dimanche 26 février 2023

Retraites, repas étudiant, EDF : la curieuse recomposition du paysage politique

Ce début d’année a vu de nombreux textes très révélateurs du fond idéologique des partis politiques présents à l’Assemblée. Outre la loi sur l’injuste et injustifiée réforme des retraites, deux autres votes en ont dit long sur leurs orientations. Celui, perdu à une seule voix, pour instaurer un repas à un euro pour tous les étudiants, et celui sur la nationalisation d’EDF, perdu par l’exécutif. De quoi proposer une relecture complète des positionnements économiques sur l’axe gauche-droite.

 


La macronie en droite oligarchiste radicale, LR hésitant, RN au centre

 

Ce qui est impressionnant sur tous ces sujets, c’est que l’exécutif apparaît finalement comme la formation de loin la plus à droite économiquement, pour ne pas dire d’extrême-droite, depassant même LR, qui en vient à jouer, piano, mais fréquemment, le rôle d’aile gauche de la majorité ! Il est assez abracadabrantesque de voir Eric Ciotti négocier des compromis plus sociaux sur la réforme des retraites, pour protéger ceux qui ont commencé à travailler jeune, les femmes ou les petites retraites : LR tente une percée à gauche de Macron ! Et cela s’est renouvelé sur le texte, adopté contre la volonté du gouvernement, sur la nationalisation d’EDF, visant à en refaire un véritable service public, quitte à contredire les textes de l’UE : LR finit par davantage défendre nos services publics que ne le font les marcheurs, même si on peut rappeler que leur bilan de 2002 à 2012 n’est guère brillant, eux qui ont notamment validé l’ARENH…

 

Mais ce faisant, dans ce grand mouvement idéologique, le RN finit par apparaître comme un parti au centre sur les questions économiques. Il s’oppose fermement à la réforme des retraites, vote pour le repas à un euro pour tous les étudiants, et appuie également le texte sur la nationalisation d’EDF. Sur le rétablissement de l’ISF, proposé récemment par la NUPES, en revanche, le RN s’est abstenu, LR et les marcheurs votant contre. Il s’était aussi opposé au SMIC à 1500 euros proposé par la NUPES l’été dernier. Pour le coup, autant LFI rejette par principe tout ce qui vient du RN, au point d’avoir choisi Macron en 2022, et être en partie responsable de son maintien au pouvoir, autant le RN n’a aucune pudeur de gazelle à voter des textes venus de la gauche quand ils sont d’accord. Le fond avant la posture. Les Français avant les dogmes. L’ouverture au lieu de la fermeture. Les élections européennes de 2024 seront un bon indicateur du jugement des Français sur les deux principales forces d’opposition à la macronie.

 

En effet, le caractère ultra-oligarchiste de la macronie, qui refuse de sortir du marché européen de l’électricité et protège donc la rente de ces opérateurs privés qui ne produisent pas grand-chose et se contentent de revendre à prix l’or l’électricité achetée à prix soldé à EDF, pousse LR à tenter un positionnement plus populaire sur les retraites ou l’énergie. Mais on peut douter que ce positionnement d’aile plus sociale de la macronie soit très cohérent et crédible. Pire, David Lisnard, le nouvel espoir du parti, tient une posture inverse, visant à déborder Macron par la droite, en défendant superficiellement la retraite par capitalisation, au pire moment pour le faire (les marchés sont au plus haut), et sans dire un mot sur les modalités. Pourtant, elles sont essentielles car comment capitaliser plus sans réduire la répartition ? Etonnant de reprendre les vieilles ficelles thatchériennes rouillées, qui ont tellement réussi à Liz Truss..

 

Au moins, cette séquence a le mérite de placer la macronie à sa juste place : une droite ultra-oligarchiste et radicale, adepte des mensonges et des postures de communication plus ridicules les unes que les autres. Pour s’opposer à l’extension des repas à 1 euro pour les étudiants, une deputée de la majorité a ainsi affirmé que les « enfants de Bernard Arnault pourront aller au CROUS et ne payer qu’un euro »  ! Se poser en opposant aux aides à la famille Arnault est assez rocambolesque de la part de cette macronie qui lui a tant donneé. Ici, la macronie a reçu le soutien de LR pour défaire cette proposition. En revanche, sur EDF, les plus infimes traces de gaullisme qui y restent semblent avoir convaincu LR de voter la proposition d’un député PS, Philippe Brun, qui fait un remarquable travail pour s’opposer à un nouveau démantèlement d’EDF (le projet Hercule) et compliquer la tâche d’une macronie qui révèle sans doute ainsi que ces projets étaient loin d’être enterrés, comme l’indiquait le choix du nouveau patron…

 

Bien sûr, les étiquettes du passé sont souvent difficiles à oublier. Et être à gauche ou à droite n’a pas le même sens selon les sujets. Néanmoins, sur les sujets économiques et sociaux, il est tout de même frappant de constater que la majorité est aujourd’hui de facto la formation la plus à droite de notre Assemblée, avec un LR hésitant, mais penchant parfois (légèrement) à sa gauche, et un RN plutôt au centre de l’échiquier, votant ou s’opposant aux propositions venues de la NUPES.

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