vendredi 14 octobre 2011

Les conséquences économiques du vieillissement


C’est un nouveau papier très intéressant de The Economist sur les conséquences économiques du vieillissement démographique des pays occidentaux, notamment sur le prix des actifs, notamment de l’immobilier. Un constat particulièrement intéressant.

La crise financière du Japon

L’explication traditionnelle de la crise du Japon qui dure depuis 20 ans est que le pays subit le contrecoup d’une énorme bulle économique, comme l’analyse Morad El Hattab dans son dernier livre. Il soulignait que l’inflation des actifs (immobiliers et boursiers) représentait pas moins de trois fois le PIB nippon de 1986 à 1989. Mais l’explosion de la bulle (le Nikkei a perdu plus de 75% de sa valeur en vingt ans) a lourdement pesé sur la croissance pour deux raisons.

Tout d’abord, tous les acteurs économiques ont cherché à réduire leur endettement pour compenser l’effondrement de la valeur de leurs actifs. Cela a déprimé la consommation puisque les ménages et les entreprises ont augmenté leur taux d’épargne pour améliorer leur bilan. En outre, le gouvernement a tardé à faire le ménage dans le système bancaire, ce qui a ralenti le redémarrage de l’économie, contrairement à la crise des caisses d’épargne aux Etats-Unis.

Démographie et prix des actifs

Mais l’hebdomadaire britannique apporte le regard d’un économiste de la Banque du Japon qui y voit également le rôle de la démographie particulière du Japon. En effet, le Japon présente un des taux de natalité les plus faibles du monde (il née près de deux fois moins d’enfants qu’au sortir de la guerre ou au début des années 1970) et sa population a commencé à baisser en 2005. Des études annoncent que le pays sera moins peuplé que la France à la fin du siècle !

Les conséquences sont simples : les actifs épargnent pour leur vieux jours et cela contribue à augmenter la demande et donc les prix des différents actifs, notamment immobiliers. En revanche, les retraités ont tendance à vendre pour entretenir leur pouvoir d’achat, ce qui fait baisser les prix. Une étude de la BRI affirme qu’une augmentation d’1% du PIB/ha et de la population provoque une hausse du prix de l’immobilier d’1% quand la hausse du ratio de dépendance les baisse de 0.66%.

Les conséquences pour l’avenir

Et il faut dire que ces hypothèses se trouvent confirmées par la stabilité des prix de l’immobilier au Japon, en Allemagne et en Italie depuis 10 ans, les trois pays développés qui ont la démographie la plus faible. Au contraire, les bulles ont été fortes dans les pays plus dynamiques démographiquement : Etats-Unis, Grande-Bretagne et France. Le cas espagnol reste à part du fait de la forte immigration (qui augmente la population) et de l’investissement dans le domaine du tourisme.

Du coup, il est probable que les marchés immobiliers restent peu dynamiques au Japon, en Allemagne et en Italie. Mais cela pourrait être positif pour l’économie en donnant un avantage comparatif en matière de coût de l’immobilier. Dans les autres pays, l’augmentation du ratio de dépendance des retraites devrait freiner l’augmentation du prix des actifs, étant donné qu’un nombre grandissant de retraités devrait utiliser leurs économies pour soutenir leur pouvoir d’achat.

Le vieillissement de nos populations a commencé à peser sur les prix des actifs dans les pays où il est le plus fort (Japon, Allemagne, Italie). Avec le temps, la divergence entre les économies européennes va s’accentuer, renforçant le besoin pour des politiques économiques nationales différentes… 

16 commentaires:

  1. Je n'arrive pas à comprendre cette obsession pour la croissance démographique, cette fuite en avant permanente présenté trop souvent comme 'LA' solution au paiement des retraites futures... vaste plaisanterie.

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  2. Tout à fait d'accord avec Alain, une croissance sans limites est simplement impossible...
    C'est au contraire la décroissance démographique qu'il faudrait prôner pour éviter des crises indescriptibles de l'alimentaire, de la pollution, de l'énergie, des matières premières, etc.

    Pour s'en convaincre il suffit de lire les rapports Meadows et en particulier celui de 2002 (seulement paru en anglais sous le titre " the 30 year update " mais dont vous pouvez trouver le résumé ici : http://www.societal.org/docs/cdr2.htm )

    Mais de toute façon je pense qu'il est trop tard, la croissance de l'Afrique est incontrolable: les pays riches devront protéger militairement leurs frontières s'ils veulent garder leurs niveaux de vie.

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  3. Je suis d'accord avec les commentaires précédents. La grande erreur du système économique actuel est d'être basé sur la croissance. Nous vivons dans sur une planète, espace par définition limité, et vouloir une croissance infinie dans un espace fini ne peut que nous amener dans le mur. Le débat devrait être: de combien de temps disposons-nous et quelles mesures prenons-nous. Par exemple, un système de retraites para répartition est une arnaque pour les générations futures.

    L'obsession pour la croissance, c'est ce qui a créé l'obsolescence programmée des biens, une chose qu'on trouve presque normale de nos jours, mais qui est tellement coûteuse en ressources à long terme que nous sommes presque déjà condamnés au pire.

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  4. J'aimerais signaler un billet qui fait suite à l'article du WSJ Tallying the Toll of U.S.-China Trade qui avait sucité l'intérêt de LP. J'espère que c'est suffisamment connexe à ce billet et + généralement aux sujets du blog (je dis ça en référence au rappel que ce blog n'est pas un mur publicitaire, mais si je me trompe, faites le moi savoir)

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  5. Je suis surpris des réactions malthusiennes que ce post a suscitées. Entre l'explosion démographique (l'Afrique) et la baisse continue du nombre de naissances(l'Allemagne ou le Japon) on peut imaginer un juste milieu non ? De ce point de vue, la situation française est encourageante, et suffirait à montrer le divorce entre le peuple et ses élites: Frédéric Lefèbvre nous explique que nous faisons trop d'enfants, et Terra Nova, le think tank du PS, voudrait carrément que nos futurs gouvernants incitent les classes populaires à moins se reproduire. Il faudrait évidemment faire l'inverse: adapter notre politique économique et monétaire au défi (et à la chance) que représente le fait d'assurer le renouvellement de notre population. Si nous ne le faisons pas, si nous continuons à avantager la rente au détriment de l'investissement, si nous nous enfermons dans des politiques déflationnistes calquées sur l'Allemagne, les jeunes se retourneront un jour contre leurs aînés - et ils auront raison.

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  6. @Julien M.

    Lévi-Strauss: « Ce que je constate : ce sont les ravages actuels ; c'est la disparition effrayante des espèces vivantes, qu'elles soient végétales ou animales ; et le fait que du fait même de sa densité actuelle, l'espèce humaine vit sous une sorte de régime d'empoisonnement interne —-si je puis dire—- et je pense au présent et au monde dans lequel je suis en train de finir mon existence. Ce n'est pas un monde que j'aime »

    Je ne vais pas envenimer ce débat mais on peut très bien avoir une politique de décroissance globale (et non de "déflation") qui privilégie les jeunes ou équilibre les richesses. Seulement il faudra accepter de limiter les besoins dont on n'a pas besoin, s'ils sont trop énergivores en matières premières et en énergies diverses. Une telle société reste possible ( http://www.ecosocietal.org ) mais plus pour longtemps je pense.

    Non, la situation française, comme celle de nombreux autres pays, n'est pas "encourageante" ( http://postjorion.wordpress.com/2010/08/21/121-a-j-holbecq-populations-soutenables/ )

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  7. @ A-J Holbecq
    Lévi-Strauss a écrit des choses justes, et aussi pas mal de bêtises. Le relativisme culturel dont procèdent ses études, cette idéologie du tout-se-vaut, me paraît en particulier très contestable. Je ne suis pas surpris, compte tenu de son peu de confiance en l'homme, et en l'idée même de progrès, qu'il ait lui aussi développé un discours malthusien à la fin de sa vie.
    Je préfère le terme "développement durable" au mot "décroissance": la décroissance, c'est la glorification du déclin économique et social, une pensée que je trouve, pardonnez-moi, réactionnaire et rétrograde. En revanche, il va de soi que l'activité économique doit tenir compte des réalités environnementales. La démondialisation, et notamment la relocalisation des industries, sont un bon moyen d'y parvenir. Mais renoncer à produire des richesses, c'est mourir.

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  8. Encore une fois pas d'accord avec AJH.

    La croissance de la population de l'Afrique n'est en rien incontrôlable. Par contre les aborigènes d'Australie et les Indiens des Amériques peuvent dire que la population européenne au 19e siècle s'est abattue tel une nuée de criquets.

    La croissance de la population africaine n'est pas incontrôlable car on se rend compte que les taux de natalité chutent rapidement partout sur le continent. Mais comme pour un supertanker il y a un effet d'inertie avant que cet infléchissement se fasse ressentir.

    Non pour moi les problèmes sont ailleurs : éducation ; gestion intelligente des ressources ; innovations ; des villes plus concentrées pensées pour le vélo, la marche ou les transports en commun ; écoagriculture ; etc.

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  9. Il est évident que la bulle immobilière espagnole est en grande partie due au nombre toujours importants d'étrangers (Français mais aussi et surtout Britanniques, Allemands, Suédois, Néerlandais...) qui veulent y passer leurs vieux jours en y achetant une résidence secondaire ou même principale.

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  10. croissance infinie dans un système fini, il faut être fou ou économiste » (Kenneth Boulding)

    peut etre que "The economiste " a trouvé une solution pour les terriens s’échappent massivement et rapidement du système solaire

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  11. Papier fort intéressant.

    En ce qui concerne l'explosion démographique de l'Afrique, l'évolution du monde arabe devrait inciter à un certain optimisme. Ce que l'Europe a réalisé en deux siècles, y a en effet été réalisé en seulement 40 ans. Il n'y a pas de raisons de penser que l'Afrique restera hors du mouvement. Et ce n'est sans doute pas un hasard si un des pays les plus alphabétisés du continent, comme le Ghana, est en pointe à cet égard.

    A propos de Lévi-Strauss, ce qui est choquant chez lui, c'est bien souvent sans manque de relativisme (par rapport à l'islam ou aux formes culturelles propres au XXe siècle telles que le jazz), qui devrait pourtant être un prérequis professionnel chez un anthropologue. Par ailleurs, je vous signale qu'il ne reste plus grand chose de valable de ses théories sur les structures élémentaires de la parenté après le dernier livre de Todd.

    Emmanuel B

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  12. «J'aimerais signaler un billet qui fait suite à l'article du WSJ Tallying the Toll of U.S.-China Trade qui avait sucité l'intérêt de LP»

    Et maintenant son interprétation (ºC), le dernier étant un résumé.

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  13. @ Tous

    Je pense également qu'il faut nuancer la démographie de l'Afrique, qui est en effet, comme un tanker. Les taux de fécondité s'effondrent à grande vitesse. Aujourd'hui, le Maghreb présente des indices totalement comparables à ceux de l'Europe. Mais, il faudra encore quelques décennies pour que la population se stabilise.

    Je ne partage pas non plus le malthusianisme. Bien sûr, il faut penser à la "soutenabilité" de notre croissance, mais je crois qu'avec les bonnes initiatives et le génie humain, nous y arriverons.

    En outre, il ne faut pas oublier deux choses. Tout d'abord, il y a 25 ans, on pensait que la population de l'humanité atteindrait 12 milliards de personnes. Aujourd'hui, on parle plutôt de 9 à 10 milliards.

    Ensuite, la population d'un certain nombre de pays commence déjà à décroître : Japon, Allemagne, Italie. Mieux, la population de la Chine s'approche également de ce moment, ce qui va fortement peser sur l'évolution de la planète.

    Les équilibres mondiaux, et notamment européens, vont être bouleversé par ces évolutions.

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  14. Enfin The Economist décide de considérer le facteur démographique dans l'économie, pendant des années il n'y en avait pour que la masse monétaire, les politiques économiques, le coût de la main-d'oeuvre, mais jamais ni l'immigration ni le vieillissement, sujets trop humains, trop tabous (quoi ? on ne pourrait pas tout simplement importer les jeunes qui manquent?)

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  15. L'augmentation de population est déjà un problème et le sera encore plus demain. Comment nourrir 9 milliards d'humains à l'horizon 2050 (si j'ai bonne mémoire) alors que la famine n'a jamais cessé sur notre bonne vieille planète.
    Par contre protéger un minimum nos industries et favoriser l'emploi est une nécessité absolue. Fermer nos frontières nous pénaliserait plus pr notre propre commerce.

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  16. Roger : on peut nourrir 12 milliards d'êtres humains (chiffre dont on sait, contrairement à d'anciennes prévisions, qu'on ne l'atteindra pas). C'est un problème de répartition des ressources, pas de leur existence.

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