Logiquement, François Bayrou est tombé, et Emmanuel Macron a choisi son confort comme plan B, ce qui n’augure a priori rien de stable pour la suite. Malheureusement, dans les prochaines semaines, il est à craindre que le débat budgétaire oscille entre l’austérité sans nuance du bloc central, une austérité encore plus violente, venue de droite et une austérité un peu ramollie du PS. Pourtant, il y a une autre voie.
Repenser complètement l’équation budgétaire
Se pose néanmoins la question du déficit public, à 5,8% du PIB l’an dernier, près de 170 milliards d’euros, le niveau le plus élevé de la zone euro. Les oligarchistes cosmopolites et conservateurs saisissent l’opportunité pour dénoncer le prétendu excès de dépenses de notre pays et appellent à diverses mesures très dures, les premiers s’étant tournés maladroitement contre les boomers. Premier angle mort : en 2024, les comptes de la Sécurité Sociale étaient équilibrés : la dépense sociale n’est pas responsable de notre déficit, et elle est bien gérée. Deuxième angle mort : il faut rappeler que Macron, conseiller, puis ministre de l’économie de Hollande, puis président de la République, a mis en place une baisse annuelle de 120 milliards des impôts depuis 2012, la bagatelle de 70% de notre déficit public actuel.
C’est la politique de l’offre qui nous a coûté un « pognon de dingue » depuis 2012 : 40 milliards de baisses de cotisations sociales sous Hollande (CICE et pacte de responsabilité), complétée par 10 milliards sous Macron, qui a ajouté une baisse de 10 milliards des impôts de production et une baisse de l’IS de 33 à 25%, qui nous coûte 20 milliards aujourd’hui. Toujours dans la logique de l’offre et du ruissellement, Macron a supprimé l’ISF et mis en place un PFU, qui nous coûte 9 milliards et met l’Impôt sur le Revenu des milliardaires sur leurs dividendes à… 12.8%. Pour faire passer la pillule des baisses d’impôt, Macron a sacrifié plus de 20 milliards avec la fin de la taxe d’habitation, qui touchait tout le monde. Mais plus de 80% des baisses d’impôts sont allées aux entreprises et aux plus riches au nom de la compétitivité.
Mais cette politique est un immense échec. Le déficit commercial, à 40 milliards avant 2017, dépassait 80 milliards l’an dernier. La baisse du prix du travail ne nous a pas permis de vendre quoique ce soit de plus car cette baisse est négligeable face à des pays où ce prix peut être 90% plus bas, et même plus de 50% plus bas en Europe. En outre, notre pays est une passoire qui laisse tout entrer dans l’ensemble commercial le plus ouvert du monde. Ce faisant, ne provoquant aucune croissance supplémentaire, ces baisses d’impôts ont fini par se traduire par de nouvelles coupes dans les budgets publics (suppression de lits d’hôpitaux, recours accru à des statuts précaires, qui gagnent moins). Et la déconstruction du droit du travail a encouragé une grande précarisation des employés, avec un recul dramatique du revenu médian réel de 20% depuis 2000, favorisé par les exonérations sur les seuls bas salaires.
Et outre ces 120 milliards, de 2020 à 2024, la France a enregistré une hausse de 30 milliards du service de la dette. Et on peut estimer que le creusement du déficit commercial a généré une perte de recette de l’ordre de 20 milliards (sachant que, dans la totalité, il nous « coûte » près de 40 milliards par an). Bref, même s’il existe des dépenses inutiles qui pourraient être coupées (fin des régions, sortie de l’UE, qui nous économiserait une contribution annuelle de 15 milliards, sur-administration dans la santé ou l’éducation au détriment des professeurs et soignants, suradministration des anciens services publics ou comités divers). Mais finalement, il y a clairement des moyens de changer radicalement l’équation budgétaire, au point même de pouvoir fortement réinvestir là où il y en a besoin (santé, éducation).
En effet, en tirant les leçons du fiasco complet de la politique de l’offre, se pose la question de la remise en cause des exonérations de cotisations sociales sur les bas salaires, qui créent des effets de seuil, et qui, avec un chômage de masse, pousse tous les salaires vers le bas. La baisse de l’IS est inacceptable alors que les profits sont au plus hauts. Un taux de 33% reste raisonnable historiquement (France et Etats-Unis étaient à 50% dans les années 1970). Une suppression du PFU et l’alignement de la fiscalité des revenus du capital sur les revenus du travail apporterait des marges de manœuvre et plus de justice, ainsi qu’une contribution des plus riches, alors que les inégalités sont au plus haut au sommet de la pyramide, et qu’il n’y a jamais eu autant de pauvres (près de 10 millions) dans notre pays. La lutte contre la désertion fiscale des multinationales peut également générer des dizaines de milliards de recettes.
Bref, même si je suis d’accord pour supprimer des dépenses inutiles, il faut d’abord relancer l’économie, comme le Japon en 2012. La France peut lever des ressources supplémentaires (protectionnisme ciblé, vraie lutte contre la désertion fiscale, IS, revenus du capital, imposition des plus riches, taxe Tobin). Cela nous permettra de fortement réinvestir dans nos services publics et payer comme ils le devraient nos enseignants, nos professionnels de santé et nos forces de l’ordre.
La suradministration ne peut être réglée sans une réflexion de fond amenant à supprimer de nombreux réglements absurdes.
RépondreSupprimerLes meilleurs experts sont les citoyens qui les subissent, qu'il faudrait consulter vie des cahiers de doléances avec suivi d'effet : suppression de ces réglements absurdes.
Exemple : un yaourt sorti du frigo à la cantine ou à l'hôpital ne peut y être remis et doit être jeté, sous prétexte de "chaîne du froid" alors que le yaourt, le kéfir, l'Ayran (selon les peuples) sont justement une technique de conservation du lait permettant de se passer du froid...
Supprimer des fonctionnaires sans toucher aux procédures idiotes n'amènera ne fera que pourrir la vie des citoyens qui ne trouveront plus d'interlocuteurs en cas de dysfonctionnements. Exemple récent : une dame déclarée morte qui a dû prouver qu'elle était vivante et 3 mois après n'a toujours récupéré sa retraite. Autre exemple : toutes les amendes débiles de la SNCF qui se multiplient.
Il est prioritaire de s'attaquer à la bureaucratie, tant publique que privée (cf le scandale de McKinsey aux Editions Dalloz) pour libérer ce pays, le libérer vraiment, pas dans le sens oligarchique (c'est à dire baisser les impôts des riches et autoriser à polluer).
Mais quelles bêtises incroyables! Le protectionnisme ne fait que protéger les entreprises et les salariés performants (au contraire, il faudrait les mettre sous pression pour qu'ils fassent enfin des efforts et deviennent compétitifs), la concurrence fiscale entre pays est bienvenue et souhaitable, augmenter les impôts sur les riches est complètement stupide (au moins ont rempli leur contrat social en s'enrichissant contrairement à ceux qui ont des salaires minables parce qu'ils ont complètement raté leur carrière professionnelle), etc, etc, etc.
RépondreSupprimerentreprises et salariés peu performants évidemment
SupprimerTon entourage ne pourrait pas te mettre une bonne grosse pression ?Comme ça tu nous feras un ulcère, quelques petites idées suicidaires, ça fera des vacances à tes collègues et accessoirement à nous aussi.
Supprimer@ Rodolphe,
RépondreSupprimerTrès juste : les économies de suradministration doivent être réalisées en venant à bout des règles inutiles, et pas en supprimant des soutiens nécessaires aux fonctionnaires.
@ Anonyme 18h34
C’est la recette de l’UE (nous sommes les pays développés les moins protectionnistes, avec une forte concurrence fiscale : 3 des 5 premiers parasites fiscaux dans un marché unique, cela fait beaucoup). On ne peut pas dire que ce soit un grand succès. Ce sont au contraire les modèles beaucoup plus pragmatiques sur la libre-circulation, et plus protectionnistes qui ont réussi : les pays asiatiques.
Pour la suradministration, il faudrait peut-être réellement se poser la question de ce qui doit rester aux mains de l'Etat (en plus des fonctions régaliennes). Par exemple, le secteur de l'énergie. Cela signifierait des fonctionnaires avec le statut à vie mais une revisite des conditions d'exercice des fonctions et acceptation que certaines de ces missions ne peuvent pas être gérées constamment à l'équilibre. Distinguer des missions qui pourraient être passées au privé avec un vrai droit de surveillance de la sphère publique et ce qui peut être totalement privatisé. Par ailleurs, peut-être faudrait-il s'interroger sur notre Etat Providence et l'assistance sociale que nous ne cessons d'augmenter. En France, nous sommes shootés à cette assistance qui profite à peu, coûte beaucoup aux autres et est une vraie usine à gaz à mettre en route. De même, revoir la politique de lutte contre la fraude et notamment fiscale. Il y a eu des réformes en matière fiscale qui vont s'avérer malheureuse en matière de fraude mais il fallait faire des coupes budgétaires. Cela pourrait être des pistes de réflexion. En plus du reste !
RépondreSupprimerSylvie