C’est la tarte à la crème des oligarchistes, « la préférence française pour la retraite ». La France serait une gérontocratie, où nos dirigeants seraient à la solde de ces retraités qui votent en masse, protégeant leur pouvoir d’achat excessif, au détriment des jeunes, discours repris par Nicolas Granié, dans un papier du nouveau numéro de Front Populaire, « La guerre des retraites »… Mais pour qui se penchent sur les faits, les retraités sont et vont déjà largement assez être mis à contribution.
La bataille des pensions a eu lieu : les retraités l’ont perdu
Bref, le sujet du niveau des pensions de retraite est bien trop complexe pour s’en tenir à quelques chiffres ou de simples sondages. Hexagone a cru apporter de l’eau au moulin de cette démonstration en montrant une infographie sur les revenus des plus de 65 ans par rapport au revenu moyen. La France est en 3ème position, avec un indice de 100 (égalité entre les deux moyennes), devancée par l’Italie (103), et devant l’Espagne (99), l’Allemagne (88) ou la Grande-Bretagne (86). Mais ces chiffres, loin de démontrer que les retraités Français seraient particulièrement bien traités, tempèrent plutôt le discours oligarchiste ambiant qui semble vouloir faire des retraités les prochaines victimes sacrificielles de l’austérité, quand il ne s’agit pas d’en faire les bouc-émissaires de tous nos problèmes. En effet, la France est dans la même position que l’Espagne et l’Italie et on peut expliquer l’écart avec l’Allemagne et la Grande-Bretagne pour une raison très simple : le marché du travail, bien plus tendu, y est moins défavorable aux salaires…
En outre, comme toujours avec les moyennes, cette analyse devrait être complétée par une analyse plus fine du niveau des revenus décile par décile, et de leur évolution, pour bien comprendre la réalité des revenus des retraités, et leur évolution. N’oublions pas qu’une moyenne peut être déformée : les revenus aux USA ont progressé de 6,1% de 73 à 2012 en baissant de 1,6% pour les 90% les moins riches... Un raisonnement à la médiane est plus précis. En outre, la question de l’évolution de ces revenus est un peu trop souvent éludée pour que cela ne soit pas suspect. En effet, le pouvoir d’achat des pensions a baissé de près de 10% depuis 2014, du fait de leur fréquente non revalorisation et de la hausse de la CSG. Bref, les retraités ont déjà été largement mis à contribution par nos dirigeants depuis une dizaine d’années. C’est parce que les revenus des actifs ont baissé (le salaire médian a reculé de plus de 20% depuis 2000), que les revenus des retraités semblent élevés alors qu’ils ont juste moins baissé que ceux des actifs.
En outre, en France, on peut rétorquer que les innombrables allégements de cotisations sociales (heures supplémentaires, bas salaires, primes des fonctionnaires) rendent forcément mécaniquement le poids des pensions plus lourd pour ceux qui ne sont pas exonérés. Moins d’allègements, ce serait un poids mieux réparti. Il est frappant que ceux qui défendent la baisse des retraites soient aussi à la manœuvre pour les exonérations, comme s’ils souhaitaient détruire le système par répartition français. Pire, notre pays souffre aussi d’un chômage de masse largement responsable de la tension actuelle. Avec 2 à 3 points de taux d’emploi supplémentaire (par la forte réduction de notre déficit commercial), le financement des retraites à leur niveau actuel ne serait plus un problème. Le problème principal est surtout un problème de montant trop faible de cotisations (du fait du déficit commercial et des exonérations).
Bien sûr, certains agiteront les montants des déficits prévus dans le futur pour convaincre de l’urgence de dépouiller à nouveau les retraités. Mais pour qui étudie le rapport du COR, la conclusion est loin d’être aussi claire. D’abord, il est frappant de constater que le poids des dépenses de retraites dans le PIB doit légèrement baisser dans le futur, et non augmenter, passant de 13,7 à 13,2%. C’est la chute projetée des recettes qui accentue un déficit, bien moins important en proportion que celui du budget hors Sécurité Sociale… La raison est simple : l’effet des différentes réformes passées va encore considérablement peser sur le niveau de vie des retraités puisque le COR projette un recul de 10% de leurs revenus d’ici à 20 ans par rapport aux revenus des actifs (et 15% d’ici à 40 ans). Bref, les retraités doivent déjà fortement contribuer à la rigueur dans les prochaines années, et il serait injuste d’aller plus loin. D’ailleurs, le système français est loin d’être si généreux, l’arbre des 64 ans cachant une durée de cotisation plus longue (42 contre 40 au Portugal et en Grèce et moins de 38 ans en Espagne), comme le pointait Philippe Duval.
Bref, aujourd’hui le niveau des pensions de retraite en France n’est pas si élevé que cela, d’autant plus qu’elles ont déjà baissé de près de 10% depuis 10 ans du fait des non revalorisation et de certains choix fiscaux. Si le niveau des retraites apparaît relativement plus élevé que la moyenne européenne, c’est parce que les revenus des actifs ont reculé de 21% depuis 2000, du fait du maintien d’un chômage de masse et du détricotage du droit des travailleurs. En outre, avec l’application des réformes Touraine et Borne, les retraités vont à nouveau être mis fortement à contribution dans les prochaines décennies, avec un revenu des retraités qui devrait passer de 100 à 90 du revenu des actifs d’ici à 2045, et même seulement 85 en 2065. Bref, les retraités ont déjà été largement mis assez à contribution et vouloir ajouter de nouvelles mesures serait excessif pour qui prend le temps d’examiner un peu précisément la situation. En outre, l’INSEE montre que le rapport entre nombre de cotisants et retraités remonte, à 1,77 en 2022.
Mieux, pour qui étudie le rapport du COR, plusieurs hypothèses amènent à questionner les prévisions d’un solde légèrement négatif. D’abord, le recul des recettes, justifié par un recul des prélèvements obligatoires. Plus contestable encore, les hypothèses démographiques du COR. Le scénario central prévoit encore une forte augmentation de l’espérance de vie à 65 ans, de l’ordre de 3 à 4 ans de plus d’ici à 2070. Ce point semble très discutable pour qui constate le plateau qui semble se former pour l’espérance de vie globale depuis une dizaine d’années : 85,4 ans pour les femmes en 2014 contre 85,6 en 2024 (les hommes passant de 79,2 à 80), d’autant plus que l’espérance de vie a commencé à reculer dans quelques pays occidentaux. Ainsi, on peut se demande si l’hypothèse basse n’est pas beaucoup réaliste que l’hypothèse centrale. Mais ce faisant, le poids des dépenses de retraite reculerait fortement (de près de 14% du PIB à 12%, au point de présenter un solde positif avant 2060 et légèrement négatif avant).
Pour conclure, il y a aussi un problème d’agenda caché dans la déconstruction de notre système de retraite par répartition : le secteur financier est avide des frais de gestion que permet un système par capitalisation. Les 15% de capitalisation évoqué par Édouard Philippe, c’est 60 milliards d’actifs de plus à gérer tous les ans, une manne considérable. Pourtant, si cela était mis en place, cela imposerait une baisse additionnelle de 15% des pensions pour dégager un volant de capitalisation. De plus, on peut fortement questionner le moment choisi pour le faire, alors que les marchés financiers sont au plus haut. Outre une opposition de principe, on peut y apporter une opposition conjoncturelle tant cela reviendrait à prendre le risque de voir le capital profondément se dévaloriser en cas de krach financier dans les années à venir… Enfin, les mesures d’âge sont injustes pour ceux qui ont fait des études courtes.
Bref, l’austérité a déjà frappé les retraités, et ils doivent encore apporter une grande contribution à la crise budgétaire du fait des réformes passées. Il serait profondément injuste de les mettre encore davantage à contribution, comme le montre le simple examen des chiffres du COR. Pire, on peut se demander si la présentation biaisée du débat ne sert pas surtout des intérêts privés…
Malheureusement nous vivons dans un monde où les erreurs ne sont pas toujours payées par ceux qui les ont commises.
RépondreSupprimerL'histoire récente nous a clairement montré la nature fallacieuse du système de retraite par répartition, que tous les pays ont progressivement abandonné (ou alors c'est en cours).
La France est l’un des rares pays au monde où le système de retraite est encore quasiment 100 % par répartition. D’autres pays européens comme l’Allemagne, l’Italie et l’Espagne s’en approchent également, mais intègrent de plus en plus des éléments mixtes pour faire face aux défis démographiques.
Le caractère du système de retraite par répartition est celui d'un schéma de Ponzi, où l'on paie les bénéfices aux ayant droit grâce aux cotisations des nouveaux investisseurs, sans jamais laisser aux fonds le temps de fructifier.
Du moment qu'il y a moins de nouveaux venants que d'ayant droits, le système s'effondre.
Sa mise en place a été l'une des grandes erreurs de la France gaulliste, et si l'erreur est humaine, c'est l'obstination à vouloir le pérenniser qui nous mène à la catastrophe.
Trop arrogants pour copier Allemagne et Italie, trop pauvres pour renflouer le système, trop faibles pour imposer une austérité à la grecque, les différents gouvernements français continuent d'ignorer le problèmes des retraites. Jusqu'à quand ?
Faudrait vous renseigner un peu avant d'écrire n'importe quoi sur les systèmes de retraite. Le psytacisme n'est pas un raisonnement.
RépondreSupprimerJe m'adressais au commentateur 1.
RépondreSupprimerLa retraite par répartition à sorti les vieux de la misère. La capitalisation les y replongera. Il suffit de regarder où elle sévit.
comme en Norvège
RépondreSupprimer@ Anonyme
RépondreSupprimer« L’histoire récente nous a clairement montré la nature fallacieuse du système par répartition » : c’est tellement le cas que vous ne renvoyez vers aucun papier. Au contraite, l’histoire relativement récente montre l’inverse. Vous souvenez-vous des retraités étatsuniens qui devaient chercher un travail en 2009-2010 parce que leur retraite avait suivi les marchés.
Le passage à la capitalisation a deux raisons :
- Un supercycle économique, démarré il y a 45 ans, favorable au capital et aux actionnaires, qui a fait monter les marchés. Mais ce supercycle touche à sa fin. Le Dow Jones ne pourra pas afficher des niveaux de performance équivalent ad vitam aeternam, mais pour les raisonnements à courte vue, cela peut passer. En cas de retournement, ce serait une catastrophe. Et l’histoire longue montre que cela arrive
- Des dirigeants politiques qui mènent des politiques alignées sur les intérêts de l’oligarchie. Et l’oligarchie a intérêt à la retraite par capitalisation, pourvoyeuse de frais juteux…
La capitalisation n’est pas une solution au vieillissement. C’est une solution pour les comptes d’exploitation de ceux qui vendront les produits. Et sur le vieillissement, ce sujet est presque clôt : le nombre de cotisants par rapport aux retraités repart à la hausse, l’espérance de vie atteint un plateau alors même que les différentes réformes ont repoussé l’âge de départ à la retraite. Même le COR annonce une baisse du poids des pensions dans le PIB, de 14% du pic à 13,2% dans leur scénario central, et 12% pour le scénario à espérance de vie dite basse, que je pense bien plus réaliste.
Le problème n’a pas été ignoré. Il y a eu deux réformes majeures (Touraine et Macron) et différantes mesures foretes (désindexation et CSG) qui ont fortement limité la progression des pensions.
@ Anonyme 6h18
Bien d’accord
Laurent
RépondreSupprimerNul besoin de papiers savants et orientés pour constater que:
1° le poids des pensions dans le PIB de la France reste dans le podium européen de tête avec la bonne compagnie d'Italie et Grèce. Sauf que ces deux pays ont un taux de remplacement proche de 90% du salaire, alors qu'en France on est autour de 50% (hors fonctionnaires, qui partent avec le dernier salaire, Egalité oblige !).
Ceci veut dire, que même en sabrant la moitié du pouvoir d'achat pour les pauvres retraités le système français reste à bout de souffle par rapport au PIB. Quelle réussite!
2° Tous les pays d'Europe ont évolué de la répartition à des systèmes mixtes avec une dose de capitalisation variable mais toujours significative. Seule exception la France, donc soit nous sommes intelligents et tous les autres sont cons, soit les autres sont intelligents et...
3° les performances de la capitalisation ne sont pas corrélées à 100% aux hausses du marché actionnaires, comme vous semblez le croire. Je vous rappelle que les marchés financiers sont constitués en majeure partie par le compartiment obligataire. Et même si l'on reste sur le seul marché actionnaire, la performance médiane de l'indice S&P depuis 1961 (il y a 65 ans) est de +12% par an (sans inclure les dividendes), et sans aucun signe de ralentissement.
4° Le simple bon sens paysan vous indique que la retraite par capitalisation équivaut à faire des semis et manger votre blé plus tard. La retraite par répartition équivaut à manger vos graines sans le semer.
5° Il y a aussi un argument qui dit que toute retraite (donc aussi la capitalisation) est en réalité une retraite par répartition, car in fine elle ne pourra payer que la richesse produite par les actifs au moment où vous serez à la retraite. Ceci serait vrai si il y avait une seule caisse mondiale où contribueraient tous les habitants de la planète. Mais dans notre monde, ne serait ce que européen, si la France s'appauvrit et la Pologne s'enrichit, la capitalisation vous permet de profiter de la richesse produit en Pologne, tandis que la répartition ne répartit que les cotisations de plus en plus faibles payées par les travailleurs français qui ne sont pas au chômage, c'est à dire 74% de travailleurs (hors Mayotte).
1- A bout de souffle par rapport au PIB ??? Ce serait bien d’avancer quelques arguments et chiffres pour argumenter. Nous sommes à 14%, moins que les 17% de l’Italie, proche des USA, ou de la Belgique et de l’Espagne (à 13%). En outre, le COR indique que le poids des pensions dans le PIB va baisser
RépondreSupprimer2- Aucune source, comme d’habitude. Votre discours ne repose pas sur grand-chose. J’attends des chiffres pour en discuter sérieusement. La présentation plénière du rapport du COR 2025 donne une présentation plus nuancée de l’évolution de nos voisins
3- Bien sûr, mais je n’ai jamais dit le contraire. En général, les actions représentent une part non négligeable de la capitalisation, non ? Les performances médianes à un point haut de cycle sont très questionnable, alors que le Dow Jones a triplé par rapport au pic de 2008… Je vous rappelle que le Nikkei n’a pas progressé de 1990 à 2025, et que les marchés ont eu une performance médiocre sur les 30 Glorieuses. En clair, la performance actuelle ne sera pas reproduite, et donc c’est le pire moment pour développer la capitalisation. Après le prochain krach, pourquoi pas une petite dose, à titre individuel, pour ceux qui souhaitent jouer leurs retraites ?
4- A défaut d’avoir lu le rapport du COR, nous avons droit à une image bidon
5- Solution plus simple : équilibrer son commerce. Ainsi, il n’y a pas de décalage. En outre, il est illusoire de croire que l’on pourra regagner par la capitalisation ce que l’on aurait perdu sur la production. Car ce faisant, il y a de toutes les façons moins à placer pour la retraite quand on produit moins que d’autres et que son déficit est déséquilibré
Laurent
RépondreSupprimer1° vous ne répondez pas du tout à mon argument: la France est bel et bien dans le podium de tête européen pour poids des retraites par rapport au PIB,
mais les deux pays qui l'accompagnent proposent un taux de remplacement (savez vous ce qu'est ?) autour de 90%, alors que c'est 50% en France (hors fonction publique). On peut donc considérer que le système de retraite en France offre la pire performance européenne
2° Vous pouvez vérifier partout (je vous laisse le choix des sources) que tous le systèmes de retraite européens offrent au moins une partie de capitalisation. Aucune en France.
3° Taux de rendement médians depuis 1949
Nikkei: : 7%
S&P: 11%
DAX allemand 9%
CAC40 (depuis sa création en 1987) 8%
MIB italien : (depuis sa création en 1992) 7%
Pour rappel, 10k€ investis en 1987 à 8% donnent aujourd'hui 210k€, et nous investissons tous dans nos retraites (entre cotisations salariales et patronales) bien plus que cela, tous les ans pendant 40 ans
4° Mon image n'est pas bidon, mais très adaptée. la retraite par répartition ne fait pas bon usage de l'épargne, car elle ne le fait pas fructifier.
5° il ne faut pas tout mélanger. Il faut d'abord résoudre le problème très grave du faible pouvoir d'achat des retraités (montant médian après impôt = 1810€ d'après l'INSEE) pour relancer la consommation voire l'investissement. C'est comme cela qu'on produira davantage, et non pas en taxant les biens importés, qui sont à peu près le seuls disponibles dans la débâcle industrielle française.
Et pour payer davantage en retraite, la seule voie est celle d'admettre la monumentale erreur de la retraite par répartition, et foncer dans la capitalisation.