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mardi 11 décembre 2018

L’existence de l’euro, cause première des « gilets jaunes » (tribune collective)


Des annonces d’hier, aux nombreux angles-morts, l’essentiel, à savoir l’UE, a été oublié. J’en profite pour publier ce nouveau texte. Merci aux initiateurs, qui m’y ont à nouveau convié, et qui rappellent un point fondamental de cette crise : la responsabilité de l’UE et de l’euro, qui n’oeuvrent que pour une toute petite minorité, contre la grande majorité, comme le montrent à nouveau les reculs sur la taxation des GAFA ou des transactions financières, après d’autres, comme le glyphosate.


Près de vingt ans après le lancement de l’euro, le 1er janvier 1999, la situation de la monnaie unique européenne est paradoxale. D’un côté, l’échec de ce projet est patent, étant reconnu par la plupart des économistes compétents, dont de très nombreux prix Nobel. De l’autre, ce sujet est maintenant tabou en France, au point qu’aucun responsable politique n’ose plus l’aborder de front. Comment s’explique une telle situation ?

vendredi 10 avril 2015

L’Islande envisage une révolution monétaire

C’est une nouvelle qui devrait faire la une de toutes les rubriques économiques car elle pourrait représenter une véritable révolution monétaire : l’Islande, décidemment en pointe de grands débats démocratiques, envisage de reprendre le contrôle de la création de la monnaie aux banques !



Les prémices de la révolution ?

Il faut remercier les médias belges, qui couvrent cette nouvelle ignorée en France. Le Premier ministre a commandé un rapport intitulé « Un meilleur système monétaire pour l’Islande », recommandant au parti au pouvoir de confier l’intégralité de la création de monnaie à la banque centrale. Cette étude souligne que « l’île a connu plus de 20 crises financières depuis 1875, avec six crises graves qui se produisent environ tous les 15 ans ». Elle note que « les banques centrales n’ont pas le pouvoir de restreindre cet emballement du crédit, ce qui fait grimper l’inflation, favorise les prises de risque excessives et la spéculation, fragilise les banques et mènes à des interventions coûteuses de l’Etat ».


Le retour d’un vieux débat

Contrairement à ce que souhaiteraient croire quelques néolibéraux monétaristes, qui ont inventé la théorie commode du voile monétaire, qui justifie l’indépendance des banques centrales (en fait, leur sortie du champ démocratique pour les confier à des bureaucrates généralement trop prompts à défendre les intérêts des banques et du secteur financier), la monnaie relève du champ démocratique. Car la monnaie a souvent été un sujet de débat politique opposant des camps différents, comme le rappelle David Graeber dans son livre ou Jean-Claude Werrebrouck. Aux Etats-Unis, cela a été un sujet majeur il y a plus d’un siècle. Au Japon, cela a fait partie du programme politique de Shinzo Abe.

Bref, il est bon de constater dans notre zone euro, qui a sorti la question monétaire du cadre démocratique, affaiblissant ce faisant la démocratie, que cela est en réalité une anomalie et qu’il est parfaitement possible de reprendre le contrôle de la monnaie. Les théories chartalistes, ou du 100% monnaie, sont sans doute à la base de la réforme aujourd’hui envisagée en Islande. Il faut remercier ce petit pays aux grandes idées pour sa vibrante démocratie qui remet en cause des choses qui semblent malheureusement impossibles à une majorité des citoyens, alors qu’elles ne le sont pas. L’Islande est, à date, le seul pays qui a pleinement tiré les leçons de la crise financière, aussi dures soient-elles.


Il sera donc essentiel de suivre l’avancée de cette possible réforme monétaire. L’Islande pourrait encore éclairer l’Europe de sa vigueur démocratique. En attendant, je vous invite à suivre les écrits de Jean-Baptiste Bersac, un promoteur des théories chartalistes dont je dois lire le livre.

dimanche 4 janvier 2015

2015 : l’année où les contradictions de l’euro exploseront en Grèce ?


L’élection du 25 janvier à Athènes est cruciale pour l’avenir de la monnaie unique européenne et l’Europe. Comme en 2012, le parti de gauche radicale Syriza pourrait gagner la majorité et amener le pays dans une voie fatale pour l’euro, malgré ses professions européennes.



Syriza : la mise à mort de l’euro sans le dire ?

Bien sûr, Alexis Tsipras professe qu’il ne souhaite pas quitter la monnaie unique et les partisans de cette solution au sein de Syriza se font plus discrets, mais il pourrait s’agir d’une posture destinée à rassurer les électeurs pour gagner les élections. En effet, comme l’a noté Romaric Godin dans la Tribune, le programme de Syriza (renégociation de la dette, fin de l’austérité, hausse du SMIC) placerait l’UE dans une position bien délicate. Il semble quand même totalement exclu que Syriza finisse par se plier à la troïka, comme l’indique le chef économiste du parti au Guardian, en évoquant une décote de la dette d’au moins 50%. En cas de désaccord, Athènes pourrait suivre la voie de l’Argentine, quitter la monnaie unique, démontrant sa friabilité, et ouvrant la voie à l’Espagne et à une spéculation déchainée.

C’est bien pour cette raison que l’UE pourrait être fortement tentée d’accepter une troisième restructuration de la dette grecque et un assouplissement des plans de la troïka, plutôt que de prendre le risque d’ouvrir la boîte de Pandore. Nul doute que, leur vie même étant menacée, les hiérarques européens ne manqueront pas de créativité pour trouver un accord qui pourrait convenir aux différents partis. Mais se poserait alors la question de l’Allemagne. Angela Merkel pourra-t-elle accepter, et faire accepter, une restructuration de la dette grecque, une perte pour son pays ? Sinon, le blocage mènerait à l’explosion. Si oui, cela renforcerait sans doute le camp des partisans du retour du deutsche mark.

Le statut quo est encore possible

samedi 12 avril 2014

Faut-il se réjouir du retour de la Grèce sur les marchés ?


« La Grèce fait un retour triomphal sur les marchés » : les Echos présentent l’emprunt souscrit par Athènes comme un « énorme succès ». Une vision superficielle et caricaturale des choses, tout juste modérée par l’infographie qui rappelle un peu l’horreur que le pays traverse depuis 4 ans.


L’arbre devant la forêt

Bien sûr, les analyses à courte vue soulignent que le pays n’avait pas pu emprunter sur les marchés depuis quatre ans et que l’offre a été sur-souscrite six fois par les marchés. La Grèce a donc réussi à emprunter 3 milliards d’euros à 4,95% à 5 ans, une forme de « retour à la normal ». Mais l’infographie du journal apporte une perspective différente : taux de chômage passé de 8 à 27%, dette publique passée de 100 à près de 180% du PIB, doublement du taux de suicide, envolée des nouveaux cas de sida… Bref, il serait bon de mettre en perspective cette information avec l’horreur que traverse le pays depuis 4 ans, qui pourrait bien demain être qualifiée de véritable crime contre l’humanité

Sur son très recommandable blog, Jean-Claude Werrebrouck y voit trois gagnants : les banques, qui vont empocher des sommes rondelettes avec un minimum de risques, Bruxelles et les dirigeants grecs qui peuvent afficher ce retour sur les marchés comme une preuve du succès de leurs plans… Mais l’essayiste souligne justement que les perdants seront les citoyens grecs, qui vont devoir payer les charges tout en supportant encore une monnaie bien trop chère qui a laminé son industrie (et donc l’emploi), poussant le pays dans une véritable déflation pour relancer sa compétitivité. Il rappelle aussi le caractère illusoire de ces dettes : qui peut croire qu’Athènes pourra les rembourser ?

Un esclave qui change de maître

jeudi 27 mars 2014

A quand un vrai débat sur la monnaie ?



Je vous signale la parution d’une vidéo très intéressante sur la monnaie par Gabriel Rabhi, à laquelle André-Jacques Holbecq a collaboré. Je partage l’essentiel de ce qui est dit (à quelques raccourcis près). Les deux hommes continuent de porter un débat essentiel mais malheureusement trop souvent oublié dans nos démocraties, et qui finira un jour par s’imposer.

Pour aller plus loin sur le sujet :
-        papiers sur la réforme du système financier : pourquoi ½, pourquoi 2/2, principes, proposition

jeudi 12 décembre 2013

La Banque Centrale Européenne est une anomalie





Un nouvel exemple : l’Inde

C’est un long papier de The Economist qui est venu rappeler à quel point une banque centrale et l’Etat peuvent décider de réglementer le système financier dans le sens de l’intérêt général. Et le cas mis en avant est celui de la première démocratie du monde, l’Inde. L’article souligne à quel point l’Etat tient sous sa coupe le système financier. En effet, les banques publiques assurent trois-quarts des prêts du pays et les banques étrangères ont une part de marché limitée à 5%. La banque centrale du pays, « relativement indépendante » impose aux banques d’investir 23% de leurs dépôts en bons du trésor et d’en déposer 4% chez elle. Enfin, 40% des prêts vers les secteurs prioritaires, notamment l’agriculture.

Bref, l’Etat dirige plus de la moitié de l’épargne du pays dans la direction qu’il veut ! Bien sûr, The Economist critique ce dirigisme en pointant le fait que seulement 35% des adultes ont un compte bancaire (mais cela s’explique aussi par la pauvreté du pays), des défauts sur les prêts (mais cela arrive aussi dans le secteur privé – demandez en Europe), l’inflation, qui tourne autour de 10%, et les achats d’or, qui déséquilibrent la balance des paiements. Mais l’hebdomadaire des élites néolibérales souligne également que cela permet de financer sans problème le déficit public, à 7/8% du PIB et surtout que l’Inde s’est protégée efficacement de la crise de 1997-1998 et de la crise financière globale de 2008-2009.

Dirigisme et intérêt général

dimanche 16 juin 2013

Remettre l’argent au service de l’intérêt général


C’est un livre essentiel, signé par André-Jacques Holbecq et Philippe Derudder, le livre qu’il faut offrir aux néophytes pour leur faire comprendre les enjeux autour de la monnaie. Un ouvrage hautement politique qui synthétise de manière simple, courte et claire pourquoi le système actuel est aberrant.



L’homme, la seule querelle qui vaille

Ce n’est pas le livre qui sera le plus utile pour ceuq qui s’intéressent de près aux questions monétaires, et qui ont lu Pierre-Noël Giraud ou Jean-Claude Werrebrouck, mais le « Manifeste pour que l’argent serve au lieu d’asservir » est un livre plus politique qu’économique, et qui s’adresse à un public très large, y compris ceux qui n’ont jamais lu de livres d’économie. Comme dans leur livre sur la dette publique ou celui sur les monnaies complémentaires, les auteurs utilisent des paraboles (celle des deux îles est particulièrement parlante : je vous laisse la découvrir au début du livre) qui permettent de prendre du recul sur l’actualité et de saisir des choses qui devraient pourtant être évidentes.

Humanistes, ils rappellent le paradoxe de cette société qui créé tellement de richesses mais où subsistent tellement de pauvres, le fait que « les difficultés financières conduisent au démantèlement de l’appareil social et des services publics, au creusement des inégalités, pendant qu’elles empêchent la transition écologique et énergétique ». Ils affirment que si nous ne répondons pas aux défis actuels, c’est parce que nous restons dans le cadre. Ils citent André Gide, qui disait que « le monde ne pourra être sauvé que par des insoumis ». La Grèce est la victime de ce cadre, de « la logique comptable (qui) nous dépouille (…) de toute humanité » au point de nous faire considérer comme normal, voir ‘responsable’, le fait de laisser une personne mourir de soif auprès d’une fontaine d’eau claire.

La monnaie pour les nuls

lundi 10 juin 2013

Pourquoi la banque centrale doit dépendre de l’Etat


Après avoir conté et remis en perspective l’histoire de la Banque de France, Jean-Claude Werrebrouck se pose la question du statut qu’il faut donner à une banque centrale aujourd’hui : indépendance ou non.



De « l’ordre organisé » au désordre

Il note que les rentiers ont intérêt au développement du marché de la dette publique, marché profond et liquide. Il suppose « un respect intégral des droits fondamentaux, en particulier la propriété » des rentiers. En 1945, la faiblesse du système financier fait que l’Etat dicte ses conditions et met en place un « ordre organisé ». Nous sommes alors dans le compromis fordien, où la «  croissance est auto-entretenue par le partage des gains de productivité qu’elle génère : le rendement croissant, s’il est bien partagé, permet à la fois des profits croissants, des prix décroissants, et des réuménarations croissantes ». Le cadre naturel de ce compromis est l’Etat-nation, « espace lui-même relativement homogène, et surtout espace de légitimité, où peuvent se nouer des compromis au niveau des marchés politiques ».

Pour lui, la situation actuelle « rappelle la chute de Rome (…) l’Etat est contesté par de nouveaux barbares qui, conquérants dans l’espace des marchés, jouissent d’une grande autonomie par rapport au suzerain ». La mondialisation pousse les dépenses de l’Etat à la hausse et leurs recettes à la baisse. Le système tient grâce à la dette et aux interventions des banques centrales, des « pontages coronariens ». Pour lui « les nouveaux barbares des marchés la jugeront (la monétisation) préférable à la saisie, à la nationalisation, à la restructuration, voire à une régulation tatillonne », même si cela « développe une base monétaire surdimensionnée, matière première de bulles périodiques ». Il dénonce « la relance de l’investissement par diminution de la part des salaires dans la valeur ajoutée (qui) est inopportune en ce qu’elle réduit les débouchés de toutes les industries de biens de consommation ».

Il note que nous faisons alors le choix de la mondialisation plutôt que de l’automatisation des usines. Mais les débouchés deviennent alors indépendants des conditions de la production par la recherche des salaires et de la fiscalité les plus bas, créant un problème de débouchés. Cette chaine logistique mondiale impose une libre-circulation des capitaux et un développement du système financier. La victoire des actionnaires et de la finance sur les industriels se lit dans l’évolution, entre 1970 et 2010, du poids des dividendes dans l’excédent brut d’exploitation, passé de 12,8 à 29,8% et la baisse de la formation brute de capital fixe (les investissements) de 21,9 à 18,7%. Pour lui, « la mondialisation libère de la nécessaire congruence, locale ou nationale, entre les conditions de production et celles de la consommation ».

Querelles sur la question de la monnaie

dimanche 9 juin 2013

Une histoire des banques centrales, par Jean-Claude Werrebrouck


C’est un livre essentiel. La crise que nous traversons a démontré le rôle majeur des banques centrales. Dans la zone euro, elles sont totalement indépendantes. Dans d’autres (Japon), elles obéissent à l’Etat. Dans son livre « Banques centrales, indépendance ou soumission », Jean-Claude Werrebrouck décrypte l’évolution de leur rôle et de leur fonctionnement.



Les prêteurs de dernier ressort

Pour montrer leur importance, il souligne que, dans cette crise, nous avons bien vu que « sans elles tout s’écroulerait ». Mais il rappelle aussi que leur mode de fonctionnement a varié dans le temps, avec notre représentation de la monnaie, ce qui explique « cette immense boucle du 20ème siècle qui passe de banques centrales relativement autonomes à des banques centrales qui ne le seront plus du tout, pour voir réapparaître en fin de siècle des entités considérées comme complètement indépendantes ». Il rappelle qu’il existe deux excès à éviter : le manque de monnaie, qui plonge l’économie dans la récession, et son excès, qui érode la confiance et peut aboutir à l’hyperinflation.

Il rappelle que la monnaie est « un bien public sans lequel le retour à l’état de nature est assuré ». Il évoque la banque libre (où chaque banque émet sa monnaie, de manière concurrentielle, sans banque centrale). Cette école avait poussé les Etats-Unis à dissoudre en 1830 la Second Bank of the United States, mais la récurrence des crises financières poussa à créer la Federal Reserve en 1913. Il pose plusieurs questions. Tout d’abord, pourquoi les banques centrales sont devenues indépendantes à la fin du 20ème siècle ? Ensuite, il se demande si la création monétaire nécessaire à la croissance doit être le fruit des crédits faits par les banques, ou une création directe par les banques centrales.

En effet, la création de la monnaie telle qu’elle est faite aujourd’hui par le système financier est une sorte de délégation de service public donnée aux banques privées, sur un marché concurrentiel, pour leur seul profit. Il s’interroge également sur les bénéficiaires actuels des politiques des banques centrales. Enfin, il soutient que les banques centrales « sont créées pas les hommes, mais ces derniers en seraient dépossédés puisqu’ils n’ont juridiquement aucun pouvoir sur leurs dirigeants ». Dans une digression philosophique, il note qu’aujourd’hui, nous avons trop tendance à ne pas remettre en cause certains dogmes, comme l’indépendance des banques centrales ou le marché.

Banque de France : de la tutelle à la nationalisation