables et démontrant qu’il est parfaitement possible de faire différemment, que ce soit sur l’exception culturelle, les pneumatiques ou les panneaux solaires. J’ai également essayé de ne pas apparaîter comme un ronchon euro-critique en montrant que nous ne sommes pas toute idée d’Europe, mais uniquement contre cette mauvaise Europe, en esquissant ce que pourrait être l’alternative, une Europe des projets, s’inspirant des réussites d’Airbus et d’Ariane.

En face, le discours m’a semblé inaudible. Quand Valérie Martin appelle à baisser sa garde pour essayer d’influer sur le cours des choses par du soft power, combien de téléspectateurs peuvent être convaincus ? Idem quand la représentante de la Commission soutient son chef en affirmant que mettre l’exception culturelle dans la balance est une tactique de négociation pour mieux la préserver, cela est un peu fort de café. Elle n’a cessé de nier l’évidence en refusant d’admettre le démantèlement des services publics ou en osant dire que les plans d’austérité préservaient l’essentiel.

Ce qui était intéressant dans ce débat, comme à Strasbourg c’est que mes interlocuteurs défendaient de manière (trop ?) transparente l’agenda eurolibéral. Valérie Martin n’a pas hésité à remettre en cause les aides au cinéma ou à défendre le projet de loi Fioraso qui pourrait aux universités d’enseigner à 100% en anglais. Enfin, la seule issue proposée pour sortir de la crise consiste à couper dans les dépenses et à baisser le coût du travail (la manière politiquement correcte de parler de baisses de salaires) alors que l’on voit bien que c’est une impasse en Grèce ou en Espagne.

Comment débattre avec des euro-béats ?

mercredi 26 juin 2013

Les critiques légitimes mais incohérentes du PS contre Barroso



C’est déjà le 3ème épisode de cette mauvaise comédie où l’équipe aux affaires en France et la Commission Européenne échangent des amabilités. Une critique qui n’est pas injuste, mais qui pose problème dans la mesure où c’est bien le PS (entre autres) qui lui a donné ses pouvoirs, comme j'en ai débattu hier sur France 24 : partie 1 et partie 2.



Une tragi-comédie en trois actes

Sur le fond, François Hollande et son gouvernement n’ont pas tort quand ils critiquent les prises de parole de la Commission Européenne, qui s’était illustrée sur les propos de Nicolas Sarkozy sur les roms. Le premier épisode, fin mai, a eu lieu quand les eurocrates avaient publié un rapport qui donnait une feuille de route détaillée pour le gouvernement français, s’attirant la colère de François Hollande qui avait alors déclaré que « la Commission n’a pas à nous dicter ce que nous avons à faire », étant donné son bilan désastreux dans la zone euro, comme le reconnaît même le peu progressiste FMI.

Puis, nous avons eu droit à la déclaration totalement hallucinante de José Manuel Barroso dénonçant le caractère réactionnaire de la position française consistant à défendre notre exception culturelle. François Hollande a décidé de pratiquer la politique de l’autruche devant cette provocation inexcusable de la part de celui qui doit négocier en notre nom de le très dangereux traité transatlantique de libre-échange entre les Etats-Unis et l’Union Européenne, au sujet duquel Jean Quatremer a souligné le danger « d’abandonner le modèle européen au profit du modèle du tout marché ».

Cette fois-ci, c’est Arnaud Montebourg qui a déclenché les hostilités en faisant de Barroso « le carburant du Front National » et de la « façon dont l’UE exerce une pression considérable sur les gouvernements (…) la principale cause de la montée du Front National ». Le président de la Commission Européenne a répliqué en disant que « quand il s’agit de réformes économiques, d’ouverture, de mondialisation, de l’Europe et de ses institutions, certains souverainistes de gauche ont exactement le même discours que l’extrême-droite », s’attirant à nouveau des critiques de la gauche comme de la droite.

Incohérence à Paris, tyrannie à Bruxelles

mardi 25 juin 2013

Front National : le plafond de verre a-t-il cédé ?


C’est la question, bien légitime, qui se pose après l’élection législative partielle de Villeneuve sur Lot, qui a vu un jeune frontiste éliminer le candidat socialiste au premier tour, avec 26% des voix (onze point de plus que l’an dernier) avant d’en gagner encore vingt au second.



Un front républicain en décomposition

Il est loin en effet le temps de 2002, où quand Jacques Chirac affrontait Jean-Marie Le Pen au second tour de l’élection présidentielle, le taux de participation montait et le chef historique du Front National faisait un score inférieur à la somme de son score du premier tour et de celui de Bruno Mégret, l’intégralité des voix de gauche se portant alors sur le candidat de la droite dans un front républicain d’une solidité à toute épreuve. Le score de dimanche démontre que ce front-là a cédé. Mais cela ne veut pas dire que que le plafond de verre a cédé lui aussi, comme l’expliquait Alain Duhamel hier matin.

Contrairement à David Desgouilles, je ne pense que les progrès du FN viennent d’une plus grande acceptabilité, mais seulement d’un plus grand rejet du PS et de l’UMP. Ce qui se passe, c’est que les Français sont encore plus déçus par les deux grands partis qui nous gouvernent depuis si longtemps que quand ils se retrouvent réduits à un choix entre un des deux et le FN, une part grandissante n’a que faire de ce choix, et donc se réfugit dans l’abstention (48% dimanche), le vote blanc (plus de 14% du total !) et certains franchissent même le pas de voter FN (les 7000 voix gagnées).

Néanmoins, il faut aussi tempérer ce jugement par trois facteurs. Le Front National a parfaitement réussi son casting en choisissant un jeune issu d’une famille bien connue dans la région. Ensuite, nous étions tout de même dans la circonscription de Jérôme Cahuzac, un ministre PS du budget qui avait caché 600 000 euros en Suisse, ce qui n’est pas pour améliorer le crédit des politiques traditionnels et qui est parfait pour pousser un parti comme le FN. Enfin, du fait de la faible participation et du nombre colossal de vote blanc, son candidat n’a réuni en fait que 20,8% des inscrits au second tour…

2014 : le plafond de verre tiendra-t-il ?

lundi 24 juin 2013

Le Front National toujours en quête de crédibilité


Alors que le FN vient de faire un bon résultat dans le contexte très particulier de la législative partielle de Villeneuve sur Lot, voici un entretien que j’ai donné à Atlantico sur toutes les limites qui expliquent que le FN reste toujours sous un plafond de verre solide malgré un contexte si favorable.



Selon un sondage de l'institut CSA, 25% des Français pensent que Marine Le Pen, si elle était au pouvoir, s'en sortirait mieux que François Hollande ou qu'un candidat de droite. Si elle y parvenait, et sans accréditer la faisabilité de cette accession, Marine Le Pen aurait-elle les moyens techniques de gouverner ? Avec quelle majorité, quelle coalition ?

Tout d’abord, je tiens à souligner que le fait que seulement 25% des Français pensent qu’elle ferait mieux que le PS et l’UMP est un score finalement faible, d’autant plus que seulement 9% l’affirment avec certitude. Cela signifie que seulement la moitié de l’électorat de Marine Le Pen avait une certitude forte qu’elle pouvait faire mieux que le PS et l’UMP et l’autre moitié une certitude relative. Après un quinquennat où Nicolas Sarkozy a beaucoup déçu et une première année de quinquennat de François Hollande au moins aussi décevante, on peut considérer que ce score est un échec pour le FN étant donné que les Français n’espèrent plus grand chose du PS et de l’UMP (un sondage Harris de mars 2013 montre que seulement 24% des Français font confiance à leurs dirigeants politiques et 72% ne leur font pas confiance). Marine Le Pen n’a pas crédibilisé son discours dans des circonstances pourtant très favorables. Ce chiffre tend à accréditer l’idée d’un plafond de verre très solide, illustré par les sondages pour les européennes.

Si Marine Le Pen gagnait l’élection présidentielle de 2017, avec le système électoral actuel, le FN n’aurait aucun problème pour obtenir une majorité à l’Assemblée Nationale. Il y aurait sans doute beaucoup de triangulaires PS-UMP-FN. Et une partie de l’UMP ne résisterait sans doute pas alors à la tentation de rejoindre la nouvelle majorité avec des accords de désistement, comme cela avait été le cas en 1988 dans le Sud-Est.

Avec quelle administration ? La technostructure la suivrait-elle ? 

dimanche 23 juin 2013

Quand l’Allemagne n’a plus besoin de l’euro


Le groupe Xerfi vient de lancer des synthèses économiques qui rappellent un peu les travaux de Patrick Artus pour Natixis. La première étude, « L’UE, plateforme de production de l’économie allemande », décrit une Allemagne qui n’a désormais plus besoin de la monnaie unique.



Le grand basculement commercial

C’est une étude passionnante qui peut se résumer à quelques chiffres. En 2007, l’Allemagne ne réalisait que 35% de son excédent commercial hors de l’UE, 36% dans la zone euro et 29% dans le reste de l’UE. Sur les douze derniers mois, 74% de son excédent commercial est réalisé hors de l’UE, contre 5% dans la zone euro et 21% dans le reste de l’UE. Le solde intra-UE s’est réduit de 77 milliards d’euros, et a progressé de 70 milliards d’euros hors de la zone euro. Il faut noter que la zone euro ne représente plus que 37% des débouchés pour l’Allemagne (contre 47% pour la France).

Ce grand basculement n’est pas neutre pour la monnaie unique. En effet, quand l’Allemagne réalisait l’essentiel de son commerce et de ses excédents en Europe, Berlin pouvait avoir des réticences à quitter la monnaie unique et accepter la dévaluation consécutive des autres pays (même si elle l’avait supporté dans les années 1990). Mais aujourd’hui, 95% de l’excédent commercial allemand est réalisé en dehors de la zone euro, donc une fin de la monnaie unique, si elle aurait sans doute des répercussions commerciales sur l’Allemagne, n’aurait pas des conséquences insurmontables pour le pays.

Pourquoi l’excédent allemand en zone euro baisse ?

La baisse de 77 milliards d’euros de l’excédent allemand sur la zone euro en cinq ans semble paradoxale alors qu’on ne cesse de vanter le modèle commercial d’outre-Rhin. En fait, un tableau donné par Xerfi permet d’avoir un bon éclairage. Depuis 1999, la part de l’Allemagne dans les exportations au sein de l’UE est restée complètement stable, à 22%. En revanche, la part de la France, la Grande-Bretagne et l’Italie est passée de 33% à 24% de 1999 à 2008, et se stabilise à 23% en 2012. Il faut noter que la part des PECO (Est) est passée de 6 à 15% entre temps (12% en 2008).

Un autre tableau montre que l’Allemagne n’exporte pas plus dans l’UE depuis 2007 alors qu’elle importe 79 milliards de plus. Deux raisons expliquent ce phénomène. Il y a tout d’abord un décalage de croissance entre l’Allemagne, qui a rebondi après la crise, et le reste de la zone euro, en récession. Du coup, alors que le marché intérieur de la zone euro baisse, le marché intérieur allemand a un peu progressé, créant un décalage bénéficiant aux exportateurs des autres pays qui vendent en Allemagne, alors que les entreprises allemandes voient leurs débouchés européens baisser.

Vers la constitution d’une hégémonie industrielle ?

samedi 22 juin 2013

La prison pour la manif pour tous, pas pour les délinquants du RER D


Je ne suis guère suspect de complaisance à l’égard des opposants au mariage pour tous, ayant soutenu le projet et croisé le fer avec eux. Mais il est difficile de ne pas être choqué par la condamnation à de la prison ferme d’un de ses membres quand les délinquants du RER D échappent à toute peine ferme.



Deux poids, deux mesures ?

La condamnation à deux mois de prison ferme d’un membre de la manif pour tous a déclenché une polémique qui a réactivé un clivage droite-gauche parfois un peu binaire, où certaines questions ne sont pas posées. Le Figaro insiste sur le fait que cette décision choque les opposants au projet du gouvernement. Le Monde, en revanche, fait de la « pédagogie » sur les raisons qui expliquent la sévérité de la peine. Bruno Roger-Petit, pour le Nouvel Obsevateur, dénonce les réactions de la droite

Cet étudiant de 23 ans qui manifestait lors de l’intervention du président dans Capital, n’a pas voulu se disperser comme le demandait la police, puis s’est enfuit pour se soustraire aux contrôles avant de refuser les prélèvements d’empreintes et d’ADN. Le Monde justifie de facto la sévérité de la peine par une récente condamnation qui en faisait un récidiviste et les dégâts infligés au restaurant où il s’est réfugié. Malgré tout, en l’absence de violence volontaire contre quiconque, cela fait très sévère.

Le problème est que quelques jours auparavant, un autre tribunal avait été beaucoup moins sévère pour les jeunes délinquants qui avaient brutalisé et détroussé les passagers du RER D à Grigny. Après la relaxe du seul majeur le 19 avril, pour laquelle le parquet a fait appel, les onze prévenus (dont trois avaient moins de 16 ans) ont été condamnés, pour cinq d’entre eux à des peines de prison avec sursis de trois à dix mois, et les autres à des avertissements, des mesures de protection judiciaire ou des travaux d’intérêt général, alors que le parquet avait requis des peines beaucoup plus lourdes.

Une société qui a perdu ses repères

vendredi 21 juin 2013

Débattre de la mondialisation avec Jean-Marc Sylvestre et Terra Nova


Samedi, j’ai participé aux journées de Strasbourg, organisées par le Nouvel Observateur et les Dernières Nouvelles d’Alsace sur le thème de « Sauver la politique », où j’ai débattu de la mondialisation, entre coopération et compétition, avec Jean-Marc Sylvestre et l’administrateur de Terra Nova.



La mondialisation démasquée

Le moins que l’on puisse dire, c’est que le journaliste vedette et Henry Hermand n’avancent pas masqués (au contraire de ce gouvernement). La mondialisation et la dérèglementation, ils y croient et ils cherchent à peine à en cacher les effets, le premier ayant même osé dire qu’il s’en fichait que la production automobile quitte le territoire ! Au global, mes deux contradicteurs ont récité leur bréviaire néolibéral : la mondialisation permet de lutter contre la pauvreté, c’est un fait contre lequel on ne peut rien, et on ne pourra s’en sortir qu’en innovant et en améliorant le niveau de notre éducation.



Mais du coup, la contradiction était presque trop facile. D’abord, j’ai mis en avant le nivellement par le bas qu’entraîne la suppression des frontières, au niveau salarial, social, fiscal et environnemental, en prenant des exemples concrets. Ils n’ont pu répondre qu’innovation et éducation. J’ai ensuite attaqué la naïveté de cette Europe qui agit beaucoup trop tard sur les panneaux solaires en soulignant que la Chine n’était pas dans une logique de coopération mais de domination, ce qui lui avait permis de rafler 70% d’un marché dont elle était encore absente en 2004 (et dont l’Europe avait la moitié).

Puis, j’ai eu un échange assez vif avec Jean-Marc Sylvestre. En effet, il avait vanté la façon dont Mario Monti avait été mis à la tête du gouvernement Italie, sur l’injonction des banquiers, puis critiqué « le tort qu’il a eu de convoquer des élections ». Et il avait aussi parlé des problèmes que poserait la démocratie, qui impose aux politiques de suivre les demandes des électeurs ! Je l’ai remercié pour sa franchise puis vivement interpellé sur cette remise en cause de la démocratie, en citant les analyses d’Emmanuel Todd dans son livre de 2008, ce qui m’a valu des applaudissements de la salle.



C’est la logique européenne, dont il n’est pas difficile de comprendre que l’idéal serait une post-démocratie où les peuples auraient la liberté d’opinion, éliraient des représentants qui ne pourraient plus rien faire et où les décisions politiques seraient le fait de juges et d’experts, pour reprendre l’analyse de Jacques Sapir. Jean-Marc Sylvestre s’est aussi distingué par une certaine malhonnêteté, affirmant que 80% des étudiants des grandes écoles partent à l’étranger (en réalité, c’est 17%) et minorant les innovations de notre pays, en pointe sur Internet avec de nombreux leaders mondiaux.

La mondialisation, c’est la résignation

jeudi 20 juin 2013

Les menaces de l’accord commercial transatlantique





L’exception culturelle menacée

On pourrait presque remercier José Manuel Barroso pour sa déclaration tant il a provoqué une réaction unanime des politiques, des artistes et des médias du pays, démontrant par là-même qu’il y a bien une identité nationale qui peut transcender tous les clivages, et qui peut rassembler la patrie quand elle est mise en danger. Le Monde, dans un éditorial saignant, a dénoncé son comportement, ni respectueux, ni loyal, rappelant ses plans de carrière anglo-saxons. Hervé Nathan, pour Marianne, a publié un papier savoureux critiquant son comportement de « mauvais perdant ».

Malheureusement, il semblerait que les cocoricos de vendredi soir soient un peu prématurés. En effet, le commissaire européen en charge du commerce, Karel de Gucht, a indiqué que l’audiovisuel pourrait être néanmoins ajouté plus tard dans le mandat de négociation. Certes, la ministre du commerce, Nicole Bricq, indique que la France mettrait son veto, mais cela pose un double problème. Tout d’abord, il faut rappeler que la ministre fait partie des membres les plus libéraux du gouvernement. Ensuite, le diable se cache toujours dans les détails dans ce genre de négociations…

Consensus pour le protectionnisme culturel

En outre, il n’est pas inintéressant de constater cette levée de bouclier unanime contre la logique de libre-échange appliquée aux produits culturels. En effet, cette glorification du protectionnisme culturel est une passerelle vers un protectionnisme plus global. Pourquoi faudrait-il en effet n’accorder la protection de nos frontières qu’aux produits culturels ? Pourquoi ce qui serait normal pour le cinéma, la télévision ou la musique ne le serait pas pour l’industrie ou l’agriculture ?

Bien sûr, les produits culturels ne sont pas des biens comme les autres. Cependant, quand on voit comment se lancent la plupart de grosses productions culturelles, il est difficile de voir une différence par rapport aux produits industriels ou aux services pour lesquels il ne faudrait pas de protection. Mieux, pourquoi faudrait-il que les professions culturelles bénéficient d’une protection étatique et nationale de la concurrence étasunienne et pas les agriculteurs, les ouvriers ou les employés ?

Menace sur notre santé et notre économie

mercredi 19 juin 2013

Barroso doit s’excuser publiquement ou démissionner !





Une déclaration de guerre en sol ennemi

Mais pour qui roule José Manuel Barroso ? Alors que le président de la Commission européenne fait tout son possible pour lancer des négociations commerciales entre l’Union Européenne et les Etats-Unis, voici qu’il se permet de critiquer, dans un journal étasunien, l’International Herald Tribune, la position prise par les ministres du commerce européens vendredi, sous la pression de la France, mais avec le soutien de la moitié des Etats membres et du Parlement de Strasbourg.

Il est plus que paradoxal que celui qui doit mener les négociations commerciales au nom de l’Union Européenne prenne ainsi ouvertement le parti de l’étranger contre ceux qu’il est sensés représenter. José Manuel Barroso a ainsi déclaré que « cela fait partie de ce programme antimondialisation que je considère comme totalement réactionnaire », ajoutant que « certains disent être de gauche mais ils sont en fait extrêmement réactionnaires », au cas où l’on ne l’est pas compris.

Bref, nous arrivons à la situation totalement ubuesque où le chef négociateur européen, qui doit défendre nos intérêts, considère que notre position est trop ferme et que nous ne mettons pas suffisamment de sujets sur la table avec les Etats-Unis. Alors qu’il devrait justement être le plus ferme et appliquer le mandat que lui ont donné les 27, en gros, il se permet de nous dire que nous devrions baisser notre garde pour laisser passer les panzers d’Hollywood et renoncer à notre identité !

François Hollande fait l’autruche

mardi 18 juin 2013

De l’esprit de résistance


Il y a 73 ans, un homme se levait pour dire que la France n’avait perdu qu’une bataille, qu’elle pouvait poursuivre le combat et que ce combat contre la tyrannie serait gagné. Refusant la résignation qui s’était emparée de tant de nos compatriotes, il nous montrait le chemin qui permit à notre pays de se redresser.



Indépendance et rassemblement

Dans la résistance, le Général de Gaulle s’est appuyé sur deux principes fondamentaux. Le premier, bien sûr, c’est la défense acharnée de l’indépendance nationale. En de multiples occasions, il n’hésita pas à s’opposer à nos alliés, dont il dépendait pourtant, pour défendre les intérêts de la France et refuser toute tutelle sur la moindre parcelle de notre territoire libéré.

En 1942 à Londres, il disait que « la démocratie se confond exactement, pour moi, avec la souveraineté nationale. La démocratie, c’est le gouvernement du peuple par le peuple, et la souveraineté nationale, c’est le peuple exerçant sa souveraineté sans entrave ». Il avait bien compris que l’honneur d’un peuple, sa dignité même, consiste à pouvoir décider de ce qu’il souhaite faire de son destin, sans la moindre intervention extérieure. De même que la reconnaissance du libre-arbitre des individus a été une étape essentielle dans les progrès des droits de l’homme, il ne faut jamais oublier que la communauté nationale à laquelle chaque homme appartient a également besoin de son libre-arbitre.



Mais l’attachement du Général à l’indépendance nationale n’était ni nombriliste, ni recroquevillé sur l’hexagone. Le message qu’il a porté pendant des décennies, et qui porte encore aujourd’hui, est celui d’une indépendance qui rassemble, ouverte au monde, lui qui disait que « le patriotisme, c’est aimer son pays. Le nationalisme, c’est détester celui des autres ». Toute sa vie, il a cherché à rassembler les Français et non à les diviser, que ce soit pendant les années sombres de la guerre ou au pouvoir. Ce souci l’avait poussé à proposer un grand projet de participation, « une brèche est ouverte dans le mur qui sépare les classes », une « association qui placera sur le même plan de dignité tous ceux qui contribuent à l’œuvre économique commune » pour dépasser un capitalisme aliénant.

Une boussole pour l’avenir

lundi 17 juin 2013

Bac : ce chef d’œuvre en péril


Aujourd’hui, plusieurs centaines de milliers de lycéens vont passer le baccalauréat, ce rite initiatique qui structure la vie de notre pays. Pourtant, entre la baisse continue des exigences, les fuites, les polémiques sur son coût et l’oubli de ce qu’il apporte, il est de plus en plus menacé.



Un coût dérisoire par rapport à ses bénéfices

C’est la nouvelle bombe qui a été posée la semaine dernière. En ces temps d’austérité et de coupes en tout genre, le Syndicat National des Personnels de Direction de l’Education Nationale (SNDPEN) vient de publier une étude affirmant que le vrai coût du baccalauréat à la française serait de 1,4 milliards d’euros, et non les 57 millions du coût d’organisation des examens avancé par le ministère. Dans un papier sans nuance, le Figaro reprend les arguments du syndicat, pour qui la seule utilité du baccalauréat serait de barrer la route de l’enseignement supérieur à ceux qui ne l’obtiennent pas.

Il est proprement hallucinant que ce papier militant ne remette pas plus en cause le discours du SNDPEN et ne questionne pas les motivations de ce syndicat, qui semble clairement vouloir la suppression du bac. Tout d’abord, le mode de calcul est hautement contestable. S’il est vrai que prendre en compte le temps de travail utilisé a du sens, à partir du moment où il pourrait être utilisé pour autre chose, faute est de constater que le baccalauréat n’induit pas du tout autant de dépenses supplémentaires. En clair, si on le supprimait, l’Etat ne ferait pas 1,4 milliards d’économie, mais seulement 57 millions.

Mais surtout, chose ridiculement oublié par ce papier du Figaro, nous perdrions alors un examen républicain qui permet à tous les Français d’être évalués de la même manière, sur un pied d’égalité. Aujourd’hui, le bac a la même valeur, quel que soit le lieu où l’on a étudié, ce qui permet aux classes préparatoires de distinguer les meilleurs élèves. Si, demain, on venait à le supprimer, le système deviendrait plus opaque et le risque serait que cela favorise plus encore les lycéens des beaux quartiers. Il n’y aurait plus de système permettant de juger tout le monde de manière égalitaire. Et cela n’a pas de prix.

Un monument qu’il faut restaurer

dimanche 16 juin 2013

Remettre l’argent au service de l’intérêt général


C’est un livre essentiel, signé par André-Jacques Holbecq et Philippe Derudder, le livre qu’il faut offrir aux néophytes pour leur faire comprendre les enjeux autour de la monnaie. Un ouvrage hautement politique qui synthétise de manière simple, courte et claire pourquoi le système actuel est aberrant.



L’homme, la seule querelle qui vaille

Ce n’est pas le livre qui sera le plus utile pour ceuq qui s’intéressent de près aux questions monétaires, et qui ont lu Pierre-Noël Giraud ou Jean-Claude Werrebrouck, mais le « Manifeste pour que l’argent serve au lieu d’asservir » est un livre plus politique qu’économique, et qui s’adresse à un public très large, y compris ceux qui n’ont jamais lu de livres d’économie. Comme dans leur livre sur la dette publique ou celui sur les monnaies complémentaires, les auteurs utilisent des paraboles (celle des deux îles est particulièrement parlante : je vous laisse la découvrir au début du livre) qui permettent de prendre du recul sur l’actualité et de saisir des choses qui devraient pourtant être évidentes.

Humanistes, ils rappellent le paradoxe de cette société qui créé tellement de richesses mais où subsistent tellement de pauvres, le fait que « les difficultés financières conduisent au démantèlement de l’appareil social et des services publics, au creusement des inégalités, pendant qu’elles empêchent la transition écologique et énergétique ». Ils affirment que si nous ne répondons pas aux défis actuels, c’est parce que nous restons dans le cadre. Ils citent André Gide, qui disait que « le monde ne pourra être sauvé que par des insoumis ». La Grèce est la victime de ce cadre, de « la logique comptable (qui) nous dépouille (…) de toute humanité » au point de nous faire considérer comme normal, voir ‘responsable’, le fait de laisser une personne mourir de soif auprès d’une fontaine d’eau claire.

La monnaie pour les nuls

samedi 15 juin 2013

Train, avion : derrière les grèves, le démantèlement des services publics de l’UE


On n’en a sans doute pas assez parlé, mais les grèves de la SNCF et des contrôleurs aériens avaient la même cause : les projets de déréglementation voulus par l’Union Européenne. Les grévistes refusent, à raison, le démantèlement artificiel et dogmatique des services publics.



Une logique de petits pas

La manière dont avance cette construction européenne est fondamentalement sournoise. Elle fuit les votes populaires qui exposent ses projets sous une lumière trop crue. Elle préfère avancer petit à petit, de manière technique, sur des périodes longues, comme pour le démantèlement du service public ferroviaire. Le texte contre lequel les grévistes protestaient est le 4ème paquet ferroviaire. Un précédent paquet nous a déjà imposé l’ubuesque coupure en deux de la SNCF, qui a enfanté RFF (Réseau Ferré de France). L’objectif est encore une fois de mettre en concurrence le transport ferroviaire.

Par conséquent, il faut séparer la gestion du réseau de la gestion du transport. Cela a été fait en partie, mais le nouveau projet doit permettre de le faire en totalité puisque 50 000 salariés de la SNCF seraient transférés vers RFF qui gèrerait intégralement le réseau, imposant la constitution d’une 3ème entité pour superviser les rapports entre RFF et les entreprises qui utiliseraient son réseau. C’est la même logique qui est à l’œuvre pour l’électricité avec EDF, ERDF et RTE. L’objectif de la Commission Européenne : ouvrir les lignes intérieures (TER et Intercités) à la concurrence à partir de 2019.

Les contrôleurs aériens protestaient pour des raisons similaires. En effet, avec le projet Ciel unique 2+, la Commission « veut unifier la navigation aérienne entre les différents pays européens, en créant six blocs aériens, qui fonctionneraient notamment avec un système informatique commun ». Une des idées serait de couper en 3 l’actuelle direction générale de l’aviation civile, avec possibilité d’en externaliser une partie et de la soumettre à la concurrence. La CGT dénonce « l’attaque directe contre le caractère de service public de ce secteur d’activité » et « l’atteinte à la souveraineté nationale ».

Des projets révoltants