jeudi 31 décembre 2015

Le gouvernement fait annuler un amendement luttant contre l'évasion fiscale (billet invité)


Billet invité de l’œil de Brutus


Cela s'est passé dans la nuit du 4 au 5 décembre de cette année. Non, ce ne fut pas la nuit de l'abolition des privilèges. Mais bien celui de la préservation des privilèges fiscaux des multinationales.

Dans le cadre du projet de loi de finances rectificatif, les députés avaient déjà, en première lecture, rajouté un amendement visant à lutter contre l'évasion fiscale des multinationales. Quelque chose pourtant de très basique : exiger simplement qu'elles communiquent les chiffres d'affaires, bénéfices, nombres d'employés et impôts payés dans les pays où elles ont localisé des filiales. Une mesure simple, de bon intelligence et bien loin d'un Grand Soir !

mercredi 30 décembre 2015

Todd et Charlie (6ème partie et conclusion)

« Qui est Charlie ? » est le livre auquel j’ai consacré le plus de papiers, parce que je suis largement critique à son égard, mais aussi parce surnagent des analyses et réflexions intéressantes. Et même si Todd fait bien des raccourcis abusifs, un peu de débat ne fait jamais de mal.



Un Zemmour de gauche ?

Todd tacle un Zemmour endogame : « par le biais d’un mariage mixte, une moitié des jeunes d’origine algérienne étaient plus avancés dans l’assimilation que certains théoriciens de l’échec de l’intégration ». Mais l’impression que donne ce livre, c’est qu’il tombe dans les mêmes excès que l’auteur du « Suicide Français », mélangeant essai et roman, tant il fait de raccourcis et cède à des excès. Car pour les deux auteurs, finalement, la France se meurt, même s’il s’agit de deux France différentes. Zemmour pleure une France caricaturale, presque aussi machiste que l’Arabie Saoudite, décrivant sans nuance quarante ans d’histoire. Avec ce livre, Todd pleure une France intégratrice et tolérante avec autant de nuances que l’auteur du « Suicide Français », à travers sa vision de Charlie.

Comment écrire que « Charlie pourrait être un phénomène dynamique qui révèle avec le temps, de plus en plus fortement, ses vraies valeurs de référence : l’autorité et l’inégalité (…) Socialistes, sarkozystes et mélenchonistes ont défilé ensemble, affirmant un même socle de valeurs fondamentales (…) La domination est acceptée, l’inégalité a une base de masse ». Il est tout de même effarant de lire dans les manifestations de janvier un attachement à l’autorité et à l’inégalité, alors qu’il s’agissait d’une défense de la liberté et de la démocratie. Todd confond ici corrélation et causation, sans même s’embarrasser d’une analyse vraiment rigoureuse de la corrélation (en comparant avec d’autres manifestations). Pourquoi « le choc émotionnel résultant de l’horreur du 7 janvier (aurait) offert la possibilité d’une réaffirmation de l’idéologie qui domine la France : libre-échange, Etat social, européisme et austérité » ?

Non seulement le raisonnement de Todd n’est pas logique, mais il finit par faire un procès à cette France qu’il ne reconnaît pas, et dont on devine, même s’il ne l’écrit jamais, qu’il craint qu’elle prenne des traits de l’Allemagne des années 1930 ou que nous aboutissions à une forme de guerre de religion. Comme me l’a signalé un commentateur du blog, dans une interview au Guardian, il dit que « la France est une société malade (…) Il y a une partie de la société Français qui est pourrie, et rien n’est fait ». Encore une fois, et malgré certains développements récents consécutifs aux nouveaux attentats, je persiste à penser que la société Française tient bon, et que la réaction globale reste largement positive. Je ne vois pas poindre un sentiment islamophobe, si ce n’est de manière marginale.

Le mauvais procès fait à la France

mardi 29 décembre 2015

Todd et Charlie (5ème partie) : vers une guerre des religions ?




L’islam comme bouc-émissaire moderne ? 

Pour Todd, « l’islam est bien le bouc émissaire d’une société qui ne sait plus quoi faire de son incroyance et qui ne sait plus si elle a foi en l’égalité ou l’inégalité (…) cette islamophobie (…) est un peu modérée par un reste du sentiment universel hérité de l’Eglise, mais elle tend à être dopée par l’échec de l’euro, qui rend les couches dominantes anxieuses et les lance à la recherche d’un bouc émissaire, l’islam évidemment (…) Ce qui est réellement troublant, est l’obsession de l’islam, le discours laïciste frénétique qui se répand dans la moitié supérieure de la pyramide sociale, et qui est beaucoup plus inquiétant, au fond, que l’incrustation du vote FN dans les milieux populaires ». Avec Pegida ou les initiatives contre la circoncision, il pointe le rôle de l’Allemagne, ce modèle dit supérieur, quand « le monde arabe est perçu comme inférieur (…) l’Europe de tradition luthérienne joue un rôle particulier de catalyseur de l’islamophobie ».

« Comme les juifs européens vers 1930, les musulmans de France n’existent pas. La catégorie religieuse est posée comme dénominateur commun d’un ensemble d’hommes et de femmes qui appartiennent à des groupes différents (…) si la société globale vous met dans un sac portant l’étiquette musulman, vous vous sentez musulman (…) le repli n’est pas voulu, il est imposé par une logique économique qui perturbe les mécanismes d’assimilation ». Il note néanmoins que « des conceptions différentes du statut de la femme séparent les universalismes européen et musulman » mais pour lui, « les beurs des banlieues sont français et ont déjà, en termes de mœurs, fait les neuf ou les dix dixièmes du chemin vers une conception égalitaire des statuts de l’homme et de la femme » Pour lui, l’antisémitisme des banlieues vient d’un « universalisme que son incapacité temporaire à assimiler ou à se fondre rend raciste ».

lundi 28 décembre 2015

Todd et Charlie (4ème partie) : du FN, du PS, et de la xénophobie

Dans « Le mystère Français », Emmanuel Todd et Hervé Le Bras proposaient une analyse passionnante des évolutions du vote des Français. Dans « Qui est Charlie ? », il poursuit son analyse et propose des interprétations intéressantes des mouvements de fond de notre vie politique.



Des ressorts du vote Front National

Todd poursuit sa réflexion sur les ressorts du succès du FN. Constatant que ce parti a ses bastions dans les parties les plus égalitaires du territoire selon sa classification, il y voit « l’absurdité symétrique d’une force officiellement xénophobe ancrée dans un fond anthropologique égalitaire (…) il ne fait aucun doute que les électeurs du FN sont mus par des sentiments que l’on pourrait en première approche décrire comme inégalitaires (…) Ils semblent cependant travaillés par un inconscient égalitaire ». Pour lui, le raisonnement est le suivant : « si les hommes sont partout les mêmes, et si les étrangers qui arrivent sur notre sol se conduisent d’une façon vraiment différente, c’est qu’ils ne sont pas des hommes ». Il note également que l’émergence du FN a coincidé à, « venu des élites, un discours de tolérance totalement dysfonctionnel affirmant la nécessité de respecter la différence immigrée ».

Pour lui, « la combinaison de l’égalitarisme populaire et du multiculturalisme des élites avait réuni, au début des années 1980, les conditions d’une cristallisation pathologique. Le produit chimique sorti du tube à essai fut le vote FN ». On pourrait aussi y ajouter le jeu de Mitterrand, poursuivi depuis par Hollande, ou aussi que le bilan des deux grands partis au pouvoir depuis 40 ans est désastreux pour les classes populaires. Il note les dangers d’un universalisme abstrait : « si la réalité du mondre confronte ce système mental à un homme concrètement différent, l’homme universel, réduit à son insu à l’état ethnique le plus pur, sera capable de réagir par une négation de la nature humaine du porteur de la contradiction ». Pour lui, « l’électeur du FN voit au-dessus de lui la masse écrasante d’une classe moyenne définie par ses études. Il ne rêve plus d’accéder à son statut. Il regarde vers le bas, redoutant surtout de sombrer ». En 2012, il soutenait déjà que les électeurs du FN n’étaient pas racistes, mais malheureux.

dimanche 27 décembre 2015

Todd et Charlie (3ème partie) : de la montée des inégalités et de son acceptation

Même si on peut contester le lien fait par Todd entre Charlie et le débat sur l’inégalité, outre ses conclusions sur la tonalité générale des manifestations du 11 janvier (hystériques, instaurant un devoir de blasphème ou islamophobes), Todd approfondit la question de l’inégalité dans notre société d’une manière intéressante et qui mérite l’attention, une partie à sauver dans ce livre.



Des plaques tectoniques démographiques

Même si on refuse son interprétation inégalitaire de Charlie, Todd met le doigt sur un véritable enjeu de nos sociétés : l’explosion des inégalités et sa relative acceptation par les citoyens. Il reboucle avec son analyse des débats européens en évoquant les 70% de « oui » des classes supérieures à Maastricht, phénomène accentué en 2005. Poursuivant la thèse du mystère Français, il note « que le vote ‘oui’ avait aussi une forte dimension religieuse (…) c’est le vote d’électeurs venus du catholicisme mais qui l’avaient déjà abandonné qui a fait basculer la France ». Pour lui,  nous sommes passés du « dieu unique à la monnaie unique (…) c’est le reflux de la religion qui a conduit à son remplacement par une idéologie », parce que « l’incroyant se définissait comme un libre-penseur, un évadé de prison théologique, heureux de sa liberté retrouvée », la déchristianisation laisse donc un vide pour les laïcs, rempli par l’Europe.

Toujours dans la continuation du mystère Français, Il évoque le « glissement vers la gauche de l’électorat catholique de droite ». Pour lui, « n’est-il pas vraisemblable que les catholiques zombies, en s’intégrant au PS, plutôt que de se convertir à l’égalitarisme des régions centrales, ont déposé au cœur de la gauche leur bagage mental inégalitaire ? (…) Le PS devient peut-être au fond plus insensible, plus dur aux faibles que ne l’était la droite conservatrice ». Todd poursuit son analyse en évoquant le groupe des MAZ : classes Moyennes, personnes Agées, catholiques Zombies, « qui accepteraient un fantastique durcissement interne de la société ». Reprenant des statistiques de l’INSEE, il rappelle que 57% de la population appartient aux classes populaires, 42% aux classes moyennes (17% supérieures) et 1% aux classes supérieures. Enfin, la France compte 32% de retraités parmi les 15 ans et plus.

samedi 26 décembre 2015

Todd et Charlie (2ème partie) : des corrélations et des causalités

Hier, j’ai débuté l’analyse du livre polémique d’Emmanuel Todd, « Qui est Charlie ? », soulignant certaines carences de ses critiques contre le mouvement qui a accompagné les manifestations de janvier. Un défaut majeur est sa façon de tirer des conclusions un peu hâtivement.



Des conclusions un peu hâtives ?

Dans ce livre, Emmanuel Todd s’appuie largement sur ses travaux antérieurs, et notamment la cartographie de la France réalisée avec Hervé Le Bras dans « Le mystère français ». Il tire un portrait démographique de Charlie et analyse la distribution des 4,4 millions de manifestants estimés (10,7% de la population des zones concernées), note la moindre participation dans les bassins ouvriers, dans le Nord ou le Sud-Est, ou la forte participation des villes de cadres ou de l’Ouest. Il oppose Marseille la populaire moins mobilisée et Lyon, la bourgeoise et catholique, plus mobilisée. Et en recoupant avec les résultats électoraux, il en déduit que « la France des classes moyennes supérieures fut surmobilisée » et que les catégories intermédiaires ont rejoint les classes supérieures, au contraire de 2005, comme en 1992.

Par-delà certains biais de méthodes, notamment soulignés par Edgar, on peut quand même se demander si la conclusion à laquelle arrive Todd n’est pas un peu rapide. Comme Edgar le souligne, il faudrait comparer avec d’autres manifestations pour vérifier si les estimations de participation du 11 janvier présentent un biais par rapport à la distribution habituelle. En outre, il est bien évident que les participants à la marche de Paris ne venaient pas seulement de la capitale, révélant l’attraction des grandes métropoles autour d’elles, ce qui biaise quelque peu les statistiques, et imposait une comparaison avec d’autres manifestations afin d’être rigoureux dans la démarche. Les habitants de la périphérie se sont-ils moins mobilisés parce qu’ils ne le souhaitaient pas ou parce que leur lieu d’habitation leur compliquait la tâche ? Sur cette question, comme d’autres, Emmanuel Todd semble conclure un peu rapidement.

Du sens de la manifestation

vendredi 25 décembre 2015

Todd et Charlie (1ère partie) : de l’hystérie, du blasphème et de l’islamophobie

Au printemps dernier, Emmanuel Todd a secoué le débat politique avec son livre « Qui est Charlie ? », bien chroniqué par Coralie Delaume ou Edgar, du blog La lettre volée. Après les attentats de novembre, il n’est pas inutile de se replonger dans ses analyses, foisonnantes, parfois passionnantes, mais aussi d’autres fois extrêmement biaisées et dans l’erreur, notamment sur le centre de sa thèse.



Curieuse vision des manifestations

Pour le manifestant que j’ai été, parler « d’accès d’hystérie (…) comment dire que la mobilisation de masse, loin d’être ‘admirable’, révélait un manque de sang-froid et, pour tout dire, de dignitié dans l’épreuve » me semble incroyable, pour ne pas dire plus. Que pouvait-il donc y avoir d’hystérique dans cette manifestation sobre, recueillie et fraternelle ? Je n’arrive pas à me souvenir de la moindre trace d’hystérie dans ce qui était un bel hommage pour les victimes, mais aussi pour nos valeurs dans une défense de la liberté d’expression nécessaire à toute démocratie. C’était au contraire un moment de large rassemblement des Français, autour de la Marseillaise, par-delà les clivages, même si l’exclusion du FN était une faute (corrigée en novembre). Il parle aussi de « foules, convoquées par le gouvernement, qui défilaient à travers toute la France », sans doute une extrapolation abusive des motivations des manifestants.

D’ailleurs, Todd tempère son propos en notant que la plupart des manifestants « justifiaient leur présence par leur attachement général à la liberté d’expression et défendaient un idéal de tolérance ». Puis il dit que « beaucoup ont vécu le ‘Je suis Charlie’ comme un épisode d’aliénation par la pensée d’autrui » (comme sur le blog d’Olivier Berruyer), je persiste à penser que la grande majorité des Français l’ont vécu au contraire comme un moment de communion nationale. Enfin, il va quand même très loin quand il fait un lien entre les manifestations et Zemmour, Houellebecq ou la « Manif pour tous », comme si tous les manifestants étaient favorables à leurs vues. Je suis un exemple que ce n’était pas le cas et personnellement, j’ai l’impression que c’était même plutôt l’inverse qui était le cas en janvier.

De l’islam et de l’islamophobie

jeudi 24 décembre 2015

Uber, c’est le retour au Moyen-Age social




Barbarie économique pseudo moderne


En réalité, le succès d’Uber tient au fait que les marchés acceptent de payer ses pertes abyssales (l’entreprise a perdu autant d’argent qu’elle a fait de chiffre d’affaires en 2014) en pariant sur le fait qu’une fois arrivé en position dominante, elle pourra alors dégager des profits colossaux, qui compenseront toutes les pertes passées. Pour y arriver, il faut attirer un maximum de clients, par des promotions, et faire le vide dans la concurrence. En baissant les prix de 20% (alors qu’il perd de l’argent – signe de la folie du modèle de cette entreprise), Uber vise les deux, tout en étant assuré d’une perte limitée de chauffeurs étant donnée sa forte position déjà acquise. Et une fois la concurrence liquidée, alors, Uber et ses actionnaires pourront alors augmenter les prix et pressurer davantage les chauffeurs.

La déconstruction de la civilisation ?

mercredi 23 décembre 2015

François Hollande cherche à écarteler les Républicains




Machiavel à la manœuvre

La séquence des élections régionales est assez extraordinaire. Passons sur la conclusion de la COP21 la veille du second tour, un argument pas malhabile pour assurer le report des voix écologistes. D’ailleurs, le bilan des élections n’est pas mauvais pour un parti arrivé 3ème au premier tour : 5 régions gagnées contre 7 pour les Républicains. Et encore, la déclaration outrancière de Claude Bartolone lui a peut-être fait perdre l’Ile de France. Mais surtout, en sacrifiant trois régions (deux complètement, une à moitié, du fait du refus du tête de liste de ne pas se présenter au second tour) sur l’autel du combat contre le FN, François Hollande brouille les cartes du jeu politique. Ne s’agit-il pas d’un donné pour un rendu pour les électeurs de droite en vue d’un second tour où il affronterait Marine Le Pen en 2017 ?

Mais surtout, il sème la discorde au sein des Républicains (qui n’en avaient guère besoin), où s’opposent les partisans de la ligne « ni-ni » choisie par Sarkozy, et ceux, comme Juppé ou NKM, qui sont prêts à appeler à voter pour la gauche si elle se retrouve face au FN. D’ailleurs, les deux présidents de région en PACA et au Nord-Pas-de-Calais-Picardie, n’ont pas oublié les voix de gauche qui leur ont permis de défaire largement la famille Le Pen et font assaut de concorde républicaine. Le président de la République en a profité pour aller dans le Nord et voir Xavier Bertrand. Plus fort encore, certains évoquent la possibilité de travailler ensemble pour la lutte contre le chômage. L’idée d’une grande majorité à la Française vient d’avoir son baptême du feu, pour le plus grand déplaisir de Nicolas Sarkozy.

Pile, ils perdent, face, il gagne

mardi 22 décembre 2015

L’Espagne, exemple démocratique




Vitalité démocratique ibérique

Encore une fois, avec ces élections législatives, l’Espagne démontre la vitalité de son débat démocratique depuis la très violente crise qu’elle a traversée à partir de 2008. Avant, le pays était souvent présenté en exemple, avec sa croissance supérieure à 3%, son budget en excédent, sa dette publique retombée autour de 40% du PIB. Mais cela était le fruit d’une énorme bulle immobilière financée au crédit trop bon marché, imposé par des marchés inconscients et une unification monétaire qui ne permettait pas à Madrid de monter les taux pour casser la spéculation. Le krach provoqué par la crise des subprimes a été particulièrement violent outre-Pyrénées, avec un triplement du niveau de chômage, au-delà du quart de la population et des conséquences sociales extrêmement violentes.


Les dirigeants du pays ont réagi avec la potion amère eurolibérale classique à base de coupes budgétaires afin d’équilibrer le budget et de baisse du salaire minimum pour gagner en compétitivité. Après des années de vaches maigres, le pays va très légèrement mieux, mais surtout, il a démontré une superbe capacité à débattre de manière posée mais ferme, avec, dans un premier temps, le mouvement des Indignados, qui a manifesté pour dire son horreur de la déchéance sociale qu’a provoqué l’application de ces potions amères. L’énergie des Indignés espagnols a débouché sur le profond renouvellement de la classe politique du pays : lors des récentes élections municipales, la vraie gauche de Podemos a conquis Madrid et Barcelone et aujourd’hui, c’est le parlement qui prend de nouvelles couleurs.

Que penser de ces alternatives ?

lundi 21 décembre 2015

La loi Touraine, instrument de communication au service des lobbys




Les abus des labos pharmaceutiques

C’est un débat qui commence tout juste à apparaître dans notre pays, alors qu’il se développe de manière beaucoup plus forte aux Etats-Unis, où Hillary Clinton en fait un élément de sa campagne pour les primaires. Deux sujets commencent à provoquer un véritable débat outre-Atlantique. D’abord, il y a le développement de la pratique dite de l’inversion fiscale, où un laboratoire yankee fusionne avec un laboratoire dont le siège est en Irlande pour réduire sa facture fiscale. Le dernier exemple en date est celui de Pfizer et Allergan, qui est déjà le produit de deux inversions. Washington a déjà mis en place des retrictions à ces pratiques, mais que les laboratoires n’ont pas eu grand mal à détourner. Et la poursuite des opératoires nourrit un débat qui montre les conséquences de l’abolition des frontières.


Un gouvernement à la solde des lobbys

dimanche 20 décembre 2015

Ecologie, pouvoir d’achat, délocalisations, emploi : et si on parlait de l’obsolescence programmée (billet invité)

Billet invité de l’œil de Brutus

Alors que la COP21 semble dans une incapacité chronique à admettre que c'est tout le modèle de la mondialisation néolibérale qui mène l'humanité au gouffre, je remets en ligne cet article de 2015 qui, malheureusement, n'a pas pris une ride.


L’obsolescence programmée a connu un développement phénoménal avec la société de consommation de massei dont on trouve les prémices dans les années 1920-1930. Le constat est alors simple : si l’on réalise des produits trop fiables, une fois tous équipés, les consommateurs n’en rachèteront plus et l’entreprise qui les produit pourra mettre la clé sous la porteii. Il s’agit donc d’encourager la consommation en réalisant sciemment des produits qui, au bout d’un certain temps, arriveront, pour une raison ou une autre, à péremption et nécessiteront leur renouvellement.

L’obsolescence programmée peut prendre différentes formes. La plus simple consiste simplement à ne pas corriger le vieillissement constaté d’un élément. Par exemple, le producteur d’une machine à laver peut s’apercevoir que les vibrations induites par le fonctionnement de son produit entraînent la casse de son moteur au bout de 5 à 6 ans de fonctionnement. Il ne fera rien pour diminuer ses vibrations afin de vous contraindre à remplacer votre machine. Le mécanisme peut être plus vicieux : le producteur pourra également accroître artificiellement les vibrations afin que le moteur lâche au bout de 4 ans, soit juste après la fin de l’extension de garantie à laquelle vous avez souscrit à grands frais …

samedi 19 décembre 2015

Avis de verrouillage de l’élection présidentielle !




Les gros partis verrouillent l’élection

Presque tous les choix de cette loi vont dans le sens d’avantager les plus gros partis. Déjà, en 2012, la règle dite d’équité avait permis aux grands partis de faire quasiment taire les petits dans une première phase de la campagne. Malheureusement, la majorité souhaite nettement accroître l’inégalité entre les candidats. Tout d’abord, alors que seulement 500 parrainages étaient révélés après coup, ils seront tous publiés, en temps réel et ce sont les signataires qui les enverront au Conseil Constitutionnel au lieu des candidats. Ce faisant, les petits candidats sans un grand réseau d’élus risquent de se voir barrer la route de l’élection. Et après, ils n’auront qu’un temps de parole limité car l’égalité stricte ne s’appliquera que pour deux semaines au lieu de 5, remplacée par la pseudo équité, basée sur les sondages…

Et ce n’est pas fini, la loi ramène d’un an à six mois la période de la campagne, ce qui permettra aux partis les plus riches d’augmenter leurs dépenses, s’ils le peuvent puisque le plafond s’appliquera pour deux fois moins de temps… Toujours aussi effarant, la loi rouvre la voie à la communication publicitaire par affichage ou presse, un moyen qui ne sera naturellement pas accessible aux petits partis. Comme le dit Christian Hutin, MRC, « nous ne sortirons pas de cette crise de l’offre politique par la surenchère publicitaire des gros partis ». L’addition de toutes ces mesures devrait malheureusement renforcer les trois grands partis qui dominent notre vie politique, qui gagneront du temps d’antenne alors que les autres y perdront temps de parole et même, potentiellement, l’accès même à l’élection.

Ni socialiste, ni vraiment démocrate

vendredi 18 décembre 2015

Smart réussit la miniaturisation des droits sociaux




Une simple logique de rapport de force

En septembre, 61% des ouvriers s’étaient opposés au projet mais le soutien de 74% des cadres avait permis de réunir une majorité. Le pacte 2020 prévoit le passage de 35 à 39 heures, payés 37, moins de RTT pour les cadres et une garantie de l’emploi jusqu’en 2020. Trois mois après, les salariés semblent bien avoir cédé puisque 9 sur 10 ont signé l’avenant à leur contrat, permettant à la direction de confirmer l’application de l’accord. Mais d’abord, un engagement jusqu’en 2020 est tout de même assez léger : il s’agit seulement d’une garantie d’un peu plus de 4 ans. On peut imaginer que si la situation du marché de l’emploi ne s’est pas vraiment redressée dans quelques années, la direction pourra toujours lancer une nouvelle négociation pour raboter encore un peu les droits sociaux des salariés.

Ce faisant, ce que l’on constate, c’est qu’à partir du moment où l’Etat donne la possibilité aux entreprises de revenir en arrière, dans le cadre de cette globalisation et d’un fort taux de chômage, le rapport de force est foncièrement inégal et à la faveur des grands groupes qui peuvent toujours faire un chantage à l’emploi et à la délocalisation à des salariés qui savent que s’ils sont trop revendicatifs ou pas assez dociles, alors ces employeurs pourront fermer l’usine et la rouvrir dans un pays d’Europe de l’Est, où le SMIC est jusqu’à dix fois plus bas ! Avant, il n’était pas possible de dégrader les droits sociaux, mais les accords de compétitivité permettent désormais de mettre la marche arrière pour les salariés, qui correspond à une accélération, en revanche, pour les profits, les actionnaires ou les dirigeants.

Parti Socialiste ou Parti des Superriches ?

jeudi 17 décembre 2015

Avis de vents forts néolibéraux

C’est quelque chose que j’avais malheureusement pressentie dès début janvier 2009, en imaginant que le néolibéralisme finirait par sortir vainqueur des débats idéologiques postérieurs à la crise qu’il avait pourtant provoqué. Après quelques mois de remise en question, l’interprétation de la crise l’avait largement épargné et il faut bien constater que, depuis, le phénomène s’accentue.



Les défaites de l’Etat, du collectif et de l’humanisme

Bien sûr, dans nos sociétés complexes, les choses ne se passent pas de manière uniforme et radicale. Les évolutions sont plus subtiles, mais il semble que les choses accélèrent, malgré les débats sur un relèvement du salaire minimum aux Etats-Unis, en Grande-Bretagne et en Allemagne (où il était faible) et l’allègement de l’austérité en Europe. D’abord, on peut voir dans le virage libéral des « socialistes » en France il y a près de 2 ans un symptôme de cette évolution. Pire, ils ne cessent d’accélérer, jusqu’à ne laisser qu’un espace bien étroit aux « républicains ». A Athènes, la gauche « radicale » a fini par accepter les potions amères qu’elle dénonçait avant son élection. Tous les grands pays d’Europe sont à droite, même si à Rome et Paris, c’est une droite économique qui se dit pourtant de gauche.

Et malheureusement, il faut bien reconnaître que les circonstances ne s’arrangent pas pour le moment. En effet, logiquement étant donnés les échecs des majorités sortantes, les électeurs ont choisi l’alternance en Argentine et au Vénézuela, deux pays souvent évoqués en exemple par les alternatifs, même si, dans mon cas, j’avais bien souligné les errements (plus ou moins importants) de ces deux pays. Avec le retournement de Syriza, il faut bien reconnaître que le front politique alternatif est en capilotade aujourd’hui. Pire, comme au tournant du siècle et avant la crise de 1929, notre époque s’abandonne à une nouvelle bulle et un délire sur les nouvelles technologies sans le moindre recul. Et la baisse des taux, du pétrole et de l’euro apporte une petite bouffée d’oxygène asphyxiant toute remise en cause.

Des batailles perdues et de celles que nous gagnerons

mercredi 16 décembre 2015

SMIC, chômage : le PS persiste dans le côté obscur




Antisocial sur le pouvoir d’achat

Malheureusement, le choix du gouvernement sur le SMIC n’est pas une surprise. Juste après son élection, François Hollande s’était contenté d’un coup de pouce de 0,6% au-dessus du minimum légal. Pas cher payé pour une majorité qui se dit socialiste. Il faut rappeler, encore et encore, que le Jacques Chirac de la fracture sociale avait accordé 2% de coup de pouce à son élection en 1995. Quand la droite pourtant post-gaulliste parvient à être trois fois plus généreuse que le parti dit socialiste ! Et depuis, rien. Le gouvernement n’a pas accordé le moindre coup de pouce supplémentaire depuis trois ans et demi, un fait qui en dit long sur ses priorités et le choix destructeur de la compétitivité à tout prix. Pire, la rémunération des patrons du CAC40 a augmenté dix fois plus rapidement, soit +6% en un an.

Même si ce choix tient aussi à la structure de notre fiscalité, il faut rappeler que c’est le libre-échange non maitrisé avec des pays où les salaires sont 10 ou 20 fois plus bas qui met la pression sur le niveau des bas salaires. Mais parce qu’elle refuse de remettre en question le libre-échange anarchique, les « socialistes » en viennent à adopter l’agenda salarial du Medef d’un blocage du SMIC, alors même que les économistes soulignent que la hausse des bas salaires est un moteur pour la croissance (pour peu que l’on maîtrise les importations bien sûr). Et ce choix est encore plus effarant qu’un débat émerge sur le niveau du SMIC, en Allemagne, en Grande-Bretagne ou même aux Etats-Unis, avec la volonté de le revaloriser. Bref, Hollande continue à mener la politique de la droite la plus stupide.

La découverte du chômage de masse

mardi 15 décembre 2015

Quelques leçons chiffrées des régionales

Avec le fort rebond de la participation et des régions partagées entre le PS et LR, le FN ne remportant pas la moindre région, on peut tirer la conclusion qu’il n’y a rien de nouveau sous le soleil. Mais un examen plus fin des résultats permet d’aller au-delà d’une interprétation un peu superficielle.



Profond désenchantement politique

Bien sûr, 3,85 millions de citoyens de plus se sont déplacés entre les deux tours, la participation passant de 49,9 à 58,4%. Néanmoins, un chiffre a été totalement oublié dimanche : celui du nombre de bulletins blancs ou nuls, qui a augmenté de 388 000 d’un scrutin à l’autre, passant de 3,99 à 4,87% des votants, plus d’un million ! Près d’un électeur sur vingt a choisi de ne pas choisir. En outre, il faut rappeler que l’abstention est à 41,6% et que si on ajoute les votes nuls et blancs (qui devraient être décomptés des résultats finaux), on atteint tout de même 44,4% des citoyens inscrits qui ne sont pas exprimés. Le premier parti de France, c’est d’abord celui des Français qui choisissent de ne pas s’exprimer. On peut incriminer un manque de civisme, mais on peut aussi y voir le fruit de décennies de mauvaises politiques.

On a vu au premier tour le résultat de la profonde insatisfaction des Français à l’égard de ceux qui nous gouvernent depuis des décennies avec le nouveau record du FN, qui a rassemblé 27,73% des suffrages exprimés (un peu plus de 26% des votants). D’ailleurs, on pouvait retrouver dans le discours des ténors des deux grands partis l’illustration du profond désenchantement des Français, qu’ils ont sans doute ressenti lors de la campagne. Nicolas Sarkozy a promis une réflexion sur la ligne politique, tout en excluant NKM pour ne pas avoir suivi une ligne qu’il a pourtant remise sur le chantier. Bonjour la cohérence  et voilà qui en dit long sur l’étendue possible du débat. Et la majorité a décidé d’accélérer sur l’emploi, comme si elle se rendait compte aujourd’hui seulement du fait que le chômage bat des records !

Que penser du score du Front National ?

lundi 14 décembre 2015

Régionales : du bleu marine au rose et bleu




Le parti qui rend les idées qu’il touche minoritaires




Hier, les électeurs ont confirmé le jugement des élections départementales, à savoir que si notre vie politique est dominée par les trois premiers partis (qui rassemblent une part grandissante des voix), une forte majorité de la population refuse absolument de confier la moindre responsabilité au FN. Et des citoyens qui n’avaient pas jugé nécessaire de voter le 6 décembre se sont déplacés, en grande majorité pour faire barrage à ce parti qui rassemble contre lui une majorité de la population, du Nord au Sud-Est. Ses partisans préfèreront sans doute faire comme les politiciens qu’ils critiquent et refuseront de voir cette évidence en se retranchant dans une argumentation digne de la langue de bois d’un Jean-François Copé ou d’un Manuel Valls. Mais le bilan de ce second tour démontre que le plafond de verre est solide.

Le plan de François Hollande pourrait fonctionner

dimanche 13 décembre 2015

Du vin, de l’humanité, de la culture et de la mondialisation

La globalisation a une sérieuse tendance à aplatir la terre : même fast-food, même chaine d’habillement, mêmes sodas, mêmes marques, mêmes films, mêmes musiques, même langue. En quelques décennies, le monde entier est devenu le terrain de jeu de bien des multinationales, réduisant la diversité de la planète. Mais il y a un domaine où cette marche en avant connaît une résistance : le vin.



Eloge de la terre et de l’humanité

Bien sûr, quelques maisons ont réussi à s’imposer dans la planète entière. Cependant, en comparaison de l’évolution de bien des catégories de produits, qui s’uniformisent et où la diversité recule, le vin conserve une spécificité, une unicité que cette globalisation ne semble pas parvenir à réduire. Déjà, le vin n’est pas tout à fait un produit, il a une dimension culturelle et son procédé de production ne peut pas suivre les modalités de tant de produits que nous consommons. Le vin, c’est un terroir, qui lui donne sa personnalité, la Bourgogne nous apprenant que quelques centaines de mètres peuvent changer le caractère d’un même cépage. C’est aussi un millésime : son caractère varie chaque année, l’effet millésime continuant à jouer, pour tous les vins, grands ou petits, dans un puzzle aux multiples facettes.

Mais outre le fait d’être ancré dans une géographie, et dans le temps, le vin est aussi le fruit du travail des hommes. Sa singularité ne vient pas seulement de son terroir, de son millésime, de ses cépages, mais aussi de tout le travail des vignerons qui le conçoivent : densité des cultures, soin de la vigne (effeuillage, produits utilisés), puis choix du jour de la récolte et élevage du vin jusqu’à sa mise en bouteille. Autant de choix qui façonnent des vins à la personnalité différente, parfois même quand ils sont voisins. Et enfin, le vin n’est pas un produit qui se dégrade dans le temps, il évolue, pendant des années, parfois même des décennies. Le vin nous impose la patience dans un monde où tout va trop vite, ce ne peut pas être mauvais. Au final, c’est un éloge de choses qui nous dépassent (le terroir, le climat), de notre travail et parfois de notre génie, de la diversité, du temps, à rebours des recettes trop uniformes et souvent insipides, quand elles ne sont pas trop sucrées, que produit cette mondialisation qui veut aplatir le monde.

Anti-thèse de la globalisation ?