lundi 12 mai 2025

Aide à mourir : le Munich moral et humaniste de la gauche (des macronistes, il n’y avait rien à attendre)

Sur le principe, je suis favorable au fait de créer un droit pour une aide à mourir. Il me semble que les règles actuelles sont trop restrictives pour des personnes qui ont clairement exprimé la volonté de mettre fin à leur jour, du fait d’une maladie très douloureuse et incapacitante. Malheureusement, l’évolution du projet qui revient à l’Assemblée aujourd’hui semble refuser tout garde-fou et pose de graves problèmes.

 


Aider à mourir, ce n’est pas un laisser faire imprudent

 

Bien sûr, les défenseurs du projet, et les médias qui les relaient, pointent une définition très précise, et soit-disant assez restrictive, des conditions permettant de solliciter cette aide à mourir. Il faut avoir au moins 18 ans, être français ou résidant en France, être atteint d’une « affection grave et incurable, quelle qu’en soit la cause, qui engage le pronostic vital, en phase avancée ou terminale (provoquant) une souffrance psychique ou psychologique réfractaire aux traitements ou insupportable, (et) être apte à manifester sa volonté de façon libre et éclairée ». Malheureusement, le passage du projet de loi en commission soulève de nombreuses questions bien développées par un groupe de députés emmenés par le médecin Philippe Juvin, ou par Claire Fourcade, médecin en soins palliatifs, sur les réseaux sociaux.

 

Le groupe de députés pointe un problème de garde-fou, au regard des expériences d’autres pays. Le premier point qu’ils critiquent est le fait que la procédure prévue n’impose d’avoir vu physiquement qu’un seul médecin, qui pourra statuer seul. Ils pointent que d’autres procédures importantes imposent une procédure collégiale. Ici, l’avis du second médecin est purement consultatif, et il n’a pas obligation de rencontrer la personneL’obligation de consulter un psychiatre pour les cas de détresse psychologique ou de dépression a également été rejetée, tout comme l’avis d’un juge ! Pourtant, c’est une procédure en vigueur pour les dons d’organe entre parents vivants, pour éviter les abus de faiblesse et les pressions… La commission a également refusé la signature d’un document écrit, acceptant les demandes orales, le tout dans des délais extrêmement courts. D’autres pays choisissent des délais de réflexion bien plus longs.

 

Pire, les auteurs de la tribune pointent que les critères d’accès tendent à être étendus dans un second temps, au point que plus de 5% des décès aux Pays-Bas sont des euthanasies, près de 10 000 personnes par an. Ils pointent également que les plus pauvres y ont deux fois plus recours au Canada, dénonçant l’inhumanité de cette évolution. En Belgique, les mineurs y ont accès, et aux Pays-Bas, les dépressifs également, dont on peut se demander si aujourd’hui déjà, le cadre actuel de la loi ne permettrait pas l’accès en France… Claire Fourcade a fait un travail remarquable, mais également assez effrayant, de recensement de tous les amendements rejetés et adoptés en commission des lois sur le projet. La liste des amendements refusés montre à quel point les promoteurs du projet ont refusé bien des garde-fous permettant de s’assurer que l’aide à mourir ne résultait d’un abus de faiblesse ou d’une dépression très forte à traiter d’une autre manière qu’en donnant accès à un suicide assisté à la personne dépressive.

 

L’examen des amendements acceptés n’est pas plus rassurant, entre suppressions de nombreuses barrières, et dérive langagière orwellienne glaçante prétendant nommer la mort assistée « mort naturelle » ! Et pour qui prend un peu de recul sur les soutiens politiques du projet, difficile de ne pas échapper à une forme de vertige. C’est bien la gauche qui, dans une alliance avec la macronie, a permis l’écriture du projet tel qu’il arrive dans l’hémicyle. Comment des personnes qui se disent de gauche peuvent accepter avec autant de légèreté des procédures aussi limitées pour autoriser la mort assistée d’une personne humaine ? Ne devraient-ils pas être les premiers à vouloir s’assurer que les abus de faiblesse sont impossibles et qu’une telle décision ne peut pas être prise à la légère ? Quelle dégénérescence de la pensée a pu accoucher d’un tel projet qui confine au caprice d’un libertarisme évacué du moindre humanisme ?

 

Les dérives prévisibles d’un système manquant de garde-fous sont déjà si évidentes que les amendements encadrant ce droit, auquel je suis favorable, dans un cadre rigoureux, auraient pu être assez consensuels. La question qui se pose aujourd’hui, c’est quelle dérive stupéfiante de la pensée les a fait refuser, et sur quelle pente (eugéniste ?) cela pourrait nous engager. Pour cela, il faut s’opposer au texte actuel.

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