dimanche 25 septembre 2011

1929 = 2001 + 2008 : l’équation de Galbraith ?


« La crise économique de 1929 » est assez incroyable à lire tant l’histoire ressemble à celle de la dernière décennie. En fait, elle semble conjuguer les caractéristiques de la bulle Internet et des subprimes.


Le rôle des inégalités


Galbraith donne cinq explications à la crise de 1929. Tout d’abord, il y voit une conséquence des inégalités dans la répartition des revenus. Ensuite, il incrimine la structure des entreprises, et notamment le levier utilisé par les sociétés financières. Puis, il met en cause le rôle des banques, la balance commerciale américaine et enfin les erreurs des économistes de l’époque.


Le rôle de la mauvaise répartition des revenus peut sembler surprenant au premier abord. Cependant, les économistes montrent bien qu’un pic d’inégalités a été atteint en 1929 (et en 2007 à nouveau), ce qui incite à considérer cette piste avec attention. Pour Galbraith, l’explication est la suivante : « cette répartition des revenus signifiait que l’économie dépendait d’un haut niveau d’investissements ou d’un haut niveau de dépenses de luxe chez les consommateurs (ou les deux) ».


Il note qu’une répartition plus égalitaire donne une plus grande stabilité à l’économie car seule une minorité jouait à la bourse (1% de la population étasunienne au maximum selon lui). Plus son poids dans l’économie est lourd (près de 20% des revenus alors), plus l’impact d’un krach est alors important… Il note d’ailleurs que les grandes vagues spéculatives ont souvent été précédées de baisses d’impôt et cite des scandales de l’époque sur la rémunération des grands patrons qui seront familiers au lecteur d’aujourd’hui.


L’effet de levier, le démon de la finance


Mais la cause principale est le levier, qui consiste à emprunter pour placer plus que ce que l’on a par des innovations financières (sociétés d’investissement en 1929, hors bilan ou CDS en 2008). Il accentue les hausses comme les baisses. D’abord, son utilisation augmente la quantité d’argent disponible, donc les prix, puis créé des moyens supplémentaires, ainsi de suite. Ensuite, la baisse des cours provoque des appels de marge pour couvrir les pertes, forçant les ventes, faisant alors baisser toutes les actions.


Il montre l’envolée des prêts spéculatifs (2,5 milliards de dollars début 1926, 3,5 un an plus tard et 6 fin 1928). Cet effet de levier fut utilisé par les sociétés financières pour créer des cascades de sociétés d’investissements, une société d’investissement pouvant à son tour en créant une autre. Tout cet argent permettait également aux sociétés d’acheter leurs propres actions pour faire monter leur cours. Il note également que l’effet de levier permettait de passer outre le niveau des taux d’intérêts.


Une crise également systémique


Galbraith attribue également une part de responsabilité au système bancaire qui s’effondra comme un château de cartes avec la crise, une faillite en entraînant une autre. Il souligne également le rôle des déséquilibres commerciaux. En effet, les forts déficits ou excédents provoquent des flux d’argent qui poussent les marchés à la hausse (comme en 2007). Enfin, il souligne que les économistes de l’époque, en privilégiant l’équilibre des finances publiques, transformèrent la récession en dépression.


La lecture de ce livre est d’autant plus passionnante qu’il s’agit d’une réédition de 1989, où l’auteur en profite pour parler du krach de 1987, qu’il avait annoncé en janvier. Pour lui, cela montre que les marchés portent en eux-mêmes les germes de leur propre destruction,. Il souligne également que les deux krachs ont produit leur lot de bouc émissaire permettant d’exonérer le marché (les double déficits en 1987, le retournement économique en 1929). Il souligne au contraire la responsabilité de la politique de taux élevés, qui, en attirant les capitaux, fit monter la bourse au-delà du raisonnable.


Pour lui, néanmoins, et ces phrases, écrites en 1989, trouvent une lecture très actuelle aujourd’hui, nous sommes en partis à l’abri d’une Grande Dépression pour deux raisons. Tout d’abord, il y a « la certitude que le gouvernement fédéral renflouera toute banque en difficulté pourvu qu’elle soit d’une certaine taille ». Et ensuite, il y a maintenant des mécanismes qui protègent de la déflation salariale. Une autre, dans l’édition de 1954 raisonne bizarrement aujourd’hui : « l’étonnant, en vérité, est que depuis 1929 nous ayons été si longtemps épargnés ». Le monde s’est rattrapé depuis.


Paradoxalement, il semble que la moindre violence de la crise de 2008, par rapport à celle de 1929, ne permet pas une prise de conscience des politiques des limites d’un système qui porte en lui-même les germes de sa propre destruction. S’ils pouvaient relire Galbraith !


Source : « La crise économique de 1929, anatomie d’une catastrophe financière », Payot, texte publié en août 1929

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