dimanche 7 août 2022

EDF, Engie : ce que leurs énormes pertes et profits disent de l’époque…

5 milliards de pertes pour l’un, 5 milliards de pertes pour l’autre. Des records. Le premier semestre 2022 aura été un révélateur du destin croisé de l’ancien duo du service public de l’énergie français, et plus encore des conséquences de la bien mal nommée libéralisation du marché promue par nos dirigeants à travers l’UE : socialisation des pertes et privatisation de profits toujours plus élevés.

 


Le nouveau marché de l’énergie contre le bien commun

 

Les chiffres d’EDF étaient attendus. Le gouvernement a sciemment décidé de faire payer EDF de multiples manières pour amortir l’envolée des prix de l’électricité pour les Français : non seulement l’entreprise ne pourra pas augmenter les prix autant que les effarantes règles européennes l’imposaient, mais en plus, elle a été contrainte de vendre une plus grande partie de sa production (40% du total de la production des centrales nucléaires !) à vil prix à ses « concurrents », pour les sauver et limiter les conséquences pour les clients qui ont choisi de quitter le service public historique. Résultat : EDF, qui avait dégagé un résultat net de plus de 4 millilards au premier semestre 2021, a perdu plus de 5 milliards cette année, justifiant a posteriori le rachat par l’Etat des moins de 20% du capital qu’il ne détenait pas

 

Le contraste avec Engie, produit de la fusion de Suez et de l’ancien GDF, est saisissant. Son résultat a doublé entre 2021 et 2022, le chiffre d’affaires progresse de 72% et le résultat d’exploitation de 75%. En clair, dans un cadre de marché extrêmement instable, où les prix des matières premières s’envolent, les parités monétaires varient fortement, avec un affaiblissement de l’euro, les profits semblent bien protégés puisque les prix régulés semblent assurer une marge a minima stable, voir même en légère progression ! Voilà qui en dit long sur les règles mises en place sous les hospices de l’UE avec l’accord des dirigeants LR, PS ou LREM : les profits des opérateurs privés, et donc la rémunération des actionnaires et des dirigeants semblent bien protégés, y compris des secousses les plus importantes.

 

Mais ce faisant, cela dresse un bilan très contrasté de cette ouverture réglementée et bureaucratique du marché de l’énergie. Finalement, il y a peu de gagnants. D’abord, les dirigeants des entreprises dont la rémunération n’a plus rien à voir avec celle de leurs prédécesseurs il y a 20 ans : même le futur patron d’EDF gagnera plus tant ce que gagne l’actuel s’éloigne des standards toujours plus élevés du CAC 40. Ensuite, les actionnaires d’Engie, dont BlackRock à 4,93%, dont les actions n’ont probablement jamais autant rapporté. L’Etat, qui n’est pas l’actionnaire le moins exigeant, comme EDF l’a appris à ses dépends, en profitera aussi, lui qui détient 23,6% du capital de l’énergéticien directement, et 4,6% à travers la CDC. Les profits sont protégés, et augmentent plus vite que la hausse des prix…

 

En revanche, tous les autres sont perdants avec cette réorganisation. Au premier rang, les Français, qui avaient longtemps été protégé des mouvements erratiques du prix des hydrocarbures pour leur facture électrique, du fait d’un mix largement construit sur le nucléaire, et qui ont subi des hausses de prix importantes, notamment pour ceux qui avaient cédé au mirage des tarifs non régulés. Mais les Français sont aussi perdants à travers les difficultés d’EDF. D’abord, parce que l’argent qui est mis pour renflouer l’entreprise ne sera pas utilisé ailleurs, et ce ne sont malheureusement pas les besoins qui manquent… Ensuite parce que nous avons perdu un service public de grande qualité, envié par le monde entier il y a vingt ans, que son actionnaire principal, l’Etat, a maltraité depuis vingt ans, entre imposition de décisions arbitraires, et exigence de dividendes incompatibles avec les besoins d’investissement

 

Des pertes records pour EDF, restée une entreprise publique, des profits records pour Engie, à plus de 70% privée, sur fond d’envolée des prix pour les consommateurs. Nouvelle impression que ce sont toujours les mêmes qui gagnent et les mêmes qui perdent. Comme quoi, avec les records de profits réalisés au premier semestre par le CAC 40, l’inflation semble plus favoriser les profits que les menacer...

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