samedi 22 décembre 2012

Flot de liquidités et conséquences


Retenant les leçons du passé, les banques centrales ont globalement évité que l’absence de liquidités ne transforme la crise en une violente dépression économique, comme dans les années 1930 (à part dans quelques pays européens). Mais les politiques suivies ne sont pas sans poser d’autres problèmes.

L’explosion du bilan des banques centrales

540 milliards de monétisation annuelle de la dette publique de plus : voici l’annonce faite par Ben Bernanke la semaine dernière, qui s’ajoute aux 480 milliards d’achat annuel de créances immobilières. La Fed n’y va pas avec le dos de la cuillière pour soutenir l’économie étasunienne. Ce programme correspond à environ 6% du PIB de monétisation pour l’année à venir, soit le même rythme que la Grande-Bretagne (375 milliards de livres en 4 ans). Et la Banque du Japon n’est pas en reste.



Résultat, le bilan des banques centrales a explosé depuis le début de la crise. Celui de la Fed était inférieur à 1000 milliards de dollars début 2008. Il approche les 3000 milliards aujourd’hui et pourrait donc atteindre près de 4000 milliards fin 2013 selon Olivier Demeulenaere. La BCE a plus que doublé son bilan, mais en se concentrant sur la fourniture de liquidités aux banques (les 1000 milliards de fin 2011-début 2012), comme le souligne Evariste Lefeuvre, de Natixis, dans les Echos.

L’incroyable déformation des marchés

Cette action déterminée des banques centrales britannique et étasunienne a permis de pousser les taux longs à moins de 2% dans ces pays (ils étaient entre 5 et 8% à la fin des années 1990) malgré des déficits budgétaires supérieurs à 7% contre 3,4% dans la zone euro. La Fed détient aujourd’hui 27% des obligations à 10 ans des Etats-Unis, soit plus de 1300 milliards à la fin septembre (contre 200 avant la crise). Le seuil des 2000 milliards devrait être franchi fin 2013 à ce rythme.

Mais ce tsunami de liquidités n’est pas sans provoquer quelques déformations de l’économie. Comme le note The Economist, l’effondrement des taux longs a provoqué une reprise de l’endettement des entreprises aux Etats-Unis, qui devrait progresser de 40% cette année, soutenant la reprise de manière relativement progressiste comme l’explique un autre papier. Mais cette baisse des taux diminue les revenus de l’épargne et favorise les marchés action et immobilier, au risque d’une bulle.

Un problème de responsabilité

Bien sûr, ces plans étaient sans doute nécessaires du fait de la trappe à liquidités dans laquelle nous nous trouvions. Néanmoins, l’extraordinaire différences des programmes suivies dans les pays anglo-saxons (qui monétisent largement la dette publique) et dans la zone euro (qui se concentre sur le refinancement des banques et monétise très peu) démontre que les programmes de monétisation ne sont pas simplement des programmes techniques mais bien des politiques monétaires.

Dès lors, il devrait y avoir un débat sur la direction de ces choix, qui devraient être de la responsabilité des hommes politiques. Il n’est pas normal que des hauts fonctionnaires puissent jongler avec des centaines de milliards avec une telle lattitude d’action sans en rendre compte démocratiquement. Joseph Stiglitz a bien raison de dire que « nous devons reconnaître que les décisions d’une banque centrale sont essentiellement politiques ; elles ne doivent pas être déléguées à des technocrates ».

Depuis plus de 4 ans, les banquiers centraux écrivent un chapitre majeur de notre histoire économique. Mais la diversité des politiques menées en dehors de tout contrôle démocratique démontre qu’il s’agit de choix politiques qui devraient être fait par les gouvernements et en aucun cas par des technocrates indépendants.

4 commentaires:

  1. "cette baisse des taux diminue les revenus de l’épargne et favorise les marchés action et immobilier"
    En effet la politique monétaire seule (conformément au préconisations monétaristes)est incapable de stabiliser l'économie. Son effet sur l'activité est médiocre car même à taux bas les entreprises sont réticentes à investir. Heureusement les politiques budgétaires ont été relativement actives en 2009 - mais l'Europe s'est depuis orientée vers la déflation et la politique budgétaire américaine est freinée par l'obstruction républicaine. Dans ces conditions, il est normal que la création monétaire s'enlise dans la rétention des liquidités ou soit aspirée par les bulles renaissantes. Politique budgétaire et réglementation financière sont le seul chemin pour sortir de cette crise sans en générer immédiatement une autre.
    Le rôle des banquiers centraux est en effet considérable, mais ils n'ont aucun pouvoir propre. Ce sont bel et bien des choix politiques qui sont mis en œuvre : sauver en priorité la rente et la finance, considérées par ceux qui nous dirigent comme les fondement de l'économie.
    Nous n'avons pas des gouvernement impuissants, mais de très mauvais gouvernements.

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  2. Pour vos lectures du soir de Noël (il n'y aura rien à la télé ;-) )je voudrais signaler les sites http://alienaeconomics.blogspot.fr/ et en particulier les pages Bill Mitchell " l'abc du déficit budgétaire"
    ainsi que
    http://frappermonnaie.wordpress.com/les-bases/
    Joyeux Noël

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  3. @ J Halpern

    Bien d'accord.

    @ A-J H

    Merci pour le lien

    Joyeux Noël à vous deux !

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  4. Interessant. Le niveau de creation monetaire de la Fed. semble de l ordre de grandeur de l echeance de la dette americaine (tout en etant certainement significativement inferieur). Ils monetisent donc effectivement : pas de gonflement, ils payent juste leur traite, liberation du capital pour l investissement prive, desserrement du service de la dette (je suis curieux de la quantification de l oxygenation que cela permet dans le budget). Cela semble fait de maniere orthodoxe et ne devrait pas susciter l emoi et les crispations inflationnistes qui resonnent dans le paysage.

    -jb

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