Comme on pouvait s’y attendre depuis le jugement de la Cour Suprême des Etats-Unis en faveur du fond vautour NML Capital, l’Argentine a refusé d’obtempérer et de payer 1,5 milliards de dollars aux deux fonds vautours suite à l’échec des négociations avec eux.
Une
situation complexe
Bien sûr, l’Argentine
a une part de responsabilité. Après tout, les
titres en question ont été émis à New York à l’époque et sont donc soumis à la
législation étasunienne, ce qui explique en partie l’impasse dans laquelle
se trouve le pays. Mais, même si cela n’est pas totalement faux, parler de « défaut » de l’Argentine est un peu
réducteur, comme
même Standards & Poors le suggère en ne parlant que de « défaut sélectif ». En effet, les
fonds NML et Aurelius n’ont jamais prêté 1,5 milliards de dollars à l’Argentine,
qui refuserait de payer aujourd’hui ce qu’elle leur devrait légitimement. Après
le défaut de Buenos Aires sur sa dette en 2001, ces fonds ont racheté des
créances du pays dont ils réclament aujourd’hui le paiement, en
s’appuyant notamment sur le fait que certaines créances ont été émises aux
Etats-Unis pour attirer les investisseurs de l’époque.
Personne ne
semble savoir à quel prix les fonds vautours ont acheté ces créances. Ils pourraient
parfaitement les avoir rachetées à 10 ou 20% de leur valeur nominale du fait du
défaut de 2001 et vouloir maximiser le retour sur investissement en en obtenant
100% au lieu des 30% que l’Argentine a accordé à 97% de ses créanciers qui l’ont
accepté quelques années après. Si leur attitude n’est pas illogique (après
tout, le seul objectif d’un fond est de faire un maximum de profits), cela pose
un problème de différenciation du traitement des créanciers, comme
l’Argentine l’a plaidé, en vain, auprès de la Cour Suprême des Etats-Unis. En
effet, si certains fonds parvenaient à obtenir 100% de la créance originelle,
les autres créanciers ne pourraient-ils pas se retourner contre Buenos Aires et
demander un traitement similaire, ce que le pays ne peut pas assumer ?
De la
politique et de la justice
Bien sûr, à partir du moment où ces titres dépendent des lois des Etats-Unis et étant donné que la Cour Suprême a tranché en faveur de NML, on pourrait penser que l’Argentine doit assumer sa signature. Mais le débat n’est pas clôt par la décision de la justice étasunienne. D’abord, comme le montre l’affaire BNP Paribas, le jugement de cette justice est questionnable (en Allemagne, et même aux Etats-Unis, mais pas assez en France). Ensuite, se pose tout de même un problème d’équilibre par rapport aux autres créanciers, qui ont accepté une décote de 70% sur 97% de la dette. Même s’il y a une faille judiciaire, il ne semble pas juste qu’une petite minorité de créanciers puissent obtenir un traitement privilégié, d’autant plus qu’ils n’étaient pas des créanciers originels et qu’ils visent seulement à réaliser une énorme plus-value dans l’opération.
Mais surtout,
est posée ici une question fondamentale d’équilibre entre le droit et la
politique, que
Jacques Sapir a brillamment traitée dans une série de papiers sur son blog.
Pour lui, « la
fétichisation de l’état de droit comme état de légalité est certainement une
des tendances les plus dangereuses pour la démocratie elle-même ».
Bien sûr, une leçon de cette affaire est
qu’un pays doit éviter le plus possible d’émettre des titres sous un droit
étranger pour rester maître de son destin dans un cadre démocratique normal. Mais
étant donné qu’un accord a été trouvé pour 97% de la dette, il
n’est pas politiquement normal que les pirates de la finance profitent d’un
droit qui leur est trop favorable pour rançonner un pays et obtenir bien plus
que les créanciers originels, alors même qu’ils n’avaient pas avancé le moindre
fond à la base et que cela leur permettrait de multiplier leur mise d’une
manière indécente alors que 97% de la dette a été soldée à -70%.
Merci donc à
l’Argentine de montrer à nouveau la voie en
refusant le racket des fonds vautours étasuniens. Une perspective
intéressante pour une Europe où il est difficile de ne pas penser qu’un
ou plusieurs pays finiront tôt ou tard
par se trouver dans la situation de l’Argentine en 2001.
C'est très juste. Cela dit, la position du gouvernement argentin se raidit aussi parce que la situation économique se dégrade et que Cristina Fernández de Kirchner est devenue très impopulaire auprès de son peuple. Elle tente aussi, par cette affaire, de recoller les morceaux avec son électorat, en vain semble-t-il.
RépondreSupprimer@ Anonyme
RépondreSupprimerOn peut aussi y voir une position de principe juste. Très impopulaire ? Moins populaire qu'avant sans doute du fait de difficultés économiques dont j'ai parlées.
De nombreux sondages montrent, mois après mois, qu'elle est de plus en plus impopulaire (en vrac et pour des périodes différentes : http://www.larazon.es/detalle_hemeroteca/noticias/LA_RAZON_491223/6231-la-popularidad-de-la-cristina-kirchner-sigue-en-descenso#.Ttt1WwNY8MG8nZ6, http://www.infobae.com/2014/02/11/1543005-cayo-enero-la-imagen-todos-los-politicos, http://www.elmundo.es/america/2013/07/08/argentina/1373291237.html).
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