La proposition de l’économiste Gabriel Zucman de taxer à 2% les très grandes fortunes (supérieures à 100 millions d’euros) électrise le débat public, 86% des Français y sont favorables, avec une large majorité des électeurs LR et macronistes. La semaine dernière, la contre-offensive des oligarchistes a été violente, pointant de vrais défauts de la proposition, sans parvenir à remettre en cause son objectif.
Une vraie volonté de justice fiscale
Sur le fond, j’ai toujours été favorable à plus de progressivité fiscale, et je crois qu’il faudrait revenir sur la baisse de 33 à 25% du taux d’IS mise en place par Macron. A ceux qui hurleraient au communisme, on peut rappeler que ce taux était de 50% dans les années 1970 en France, et aux États-Unis. De même, je suis favorable à l’abrogation du PFU pour fiscaliser les revenus du capital de la même manière que les revenus du travail, (avec un IR jusqu’à 45%). Ces deux seules mesures rapporteraient près de 30 milliards par an, plus que la taxe Zucman, et elles ont l’avantage d’être un simple retour en arrière de 10 ans, plus difficilement critiquable par les chiens de garde de l’oligarchie. Et on pourrait y ajouter une nouvelle tranche marginale et une suppression de certaines niches fiscales qui ne semblent servir que quelques intérêts particuliers très ciblés sans rien apporter à l’intérêt général de la nation.
La taxe Zucman est séduisante intellectuellement : demander 2% de leur fortune aux 1800 foyers les plus riches, semble une contribution finalement légère pour des personnes dont la fortune s’est envolée dans les dernières années. Néanmoins, elle bute sur les modalités de sa mise en place : une taxe sur un patrimoine, quand elle dépasse un certain niveau, peut dépasser leurs revenus annuels et nécessiter une vente des actions, qui, si elle est simple dans le cas d’une entreprise cotée comme LVMH, pourrait générer une dilution des actionnaires soumis à cette taxe. Mais pour une entreprise non cotée comme Mistral, c’est plus difficile, avec de possibles pactes d’actionnaires qui ne facilitent pas forcément une telle opération. Bref, si je suis favorable à une mise à contribution des plus riches, qui ont tant profité des choix politiques des dernières années, je reste circonspect sur les modalités de la taxe Zucman.
Et malheureusement, les difficultés d’application, et une méconnaissance de l’économie privée ont poussé certains de ses défenseurs, jusqu’à Thomas Piketty suggérant aux salariés de Mistral de racheter les parts du patron pour lui permettre de payer la taxe, ont donné des armes à ses opposants. Le tir de barrage a été redoutablement orchestré… dans tous les médias détenus par des milliardaires… Pire, France Inter, avec son éditorialiste économie venant des Échos, a largement apporté sa contribution à la critique de la taxe Zucman. Certains grands patrons n’ont reculé devant aucune outrance pour s’y opposer, qualifiant l’économiste, un modéré, d’extrême-gauche, tentant ridiculement de discréditer son travail académique, ou menaçant le pays de conséquances cataclysmiques. L’économiste y a répondu avec une grande mesure et d’une manière très posée et factuelle, qui l’honore, et contraste avec ses procureurs.
Pour qui prend du recul, les Trente Glorieuses, époque de croissance et de stabilité économique, ont justement été permises, en grande partie, par la redistribution forte inventée par les USA de Roosevelt, qui a poussé les tranches d’impôt sur le revenu marginal au-delà de 70% pour un demi-siècle, et l’IS à 50%. La baisse de la fiscalité sur les plus riches et les entreprises est une des causes de nos problèmes, pour plusieurs raisons. D’abord, elle produit plus d’inégalités en permettant aux plus riches de le devenir toujours davantage. Et on peut se demander si cela ne se fait pas directement pas l’appauvrissement de la majorité, les actionnaires récompensant à prix d’or la création de valeur en leur faveur. Cela produit une spéculation massive (absente des Trente Glorieuses), qui créé régulièrement des crises financières. Et surtout, on voit bien aujourd’hui avec ce débat, que rien n’arrête cette marche en avant des inégalités.
Certains opposants à la taxe Zucman devraient méditer la pensée de Tocqueville, pour qui « préoccupés du seul soin de faire fortune, les hommes n’aperçoivent plus le lien étroit qui unit la fortune particulière de chacun d’eux à la prospérité de tous ». Merci à Gabriel Zucman de remettre la question fiscale à l’agenda politique. C’est un sujet essentiel, quelque que soit ce que l’on pense des modalités envisagées.
Les français sont toujours largement favorables à tous les impôts et toutes les taxes qui ne les concernent pas personnellement! Vive l’égoïsme!
RépondreSupprimerJe pense que vous n'avez pas pris la mesure du caractère confiscatoire d'une telle taxation qui revient à réduire le patrimoine du contribuable de presque 50% en vingt ans (calculez les intérêts composés). Ajoutez les impôts sur les plus values, les frais de succession et la TVA en cas de consommation et on atteint des niveaux délirants. S'il est normal que chacun participe à l'effort national à hauteur de ses moyens, il ne faut pas pour autant perdre le sens. Ceci ne fera qu'encourager l'évasion fiscale des plus riches.
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