Voilà bientôt un an que la France vit dans
la perspective de la mise en place d’une énième politique d’austérité. La
révélation du dérapage massif du déficit, soldant misérablement le passage de
Bruno Le Maire à Bercy, est interprétée
par le bloc central comme un nouveau moment de vérité. Pas à une
contradiction près, cela imposerait
une plus grande rigueur dans la gestion des deniers publics, cette même
rigueur dont ce même bloc central se prévalait en campagne électorale ou au
pouvoir…
Une crise qui vient d’abord d’un manque de production et de recettes
Bien sûr, certaines dépenses sont inutiles
et il
est probable que notre pays est, dans certains domaines, sur-administré. La
France a vécu longtemps avec un centre fort, des départements et des communes. Nous
avons financé le doublement des échelons, avec l’UE, les régions et les
agglomérations, sans
que cela amène grand-chose à la qualité des services publics. De même la privatisation
des services publics a provoqué une prolifération des bureaucrates
régulant des marchés qui auraient dû rester des monopoles publics, (RTE ou CRE
pour l’électricité). Enfin, les professionnels de la santé ou de l’éducation
pointent également l’explosion des formalités administratives dans leur
domaine. Il est bien évident qu’il y a des économies à chercher dans la
simplification de notre administration à bien des niveaux.
Cependant, il n’est pas inutile de pointer que
certains services administratifs manquent de mains, notamment dans le contrôle
fiscal, sanitaire ou douanier. Pire, nous
manquons cruellement de professeurs, de professionnels
de santé, ou de juges. Et personne ne pense que nous manquons de forces de
l’ordre, tant
l’insécurité progresse, et tant nos
politiques semblent incapables d’assurer la bonne tenue d’évènements comme une finale
de Ligue des Champions. Bref, s’il y a bien sûr des économies, significatives
à faire, les criants manques de moyens dans de nombreux domaines indiquent qu’au
global, à mon sens, du fait des différences de montants en jeu entre les deux
catégories de dépenses, la
France aurait besoin de dépenser davantage pour ses services publics plutôt que
moins.
Bien sûr, certains s’exclameront que cela serait
impossible avec nos déficits et notre dette, mais un examen plus global des enjeux
économiques permet de contrecarrer cette fausse évidence. D’abord, on peut
rétorquer que ce raisonnement, qui a produit la RGPP, la baisse des salaires
réels de la fonction publique, ou la baisse des prestations sociales en réel,
est à l’œuvre depuis des décennies (Mauroy, Bérégovoy, Juppé, Sarkozy-Fillon,
Hollande, Macron). Et jamais
les pères la rigueur ne sont parvenus à redresser la barre de nos comptes
publics, malgré des mesures qui ont envoyé des millions de Français dans la rue.
Bien sûr, le bloc central essaie toujours de s’en sortir en disant qu’alors,
ils ne sont pas allés assez loin. Mais parce
que cela fait des décennies qu’ils tiennent ce discours et qu’ils l’appliquent
au pouvoir, ils me semblent totalement disqualifiés dans la gestion de la crise
budgétaire de notre pays.
Et la raison est assez simple. Le seul mode
de raisonnement du bloc central est de raboter les dépenses assez largement, et
d’augmenter les taxes qui pèsent sur les citoyens et les consommateurs. Mais ce
mode de pensée exclut trois autres leviers majeurs. Le
premier consiste à augmenter la richesse globale du pays. Cela peut paraître
un peu basique, mais c’est d’ailleurs l’objectif affichée de la politique de l’offre.
Toutefois, cette
politique, à l’œuvre depuis Nicolas Sarkozy, est en échec complet dans ses
modalités actuelles puisque le déficit commercial a augmenté alors que des
dizaines de milliards par an sont investis en son nom, sans guère d’effet sur
notre balance commerciale. La
réduction de notre déficit doit être menée par une poltiique protectionniste
ciblée et forte, sur des secteurs où nos industriels peuvent prendre le relais,
et vis-à-vis des pays avec lesquels notre pays a les plus forts déséquilibres.
Notre
déficit commercial explique à lui seul le déficit de nos comptes sociaux et son
rééquilibrage réduirait significativement le déficit budgétaire. Il y a
près de 40 milliards d’euros à trouver ici (les prélèvements obligatoires additionnels
qui seraient alors générés). Ensuite, la
désertion fiscale des multinationales, notamment du numérique, est colossale.
Quand Apple, Alphabet ou Meta facturent une grande partie de leur activité en France
depuis l’Irlande, ce sont des milliards de recettes qui sont perdues,
artificiellement. Pire, une
grande partie des multinationales utilisent la liberté de circulation des biens
et des capitaux dans l’UE pour déplacer revenus et profits dans les parasites
fiscaux qui en font partie. Avec
la désertion fiscale des plus riches, on parle d’au moins 60 milliards de recettes
perdues par la France, largement de quoi mettre un point final à la psychose
austéritaire en cours, qui ignore ce levier.
Parce
que l’UE est le paradis des parasites fiscaux, il est clair que l’UE est la
cause première de cette perte de dizaines de milliards de recettes fiscales, et
que rien ne pourra se faire dans son cadre, l’Irlande,
les Pays Bas ou le Luxembourg tenant à protéger leur position de parasite du
continent, appuyés par les multinationales trop heureuses de bénéficier d’un
tel marché unique. Enfin, hors de l’UE, il serait aussi possible de revoir les
baisses de la fiscalité ciblées sur les entreprises et les plus riches depuis
des décennies. L’IS en France était proche de 50% dans les années 1970, et
encore autour d’un tiers avant Macron. Hors de ce marché unique, nous pourrions
revenir à une fiscalité plus progressive, tant pour l’IS, que l’IR et mettre
fin au privilège indécent du PFU qui permet aux revenus financiers d’avoir une imposition
(au titre des revenus) plafonnée à 12,8%, même pour les millions de dividendes
que touchent les milliardaires…
Bref, l’impasse actuelle est directement le
produit des politiques du bloc central et la mise en place ce marché unique de
l’UE ouvert à tous les vents mauvais de la globalisation. Comme avant, les
potions austéritaires ne marcheront pas. C’est une refonte complète de notre
logiciel économique, hors de l’UE, qui nous permettra un jour d’en sortir en
alliant protectionnisme ciblé et justice fiscale.