dimanche 19 février 2023

Taux de chômage : quand le gouvernement manipule les chiffres

Papier publié en avant-première sur le site de Front Populaire

 

Hier, nous avons eu droit à une des séquences de communication les plus orwelliennes du gouvernement. Elisabeth Borne, comme le parti présidentiel, ont affirmé qu’avec « un taux de chômage à 7,2%, la France connaît son niveau de chômage le plus bas depuis 40 ans », Le Maire vantant le niveau le plus bas depuis 2008 ! Mais comme toujours avec la macronie, il ne faut pas croire ce qui est dit, qui ne repose que sur de grossières manipulations statistiques, décryptables sur le site même de Pôle Emploi.

 


Manipulations statistiques pour cacher le chômage de masse

 

Les manipulations pour arriver à ce résultat sont extrêmement nombreuses. La plus emblématique est sans doute la décision prise au creux de l’été 2015, de changer le mode de comptabilisation du chômage, sous la présidence d’un Hollande incapable de tenir sa promesse de le faire baisser, avec Macron alors ministre de l’économie. Deux conséquences majeures à ces tripatouillages dignes des manipulations des chiffre de l’inflation en Argentine il y a dix ans. D’abord, les chiffres mensuels du chômage ne sont plus issus du décompte de Pôle Emploi, mais d’une enquête, suivant une méthodologie du BIT, et supervisée par l’INSEE. Le décompte réel de Pôle Emploi n’est plus communiqué qu’une fois par trimestre. Ensuite, les frontières entre les 5 catégories de demandeurs d’emplois, A, B, C, D et E, ont été opportunément réécrites en 2015, et on peut imaginer que ces ajustements se sont poursuivis depuis.

 


C’est peu de dire que le chiffre de 7,2% que donne la méthode du BIT semble peu solide. D’abord, il a produit une forte baisse du taux de chômage en début de confinement au point que le parti présentiel ressent le besoin de remettre en cause cette bizarrerie. Mais surtout, les chiffres ne rebouclent pas. Sur le site de l’INSEE, la statistique la plus récente sur la population active date de 2017, à 29,7 millions de personnes, dont 26,9 millions ayant un emploi. Récemment, l’INSEE a indiqué que près de 30 millions de personnes avaient un emploi en France, ce qui laisse entendre une population active de 33 millions de personnes en recoupant avec les 3,05 millions de chômeurs de catégorie A recensés par Pôle Emploi. Problème, selon le décompte officiel réalisé par Pôle Emploi sur cette seule catégorie, bien plus fiable qu’une vague enquête, fût-elle rapportée par l’INSEE, le taux de chômage est 2 points plus haut, à 9,2%.

 


D’ailleurs, sur la catégorie A, nous sommes loin d’être à un plus bas historique : de 2000 à 2011, il y avait moins de chômeurs qu’aujourd’hui, comme le révèle un graphique mis en ligne sur le site de Pôle Emploi. Pire, nous restons encore 40% plus élevé que mi-2008, quand le nombre de chômeurs de catégorie A était à peine supérieur à 2 millions. Il n’y a aucun véritable progrès vers le plein emploi. Tout au mieux, sur cette définition, contestable, de la catégorie A, nous nous sommes un peu éloignés du sommet historique de 2015, mais le nombre de chômeurs reste très élevé. Et malheureusement, seulement analyser les chiffres de la catégorie A est totalement insuffisant, comme le pointait bien Philippe Murer récemment. Non seulement les radiations se sont multipliées en 2022, mais se pose la question des frontières bien flexibles entre les cinq catégories de demandeurs d’emploi, qui arrangent l’exécutif.

 

En effet, plus on élargit le champ des catégories, plus les statistiques sont mauvaises. Le site de Pôle Emploi montre ainsi que les chiffres du total des catégories A, B et C sont bien moins favorables. Si la hausse de mi-2008 à fin 2015 est similaire, le total des 3 catégories passant de 3,24 à 5,75 millions, et celui de la catégorie A, de 2,17 à 3,83 millions, en revanche, depuis 7 ans, la baisse est bien plus forte sur la seule catégorie A, passée à 3,05 millions (-20%), contre -6% sur le total A, B et C (5,39 millions), qui reste à un niveau historique extrêmement fort, largement supérieur aux pics précédents. Cette divergence statistique renforce les soupçons de manipulation des périmètres des catégories, d’autant plus que la catégorie D, qui regroupe des demandeurs d’emplois sans emploi, mais dispensés de recherches, a fort opportunément gonflé, doublant de 2008 à 2022, à plus de 350 000 personnes, DOM inclus.

 

Bref, comme pour les évènements au Stade de France lors de la finale de la ligue des Champions, dont un bilan cinglant pour le ministre vient d’être publié, il ne faut pas croire le discours de l’exécutif. Dans la vraie vie, le chômage recule un peu, mais reste à un niveau historiquement très élevé, pour qui décrypte les manipulations statistiques mises en œuvre depuis près de 8 ans.

1 commentaire:

  1. Le drame c'est que les gens pensent vraiment que le gouvernement cherche à réduire le chômage. Nos dirigeants sont adeptes de la courbe de Phillips et du NAIRU (le taux de chômage qui n'accélère pas l'inflation). Le plein emploi pour eux consiste à avoir un taux de chômage suffisant pour que les salaires ne décollent pas. Il n'y a donc aucune chance pour qu'ils cherchent à vraiment résoudre le problème, bien au contraire. Le plein emploi macronien doit être compris dans ce sens.

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