L’attitude
de Berlin depuis le début de la crise de la zone euro est ambiguë :
elle fait juste assez pour maintenir cette
construction baroque et artificielle en vie, mais sans jamais aller
au-delà. Une
interview récente semble indiquer que le pays est de moins en moins attaché
à la monnaie unique.
Une interview explosive
C’est un conseiller du ministre allemand des finances qui a donné une
interview sur la monnaie unique dans Die
Welt il y a 10 jours, traduite par le Comité
Valmy. Après avoir qualifié la Grèce de « puits sans fond », quand on lui demande si elle devrait
quitter la monnaie unique, il répond : « si l’on veut en finir avec l’union monétaire, c’est par les pays du
nord de la zone euro qu’il faut commencer. Et si l’on en arrive là, alors
l’Allemagne doit quitter l’euro ». Quand le journaliste
lui réplique : « il faudrait
que l’Allemagne fasse pour la 3ème fois exploser l’Europe. Aucun
gouvernement allemand ne s’y résoudra jamais », il répond que « l’euro n’est pas l’Europe. C’est l’Europe,
et non l’euro, qu’il s’agit de sauver ».
Il
poursuit : « il est vrai
que pour des raisons politiques, l’Allemagne n’est pas en position de sortir la
1ère. Mais les autres pays membres pourraient l’y contraindre. Ce
vers quoi nous allons, c’est cela. (…) Et si l’Allemagne et quelques autres
économies fortes quittaient la zone euro, la valeur de cette monnaie
baisserait, permettant aux économies du Sud de recouvrer la santé ». Mieux,
il soutient que l’Allemagne pourrait supporter l’appréciation du mark, comme
« lors des décennies passées »,
ce
que confirme l’évolution de son commerce extérieur, puisqu’elle réalise ses
excédents à 90% hors zone euro. Il dit que « l’Allemagne ne peut pas sauver la zone euro » et dénonce
l’évolution vers une situation à l’italienne avec un Nord qui produit et un Sud
« dans la situation du
Mezzogiorno ».
Le sens de cette interview
En effet comment imaginer qu’il ait pu donner une telle interview à Die Welt, sans avoir demandé l’accord du
ministre ? Certes, contrairement à la France, il
semble que l’Allemagne accepte davantage le débat sur la monnaie unique,
mais de telles déclarations n’en restent pas moins assez incroyables. De deux
choses l’une, soit l’Allemagne passe ainsi le message à ses partenaires qu’elle
a toujours l’option de partir et qu’elle n’hésitera pas si on ne fait pas ce
qu’elle souhaite, même
si elle a admis qu’il faudra un nouveau plan en Grèce. Soit le gouvernement
prépare le pays à la fin de la monnaie unique…
@Laurent Pinsolle,
RépondreSupprimeril faut relativiser ce tournant anti-"teuro", comme on dit au pays d'Angela Merkel (teuro est la contraction de l'adjectif teuer, qui signifie "cher" et euro). Ca se voit franchement que les élections générales sont dans un mois...
Non, en fait, ça me rappelle la menace souverainiste de Sarkozy début 2012 lors de sa campagne présidentielle, lorsqu'il menaçait de suspendre le traité de Schengen: on est dans la démagogie la plus crasse! Tout le monde sait très bien que les Allemands ont intérêt à quitter l'Eurozone comme la France à dénoncer le traité de Schengen, mais on n'en fera rien...
Reste que dans ces élections, le parti anti-euro "Alternativ für Deutschland" sera un baromètre intéressant: un bon score de ce parti (autour des 5-10%) serait un signal envoyé par les électeurs allemands à leur dirigeants. C'est d'autant plus vrai que les meetings de ces partis ont régulièrement perturbés par leur adversaires, notamment par les gauchistes de "die Linke", qui risquent d'y perdre leurs derniers électeurs.
CVT
A ce sujet, il faut relire l'article de Sapir :
RépondreSupprimerhttp://russeurope.hypotheses.org/1182
Dans lequel il est expliqué que l'attitude en Allemagne à l'égard de l'euro varie en fonction des intérêts des différentes catégories de la population. La politique de Merkel étant un compromis entre tous ces intérêts différents.
Pour le moment ce n'est que le conseiller en chef du ministre allemand des Finances, Kai A. Konrad, qui s’attend à l’effondrement de la zone euro. Officiellement le gouvernement allemand n'est pas encore gagné par cette inquiétude. Les réponses de Kai A. Konrad aux questions qui lui sont posées paraissent frappées du sceau du bon sens. Toutefois il semble considérer qu'un pays comme la Grèce ne peut pas quitter la zone euro car il serait alors « étranglé par sa dette extérieure ». A mon avis si la Grèce ou un autre pays en crise sort de la zone euro, il fera ce qu'à fait l'Argentine à la fin de l'année 2001 : Se mettre en défaut sur la dette extérieure :
RépondreSupprimerhttp://en.wikipedia.org/wiki/Argentine_debt_restructuring
http://www.liberation.fr/economie/2013/08/27/argentine-nouveau-plan-pour-tenter-de-solder-la-dette_927348
Provoquant, en le faisant, une crise cataclysmique, car rien n'est prévu, en zone euro, pour faire face à ce cas de figure:
http://cib.natixis.com/flushdoc.aspx?id=72441
Saul
AH bon !!!! je crois quant à moi que les élections européennes doivent être TEST UNIQUE.... Nous serons libres en 2014 ou JAMAIS....
RépondreSupprimerSi nous le l'emportons pas en 2014, nous resterons soumis au système, à l'EUROPE des fonctionnaires, à la FRANCE des fonctionnaires, qui, contrairement à ce qu'ils disent par leur alliance avec les grand patrons, sont des alliès de la finance.
@gilco56
SupprimerTu me semble avoir une haine maladive du fonctionnaire... Ne jamais oublier quand même la différence entre les gros et les petit dans la fonction publique comme dans le privé, ça aurait quand même pu être précisé dans ton message qui tombe du coup dans le caricatural ultraliberal.
Ne peut on imaginer que l'allemagne et quelques autres quittent la monnaie unique et que d'autres y restent en d'autres termes il pourrait y avoir 2 3 ou 4 monnaies regroupant des pays aux besoins monétaires semblables
RépondreSupprimerPoint d'interrogation .
SupprimerOn peut imaginer deux euros, ou plus. Mais dans l'hypothèse d'un euro "du sud", il rencontrerait les mêmes problèmes que l'euro actuel, pour les mêmes raisons : des dynamiques économiques et démographiques divergentes qui se traduisent en écarts de compétitivité s'ils ne peuvent être corrigés par des dévaluations. La faute du fiasco actuel n'est pas l'Allemagne en particulier, mais le principe même d'une monnaie unique sans solidarité budgétaire.
RépondreSupprimerIndependamment du caractere electoraliste ou non de l'inteview, ce qui est le plus frappant (malheureusement on commence a etre habitue) c'est la liberte du discours en Allemagne opposee a la chape de plomb en France.
RépondreSupprimerL'Allemagne a l'air bien plus democratique que la France (d'ailleurs, c'est le seul pays ou l'on demande son avis au parlement lors des negociations/traites europeens...).
Par comparaison, la France (systeme politique+media) fait vraiment pitie (pour etre poli)...
Ne pas oublier aussi que plus de la moitié du Bundestag est élu sur liste à la proportionnelle, ça change quand même pas mal de chose! En France un tel système débloquerait complétement la situation en mettant fin au bipartisme imposé par nos élections presque toutes majoritaires.
SupprimerA votre "système politique+media" j'ajouterais volontiers "les associations" dont on commence à peine à mesurer la nocivité, directe et indirecte.
RépondreSupprimerLaurent, vous devriez peut-être faire un papier sur ce sujet, il est peu à peu devenu fondamental.
Sancelrien
Laurent, je voudrais vous envoyer un E-Mail résumant ce que je pense des "associations" ( je vous promets que cela ne se renouvellera pas :-)). Vous en ferez ce que vous voudrez. Puisque vous connaissez mon E-Mail, pourriez-vous me dire comment vous contacter ? Apparemment il faut avoir installé des applications qui ne m'intéressent pas.
SupprimerMerci,
Sancelrien
sous la photo de Laurent il y a "afficher mon profil complet" ; dans le profil cliquer droit sur E-mail et faire "copier adresse électronique" que vous pouvez coller dans n'importe quelle messagerie ce qui évite d'installer Outlook par exemple
SupprimerDans cet interview, Konrad dit que c'est l'Allemagne qui doit sortir de l'euro, la Grèce ne le pouvant pas car elle serait étranglée par sa dette extérieure. Sapir dit le contraire il me semble...
RépondreSupprimerRed2, les chiffres parlent, ils sont facilement comparables !!! 10% de charges publiques par rapport à l'allemagne, si elle sort de l'euro, la différence subsistera.
RépondreSupprimerCe n'est pas maladif, ni jalousie, c'est de la justice ?
AYRAULT a compris ou sont ses voix !!!! les autre chefs de partis ont compris que ces voix là, il faut se les partager ???
Le peuple tu n'as plus que tes yeux pour pleurer !!!!!
C'est sûr qu'en France le débat politique a de sérieuses lacunes. Et les médias n'en parlons pas, qui n'ont même pas remarqué le lièvre qu'à levé Descartes. Qui a parlé, en conclusion d'un grand discours, de trois défis que la France avait à relever, ceux de « l’unité », « l’excellence » et « La souveraineté : politique, budgétaire, économique, industrielle, agricole mais aussi diplomatique et militaire. Le sens de la présence Française, partout dans le monde c'est de promouvoir le message, les valeurs et les intérêts de la France » ? Celui qui devine est vraiment très fort.
RépondreSupprimerEt on n'est pas en campagne électorale.
Il est vrai que Hollande se fait une spécialité des discours parallèle. il avait déjà fait des déclarations du même tonneau au Japon, en signalant que la chance du Japon était de ne pas subir de "Commission asiatique". L'interprétation optimiste est que notre président garde plusieurs fers au feu (hypothèse Todd). L'interprétation pessimiste (et hélas probablement réaliste) est qu'il donne du grain (symbolique) à moudre à tout le monde. Mosco vs Montebourg, Valls vs Taubira. Deux discours pour ramener les nigauds à la seule politique réellement menée.
Supprimer@ CVT
RépondreSupprimerBien sûr, il y a les élections et AfD à affaiblir, mais tout de même, cette interview va plus loin que toutes les précédentes, évoquant le fait qu’une réévaluation du mark serait parfaitement gérable, évoquant le fait qu’il faut sauver l’Europe et que l’euro, ce n’est pas l’Europe. Je ne crois pas que ce soit que des gesticulations car ces arguments vont être entendus par un peuple qui ne croît déjà pas à la monnaie unique. Sarkozy n’allait pas du tout aussi loin dans ses raisonnements…
@ Anonyme
Merci
@ Saul
Très juste. Sur la Grèce, il a tout faux, mais c’est parce qu’il souhaite que la Grèce reste pour rembourser alors qu’elle ferait à nouveau défaut si elle partait. Bien d’accord sur la solution argentine, que j’évoque déjà depuis quelques temps…
@ Gilco56
La grande majorité des fonctionnaires ne sont pas des privilégiés, comme le rappelle Red2
Sur les dépenses publiques, comme je vous l’ai montré, il est probable que l’on compare des choux et des carottes. Les 16 points d’écarts avec les USA peuvent être expliqués à 90%...
@ Patrice
Je pense que le plus probable, c’est le retour à des monnaies nationales. Si une monnaie multinationale ne marche pas, je pense que le goût pour une expérimentation à une plus petite échelle sera limité, à part pour des satellites (Autriche par exemple) qui pourront adopter la monnaie de l’Allemagne…
@ J Halpern
Totalement d’accord avec les 2 commentaires.
@ Anonyme
100% d’accord. Le débat est mille fois plus possible en Allemagne qu’en France sur ce sujet
@ Red2
Pas sûr car les caciques pourraient alors censurer tout déviant…
@ Sancelrien
Mon mail est : laurentpinsolle@hotmail.com
@ Rieux
Hollande ?
Qui nous dit que ce conseiller ne s'est pas fait taper sur les doigts dès la sortie de l'interview et que ça ne reflète que son opinion toute personnelle ?
RépondreSupprimerC'est beaucoup s’avançaient d'en tirer des conclusions, mais si dans les jours, semaines, ce genre d'interviews se multiplient, alors là d'accord on pourra se poser la question d'une orchestration par le pouvoir pour préparer au démontage de l'euro.
Et puis surtout, ne peut-on pas y voir aussi une tactique du pouvoir pour récupérer des voix qui partent de la CDU vers le nouveau parti conservateur anti-euro à l'approche des élections...
@ Laurent Pinsolle
RépondreSupprimerIl semble effectivement que l'Allemagne accepte plus ouvertement, et surtout de manière beaucoup plus réfléchie, le débat sur la monnaie unique. L'une des dernières études importantes sur la question (une quarantaine de pages) est celle de H. Flassbeck et C. Lapavitsas, The systemic crisis of the euro – true causes and effective therapies, publiée en mai dernier par le Rosa Luxemburg Stiftung de Berlin (http://rosalux.de/fileadmin/rls_uploads/pdfs/Studien/Studien_The_systemic_crisis_web.pdf).
YPB
Gagné Laurent mais je crois que la réponse de J.Halpern vous avait mis sur les rails. D'ailleurs, à ce sujet, la version pessimiste de sa réponse est tout à fait réaliste. Et tout cela reste du verbe (à mettre en relief avec les dernières déclarations, plus terre à terre, et très inquiétantes, sur les projets d'intervention en Syrie). Il n'empêche qu'il n'est pas conseiller du ministre des finances et qu'on n'est pas en campagne électorale.
RépondreSupprimerlaurent,
RépondreSupprimerquelquepart, je pense que la vision de Nicolas, se rapprocherait bien de la mienne ? voir son commentaire LPO sur la réforme des retraites (statut brière)
@ Anonyme
RépondreSupprimerA sortie publique, réprimande publique si vrai désaccord ? En tout, le débat est bien plus mature en Allemagne. Je crois qu’il y a une cohérence dans la position de la CDU, à savoir avoir deux fers au feu : ils ne resteront pas dans l’euro à tout prix, ce qui est clair depuis plus de 3 ans.
@ YPB
Merci.
@ Rieux
Juste. Mais je l’avais entendu, donc je savais vraiment. C’est effarant !