samedi 10 décembre 2022

Inflation : l’ère de la boucle prix-profits

Papier publié en exclusivité en septembre dans le N°10 de Front Populaire, dont le N°11 vient de sortir, où je signe un nouveau papier « Truss, Macron : le naufrage des politiques oligarchistes ».

 


En mars dernier, le président du Medef affirmait sur Public Sénat que l’inflation « est là pour durer », évoquant le rôle de « la boucle inflation-salaires ». Si le phénomène est à l’œuvre pour des pays proches du plein emploi, un économiste a montré le rôle plus important de la boucle prix-profits.

 

A l’échelle de la zone euro, Philipp Heimberger a montré que la contribution de la hausse des profits au rebond inflationniste était 2 à 3 fois supérieure à celle de l’augmentation des coûts salariaux. Deux raisons à ce constat, qui rejoint deux fondamentaux de notre économie actuelle. D’abord, beaucoup de marchés se sont concentrés depuis vingt ans, aboutissant à la constitution d’oligopoles de fait, où les entreprises sont bien plus en mesure d’imposer des hausses de tarif compensant très largement l’augmentation de leurs coûts. C’est tout l’intérêt des mouvements de rachats ou fusions, qui permettent de rééquilibrer les rapports de force en faveur des producteurs, et au détriment des consommateurs.

 

Et ce mouvement rejoint la deuxième raison, qui est la demande sans cesse croissante de profits des actionnaires, qui encouragent ces mouvements de concentration. Quand les entreprises subissent des hausses de coûts, elles savent qu’il est essentiel de pouvoir les compenser par des hausses de prix pour réaliser leurs objectifs. Les dirigeants qui n’y arrivent pas perdent vite leur poste. Même si ce n’est pas toujours le cas, bien d’autres profitent de la hausse de l’inflation pour monter les prix davantage que ne l’exigent les hausses de coût, afin de générer davantage de profits. En cela, une inflation plus élevée peut être un effet d’aubaine pour ce capitalisme actionnarial dont la cupidité n’a aucune limite. C’est ce qu’indique l’évolution des profits des grandes entreprises.

 

Bien sûr, l’écart dans la montée de l’inflation (9,1% aux USA, 9% Royaume-Uni ou 7,6% en Allemagne, contre 5,8% en France) indique aussi une corrélation entre la situation du marché de l’emploi et le niveau de l’inflation. Plus le niveau de chômage est bas, puis la poussée inflationniste est forte car l’équilibre du marché du travail favorise les travailleurs qui peuvent demander une revalorisation rapide de leurs salaires, alors que dans les pays où un chômage de masse persiste, la revalorisation peut tarder. Ainsi, la moindre poussée inflationniste de la France n’est pas seulement la conséquence des mesures de préservation du pouvoir d’achat, mais aussi la conséquence d’un chômage encore très élevé, à mille lieues du discours de Macron.

 

Mais plus globalement, on peut penser que les profits XXL des multinationales indiquent que la quête sans fin de profits plus élevés est devenue un des principaux moteurs de la poussée inflationniste.

2 commentaires:

  1. Hausses des profits ou augmentations salariales, il serait intéressant de savoir où elles trouvent leur origine.
    Les dizaines de milliards mis en circulation par les gouvernements, qui ont creusé leur dette étatique, peuvent nous donner une indication.
    Rien donc de tel que la discipline budgétaire, pour tuer une inflation qui profite en majorité à ceux qui peuvent imposer aux autres le montant de leurs revenus (entreprises, professions libérales, salariés protégés...)

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