Courant
2010, j’avais fait une série
de papier sur la réforme de la finance, qui avait aboutit à 18
propositions concrètes, issues pour une grande partie de mes lectures. J’ai
pensé utile de résumer à nouveau ma pensée sur le sujet pour synthétiser la
critique de la situation actuelle avant d’attaquer les principes de la réforme,
puis les propositions que l’on peut faire et enfin les moyens de les mettre en
place.
Anarchie
et casino
C’est bien
la libéralisation des marchés financiers mises en place à partir des années
1980 qui est la responsable des crises. Alors que les réglementations issues de
la Grande Dépression avait produit une grande stabilité des marchés financiers
pendant des décennies, depuis 1987, les crises se succèdent à un rythme qui
rappelle celui d’avant 1929. On peut citer le
krach d’octobre 1987, la crise des caisses d’épargne étasuniennes, la crise
du SME de 1992-1993, l’effondrement
du marché immobilier en France dans les années 1990, les différentes crises
des pays émergents (Amérique du Sud, Asie du Sud-Est, Russie). Puis a succédé
un nouveau krach boursier en 2001 suite à la bulle Internet /
télécommunications. Enfin, le summum a été atteint en 2008 avec une crise
financière digne de celle
de 1929 et un effondrement du marché immobilier étasunien et de quelques
pays européens.
Ce qui est
assez stupéfiant c’est que les Etats se concentrent à ce point sur le
traitement des conséquences de ces crises financières et insuffisamment sur les
causes, comme le rappelle cruellement le
plan d’union bancaire européenne signé en décembre 2012. Les Etats (et les
banques centrales) agissent pour sauver le système et semblent oublier qu’il
faut également le changer. Si quelques pays ont fait des efforts pour mettre en
place des réglementations nationales plus contraignantes, le travail de réforme
a été largement confié aux mêmes banquiers qui avaient failli, à travers les
règles Bâle 3.
Tout le
problème est que l’instabilité des marchés financières a un impact de plus en
plus grand sur l’économie productive. En effet, en
1987, le krach boursier avait été, dans un premier temps, aussi violent que
celui de 1929 ou, celui, à venir de 2008. Cependant, cela n’avait pas
empêché les économies développées de connaître une forte croissance l’année
suivante et celle d’après. Celui de 2001, en revanche, a fait sensiblement
baisser la croissance mondiale et celui de 2008 a provoqué un cataclysme
économique jamais vu depuis 80 ans. Tout ceci est extrêmement inquiétant car on
peut se demander quelles seront les conséquences du prochain krach financier…
Il faut
rappeler ici que la crise économique est bien une conséquence de la crise
financière, qui a ensuite provoqué une crise des dettes souveraines, et
uniquement pour les pays qui ont renoncé à la monétisation de leur dette
publique par leur banque centrale. A l’origine : une
bulle immobilière aux Etats-Unis nourrie par les pratiques prédatrices des
banques auprès de ménages qui n’avaient pas les moyens d’acheter leur
logement. La courroie de transmission aux autres banques a été la titrisation
et la mauvaise habitude du système bancaire de se financer à court terme, ce
qui provoque une asphyxie immédiate en cas de crise de liquidités. Le gel
des marchés financiers a alors provoqué une contraction violente de l’activité,
et, in fine, une crise des finances publiques pour certains Etats.
Aléa
moral et inégalités
Le problème
est qu’aujourd’hui, rien de significatif n’a changé. La
création de la monnaie est toujours très largement dans les mains des banques,
même si les normes prudentielles sont plus dures qu’avant (encore qu’il est
toujours largement possible de les contourner). Les
parasites fiscaux ont à peine été égratignés, les banques systémiques n’ont
pas été découpées (alors même qu’elles sont dites trop grosses pour faire
faillite), ce qui revient à leur accorder une assurance gratuite de la
collectivité extrêmement dangereuse car poussant à des comportements très
risqués (pile, je gagne, face, vous perdez).
L’aléa moral
n’a pas été remis en cause le moins du monde. Au contraire, cette crise
financière n’a envoyé en prison que quelques lampistes, tel
Jérôme Kerviel, jetés à la vindicte populaire pour accréditer le mythe que
ce serait quelques individus malhonnêtes qui auraient provoqué la crise, et non
un système, qu’il faudrait alors totalement remettre en question. Cela n’avait
pas été le cas lors de la faillite des caisses d’épargne aux Etats-Unis il y a
20 ans, où des centaines de banquiers avaient été envoyés en prison.
Aujourd’hui, on
prête 1000 milliards aux banquiers quand ils ont du mal à se refinancer…
Et tout ceci
a fait explosé
les inégalités avec l’augmentation des revenus financiers, au point que,
comme de nombreux économistes l’ont montré (Stiglitz,
Piketty,
Berruyer),
nous avons retrouvé les niveaux d’inégalités atteints en 1929. De nombreux
économistes (Galbraith)
soulignent le rôle des inégalités dans la formation des bulles du fait de la
plus forte propension à l’épargne des ménages aisés. Et il faut noter que les
revenus financiers ont cru de manière encore plus disproportionnée (les
salaires de la finance représentaient 170% des salaires moyens en 1929, puis
autour de 100% de 1950 à 1980, avant d’atteindre 181% en 2007) et
représenter une grosse part des plus hauts revenus…
Bonne et heureuse année Laurent !C'est toujours un plaisir de vous lire et de partager !
RépondreSupprimerBonjour Laurent
RépondreSupprimerJe vous présente mes meilleurs voeux pour 2013 avec mes félicitations pour vos articles qui ressortent tellement du conformisme médiatique ambiant. Quelque soit nos différences, (je n'aime pas les corridas et j'ai un doute sur la TVA sociale) je contribue comme je peux à diffuser votre point de vue auprès de personnes....de gauche.
je suis parfaitement d'accord avec vous. Nous n'avons rien fait pour renverser la vapeur. Les gouvernants du monde manquent de courage et d'imagination pour combattre la finance? et quand un s'élève pour la réformer; on s'indigne. Nous avons chacun à prendre l'engagement pour une grande réforme mondiale qui redonnerait à l'humanité sa vrai dimension sociale et humaine et remettrait l'objet argent à sa vrai place de serviteur pour le bien de tout à chacun. Une humanité de justice, de paix et d'amour entre toutes les fratries. Cette réforme ne doit pas se contenter d'amendements mais d'une loi souveraine égalitaire pour tous, pour un monde fraternel, de justice, de paix et d'amour.
RépondreSupprimerLaurent
RépondreSupprimerBrillant résumé
Bonne année à toi
A quand ton premier papier sur le néo-chartalisme ?
Les 2 problèmes de la finance sont les titrisations, plus personne n'est responsable et n'a les moyens de la responsabilité, et le manque de réserves en capitaux :
RépondreSupprimerhttp://www.telos-eu.com/fr/globalisation/finance-mondiale/faut-il-pousser-les-banques-au-divorce.html
Les incitations à spéculer ne peuvent être supprimées qu’en augmentant drastiquement les réserves en capital.
Bonne année à vous et à vos proches, Laurent et merci pour vos articles empreints de lucidité, de curiosité et de conviction sereine.
RépondreSupprimerSouhaitons que la Raison finisse par prendre le dessus chez les dirigeants européens même si leur aveuglement et leur entêtement sur deux décennies associées à une incroyable passsivité des citoyens ne peuvent que nous inquiéter pour l'avenir.
Bonne année 2013 !
RépondreSupprimerMardi 1er janvier 2013 :
France : 77 % des ouvriers regrettent le Franc.
Lisez cet article :
Selon un sondage de l'Ifop, 62 % des Français regrettent le Franc.
Les plus nostalgiques sont les femmes qui sont 70 % à regretter l'ancienne monnaie nationale, et les ouvriers avec 77 % des déçus de l'euro.
Ce taux tombe à 41 % chez les cadres supérieurs et les professions libérales.
Cette année, la défiance vis-à-vis de l'euro peut s'expliquer par les multiples crises de la monnaie unique notamment à l'occasion du dossier grec. Les sceptiques de l'euro étaient seulement 39 % en 2002, juste après l'entrée en vigueur de la monnaie unique pour grimper par la suite à 48 % en juin de la même année.
En 2005, les insatisfaits représentaient 61 % des sondés, avant de monter à un pic de 69 % en 2010 en raison de la crise.
http://www.ladepeche.fr/article/2013/01/01/1526787-sondage-les-francais-regrettent-le-franc.html
Je vous présente mes meilleurs voeux pour 2013
RépondreSupprimerTrès juste article.
RépondreSupprimerCependant ne pas minimiser le rôle de l'Etat dans cette crise. Les banquiers ont prêté parce qu'ils avaient de l'argent facile mais aussi parce qu'ils savaient qu'ils seraient renfloués par leurs amis politiciens ET parce que les politiques leurs disaient de prêter pour faire de la croissance et augmenter le nombre de propriétaires aux US, 2 caractéristiques bonnes pour les élections.
Rien de tout ce système fou remis en cause. On rêve. Les historiens raconteront a quel point le monde occidental était malade à notre époque.
La prochaine bulle qui va éclater ?
Les prêts étudiants aux US peut-être
@ Tous
RépondreSupprimerTous mes vœux pour 2013.
@ Flo Pat
Oui, l’Etat a même un rôle primordial dans le sens où il laisse faire puis vient au secours des banques après… Sur l’immobilier US, ce sont davantage les banques privées qui sont responsables. Fannie Mae et Freddie Mac avaient perdu beaucoup de parts de marché dans les subprimes. Les prêts étudiants ne sont pas une bulle suffisamment importante pour déstabiliser le système financier a priori.
@ BA
Merci pour ce lien, extrêmement intéressant : 77% des ouvriers qui regrettent le franc contre 41% des cadres supérieurs. On ne peut pas être plus clair.
@ Démos
Je n’y crois pas, il faudra les remplacer.
@ Olaf
D’accord sur ces deux points (titrisation et réserves) cf papier d’aujourd’hui.
@ RST
Merci. A toi aussi. J’aurai du le faire avant…
@ Papounet
Une réforme mondiale n’a aucune chance de se faire : trop complexe pour vraiment changer les choses. Le salut viendra de l’action de quelques nations déterminées, que les autres suivront.
@ André et Poussantg
Merci à vous
@Laurent
RépondreSupprimerJacques Sapir n'est pas du même avis que toi sur les prêts étudiants il me semble... Il semble que ça soit assez conséquent.
@ Flo Pat
RépondreSupprimerPeut-être, mais je ne suis pas d'accord sur tout avec lui (cf date fin de l'euro), mais ce n'est pas la même dynamique que les prêts immobiliers à mon sens. Le problème des subprimes est qu'il y avait un cercle vicieux : baisse de la valeur => difficulté plus grande de remboursement => défaut => saisie => vente par le créancier => poursuite de la baisse de la valeur.
Ici, le mécanisme est différent. Il n'y a pas un actif dont la valeur diminue, ce qui affecte la consommation des ménages. Il y a clairement un gros problème de coût des études supérieures par rapport à ce que cela rapporte (j'en ai parlé plusieurs fois), mais je ne crois pas que ce phénomène puisse entraîner l'économie par le fond comme les subprimes. Le taux de défaut va monter, mais en plus, l'économie des Etats-Unis bénéficie de la reprise de l'immobilier, du gaz de schistes et de la politique monétaire de la Fed.