samedi 5 octobre 2013

Les chiffres effarants de l’inégalité aux Etats-Unis





Quand la moyenne n’a plus de sens

C’est un fait aussi avancé par Jacques Sapir, mais qui trouve une illustration particulièrement criante ici. En effet, on constate que les revenus ont progressé de 6,1% de 2009 à 2012. Problème, ce chiffre ne veut rien dire puisque pour les 90% des moins riches, il a baissé de 1,6% ! Et si l’on monte aux 99% du bas, la hausse n’est que de 0,4% ! En clair, la hausse de 31,4% des revenus du 1% le plus riche parvient à distordre la moyenne. La hausse atteint 15% pour les 10% les plus riches. Bref, 90% de la population, il n’y a absolument aucune reprise, puisque leurs revenus baissent.

Pire, quand on commence à regarder l’évolution sur une série longue, les chiffres deviennent encore plus hallucinants. Les revenus réels moyens ont progressé de 17% depuis 1973. Déjà, ce n’est pas beaucoup. Mais dans le détail, les revenus des 90% les moins riches ont baissé, eux, de 13% sur la même période ! Ils ont même atteint, en 2012, le point le plus bas depuis… 1965 ! Il est beau le rêve étasunien. Le revenu des 99% les moins riches stagne depuis 40 ans. En revanche, c’est le champagne pour le 1% le plus riche, dont les revenus ont progressé de 187% (381% pour le 0,1%) !

Une reprise pour le sommet de la pyramide

Pire, la situation actuelle est extrêmement inhabituelle. En effet, si les revenus de la population diminuent à chaque crise, en revanche, ils progressent ensuite, même en bas de l’échelle. C’est ainsi, qu’après avoir perdu 12% en 20 ans, ils avaient progressé de 16% de 1993 à 2000 pour les 90% les moins riches. Et après une chute de 5% de 2000 à 2002, ils avaient repris 4% de 2002 à 2007. Mais là, après la chute de 12% de 2007 à 2009, ils poursuivent leur baisse (-2%). Tout ceci explique le fait incroyable que 95% des hausses de revenus depuis 2009 soient allés à seulement 1% de la population.

Naturellement, tout ceci pose un vrai problème politique, que Joseph Stiglitz a remarquablement bien traité dans son dernier livre, « Le prix des inégalités ». Combien de temps encore 99% de la population acceptera que le fruit de son travail ne profite de facto qu’à 1% de la population ? Certes, le rêve étasunien parvient à maintenir une certaine unité, mais les failles de la maison commune sont de plus en plus visibles. En outre, une telle reprise a toutes les chances de provoquer une nouvelle bulle car les revenus additionnels des plus riches vont alimenter la spéculation, préparant un nouveau krach.

Merci en tout cas à Emmanuel Saez pour ce travail passionnant, et le fait de mettre en ligne les données de son étude, ce qui permet d’en tirer autant d’informations. Il est bien évident que ce modèle n’est pas durable et qu’il finira tôt ou tard par s’effondrer. Le prochain krach pourrait en être l’occasion.

22 commentaires:

  1. @Laurent Pinsolle,
    je ne voudrais pas entrer dans un cours de probabilité-statistique, mais il me semble que l'outil que vous évoquez est celui des quantiles, en l'occurrence les centiles...
    En gros, si on regarde le salaire, on divise l'échantillon de la population en n parties égales (si n=2, on parlera de médiane, si n=100, de centile) et on regarde le nombre de personnes qui gagnent plus que p% de la population...
    Certes, cet outil est plus fidèle à la réalité qu'une moyenne (pondérée ou pas), mais relativement complexe. Pour moi, je n'ai pas fait de calcul, mais je suis certain que si on avait utilisé la notion de salaire médian (i.e. 50% au-dessus, 50% en-dessous), on aurait vu la stagnation...
    A mon sens, il faudrait désormais parler en salaire médian, c'est bien plus fidèle à la réalité...

    CVT

    RépondreSupprimer
  2. Je ne sais pas si le rêve américain est beau, faut demander au nombreux jeunes français installés aux USA, en tout la rêve français ressemble de plus en plus à un cauchemar.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. @Fiorino,
      ah, le voilà, le francophobe, le spécialiste du French Bashing...
      Ca vous démangeait, de cracher votre bile sur la France! Quand est-ce que vous aller arrêter de baver sur vôtre pays de naissance (ou de papier)? Je ne vous ai JAMAIS vu dire du bien de la France depuis que je vous ai croisé sur ce site ou Causeur...


      CVT

      Supprimer
    2. Cvt vous vous trompez je dis bcp de bien de la France mais je ne comprend pas les gens qui passent leur temps à critiquer les autres pays c'est pas en faisant croire que les USA c'est l'horreur que Pinsolle empechera les jeunes français de s'y installer.

      Supprimer
    3. Il y a environ 125 000 Français aux US :

      http://www.diplomatie.gouv.fr/fr/vivre-a-l-etranger/la-presence-francaise-a-l-etranger/les-francais-etablis-hors-de/

      et "plus de 100 000" Américains en France :
      http://www.aaro.org/

      Par les même sources, 1,6 millions de Français à l'étranger, et 6,32 millions d'Américains.

      C'est kif-kif (ou plus exactement ric-rac).

      Supprimer
    4. @Fiorino,
      je ne vous JAMAIS vu dire du bien de la France, dans tous les forums où je vous croise! Le sujet porte sur l'Amérique, et pas sur la France, bon sang! Les Etats-Unis polarisent l'intérêt du monde parce que ce pays est le centre du système économique mondial, qu'on le veuille ou non (pour moi, c'est une tare, mais ce n'est pas le sujet...). D'où le fait de s'y intéresser, d'autant qu'il sert de modèle à nos élites devenues cosmopolites...

      CVT

      Supprimer
  3. Fiorino

    On me fait des propositions en France, mais c'est 20 à 40 % de revenus en moins qu'en Allemagne... Pas très encourageant pour se rapatrier. Qui a envie de perdre 30 % de ses revenus avec de surcroit le risque d'un job peu sûr ? Si j'étais réellement riche je le ferais, mais ce n'est pas le cas, j'ai peu de patrimoine, je n'ai que mes revenus et mes idées. L'étude de Piketty ne tient pas compte du patrimoine, elle n'étudie que les revenus, c'est une lacune.

    olaf

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Oui mais en France personne s'intéresse à la fuite des jeunes, il y a un type qui est parti en Angleterre avec 40 salariés mais ça ne pose aucun problème.

      Supprimer
    2. Si, ceux qui veulent retrouver le Franc.

      Parce que je sais pas si t'as remarqué mais en Espagne, au Portugal, en Grèce, ... c'est bien pire.

      On retrouve une fois encore le comportement parasite des allemands qui profitent des forts taux de chômage en Europe du Sud pour obtenir une main d’œuvre jeune et qualifiée sans avoir à en payer la formation.

      Sinon, le dumping fiscal de nos "amis" européens pour attirer les entreprises est également une des joies de l'UE.

      Mince... L'organisation de Bruxelles ne serait donc pas que paix, amour, solidarité et prospérité??

      Supprimer
    3. Lorsque l'on s'intéresse réellement aux statistiques (et qu'on ne se laisse pas embobiner par la propagande de la presse et des médias français ou autres), on se rend compte qu'il y a une grande part de mythe dans cette émigration de masse venue des pays méditerranéens. En tout cas, dans le cas espagnol, c'est une thèse très facile à démonter : http://www.realinstitutoelcano.org/wps/portal/rielcano/contenido?WCM_GLOBAL_CONTEXT=/elcano/elcano_es/zonas_es/ari39-2013-gonzalez-enriquez-emigran-los-espanoles

      Supprimer
    4. Désolé mais j'ai pas le courage de me taper tout le texte en...espagnol. ;)

      Après selon les chiffres d'eurostat, nombre d'émigrés d'Espagne en 2005 : 68 011 ; en 2011 : 409 034. ( http://epp.eurostat.ec.europa.eu/tgm/refreshTableAction.do?tab=table&plugin=1&pcode=tps00177&language=fr )

      Supprimer
  4. "champagne pour le 1% le plus riche, dont les revenus ont progressé de 187% "
    Mais dès qu'on commence à analyser les causes, on passe pour "conspirationniste"...Ceci doit être uniquement du au labeur acharné des plus riches qui, comme l'a dit Lloyd Blankfein ont fait le "travail de Dieu..."

    RépondreSupprimer
  5. Pourquoi, toujours se préoccuper des autres, regardons donc chez nous et, une fois pour toutes disons que nous n'avons pas grand'chose à envier aux autres...
    Les différences vont grandissantes, de jour en jour, de mesure en mesure, d'augmentation d'impot en augmentation d'impot. Il y a le "toujours plus" pour tous ceux qui font partie du corporatisme et le "toujours moins" pour les exploités du système.
    Ne pas s'en rendre compte, ne pas le dire est SCANDALEUX....C'est du laisser-faire, laisser-dire : CAUTIONNER ?
    Il y a les privilégiés, ceux qui bénéficient des avantages et niches fiscales, les corrompus, protégés par le pouvoir, POUVOIR lui même corrompu, SUR LE DOS DU PEUPLE LABORIEUX....
    les BELLES PAROLES, les statistiques APPRETEES pour tromper le peuple; je n'y crois pas....

    RépondreSupprimer
  6. Les inégalités se développent. Les écarts s'accroissent, le nombre de précaires et de pauvres augmente. Heureusement que le pouvoir socialiste se préoccupe du sort des Français en menant un politique à la hauteur grâce à des mesures adaptées : mariage gay, référendum, rythme scolaire ... et que l'UE se dresse face aux anti-libéraux en défenseur de la liberté.
    Sans quoi nous pourrions être inquiets pour notre avenir !

    RépondreSupprimer
  7. Sur le graphique, la part des revenus du décile supérieur est au plus bas de 1942-45 à 1975. Les trentes glorieuses... Si vous voulez une société qui avance, vous voyez quel verrou il faut lever ...

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Il est bon que nous soyons prudents et critiques vis-à-vis des clichés et autres lieux communs rabâchés par la propagande officielle. C'est le cas des fameuses "trente glorieuses", qui ne sont pas si glorieuses que nombre de gens le disent. Sur le sujet, je vous invite à lire l'article de l'historien Christian Bonneuil sur le site "reporterre" d'Hervé Kempf, ancien journaliste de Monde. Celui-ci donne un avis pertinent sur cette période merveilleuse, qui nuance sérieusement le discours officiel convenu.

      Supprimer
  8. A propos de la fermeture (et non "shutdown" des snobs, des gens colonisés culturellement) de l'Administration Obama je me demande pourquoi Obama ne fait pas de l'inflation pour payer la montagne de dettes des US. Peut-être est-il prisonnier de la toute puissance du capitalisme financier et d'un système politique où il se croit obligé de négocier avec son opposition républicaine emmenée notamment par les extrémistes du Tea Party.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Mais qui donc a porté au pouvoir Obama si ce ne sont les financiers américains ? C'est Penny Pritzker, héritière milliardaire des hôtels Hyatt, qui fut la directrice de la première banque à faire faillite en ruinant ses clients à cause de produits financiers adossés à des crédits immobiliers subprimes et qu'il nomma secrétaire d'Etat au commerce, qui l’a mis en relation avec Robert Rubin. Rubin fut le ministre des finances de Clinton et le père de la dérégulation bancaire mettant au Glass Steagall Act. Comment pouvez-vous vous étonner qu'un type comme Obama soit prisonnier du système. Il n'en est pas prisonnier, mais le représente et en promeut les intérêts. Point à la ligne. Le reste n'est que fariboles et contes de fées.

      Supprimer
    2. Si Obama était le seul prisonnier de ce système ce ne serait pas si grave mais c'est tout le système politique qui en est prisonnier en effet depuis des décennies quasiment tous les Secrétaires d'Etat au Trésor viennent des banques en attendant s'y repartir pour y retrouver de très grasses rémunérations. C'est donc dire qu'ils ne feront rien contre elles et notamment la plus puissante : Goldman Sachs! Le pouvoir financier est tout puissant aux US même avec un président Républicain, c'est bien là le drame!
      En France avec Pierre Moscovici nous ne sommes guère mieux lotis d'autant plus qu'il n'est que le laquais d'une UE tellement plus soucieuse de sauver ses banques privées avec de l'argent public que d'aller au secours des peuples.

      Supprimer
  9. États-Unis: "le Congrès joue avec le feu" sur la dette, selon le Trésor :

    http://www.france24.com/fr/20131006-etats-unis-le-congres-joue-le-feu-dette-selon-le-tresor

    « Le secrétaire américain au Trésor, Jacob Lew, a renouvelé dimanche à la télévision son appel aux républicains du Congrès pour qu'ils relèvent sans condition le plafond de la dette avant la date butoir du 17 octobre. "A partir du 17, nous ne serons plus capables d'emprunter, et le Congrès joue avec le feu", a-t-il dit sur la chaîne CNN. "S'ils ne relèvent pas la limite de la dette, nous aurons très, très peu de temps". Le Trésor estime que les réserves de trésorerie ne seront alors que d'environ 30 milliards de dollars, alors que les sorties nettes de trésorerie atteignent parfois 50 ou 60 milliards par jour."Nous ne sommes jamais arrivés au point où les Etats-Unis ont fonctionné sans la capacité d'emprunter. C'est très dangereux. C'est irresponsable, car la réalité est qu'il n'y a pas de bon choix si nous ne pouvons plus emprunter et que nous n'avons plus de liquidités. Cela signifierait que pour la première fois depuis 1789 les Etats-Unis ne paieraient pas leurs factures à cause d'une décision politique", a expliqué Jacob Lew. Interrogé sur l'éventualité d'une décision unilatérale du président Barack Obama pour empêcher un défaut de paiement, Jacob Lew a estimé que "le président n'a(vait) pas l'autorité pour agir de cette façon. Le président a consulté ses juristes, et c'est sa conclusion".

    Il y aurait peut-être une solution de quantitative easing non conventionnelle pour régler la question du plafond de la dette que pourrait faire la FED en cas d'obstination suicidaire du Tea Party. Voir « Comment faire un « haircut doux » sur les dettes publiques de la zone euro ? » par Patrick ARTUS :

    http://cib.natixis.com/flushdoc.aspx?id=68014

    « faire acheter une quantité importante de dette publique par la BCE et faire annuler cette dette par la BCE. Il s’agit alors d’une vraie monétisation, avec remplacement de la dette par la monnaie pour le financement de l’Etat ; les achats de dettes publiques que peut réaliser la BCE aujourd’hui (SMP, OMT) ne réduisent pas le taux d’endettement des pays, puisque la BCE conserve la dette achetée et est remboursée à l’échéance ; ils changent simplement la propriété de la dette publique, des investisseurs privés vers la BCE. Pour passer à un achat-annulation de dette par la BCE, il faut évidemment changer les règles de fonctionnement de la BCE, pour qu’elle puisse perdre son capital en annulant des dettes détenues sans devoir être recapitalisée par les Etats de la zone euro, ce qui régénèrerait immédiatement la dette publique détruite."

    La solution est proposée pour la zone euro, mais elle pourrait être mise en œuvre aux États-Unis, ce qui mettrait la dette due par l’État en dessous du fameux plafond.

    Saul

    RépondreSupprimer
  10. @ CVT

    Très juste sur le salaire médian. C’est exactement ce que soulignait Sapir.

    @ Fiorino

    Vous répondez à côté et par la caricature, comme souvent.

    @ Anonyme

    Merci pour l’intéressante réponse à Fiorino.

    @ Cliquet

    Pas de conspiration à mon sens. Plus des circonstances historiques et une vision à courte vue de la majorité des élites.

    @ Démos

    C’est juste

    @ Anonyme

    Mais il faudrait remettre en question tellement de tabous.

    @ Saul

    On peut penser qu’ils trouveront un accord avant.

    RépondreSupprimer
  11. C'est 1.Un problème monétaire (sous les "30 glorieuses " le SMI était indirectement fondé sur l'or et l'argent).
    2.Une fiscalité mal fondée c'est à dire sur le revenu et non sur la consommation et le capital.
    3.Une pression fiscale devenue dans beaucoup de pays déraisonnable (sous le Gal de Gaulle elle ne dépassait pas 34% du PIB)
    4.Dans notre pays des systèmes sociaux fondé sur le corporatisme et non sur la personne.Le système danois et suédois est très intéressant de ce point de vue.

    RépondreSupprimer